Poche
Parution Nov 2022
ISBN 978-2-88907-092-3
Format: 105x165 mm
Disponible

Préface de Marc Atallah

C. F. Ramuz

Présence de la mort

Petite bibliothèque ramuzienne
Parution Nov 2022
ISBN 978-2-88907-092-3
Format: 105x165 mm

Préface de Marc Atallah

Résumé

Dans son titre déjà, Présence de la mort envisage l’inéluctable disparition de toute chose, face à une catastrophe imminente. En 1922, C.F. Ramuz ne pouvait songer au réchauffement climatique ni même à l’effondrement de la société post-industrielle. Mais le tableau qu’il dresse dans ce roman d’anticipation est plus que jamais devant nous : sous le coup du cataclysme, le délitement de l’ordre social et des liens qui le sous-tendent annoncent la fin de l’expérience humaine telle que nous la connaissons.

 

Auteur

C. F. Ramuz

C. F. Ramuz est né en 1878 à Lausanne, où il a fait des études de Lettres avant de s’installer à Paris pour douze ans (1902-1914). Introduit dans le milieu littéraire par Édouard Rod, il y fait la connaissance du peintre René Auberjonois. Il rassemble les poèmes de son premier livre, Le Petit Village (1903), puis rédige notamment Aline (1905), Les Circonstances de la vie (1907) et Vie de Samuel Belet (1913). En 1914, Ramuz rentre en Suisse romande et fait paraître le manifeste Raison d’être, qui inaugure les Cahiers vaudois. Cette revue, autant que maison d’édition, publie aussi bien des créateurs romands majeurs que Romain Rolland ou Paul Claudel. L’œuvre de Ramuz, pétrie de pessimisme et de fatalisme, est une longue série de variations sur l’amour et la mort, seuls sujets vraiment dignes d’être traités, de son propre aveu. Ses audaces stylistiques lui valent le reproche de mal écrire « exprès ». Mais il n’est de loin pas partagé par tous: dès 1924, Bernard Grasset édite les romans de Ramuz et lui assure ainsi un succès auprès des critiques et du public français. Entre 1929 à 1931, il dirige la revue Aujourd’hui. Dans les dernières années de sa vie, résidant désormais à Pully, il publie des essais politiques et des textes autobiographiques, avant de s’éteindre à Lausanne en 1947. Ses Œuvres complètes (29 vol.) les plus récentes ont été publiées aux Éditions Slatkine et ses Romans (2 vol.) ont aussi paru dans la «Bibliothèque de la Pléiade».

Dans les médias

« L’apocalypse, Ramuz la montre par le paysage, par le silence, la lumière, les petits gestes, les pensées de chacun. Cela pourrait plomber, désespérer, mais le style chatoyant et précis vous enchante et vous fait venir les larmes. Le texte n’a rien perdu de sa modernité. Très travaillées, musicales, les phrases de Ramuz donnent pourtant l’impression d’être libres, farouches et indomptées. (…)

Si la chaleur abrase les différences et rend les hommes égaux, dans ces pages ce sont les plus humbles qui sont les plus émouvants: un homme seul avec son enfant; un vieux portant une hotte; un chien mort au bout de sa chaîne. Tout procure au lecteur (ici comme ailleurs, car c’est une œuvre universelle) un sentiment de fraternité, cristallisé dans la dernière phrase du livre, sous la forme d’une reconnaissance, d’un retour à la vie: «Mais c’est chez nous!» »  Julien Burri

« Passé l’incrédulité, les liens sociaux se délitent sous la chaleur croissante. L’écrivain décrit des scènes hallucinantes, comme une fête sauvage au Rôtillon, des pillages, des émeutes ou l’incendie des banques de Saint-François. » David Spring

« La réédition d’un court roman peu connu, Présence de la mort, montre à quel point Ramuz est l’un des plus grands écrivains de langue française.

(…)

Voilà que la mort a cessé d’être une abstraction pour devenir une présence ; la mort imminente et simultanée de tous les hommes. Eux n’y croient pas ; leurs habitudes les protègent. « Ils vont dans le temps comme si le temps devait exister toujours. » Chacun mourra comme il pourra, là où l’évidence l’aura surpris : pillage, orgie, meurtre, sacrifice, suicide, folie, noyade, écrasement, et enfin l’assouplissement général, sauf quelques-uns, qui à la fin vivront la mort de leur mort, selon une étrangeté très familière… » Philippe Barthelet

« Immense Charles Ferdinand Ramuz ! Le relire, c’est être à nouveau sous le coup de sa maestria. Découvrir ses écrits moins connus réserve le même sentiment. C’est le cas avec Présence de la mort. Paru il y a un siècle (1922), inspiré d’un été caniculaire sur les bords du Léman, ce roman d’anticipation parle de cataclysme et d’effondrement social. Sa dimension de révélation apocalyptique, surtout des comportements humains, résonne singulièrement à l’heure du dérèglement climatique. Nous voici sonnés, admiratifs une fois de plus de l’encre de l’écrivain vaudois. » Thibaut Kaeser

« Comme souvent, le point de vue de Ramuz commence par s’intéresser aux détails, aux signes avant-coureurs, au microcosme rural, pour laisser peu à peu deviner, au terme d’un véritable travelling poétique, toute la tragédie qui pèse sur les hommes et sur leur milieu naturel. L’argument est plus biblique que scientifique : « suite à un accident gravitationnel, la Terre tombe vers le Soleil » Voilà pour l’hypothèse. Ramuz signe ici un roman de science-fiction qui poétise la fin à travers une succession de portraits bouleversants, autant de plans fixes, de « miniatures » qui figent cette antichambre de l’apocalypse. D’une beauté radicale et suffoquant : voilà la science-fiction dans toute sa splendeur. » Marc Obregon

« Alors qu'on le connaît plutôt pour ses récits ancrés dans la vie rurale romande, Charles Ferdinand Ramuz publie un roman d’anticipation étonnant, qui plaira d'ailleurs peu à la critique de son temps. L'histoire commence par l'impensable : un accident cosmique dans le système de gravitation pousse la terre vers le soleil. Comment chacun, en Lavaux comme à Lausanne, affrontera-t-il sa finitude, imminente ? Face au cataclysme et à l'intense sécheresse qu'il provoque, l'ordre social se délite sur les bords du Léman. Inspirée sans doute par l'été caniculaire de 1921, cette dystopie qui vient d'être rééditée s'avère d’une fascinante et brûlante actualité. » Céline Prior

Extrait

Alors les grandes paroles silencieuses vinrent; le grand message fut envoyé d’un continent à l’autre par-dessus l’océan.
La grande nouvelle chemina toute cette nuit-là au-dessus des eaux par des questions et des réponses.
Rien pourtant ne fut entendu.
Les grandes paroles invisibles allaient et se croisaient, qui intéressaient tous les hommes; cependant aucun d’eux ne les entendit, qui étaient dessous, sur la mer, qui étaient dessous, sur la terre – quand elles vinrent, et elles venaient encore, mais rien dans le ciel ne changea.
Les grandes paroles passèrent non vues, ne troublant rien dans l’air au-dessus des vaisseaux chargés de marchandises et des transatlantiques blancs, dans un ciel seulement remarqué à cause de ses étoiles plus grandes qu’elles n’avaient jamais été encore, – et, au-dessus de la houle du large, elles passèrent dans un complet silence.
Une certaine nuit, ces mots, puis telles questions posées et la réponse à ces questions; – alors tout va tellement changer pour tous les hommes, qu’ils ne se reconnaîtront plus eux-mêmes, mais en attendant rien ne change; tout reste si tranquille, si extraordinairement tranquille sur les eaux, avec une aube qui se lève et devant sa belle couleur blanche fume la cheminée d’un grand navire qu’on ne voit pas.
Aujourd’hui comme toujours et comme si c’était pour toujours, – et il y a seulement que les grandes paroles invisibles ont été prononcées, communiquant le résultat de longs calculs et de minutieuses recherches: la terre qui retombe au soleil.
Par un accident survenu dans le système de la gravitation, rapidement la terre retombre au soleil et tend à lui pour s’y refondre.
Alors toute vie va finir. Il y aura une chaleur croissante. Elle sera insupportable à tout ce qui vit. Il y aura une chaleur croissante et rapidement tout mourra. Et néanmoins rien encore ne se voit.
Rien encore ne s’entend; silence partout et puis silence. Le message lui-même à présent s’est tu. Ce qui devait être dit l’a été; silence.
Le matin est venu sur la mer où le navire va remontant vers l’horizon la grande pente faite de beaucoup de petites pentes, auxquelles il s’attaque successivement comme la fourmi aux ornières.

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