Il faut ajouter tout de suite que le terme de roman sera pris dans sa seule acception littéraire. Toute une catégorie de romans, et non la moins nombreuse, échappe en effet, volontairement du reste, à la littérature. Ils ne prétendent qu’amuser et distraire un moment. Une intrigue «bien menée», des personnages «sympathiques», l’attention tenue en éveil, un style «facile et coulant»: voilà ce qu’on attend d’eux, on ne leur demande pas autre chose. Mais ils n’ont rien qui puisse retenir.
Placé devant la vie, le philosophe en dégagera une philosophie, le moraliste une morale: le romancier est un artiste, il en tirera une oeuvre d’art. Son rôle, mettons, si l’on veut, son devoir, car il y a dans sa mission quelque chose d’impératif, son rôle à lui n’est nullement de redresser, ni d’enseigner, ni même de renseigner: avec les éléments qu’il a à sa disposition, il cherchera à faire de la beauté.
«Le banal et le général», 1907