Poche
Parution Nov 2021
ISBN 978-2-88927-959-3
256 pages
Format: 105x165 mm
Disponible

Introduction de Jérôme Meizoz

C. F. Ramuz

Le lac aux demoiselles et autres nouvelles

C. F. Ramuz

Le lac aux demoiselles et autres nouvelles

Petite bibliothèque ramuzienne
Parution Nov 2021
ISBN 978-2-88927-959-3
256 pages
Format: 105x165 mm

Introduction de Jérôme Meizoz

Résumé

Ces nouvelles tardives, écrites entre 1943 et 1947, largement méconnues, dévoilent la modernité d’un écrivain qui a atteint une maîtrise virtuose de la narration. Elles déploient des récits visuels où la solitude de l’homme, le désir et la mort prédominent dans une esthétique du fragment. Ramuz s’y montre, plus encore que dans le reste de son œuvre, attentif aux personnages en marge, à la violence et à la folie sous toutes ses formes.

 

Auteur

C. F. Ramuz

C. F. Ramuz est né en 1878 à Lausanne, où il a fait des études de Lettres avant de s’installer à Paris pour douze ans (1902-1914). Introduit dans le milieu littéraire par Édouard Rod, il y fait la connaissance du peintre René Auberjonois. Il rassemble les poèmes de son premier livre, Le Petit Village (1903), puis rédige notamment Aline (1905), Les Circonstances de la vie (1907) et Vie de Samuel Belet (1913). En 1914, Ramuz rentre en Suisse romande et fait paraître le manifeste Raison d’être, qui inaugure les Cahiers vaudois. Cette revue, autant que maison d’édition, publie aussi bien des créateurs romands majeurs que Romain Rolland ou Paul Claudel. L’œuvre de Ramuz, pétrie de pessimisme et de fatalisme, est une longue série de variations sur l’amour et la mort, seuls sujets vraiment dignes d’être traités, de son propre aveu. Ses audaces stylistiques lui valent le reproche de mal écrire « exprès ». Mais il n’est de loin pas partagé par tous: dès 1924, Bernard Grasset édite les romans de Ramuz et lui assure ainsi un succès auprès des critiques et du public français. Entre 1929 à 1931, il dirige la revue Aujourd’hui. Dans les dernières années de sa vie, résidant désormais à Pully, il publie des essais politiques et des textes autobiographiques, avant de s’éteindre à Lausanne en 1947. Ses Œuvres complètes (29 vol.) les plus récentes ont été publiées aux Éditions Slatkine et ses Romans (2 vol.) ont aussi paru dans la «Bibliothèque de la Pléiade».

Dans les médias

« (…) Ce ton, on le connaît. C'est celui, inimitable, haché, rude et caressant à la fois, de Ramuz. On le retrouve dans ces quinze nouvelles tardives, écrites durant les dernières années de l’écrivain, entre 1943 et 1947 II leur donne quelque chose de familier, tout comme les décors romands, des rives du lac aux sommets alpins, dans lesquels elles se déroulent, mais sous le vernis se devinent d'insondables ténèbres. C'est qu'il est faible, souvent cloué au lit par la maladie, et porte un regard désabusé sur les passions des hommes. Et le rideau tombe sur les scènes de ses nouvelles comme la nuit sur le lac. » Clément Grandjean

« Malade, Ramuz pose un regard à la fois sombre et vibrant sur le monde : la mort frappe dans ces pages angoissées et parfois angoissantes pour le lecteur qui découvre ici un pendu, là le noyé qui nous revient comme un caprice du lac, ailleurs encore divers accidents qui brisent la promesse d’un bonheur, une vie trop jeune ou une existence déjà longue suspendue à l’espoir d’une renaissance. C’est Ramuz lui-même et c’est nous tous. Mais lui tient à le dire et à l’écrire avec une énergie, une précision, une «pulsion scopique», voire érotique, comme le signale le préfacier, un style qui épouse l’incertitude et la fragmentation de nos vies chaotiques, que nous soyons ou non relativement privilégiés. Ramuz écrivain poursuit sa quête lancinante d’une parole vive jusqu’au seuil de la mort et «invite aussi le lecteur à une singulière manière de voir.

C’est incisif, poignant, et parfois réconfortant quand un paysage, un corps, un visage se laissent admirer, se donnent à voir comme un heureux hasard, le temps d’un rêve, d’un signe de la main ou d’un bonheur insaisissable. »

Un article de Nadine Richon à lire en entier ici

« Le monde de Ramuz est fait de morceaux entassés et juxtaposés. Et Jérôme Meizoz parle à juste titre d’une « tension entre les fragments et le tout, présente aussi bien dans le style que dans l’intrigue ». Car ce qui est sûr, c’est que ce curieux travail de mise en morceaux et de recomposition exhibe, à travers la phrase faussement embarrassée du grand Vaudois, le geste même de l’écriture. Et met aussi en scène une dialectique du vide et du plein, un effort toujours recommencé pour atteindre à une plénitude qui se dérobe. »

Une chronique de Pierre Ahnne à lire en entier ici

« Charles Ferdinand Ramuz est un immense écrivain. On a (re)lu avec plaisir ses classiques Aline et La Beauté sur la terre dans la collection « Petite Bibliothèque ramuzienne » aux Éditions Zoé. On picore aussi ses nouvelles, bien moins connues que ses romans. (…) Doit-on signifier que ce ne sont pas des à-côtés ? Même s'il n’en a pas l'air, Ramuz réserve son lot de surprises. Un auteur à la modernité définitivement traditionnelle. » Thibaut Kaeser

Extrait

Le grand événement de cette fin de juillet fut qu’on avait cambriolé, pendant la nuit, la boutique des époux Menu, dans la Grand-Rue.

De bonne heure, le juge d’instruction était arrivé avec la police et son secrétaire, pour procéder aux constatations. Il avait été facile de se rendre compte que le ou les cambrioleurs devaient connaître parfaitement l’état des lieux, parce qu’ils avaient passé par derrière.

Il y a là plusieurs petites cours qui communiquent, et on arrive ainsi sans peine à une porte de bois plein qui n’était jamais que poussée, et ouvrait elle-même sur une porte vitrée, laquelle donnait accès dans l’arrière-boutique.

Les voleurs étaient exactement renseignés. Ils n’avaient eu qu’à découper au diamant le carreau placé à côté de la poignée et, passant la main par le trou, tourner la clé qui était restée dans la serrure, à l’intérieur.

Il y avait de la négligence, il faut bien le dire, dans le cas des époux Menu, mais la mère Menu disait : « Qui est-ce qui se serait attendu à une chose pareille ? »

Quoi qu’il en soit, une fois qu’ils avaient été dans l’arrière-boutique, les voleurs avaient pu opérer tout à leur aise, ayant sans doute une lampe de poche, ce qui leur avait permis de se glisser sans faire de bruit et sans rien déranger entre les tonneaux, les bidons vides, les sacs superposés, les caisses empilées, jusqu’à la boutique elle-même où une porte volante donnait accès.

C’était une boutique où on vendait de tout, une de ces boutiques de village, où il y a sur des rayons des boîtes de thon et de sardines à côté d’écheveaux de laine dont la couleur se montre par une déchirure du papier ; une de ces boutiques où on peut acheter aussi bien pour deux sous de caramels qu’une paire de pantoufles chaudes, aussi bien du pétrole ou du sucre que des aiguilles ou des boutons.

Dans le bout du comptoir, une caisse enregistreuse toute neuve était posée au-dessus d’un tiroir-caisse de sapin.

Rien n’était plus facile que de le forcer, ce qu’on avait fait.

On n’avait eu qu’à introduire l’extrémité d’un tournevis entre sa partie supérieure et le bâti ; il avait suffi alors d’une simple pesée pour faire sauter la planchette mince qui le fermait sur le devant.

– Et combien y avait-il dedans, savez-vous ?

Le père Menu :

– Au moins six cents francs.

La mère Menu :

– C’était l’argent de la semaine… Ah ! j’y disais bien, à mon mari, qu’il serait peut-être plus prudent de monter chaque soir la recette de la journée ; mais que voulez-vous ? depuis trente ans… Depuis trente-sept, trente-huit ans qu’on est là et il ne nous était jamais rien arrivé. Mon Dieu, dans quels temps vivons-nous ?

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