Poche
Parution Juin 2024
ISBN 978-2-88907-373-3
272 pages
Format: 105x165 mm
Disponible

Introduction de Vincent Verselle

C. F. Ramuz

Anti-poétique et autres propos sur l’écriture

C. F. Ramuz

Anti-poétique et autres propos sur l’écriture

Petite bibliothèque ramuzienne
Parution Juin 2024
ISBN 978-2-88907-373-3
272 pages
Format: 105x165 mm

Introduction de Vincent Verselle

Résumé

Toute l’œuvre de C. F. Ramuz peut être lue à la lumière de cette conviction. Écrits entre 1905, l’année où il publie son premier roman, et 1947, un mois avant sa mort, les textes réunis dans ce volume ne sont pas de la théorie: articles, préfaces ou lettres adressées aux éditeurs Grasset et Mermod, ils sont le fruit d’une pratique acharnée, d’une confrontation quotidienne avec l’écriture. Au fil du temps, Ramuz se forge et affine son idée de la littérature, questionne les manières d’en faire, et interroge le rôle de l’écrivain.

Auteur

C. F. Ramuz

C. F. Ramuz est né en 1878 à Lausanne, où il a fait des études de Lettres avant de s’installer à Paris pour douze ans (1902-1914). Introduit dans le milieu littéraire par Édouard Rod, il y fait la connaissance du peintre René Auberjonois. Il rassemble les poèmes de son premier livre, Le Petit Village (1903), puis rédige notamment Aline (1905), Les Circonstances de la vie (1907) et Vie de Samuel Belet (1913). En 1914, Ramuz rentre en Suisse romande et fait paraître le manifeste Raison d’être, qui inaugure les Cahiers vaudois. Cette revue, autant que maison d’édition, publie aussi bien des créateurs romands majeurs que Romain Rolland ou Paul Claudel. L’œuvre de Ramuz, pétrie de pessimisme et de fatalisme, est une longue série de variations sur l’amour et la mort, seuls sujets vraiment dignes d’être traités, de son propre aveu. Ses audaces stylistiques lui valent le reproche de mal écrire « exprès ». Mais il n’est de loin pas partagé par tous: dès 1924, Bernard Grasset édite les romans de Ramuz et lui assure ainsi un succès auprès des critiques et du public français. Entre 1929 à 1931, il dirige la revue Aujourd’hui. Dans les dernières années de sa vie, résidant désormais à Pully, il publie des essais politiques et des textes autobiographiques, avant de s’éteindre à Lausanne en 1947. Ses Œuvres complètes (29 vol.) les plus récentes ont été publiées aux Éditions Slatkine et ses Romans (2 vol.) ont aussi paru dans la «Bibliothèque de la Pléiade».

Dans les médias

« Une plongée dans l’un des textes les plus édifiants de l’écrivain vaudois. On connaît les difficultés qu’il a rencontrées, lors de la parution de ses livres en France : celui dont on disait «qu’il écrivait mal» s’est toujours défendu par son authenticité et son travail acharné sur l’écriture. Il refuse de se plier à l’hégémonie de la France sur l’espace francophone et ses variantes, et prône le droit de parler autrement. Il rappelle que «notre» français est tout aussi légitime que les «autres», qu’il est notre langue maternelle, et que nous nous passons volontiers de leçon à son sujet. Elle est notre culture, le fruit des chairs vivantes qui naissent et grandissent dans notre belle contrée. Alors, comme Ramuz, soyons fier de notre langue et de son originalité, qui forment une bonne part de notre identité! » Maxime Roch

« Un grand jongleur de mots-mondes et un de ces humoristes rares qui se dévoilent dans la finesse des sourires qu’ils engendrent. Le texte intitulé Écrivains et hommes de lettres daté de 1911 et qui pourtant semble sans rides, vous donnera l’exemple de cet humour qui ne dit son nom qu’à ceux et celles – moins rares qu’on pourrait le croire – susceptibles de le goûter. »
Un article de Noé Gaillard à lire ici

Extrait

Cher Monsieur Grasset, comme vous voyez, c’est un cas que je vous soumets, et ce n’est pas seulement mon cas. La question, qui m’est personnelle, est en même temps très générale; c’est en quoi j’ai pensé qu’elle pouvait vous intéresser. Et si je suis bien forcé pour finir de parler de moi, c’est que j’ai cru pouvoir la résoudre à ma façon, c’est que je suis un de vos auteurs et que je suis enfin, sans doute, de tous vos auteurs, celui qu’on accuse le plus souvent et le plus catégoriquement de «mal écrire». Je constitue ainsi, à moi tout seul, dans la réunion de vos «fournisseurs» une espèce d’extrême gauche ou d’extrême droite (comme vous voudrez), qui est l’objet de critiques d’une espèce particulière. Et ce ne serait rien encore si seulement j’«écrivais mal», mais on m’accuse encore de mal écrire «exprès», ce qui aggrave mon cas, et d’où des conséquences matérielles assez désagréables pour vous, pour moi des conséquences, disons spirituelles, qui ne sont pas moins désagréables, puisque, à tout prendre, je serais ainsi «dans le faux». Ai-je besoin de vous dire que cette accusation est
de beaucoup pour moi la plus grave de toutes, la seule à vrai dire qui me touche? Elle va très exactement en sens inverse de toutes mes tendances, de toutes mes recherches; elle me touche au point central, – ayant toujours tâché au contraire d’être véridique et ne m’étant mis à «mal écrire» que précisément par souci d’être plus vrai ou, si on veut, plus authentique, d’être aussi vrai, d’être aussi authentique que possible. Voilà le point central pour moi d’où je suis parti pour bien faire et où on me ramène assez honteusement en me disant que j’ai mal fait. Voilà pour moi le point le plus douloureux du débat: parce que j’aurais voulu ressembler, ressembler à quelque chose, alors qu’on m’assure que je diffère et je diffère sans raison; parce que j’aurais voulu m’oublier moi-même, me faire oublier en ceux que j’aime, et qu’on me reproche au contraire de chercher à me «distinguer». Et, moi, je ne sais pas, du moins je ne sais plus et à certains moments j’en viens même à douter du parti que j’ai pris (si c’est bien le mot) et où j’ai joué ma vie tout entière; – me disant à mon tour que peut-être je suis, en effet, dans le faux, ce qui est une horrible chose qui me ferait me taire du même coup et pour toujours, si je venais à m’en persuader. Mais est-ce que c’est bien vraiment le cas ? Cher Monsieur Grasset, vous voyez que j’ai besoin de vous, et c’est à vous que je continue à m’adresser, continuant à abuser de vous pour de nouvelles explications. Car remarquez encore que mon pays a toujours parlé français, et, si on veut, ce n’est que «son» français, mais il le parle de plein droit, ayant été romain lui aussi comme tant d’autres provinces de France, mais plus que beaucoup d’autres de ces provinces, étant en tout cas plus français dans ce sens-là que la Bretagne, ou le Pays basque, ou l’Alsace. Le pays qui est le mien
parle «son» français de plein droit parce que c’est sa langue maternelle, qu’il n’a pas besoin de l’apprendre, qu’il le tire d’une chair vivante dans chacun de ceux qui y naissent à chaque heure, chaque jour.

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