Domaine allemand
Parution Juin 2008
ISBN 978-2-88182-625-2
160 pages
Format: 140 x 210 mm
Disponible

Traduit de l'allemand par Marion Graf
Postface: Jochen Greven

Robert Walser

Poèmes

Domaine allemand
Parution Juin 2008
ISBN 978-2-88182-625-2
160 pages
Format: 140 x 210 mm

Traduit de l'allemand par Marion Graf

Résumé

Robert Walser est un poète à découvrir. Il publie ses premiers poèmes, âgé de vingt ans à peine, dans les plus prestigieuses revues de son temps, puis revient assidûment à la poésie dans les années bernoises, qui précèdent son silence définitif en 1933. Publiés jusqu’à Prague ou à Berlin pour certains, restés esquissés dans le territoire secret des microgrammes pour d’autres, ces poèmes tardifs vibrent d’une liberté et d’une audace à la fois souriante, fragile et souveraine.
Voici, en cinquante poèmes, une première approche d’une œuvre poétique tout en contrastes : autant de textes qui émeuvent et amusent, surprennent, déroutent, envoûtent.

Edition bilingue

Auteur

Robert Walser

Entre l’homme exemplaire qui a passé 23 ans interné à Herisau à ne s’occuper que de remplir strictement les tâches imposées, tel un moine, en ne se permettant que la promenade, les jours de congé, et le rebelle qui a dit «personne n’a le droit d’en savoir sur moi plus que moi-même», il y a la force d’un écrivain qui fait un avec son narrateur et son héros; qui se connaît lui-même mais ne s’adaptera jamais au monde social; qu’un rien surprend, quand il cherche un sujet partout dans une pièce, sous le lit et ailleurs, et qu’il s’exclame soudain devant le plus banal objet sous ses yeux, un parapluie défraîchi accroché à un vieux clou : voilà le sujet le plus admirable ! On ne peut que l’aimer à le suivre dans ses textes longs ou ses petites proses. On a envie de le voir joué au théâtre, d’en faire sa lecture quotidienne. Sa modernité tient certainement à la quantité de courts textes qui peuvent être lus rapidement, et à ses thèmes qui parlent à chacun.

Extrait

 

So gegen sieben Jahre lebte ich

dann in Berlin als ems’ger Prosaist

und kehrte, als die Herrn Verleger keinen

Vorschuss mir mehr gewähren wollten, in

die Schweiz zurück, die viele um der schönen

Berg’ willen lieben, um hier unverdrossen

fernerhin dichterisch bemüht zu bleiben.

Nun zähl’ ich immerhin schon fünfzig Jährchen,

sagen mir heute ein’ge graue Härchen.

 

 

Quelque sept ans, je vécus de la sorte

à Berlin en prosateur zélé,

puis regagnai, lorsque messieurs les éditeurs

ne voulurent plus m’accorder d’à-valoir,

la Suisse, que bien des gens chérissent

pour ses belles montagnes, afin de poursuivre

impavide, mes efforts poétiques.

Je compte à présent, tout de même, cinquante ans,

me disent aujourd’hui trois p’tits ch’veux grisonnants.

 

 

Was fiel mir ein?

Ja, es war hübsch für mich, mich nach der Göttin

zu sehnen, alle Plätze, alle Strassen hatten

ein Ansehen wie von reicherer Lebendigkeit.

Wie war’s mir mannigfaltig in der Seele, seit

ich sie für auserlesen herrlich hielt,

obschon ich offenherzig zu mir sprach: «Sie schielt.»

Das Fehlen der vollkommnen Schönheit

gab mir zu glauben Grund, sie sei die Schönste,

da Zärtlichkeit ja noch die Bildnerin

selbst ist. Wie kühl ist mit der Zeit das Herz mir

geworden. Habe ich den Schmerz vergessen,

der eigentlich das Sonnigste des Lebens ist,

woran ich mich erquickte, wie ich noch an keinem

Vergnügen hing? Wann ging die feine Stäubung

dem Schmetterling in mir verloren?

Wann fing es an, wann, wo begann, was mich

entfärbte, weshalb war’s mir eines Tages nicht

mehr möglich, süss um sie zu sterben, so

wie Liebende den blumenduftenden

Tod verstehen? Sieht für mich nun alles wie

entzaubert aus, doch müssen nicht die andern

auch lieblos durch das lange Leben wandern?

Was fiel mir schönheitstrunkner Seele ein?

 

 

Qu’allais-je imaginer ?

Oui, c’était bien joli pour moi de languir

après la déesse, toutes les places, toutes les rues

avaient un air, comme qui dirait, de vie plus riche.

Quel variété dans mon âme depuis

que je lui avais trouvé une touche

exceptionnelle, tout en me disant franchement: « Elle louche.»

L’inexistence de la beauté parfaite

me faisait croire qu’elle était la plus belle,

car c’est bien la tendresse, qui crée.

Quel froid, au cours des ans, pénétra dans

mon coeur. L’ai-je oubliée, cette douleur

qui est au fond le plus beau soleil de la vie,

à laquelle je me réchauffais, comme jamais je ne fis

à aucun plaisir ? Mais quand la fine poudroyance

s’est-elle perdue chez le papillon qui est en moi ?

Quand commença, quand, où, ce qui m’a

décoloré, pourquoi, un jour, me fut-il

impossible de subir pour elle une mort exquise, ainsi

que les amants savent mourir, dans un parfum de fleurs ?

Tout semble être à présent comme

désenchanté, pour moi, mais les autres ne doivent-ils pas

franchir la longue vie sans amour, eux aussi ?

Qu’allais-je imaginer, âme ivre de beauté ?

Du même auteur

L’homme à tout faire
L’homme à tout faire

Joseph Marti est engagé par Charles Tobler, inventeur riche et dépensier. Voilà le jeune homme immergé dans la vie des Tobler, chargé de tenir les comptes de son patron et d’éconduire les créanciers toujours plus nombreux, convié à jouer aux cartes avec Madame et à promener la famille en barque…

La buveuse de larmes
La buveuse de larmes

Voici trente-deux proses brèves qui révèlent Robert Walser en homme-orchestre, capable d’illustrer le genre du feuilleton dans toute sa bigarrure et sa mobilité. Tour à tour chroniqueur, épistolier, penseur, paraphraseur, flâneur, conteur, il observe l’animation d’une gare, médite sur la montée des nationalismes, perce à jour la comédie humaine ou…

Les rédactions de Fritz Kocher
Les rédactions de Fritz Kocher

Publié en 1904, Les rédactions de Fritz Kocher marque les débuts de Robert Walser sur la scène littéraire. Déjà, ses figures d’écrivains masqués, parmi lesquelles l’écolier subversif, expérimentent la langue et en explorent les limites pour dire le quotidien. Des proses raffinées, nuancées de satire, qui annoncent l’extraordinaire…

L’Étang et Félix
L’Étang et Félix

Les deux textes de théâtre réunis dans ce volume mettent en situation l’enfant et l’adolescent dans leur rapport avec le monde.
L’Etang est un texte de jeunesse que Walser offrit à sa sœur sous forme manuscrite. C’est la seule œuvre que Walser ait écrite en dialecte. Elle…

Ce que je peux dire de mieux sur la musique
Ce que je peux dire de mieux sur la musique

Passer une soirée avec Robert Walser à l’opéra ou au café-concert, le suivre dans un salon bourgeois ou dans une ruelle nocturne où flotte un air d’harmonica, écouter en sa compagnie Chopin, Mozart, des interprètes virtuoses ou débutants, partager son regard acéré sur l’institution musicale… entre Walser et la musique,…

Robert Walser, lecteur de petits romans populaires français
Robert Walser, lecteur de petits romans populaires français

Lecteur presque omnivore, Robert Walser était séduit par le roman populaire, ses ficelles et ses maîtres, Stendhal, Balzac, Sue et Dumas. Sans être vraiment bilingue, mais ayant grandi à la frontière des langues, il les lisait en français. Plusieurs proses écrites à Berne à la fin des années 1920 s’inspirent…

L’Enfant du bonheur
L’Enfant du bonheur

Après ses Lettres, les Editions Zoé traduisent les proses de Walser parues dans le Berliner Tageblatt. Les quatre premiers textes (1907-1908) correspondent au genre prisé du jeune Walser : la composition. Ils font entendre la voix d’un écrivain déjà profondément singulier. Tous les autres,…

Lettres de 1897 à 1949
Lettres de 1897 à 1949

Au fil de ces 266 lettres, c’est toute la vie de Robert Walser, de ses débuts presque enchantés jusqu’aux sombres années de silence littéraire, qui prend un relief nouveau. Écrites à Zurich, Berlin, Bienne, Berne et Herisau, adressées à ses sœurs, à ses éditeurs, mais aussi à deux femmes, Frieda…

Petite Prose
Petite Prose

Publié en 1917, Petite Prose illustre de manière exemplaire cette période charnière de la vie de Robert Walser que sont les années biennoises, après Berlin et avant Berne. Dans ces vingt et un textes, Walser explore avec jubilation tous les registres de la prose brève. Mêlant l’autobiographie et…

Au Bureau. Poèmes de 1909
Au Bureau. Poèmes de 1909

En 1909, à Berlin, alors que ses romans valent à Robert Walser un début de gloire, son éditeur Bruno Cassirer fait paraître un recueil de ses poèmes, quarante en tout, illustrés d’eaux-fortes du peintre Karl Walser, frère de l’auteur. Ces poèmes, écrits dix ans auparavant, sont pour certains les premiers…

Morceaux de prose
Morceaux de prose

Morceaux de prose, publié en 1917, est l’un des rares recueils composés par Robert Walser lui-même. L’auteur y propose des textes très brefs, écrits expressément pour être réunis en volume. De là, l’unité et l’harmonie de ce petit bouquet de dix-huit proses.
Contes, paraboles, petits tableaux,…

Cendrillon
Cendrillon

Cette étonnante variation sur le thème de Cendrillon paraît en juillet 1901 à Munich. L’auteur vient de fêter ses vingt-trois ans. L’une des ambitions des poètes de sa génération est de saper l’illusionnisme du théâtre naturaliste. C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’originalité et l’audace raffinée de…

Histoires d’images
Histoires d’images

Le premier interlocuteur de Robert Walser fut son frère aîné, le peintre Karl Walser. Même dans les années 1920 à 1933, lorsque cesse leur complicité et leur collaboration, le dialogue avec la peinture reste pour l’écrivain une source d’inspiration essentielle. En témoignent les textes présentés dans ce volume.  L’exactitude de…

Vie de poète
Vie de poète

« Je viens d’agencer solidement et de terminer un nouveau livre : 55 pages manuscrites, 25 proses, dont “Maria”. L’ouvrage s’intitule Poetenleben, et je le considère comme le meilleur, le plus lumineux, le plus poétique de tous mes livres jusqu’ici… Le choix porte exclusivement sur des pièces qui parlent de…

Seeland
Seeland

Seeland… il y a dans ce mot quelque chose de magique.
Seeland, ce peut être partout, en Australie, en Hollande ou ailleurs.
Après ses années berlinoises et avant de s’installer à Berne, Robert Walser passe sept ans à Bienne, sa ville natale (1913-1921). Plusieurs recueils paraissent durant ces…

Le Territoire du crayon
Le Territoire du crayon

« L’optimisme est une chose magnifique, voilà la réflexion que m’a inspirée une voix retentissante qui sortait de la bouche d’un promeneur. »

Robert Walser, né à Bienne en 1878, est mort à Herisau en 1956. Maître de la petite prose, il a écrit autant pour des livres…

Nouvelles du jour (Proses brèves II)
Nouvelles du jour (Proses brèves II)

« À quoi peut bien servir l’énergie, en l’absence de génie ? À propos, aujourd’hui, je me suis levé énergiquement, c’est-à-dire d’assez bonne heure, et de ce fait, je peux écarter le reproche d’être velléitaire. »

Cigogne et porc-epic
Cigogne et porc-epic

Scènes dialoguées !
Les brèves scènes dramatiques qui ont marqué les débuts et la fin de la carrière de Robert Walser (1878-1956), retrouvées, pour certaines, dans les célèbres microgrammes, sont à lire quant qu’à jouer. Comme un mobile, le moindre souffle suffit à faire bouger le délicat filigrane de…

Porcelaine
Porcelaine

Porcelaine

L’Etang
L’Etang

Robert Walser (1878-1956), salué de son vivant par les plus grands écrivains de l’époque, Brod, Kafka, Hesse, Musil, a été ignoré du grand public. Après une enfance à Bienne, sa vie d’écrivain fut une errance, d’abord en Allemagne, puis en Suisse, dans des conditions matérielles misérables. Il passe ses vingt-cinq…

Retour dans la neige
Retour dans la neige

Tout au long de sa vie d’écrivain, Robert Walser (1878-1956) a privilégié « la petite forme ». Son oeuvre principale est constituée par plus de mille cinq cents proses brèves parues dès 1899 dans les journaux les plus divers. Il arrive encore qu’on en découvre aujourd’hui, comme c’est le cas…

Félix
Félix

Les vingt-quatre dialogues de Félix composent une mosaïque de souvenirs. Walser y met en scène, autour de Félix, les figures des parents, des frères et soeurs, des camarades et autres familiers du monde de son enfance. Ces dialogues, où se jouent les conflits du jeune âge, sont autant…