parution août 2018
ISBN 978-2-88927-595-3
nb de pages 128
format du livre 125x175 mm

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en Suisse / en France

Daniel Vuataz,

Aude Seigne,

Bruno Pellegrino

Stand-by 4/4

résumé

Une semaine après l’éruption du supervolcan près de Naples, Alix a décidé de gagner l’épicentre du cataclysme : un périple dans une Italie apocalyptique.

Au Groenland, les Green Teens restés au camp de base sont tirés d’affaire, mais il faut retrouver les autres, disparus dans la tempête alors qu’ils étaient partis chercher de l’aide.

À Podgorica, Virgile, Nora et Vasko découvrent in extremis l’horrible secret d’Aden. En fuite après avoir laissé un corps inanimé, ils plongent dans l’excitation et la paranoïa, tandis que leur road trip balkanique se transforme en une course-poursuite infernale.

Le temps accélère, les actions se densifient : pas de happy end artificiel pour ce dernier épisode, mais un feu d’artifice qui clôt en beauté cette première saison de Stand-by.

Dessins de Frédéric Pajak

Daniel Vuataz

Travaillant la plupart du temps en collectif, Daniel Vuataz (1986) est l’auteur de Terre-des-Fins (roman de gare) et de Stand-by (série littéraire) avec Aude Seigne et Bruno Pellegrino, de Vivre près des tilleuls (avec l’AJAR, Flammarion et J’ai lu) et de Big Crunch (comédie musicale avec Renaud Delay). Il a aussi écrit un livre sur le renouveau de la presse littéraire romande des années 1960 (Franck Jotterand et la Gazette littéraire, L’Hèbe) et été secrétaire de rédaction de l’Histoire de la littérature en Suisse romande (Zoé). Il participe à la programmation des Lectures Canap et du Cabaret Littéraire à Lausanne. En 2022 avec Fanny Wobmann, Aude Seigne et Bruno Pellegrino, il fonde le studio d’écriture collective la ZAC (Zone à créer, à conquérir, à chérir – à choix).

Aude Seigne

À 15 ans, un camp itinérant en Grèce révèle à Aude Seigne ce qui sera sa passion et son objet d’écriture privilégié pendant les dix années qui suivront : le voyage. En parallèle de ses études gymnasiales, elle commence donc à voyager pendant l’été : Grèce, Australie, Canada, La Réunion. Le lycée terminé, elle découvre le temps d’une année sabbatique l’Europe du Nord, de l’Est, et le Burkina Faso. Elle effectue ensuite un bachelor puis un master en lettres – littérature françaises et civilisations mésopotamiennes – pendant lesquels elle continue d’écrire et de voyager autant que possible : Italie, Inde, Turquie, Syrie. Tous ces voyages, ainsi que la rêverie sur le quotidien, font l’objet de carnets de notes, de poèmes et de brefs récits.

C’est à la suite d’un séjour en Syrie qu’Aude Seigne décide de les raconter sous la forme de chroniques poétiques. Parues en 2011 aux éditions Paulette, ces Chroniques de l’Occident nomade seront récompensées par le Prix Nicolas Bouvier au festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo, et sélectionnées pour le Roman des Romands 2011. La même année, le livre est réédité aux éditions Zoé.

En 2015 paraît Les Neiges de Damas, suivi en 2017, d'Une toile large comme le monde. Parallèlement, Aude Seigne travaille, avec Bruno Pellegrino et Daniel Vuataz, à la série littéraire Stand-by, dont les deux saisons sont publiées respectivement en 2018 et 2019.

Bruno Pellegrino

Né en 1988, Bruno Pellegrino vit à Lausanne. Lauréat du Prix du jeune écrivain pour sa nouvelle «L'idiot du village» (Buchet/Chastel, 2011), il a publié quatre livres aux Éditions Zoé: Comme Atlas (2015), Là-bas, août est un mois d'automne (2018, qui remporte notamment le prix des Libraires Payot et le prix Écritures & Spiritualités), Dans la ville provisoire (2021, prix Michel-Dentan et prix Paysages écrits) et Tortues (2023). Bruno Pellegrino a été actif pendant dix ans au sein du collectif AJAR, auteur de Vivre près des tilleuls (Flammarion, 2016). Toujours chez Zoé, il co-écrit avec Aude Seigne et Daniel Vuataz les deux saisons de la série littéraire Stand-by (2018 et 2019) ainsi qu’un «roman de gare», Terre-des-Fins (2022).

RTS - Espace 2

"Ecrire un livre à six mains, une expérience unique dans le monde francophone"

La première saison de Stand-by chroniquée dans « Culture au point » . A réécouter ici  

Aimer Lire (Payot Libraire)

"Vous n’avez pas encore lu Stand-by? Dépêchez-vous de plonger dans ce feuilleton haletant! La première saison est enfin terminée avec la sortie de ce quatrième tome. Aussi efficace et rythmée qu’une excellente série télé, cette saga vous rendra accro aux destins de ces protagonistes que le hasard relie grâce à une éruption volcanique napolitaine qui paralyse toute l’Europe, des Balkans au Groenland en passant par la France."  Aurélie Sonnay, Payot Lausanne

Payot Lausanne

"Vous n’avez pas encore lu Stand-by? Dépêchez-vous de plonger dans ce feuilleton haletant! La première saison est enfin terminée avec la sortie de ce quatrième tome. Aussi efficace et rythmée qu’une excellente série télé, cette saga vous rendra accro aux destins de ces protagonistes que le hasard relie grâce à une éruption volcanique napolitaine qui paralyse toute l’Europe, des Balkans au Groenland en passant par la France."

Aurélie

Payot Lausanne

"Avec ses 12 x 18 cm pour 1 cm d’épaisseur, Stand-by est sans doute le plus petit « pavé » de la production francophone récente – à peine un gravier plutôt… Certes, mais les apparences sont trompeuses ! (...) l’enchevêtrement des épisodes et des destinées est si prenant, et si riche de réflexions sur l’état du monde, qu’on se contente de tourner les pages en attendant la suite de ce « pavé » fragmenté par une éruption volcanique aux époustouflantes conséquences !" Joëlle

Le Jour des silures (2023, domaine français)

Le Jour des silures

Dans un futur proche, la montée des eaux a eu lieu. Jeune présidente d’une ville pratiquement engloutie, Colombe croit à la décrue. Alors que la population se serre dans les derniers étages des immeubles et mène une vie nouvelle, communautaire, aquatique, Boris et Salömon, un duo de scaphandriers, plongent dans les rues à la recherche de vestiges et d’archives. Une mission qui n’est pas sans danger – surtout quand disparaissent les enfants et que rôdent les silures.

Tortues (2023, domaine français)

Tortues

Enfant, le dimanche, Bruno Pellegrino se réveille tôt: il lui faut vider et reclasser son bureau. Dans le tiroir du bas: les objets à sauver le jour où la maison brûlera. Devenu adulte, il cherche toujours une issue entre la hantise de perdre et l'obsession de s'alléger, qu'il trie les archives d'une écrivaine décédée, se lance sur la piste d'une poétesse inconnue ou cherche à fixer un souvenir d'enfance. Des pages lumineuses sur notre besoin de conserver et le bonheur de lâcher du lest.

Terre-des-Fins (2022, domaine français)

Terre-des-Fins

Terre-des-Fins est une ville minière sur le déclin, un terminus du monde uniquement accessible par le rail. Liv, une jeune femme graffeuse, délinquante à ses heures, y voit débarquer Sora, une ambitieuse fille de la capitale, qui vient chercher en urgence l'œuvre d’un artiste. Liv se retrouve à servir de guide à la jeune citadine, dont le souhait le plus cher est de rencontrer cet artiste qu’elle vénère tant. Un récit d’émancipation sauvage et intime sous des allures de roman de gare.

Daniel Vuataz, Aude Seigne et Bruno Pellegrino écrivent à six mains depuis la série littéraire Stand-by. Ensemble, ils ont créé une écriture qui conjugue vitesse, observation et amour de la narration.

Les Neiges de Damas (2022, domaine français)

Les Neiges de Damas

En 2005, Alice passe l’hiver au Musée national de Damas pour répertorier des tablettes d’argile sumériennes. Entre le présent suspendu et les fragments millénaires, elle vit la fin de son adolescence et perd ses illusions sur l’état plane et serein que serait l’âge adulte. Cette expérience, elle la raconte six ans plus tard, quand la Syrie n’est plus que conflits. Mais plus qu’à la géopolitique, Alice s’intéresse à l’archéologie intime du monde. En cherchant une cohérence aux choses, elle apprend à être heureuse avec des questions plutôt que des réponses.

Postface de Véronique Rossignol

L'Amérique entre nous (2022, domaine français)

L'Amérique entre nous

Pendant trois mois, un couple parcourt les États-Unis en voiture. Ciels, villes, animaux, tout les émerveille. Ils en profitent pour vérifier les clichés européens sur l’Amérique. Elle interviewe les stars et tente de distinguer le vrai de la fiction ; lui photographie les geais bleus et les loups. Elle assiste à un mauvais match de baseball, ils traversent des incendies. La narratrice a pourtant un objectif plus important : elle aime deux hommes à la fois mais ne cesse de retarder le moment d’en parler à son compagnon.

Dans ce roman sur l’Amérique et l’amour libre, la narratrice procède à une enquête passionnée. Un va-et-vient vertigineux entre exaltation et blessures, doutes et ténacité, qu’accompagne une play-list accordée à la tonalité de chaque partie.

Là-bas, août est un mois d'automne

Elle se passionne pour la conquête spatiale, prépare des gâteaux légendaires, tient le ménage. Poète, lui s’efforce d’inventorier le monde et ce qui va disparaître. Madeleine et Gustave ont toujours vécu sous le même toit. À les voir, on pense à deux chouettes endormies qui se shooteraient au thé. Ou à d'étranges adeptes d’une existence lente et régulière, passée dans une maison où il y a plus de tiroirs que de jours dans l'année.

Grâce à une écriture contemporaine, attentive à la lumière et au presque rien, Bruno Pellegrino réussit à nous rapprocher de ses personnages au point de nous propulser dans leur monde : une véritable expérience sensorielle.

Dans la ville provisoire (2021, domaine français)

Dans la ville provisoire

Au creux de l’hiver, un jeune homme s’installe dans une ville cernée par l’eau pour faire l’inventaire de l’œuvre d’une traductrice célèbre. Un ticket de supermarché enluminé de notes devient un document de même valeur qu’un manuscrit. Un tas d’habits sur le lit un indice aussi important que les piles de livres et de carnets. Dans un décor que floute l’omniprésence de l’eau, le jeune homme cherche à percevoir la voix de la traductrice, à se représenter son corps, jusqu’à emprunter ses gestes et ses pensées. Le processus d’allègement est inexorable et l’expérience devient vertigineuse. Ce roman baigné d’une lumière douce et trouble envoûte le lecteur grâce à une tension permanente, un secret.

Stand-by - saison 2

Trois adolescents en cavale avec une journaliste quadragénaire lancée dans une quête mystique en Italie. Un médecin napolitain fraîchement diplômé, sur le point de mourir au Groenland, dans une base militaire abandonnée. Une jeune femme qui écume New York pour retrouver son ex-petite amie disparue. Chacun doit se frayer un chemin dans un monde profondément bouleversé par l’éruption d’un supervolcan qui, après avoir paralysé l’espace aérien européen, est en train de faire chuter la température sur toute la planète.

Une Italie post-apocalyptique, une Europe plongée dans l’écologie totalitaire, des États-Unis où le slogan « Make America White Again » est devenu la norme : voici la saison 2 du feuilleton littéraire Stand-by, à lire indépendamment ou à la suite de la première saison.

Langue précise et sensible, atmosphères et personnages au plus proche du monde d’aujourd’hui, Stand-by, écrit à six mains par Bruno Pellegrino, Aude Seigne et Daniel Vuataz, réconcilie littérature et séries télé.

Stand-by - l'intégrale de la saison 1

Suite à une éruption sans précédent à Naples, toute l’Europe se retrouve paralysée sous les cendres.

Sur le point de s’envoler de Paris pour New York, la journaliste Alix Franzen est contrainte de revoir ses plans. Nora, Vasko et Virgile, trois adolescents en vacances dans les Balkans, se retrouvent sans adultes et découvrent l’indépendance, grisante et inquiétante. Au Groenland, une équipe de jeunes Européens en mission climatique reste bloquée, loin de tout secours.

Au fil des premières heures qui suivent cette apocalypse volcanique, chacun va devoir s’en remettre à ses ressources personnelles pour affronter la réalité d’un monde nouveau.

Langue précise et sensible, atmosphères et personnages au plus proche du monde d’aujourd’hui : écrit à six mains par Bruno Pellegrino, Aude Seigne et Daniel Vuataz, le feuilleton Stand-by réconcilie littérature et séries télé. Voici la version intégrale de la première saison, récompensée en 2018 par le prix de la relève de la Fondation vaudoise pour la culture.

Comme Atlas (2018, Zoé poche)

Comme Atlas

Comme Atlas est un petit précis de jalousie. D'Antananarivo à Tokyo, de Moscou à Pékin, la lente rupture amoureuse y prend la forme d’un voyage empreint par l’intuition que quelque chose se termine. Il en ressort ainsi une géographie particulière, où la précision et le rythme de l’écriture font que tout sonne juste, terriblement juste.

« Une histoire d’amour mélancolique, deux voyages, une rupture. On pense avoir lu ça cent fois, et puis non, les qualités du livre transcendent ce que l’histoire pourrait véhiculer comme clichés. » Isabelle Rüf, Le Temps.

Comme Atlas a été publié en 2015 aux éditions Tind sous le titre de Atlas nègre.

Stand-by 3/4

Au Groenland, la neige engloutit les repères, tandis que les cendres commencent de voiler le ciel français. Sur les paysages monténégrins, les pluies acides laissent des sillons noirs.

Le supervolcan « crache, depuis des jours, des milliers d’années de roches patiemment mitonnées », et les protagonistes de Stand-by sont confrontés à de nouvelles réalités : l’oncle Aden a du sang sur les mains ; la mort frappe les Green Teens ; Alix n’est plus seule sur la route.

Dessins de Frédéric Pajak

 

Stand-by 2/4

Un Groenland progressivement hostile, un Monténégro sous les cendres, une campagne française inquiétante et déserte : le décor de Stand-by est planté, place à l’action !

Alix a quitté Paris et entame une longue marche à travers la France, bravant les risques que peut courir une jeune femme isolée en pleine campagne.

Nora, Vasko et Virgile décident de partir pour Podgorica, où Vasko est attendu pour l’ouverture du testament de son père. Ils seront accueillis par l’oncle Aden, l’étrange frère du défunt.

Quant aux Greens Teens, ils sont condamnés à espérer un avion qui ne vient pas. Mais c’est sans compter un nouvel accident tragique qui va transformer leur attente en enfer.

Dessins de Frédéric Pajak

 

Stand-by 1/4

Lorsqu’un volcan dans la région de Naples entre en éruption, un prodigieux nuage de cendres paralyse progressivement l’Europe, clouant les avions au sol et brouillant les communications. Sur le point de s’envoler pour New York depuis Paris, Alix Franzen doit revoir ses plans. Au Monténégro, Nora, Vasko et Virgile, trois adolescents, se retrouvent sans adultes et découvrent l’indépendance, grisante et inquiétante. Au même moment, les Green Teens – une équipe de jeunes Européens qui accomplissent leur Service climatique obligatoire – reste bloquée au cœur du Groenland, loin de tout secours.

Voici le récit des premières vingt-quatre heures qui suivent l’éruption.

Dessins de Frédéric Pajak

 

Là-bas, août est un mois d'automne (2018, domaine français)

Là-bas, août est un mois d'automne

Voici un éloge de la lenteur et de la liberté, un roman sur un frère et une sœur qui vivent depuis toujours sous le même toit et qui ont conclu ensemble un pacte tacite. Madeleine fume le cigare, se passionne pour la conquête spatiale, tient le ménage de la maison et, surtout, protège son frère. Gustave, lui, s’acharne à inventorier le monde et ce qui va disparaître, en marchant, photographiant, écrivant. C’est que la paysannerie se transforme, ses rituels et ses objets aussi, et, avec eux, la nature.

Bruno Pellegrino saisit avec talent ce couple frère-sœur et le cocon qu’ils ont tissé au creux de leur environnement, entre autarcie et symbiose. Le rythme qu’il insuffle à ses phrases nous projette dans un monde bruissant de couleurs et de sensations, l’univers rural des années 1960, si proche car revisité avec les mots du XXIe siècle .

Ce premier roman s'inspire librement de la vie du poète Gustave Roud et de sa sœur Madeleine.

 

Laudatio de Michel Audétat à l'occasion de la remise du prix Alice Rivaz (novembre 2018)

"Peut-être ne se sont-elles jamais rencontrées. Que savait Alice Rivaz de Madeleine, la sœur du poète Gustave Roud? Que pouvaient-elles avoir en commun, l’une dans son bureau du BIT rempli des rumeurs du monde et du crépitement des dactylos, l’autre dans sa campagne vaudoise où le temps de l’histoire ne faisait pas oublier le temps des saisons? Refusant d’occuper la place qui lui était assignée, Alice Rivaz s’est insurgée contre la condition imposée à son genre. Elle a rompu. Elle s’est séparée d’elle-même, de son destin de «bonne petite», bousculant ainsi l’ordre des choses selon lequel il était mal vu qu’une femme se mêlât d’écrire des livres.

Comme Madeleine semble loin d’elle… On la voit, sur la couverture du roman, qui se découpe dans le cadre d’une fenêtre, la tête un peu penchée, le regard brouillé par l’ombre du chapeau. Mystérieuse Madeleine. Que sait-on d’elle qui vécut toute sa vie sous le même toit que son frère? Si peu de chose. Elle a été «la discrète». Non pas celle qui s’affirme, comme Alice Rivaz, mais celle qui s’éclipse, qui s’efface. Présence indéfectible mais devenue transparente, Madeleine n’est généralement pour les lecteurs de Gustave Roud qu’un détail dans un coin du tableau.

Le roman de Bruno Pellegrino nous encourage à réduire l’écart entre ces deux femmes. Il nous présente une Madeleine dont la discrétion ne serait nullement le corollaire d’une servitude. On retient plutôt l’image d’une force qui va. Veiller sur son frère cadet n’est pas un devoir auquel elle consent, mais l’exercice d’une tendresse quotidienne et ferme. Quand, pour un rien ou un presque rien, Gustave s’inquiète, s’alarme ou se met à blêmir, Madeleine prend les choses en main en étant sans doute la seule personne au monde capable de lancer à ce poète de frère: «Quel cirque tu fais, des fois, mon vieux Gustave…»

«C’était le moment!», se dit-elle aussi en 1971, le jour où les hommes de ce pays ont fini par accorder le droit de vote aux femmes. Peut-être aurait-il suffi d’une minuscule inflexion, à l’âge de vingt ans, pour que la vie de Madeleine prenne une direction inattendue. Bruno Pellegrino s’autorise à l’imaginer: «Si, comme Marion, elle était partie en Angleterre à ce moment-là, elle en serait revenue changée, renforcée, suffragette peut-être.» Entre Alice et Madeleine, des liens semblent se tisser d’eux-mêmes. On peut se les représenter comme deux fugitives, la première échappée de sa cage, la seconde rescapée de l’oubli grâce ce magnifique roman qui lui redonne vie. Ce soir, le jury du Prix Alice Rivaz est ravi de pouvoir rapprocher ces deux femmes.

Sur la quatrième de couverture, on lit que «ce roman s’inspire librement de la vie du poète Gustave Roud». Je crois qu’il faut insister sur le mot «librement» en précisant une chose: l’auteur fait partie d’un groupe de chercheurs qui travaillent à l’édition des «Œuvres complètes» de Gustave Roud, sous la direction de Claire Jaquier et de Daniel Maggetti. Bruno Pellegrino connaît donc parfaitement l’édifice de ces écrits, jusque dans les sous-sols des textes inédits dont il a glissé quelques phrases dans son propre roman. Le jury du Prix Alice Rivaz avoue n’y avoir vu que du feu.

Une telle connaissance de Gustave Roud aurait pu intimider le romancier. Ou l’encombrer. Au pire lui donner des semelles de plomb. On s’aperçoit au contraire que l’érudition ne pèse nulle part dans le flux de cette prose limpide et souple, à la fois vive et portée par le lent mouvement des jours, des saisons et des années qui s’en vont. Le titre du roman suggère lui-même un double mouvement de fuite. Dans l’espace: «Là-bas». Et dans le temps: «Août est un mois d’automne».

Ainsi, à partir de Gustave Roud, Bruno Pellegrino a inventé le personnage si touchant de Gustave. Le second a conquis sa liberté par rapport au premier et on ne peut que s’en réjouir: je suis convaincu qu’il existe, à Madagascar, Moscou ou Tokyo, des lecteurs qui, sans rien connaître de Gustave Roud, se sentiraient comme chez eux en ouvrant ce livre où un homme de 65 ans se tient dans son jardin, penché sur des fleurs de septembre. Le roman débute là où finit le «Candide» de Voltaire, dans ce jardin qu’il faut cultiver.

Bruno Pellegrino n’a pas écrit ce qu’on appelle un «roman biographique» et il tient à ce que le lecteur s’en aperçoive. À plusieurs reprises, un «je» s’immisce dans le récit, passe la tête dans le petit monde de Gustave et de Madeleine. Il rappelle qu’il est seul maître à bord, libre d’imaginer ici que Madeleine ne ferme pas ses volets, là que Gustave utilise des post-it… «Et pourquoi pas?», demande ce narrateur qui n’est pas dépourvu d’humour : «Il a bien le droit, pour une fois, d’être un peu en avance sur son temps.» Qu’on se rassure toutefois, cet anachronisme est le seul: Gustave ne surfe pas sur le net.

Ce roman, il faut plutôt le lire comme l’histoire d’un frère, d’une sœur et de la maison qui les abrite, puis qui leur survivra. L’auteur va de Gustave à Madeleine, de Madeleine à Gustave, distribuant son attention de façon égale entre l’un et l’autre, imprimant ainsi au roman le rythme régulier et lent d’une pendule à long balancier. Dix années s’écoulent au fil des chapitres, de 1962 à 1972.

Les gestes qui font cette vie commune sont décrits avec minutie. Ce sont souvent des gestes ordinaires. Il nettoie le jardin, pelle la neige. Elle balaie, récure, prépare des gâteaux au résiné. Mais on sent bien, à chaque page, que ces gestes ne sont pas que des mouvements de surface. Ils racontent au contraire l’essentiel: la création d’un monde partagé où le frère et la sœur s’accordent. Pour définir ce roman, je songe au mot inventé par Charles Dantzig dans son formidable «Traité des gestes»: ce pourrait être un «gestuaire», comme il existe des bestiaires.

Parfois, les gestes de Madeleine et de Gustave sont identiques. Chaque matin, chacun dans sa chambre, ils font leur lit de la même manière, secouant le duvet, tapotant l’oreiller. Et quand ils prennent le thé, ils accomplissent les mêmes gestes «vastes et tranquilles» qui viennent de loin: ceux, je cite, «des parents et des tantes, perpétués dans le calme de la chambre basse». Plus souvent, leurs gestes se répondent ou se démarquent. Il se penche sur ses notes et ses carnets; elle lève les yeux vers le ciel où croisent désormais les vaisseaux de l’épopée spatiale qui la fascine. On dirait un ballet: le roman est composé avec un art de chorégraphe.

Il y a aussi les gestes rares ou empêchés de la tendresse: quand elle marche près de son frère, Madeleine n’ose pas prendre son bras; cela ne se fait pas dans leur famille. Ou encore des gestes oubliés, perdus, disparus des campagnes, comme ceux des faucheurs dont les fléaux au chômage se folklorisent en décorant les fermes rénovées.

Et puis il y a la marche, ce mouvement du corps lancé sur les chemins, parfois jusqu’aux limites de l’épuisement. Gustave est un poète errant qui arpente son petit royaume de champs, de forêts, de ruisseaux, de lumières toujours changeantes. Je cite Bruno Pellegrino: «Il refait en boucle les mêmes découvertes, revient sans se lasser aux mêmes vieux paysages dont il documente patiemment la métamorphose.» Dans ces marches-là, comme dans le titre du roman, le mouvement dans le temps se superpose au mouvement dans l’espace. Gustave est ici un homme qui passe; le frère de Madeleine est ce passant magnifique qui nous inspire, à nous aussi, un sentiment fraternel. Car la langue nous trompe en nous faisant dire que le temps passe; c’est bien sûr nous qui passons.

Comme Gustave Roud, Bruno Pellegrino est sensible à ce qui se défait, se délite, s’effrite, va à son terme. Son précédent et premier livre, récemment réédité sous le titre «Comme Atlas», se présente comme la cartographie d’une rupture amoureuse à partir de deux voyages. Le premier à Madagascar où le narrateur part seul. Le second en train et en couple vers Moscou, Pékin, Tokyo. Miné par la jalousie du narrateur, leur amour se défait sur fond de paysages décrépits et sous le régime de l’interconnexion numérique: Facebook n’est pas pour rien dans ce naufrage amoureux.

«Comme Atlas» baigne en effet dans cette forme particulière de présence au monde à laquelle les nouvelles technologies nous ont acclimatés. On part, mais en gardant un pied dans le monde que l’on quitte. On se lance à travers les continents, mais l’instantanéité du numérique abolit les distances. Est-il d’ailleurs encore bien nécessaire d’aller vers le monde puisque l’écran permet au monde de venir à nous? Dans ce premier livre se profile une question à laquelle le second fait écho: comment habiter le monde?

En passant d’un livre à l’autre, Bruno Pellegrino a imité le Candide de Voltaire: il a quitté l’horizon mondialisé pour le modeste jardin où poussent le lys, la verveine, le pavot et les massifs de zinnias. Plus loin dans le roman, il est aussi question d’héliotropes, d’épilobes, de sainfoin, d’esparcettes, d’ancolies… C’est une fête végétale devant laquelle le narrateur lui-même reste songeur. Avant de conclure, j’aimerais citer ce très beau passage où il se confie:

«Quand je lève les yeux, je vois simplement des arbres, là où Gustave et Madeleine voyaient des tilleuls, des aulnes, des acacias, des érables. J’écris sur des gens qui étaient capables de nommer les choses, les fleurs et les bêtes, alors que j’ai besoin d’une application sur mon téléphone qui identifie les oiseaux par leur chant, les plantes par la forme de leurs feuilles, et je dois vérifier sur des sites de jardinage la période de semaison du blé et de floraison des cyclamens. C’est peut-être ce qui me fascine chez ces deux-là, leur manière lente et savante d’éprouver l’épaisseur des jours.»

Bruno Pellegrino s’est donc écarté du monde qui va à la vitesse de la lumière pour visiter cet autre monde de gestes lents et de longs crépuscules. Cela m’a rappelé un livre de Paul Virilio que j’avais lu jadis plutôt que naguère: «Vitesse et politique». En 1977, ce penseur aux accents prophétiques publiait ces mots qui semblent aujourd’hui plus pertinents encore qu’à l’époque où ils ont été écrits: «La vitesse c’est la vieillesse du monde. Emportés par sa violence nous n’allons nulle part, nous nous contentons de partir et nous départir du vif au profit du vide de la rapidité.» Le roman de Bruno Pellegrino porte, en creux, cette inquiétude sur la forme de présence au monde dont la vitesse nous prive. À sa manière très personnelle et avec des préoccupations d’aujourd’hui, il a écrit sa propre «Campagne perdue».

J’aimerais terminer en citant la première phrase du roman qui pourrait avoir une tonalité presque ironique: «Le temps des digitales est fini.» En l’occurrence, le mot «digitale» ne renvoie pas au numérique mais au végétal: il désigne ici une plante aux fleurs douces et toxiques que Gustave, enfant, enfilait peut-être sur ses doigts comme un gant. D’où la très belle image qui illumine ce début de livre: «Je le vois, enfant, les doigts vêtus de fleurs», écrit Bruno Pellegrino. Et c’est pour nous l’occasion d’ajouter que le Prix Alice Rivaz lui va également comme un gant."

Une toile large comme le monde (2017, domaine français)

Une toile large comme le monde

Sous nos trottoirs et nos océans, des millions de mails transitent chaque seconde à travers des câbles qui irriguent le monde. Surfant sur ce flux continu, Pénélope, June, Birgit et Lu Pan mènent leur existence de « millénials » aux quatre coins de la planète. Fascination ou familiarité, dépendance ou dégoût, leur rapport au web oscille, dans leur travail comme dans leur vie amoureuse. En découvrant l’univers de boîtes et de fils qui les relient bien plus concrètement qu’ils n’imaginent, ils élaborent un plan vertigineux pour atteindre leur but commun : mener une existence hors de la Toile.

Ce roman est un génial selfie du monde contemporain, dans lequel virtuel et réel sont toujours plus intriqués.

Vous avez lu le roman et souhaitez en savoir plus sur l'empreinte écologique du Web, l'installation des câbles sous-marins ou le fonctionnement d'un data-center ? Rendez-vous sur https://wordswideweb.tumblr.com, le blog d'Une toile large comme le monde !

Carnets ferroviaires. Nouvelles transeuropéennes

Que ce soit de Lausanne à Paris, de Vienne à Genève ou de Glasgow à Londres, chacun des treize auteurs de ce recueil situe son histoire à bord d’un train qui parcourt l’Europe. À l’occasion d’un long trajet en chemin de fer, l’une se souvient de son voyage dix ans plus tôt, elle traque la différence entre son être d’hier et d’aujourd’hui. Un autre se remémore la géniale arnaque dont il a été l’auteur, un troisième retrace l’incroyable hold-up ferroviaire du South West Gang dans l’Angleterre de 1963.

Ces nouvelles donnent une vue d’ensemble inédite sur la manière de concevoir l’Europe comme espace physique et symbolique. Les auteurs étant de générations très diverses, le lecteur appréciera les différentes manières d’appréhender notre monde proche et de s’y situer.

Nouvelles de Aude Seigne, Blaise Hofmann, Anne-Sophie Subilia, Gemma Salem, Bruno Pellegrino, Arthur Brügger, Daniel Vuataz, Marie Gaulis, Fanny Wobmann, Catherine Lovey, Julie Guinand, Guy Poitry, Yves Rosset.

Préface de Daniel Maggetti, postface de François Cherix

Les Neiges de Damas (2015, domaine français)

Les Neiges de Damas

Disponible en poche

Voici un livre sur Damas qui ne parle pas de Damas. C’est un hivernage intime, un trajet de taupe, un enfouissement. Une saison d’hiver passée en 2008 dans le sous terrain du musée national de Damas à dépoussiérer, photographier et répertorier des tablettes sumériennes. Alice raconte cette aventure six ans plus tard quand la Syrie n’est plus celle qu’elle a connue. Alice est une jeune femme qui, quittant l’adolescence, perd l’illusion que l’âge adulte est un état plane et heureux, qui serait le résultat du chemin tortueux de l’adolescence.

Aude Seigne a de l’appétit, et sa faim est plus grande que le doute, pourtant constant chez elle. Sa curiosité est immense, réjouissante et captivante. Sa finesse d’analyse douce et précise. Son ouverture sur le monde lumineuse. Sur Les Neiges de Damas, elle dit : « C’est un nouveau type de voyage. C’est un livre contre l’obligation de conclure. » C’est un livre de la génération de ceux qui regardent le monde depuis l’après mur de Berlin. Une écriture non pas militante mais engagée d’une grande voyageuse au repos, qui cherche à apprendre à être heureuse avec des questions plutôt que des réponses.

Chroniques de l'occident nomade (poche)

Bourlingueuse du xxie siècle, Aude Seigne écrit avec acuité et souplesse. Ses chroniques sautent allègrement d’un continent à l’autre, mettent en correspondance des pays et des bouts de souvenirs, des images, des gens, comme autant d’éclats de cet « état nomade » cher à Nicolas Bouvier.

« Je lis L’Idiot à Ouagadougou et l’idiot ne me rend pas heureuse mais me sort du temps où je vis. Dans le silence vertical de la rue ouagalaise aux heures brûlantes, je vois s’élever une datcha, des calèches, des duvets de neige. »

 

Chroniques de l'Occident nomade (2011, domaine français)

Chroniques de l'Occident nomade

Lectrice du monde et d'elle-même, Aude Seigne, bourlingueuse du 21e siècle, écrit avec une acuité et une souplesse inédites sur le voyage et ses amours lointaines.

Le voyage ? Un exercice de légèreté. Un ravissement aussi : parce que parfois la beauté est terrassante, complète, trop forte, une illumination, une sorte d’orgasme métaphysique tremblant. « Quelque chose craque en moi, une paroi se rompt sans crier gare, la possibilité de l’abîme se dévoile en même temps que celle du bonheur absolu. »

L’amour ? Les premières fois, un flirt qui peut « la laver de tout », ou encore le grand amour.

Chroniques de l’Occident nomade a tout d’un roman d’apprentissage. Aude Seigne tatônne autour du globe comme dans sa narration, elle le sait et le revendique. Le voyage certes, mais pour être plus présente au monde.

Ouvrage disponible en poche : http://editionszoe.ch/livre/chroniques-de-l-occident-nomade-1

Stand-by 4/4: extrait

Ciel du Groenland

Mike vérifie l'altitude et ajuste le casque de sa radio. Le petit avion rouge du Service climatique européen effectue une large boucle au-dessus de l’eau et met le cap au nord. L’aéroport de Nuuk disparaît. Mike vole, enfin.

Avant d'y être, les gens croient qu'il n'y aura rien. Des plaines immaculées sous des nappes de nuages. Des forêts de givre, des lacs de glace. Et peut-être, si on a de la chance, quelques bêtes sauvages aussi blanches que le reste : ours, phoques et lièvres arctiques, loups, eiders aux ailes déployées. Rien qu’un long pays neigeux, ton sur ton. On ne pense pas immédiatement aux montagnes, c'est pourtant par elles que l'île se signale.

Mike a beau en avoir l’habitude, c’est toujours un spectacle sidérant. Encore plus après une tempête de cette ampleur. Au sud, en octobre, ce n’est encore que végétation de toundra, bandes d’arbres nains et pentes moussues. Les taches colorées d’un village, le sillage d’un bateau de croisière. Même l’eau est verte. Mettre le cap au nord, c’est accélérer le passage de la saison. Le vent dessèche les montagnes. Des glaciers alimentent l’océan, déversant des troupeaux d’icebergs taillés comme des silex. L’eau s’alourdit, acquiert une viscosité d’alcool, élabore des plaques – la banquise se reforme lentement.

 

Quand Mike a quitté Kotor à l’aube pour prendre un vol de ligne qui devait le mener à Copenhague via Belgrade et Paris, l’éruption des Champs Phlégréens n’avait pas encore eu lieu. Le continent n’était pas paralysé, les Balkans n’étaient pas sous la cendre. Son fils ne courait aucun danger. Mike partait certes au pied levé, et au milieu de ses vacances, mais ces imprévus font partie intégrante de son contrat. Aller récupérer neuf Green Teens en rade au Groenland ? Rien de bien sorcier quand on a passé sa vie à parcourir le globe par tous les moyens de locomotion possibles, en solitaire ou en famille. Qu’on est détenteur d’une bonne dizaine de permis de conduire, de voler et de naviguer, qu’on a travaillé successivement pour l’ONU en Centrafrique et pour les secours de montagne héliportés en Suisse, avant de décrocher ce poste au Service climatique européen. Qu’on est capable de se tirer d’une crevasse avec un Victorinox ou de survivre sur un radeau en filtrant son urine. Bref, quand on peut inscrire « aventurier » avec le plus grand sérieux sur son formulaire fiscal. « Mais donc tous les aventuriers suisses s’appellent Mike ? », lui avait lâché un jour Nora, la meilleure amie de son fils, en découvrant le visage d’un homonyme plus célèbre que lui dans une téléréalité de survie. « En plus, physiquement, Mike Horn et toi, vous vous ressemblez vachement ! »

Mine de rien, même si son fils n’est plus un gamin, ça lui a provoqué un sentiment étrange, à Mike, de le laisser aussi subitement. Sans parler du fait qu’il se réjouissait de rencontrer la famille de Vasko à Podgorica – quitter cet appartement de location pour partager la table d’une vraie famille monténégrine, il n’attendait que ça. À la place, Mike a passé le premier soir dans un hôtel glauque de l’aéroport de Roissy – merci les finances du Service climatique qui ne peuvent rien offrir de mieux. Au matin, l’éruption avait commencé, le jeu avait changé. Son vol vers Copenhague était retardé, le chaos régnait sur le tarmac, on sentait se lever un vent de panique à l’échelle du continent. D’une salle d’embarquement bondée, il a vu brûler l’Hyper Concordia, la perle d’Oceanic Airways, sous les yeux d’une clientèle médusée. S’il voulait refuser l’ordre de mission, c’était le dernier moment, mais il s’était déjà arrangé avec Lola pour qu’elle aille chercher leur fils à Kotor. Lui-même avait d’autres gamins à rapatrier. À Roissy, la journée s’est enlisée, une deuxième nuit dans le même hôtel s’est profilée, il était hors de lui, les images du volcan tournaient en boucle sur les écrans de télévision et dans sa tête, le nuage de cendres se dirigeait vers les Balkans. Vers son fils. Il a fallu qu’il gueule pour pouvoir, le jour suivant, embarquer sur un vol militaire. Le soir, il était à Nuuk, Groenland, où le Service climatique lui a fait savoir qu’aucun appareil civil ne serait autorisé à repartir dans l’autre sens. Cul-de-sac aérien. Son rôle se limiterait à ramener sur la côte les Green Teens coincés à Clim Camp, qui devraient attendre un bateau pour l’Europe. Comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, une tempête s’est levée le matin suivant sur tout le nord-ouest : autorisation de vol retardée indéfiniment. Après les cendres, la neige. Les éléments jouaient contre lui.

Mike connaît bien Nuuk, étape obligatoire – et déprimante – lors de missions comme celle-ci. Il lui est déjà arrivé de devoir y passer plusieurs jours, le ciel du Groenland est capricieux. Mais cinq nuits, c’est à coup sûr un record. Le rituel s’est installé. Allumer la télévision sur les images du volcan, étudier la météo locale dans l’espoir d’une fenêtre pour décoller, prendre des nouvelles de Lola au téléphone, laisser un message sur le répondeur de Virgile – rapidement saturé –, tenter de joindre Clim Camp d’une manière ou d’une autre. Traîner dans la morne ville. Entretemps, Lola était arrivée à Kotor. Elle avait dû renoncer à l’avion, avait fini par gagner le Monténégro en voiture. La ville était sous les cendres, les paysages qu’elle décrivait à Mike, lorsque les liaisons passaient, étaient invraisemblables. Elle s’était rendue à l’adresse de l’appartement de location, avait sonné, une voisine avait ouvert une fenêtre. Non, elle n’avait plus vu les enfants depuis plusieurs jours. Elle savait où le propriétaire cachait la clé, elle avait ouvert à Lola. Il restait des affaires, éparpillées dans les pièces. Ils auraient dû être de retour de Podgorica, mais peut-être que les bus ne circulaient plus, ils devaient être bloqués là-bas. Elle avait fait l’aller-retour vers la capitale, en vain. Lola n’avait pas pu mettre la main sur le van non plus, elle commençait à imaginer le pire. À ce stade, on devrait alerter la police non ? Avertir les parents de Nora et la mère de Vasko ? Mike avait tenté de la réconforter – la police a d’autres chats à fouetter que de localiser trois ados en vacances, et puis leur fils avait l’habitude des voyages, de l’étranger, de l’imprévu, il fallait lui faire confiance, et si quelque chose de grave était arrivé, on aurait été prévenus –, mais une boule s’était logée dans sa gorge. La désagréable impression de se trouver au pire endroit au plus mauvais moment, tenu à distance de l’action, bien malgré lui. Dehors, un vent glacial faisait reluire les rues de Nuuk. Lola, lorsque ses appels passaient, n’avait plus qu’un refrain. Quand je revois Virgile, je le tue, je te jure que je le tue, notre fils.

 

Mike a tellement rongé son frein à Nuuk que le petit coucou du Service climatique lui semble voler au ralenti. Un veau, oui ! L’avion survole un glacier, atteint un nouveau palier. Paysage de neige gelée, la calotte arctique : l’inlandsis. Pour la blancheur immaculée, on repassera. C’est un mélange de masses noirâtres, alluvions et tout-venant de pierres broyées. Des fleuves courent sous la glace. Sous ses airs figés, Mike le sait, l’île est élastique.

Baie de Melville, nord-ouest du Groenland. Mike reconnaît plusieurs hameaux – Kraulhavn, Kullorsuaq – construits sur des îlots que l’hiver ne tardera pas à relier entre eux. La courbe de la baie s’étire ensuite sur deux cents kilomètres, puis c’est Savissivik, quarante maisonnettes rouges posées sur de la roche noire, le paradis des bélougas. À partir d’ici, la forme du pays se déchiquette, s’avance d’un coup vers l’ouest pour venir pratiquement toucher les îles canadiennes du Nunavut.

Après plusieurs heures de vol, le petit avion délaisse la côte pour l’intérieur des terres. La zone de Clim Camp, ébouriffée par cinq jours de tempête, apparaît enfin. Au sol, tout est recouvert. Sans ses écrans de contrôle, Mike n’aurait aucun moyen de savoir que les petites tentes jaunes et rouges se trouvent juste au-dessous. D’ici quelques secondes, les Green Teens sortiront en courant, ce bon vieil Éric brandira un drapeau pour lui indiquer le sens du vent, on aura accroché les grandes lames à l’avant des deux motoneiges pour déblayer la piste d’atterrissage. Des mains se tendront vers lui, des hourras l’accueilleront en sauveur lorsqu’il descendra de l’avion et qu’il livrera les enveloppes envoyées par les proches des Green Teens – on se croirait dans un épisode de Koh Lanta, soupirait à chaque fois Éric, alors que « ses » civilistes découvraient, sourires aux lèvres, le montage photo de la mamma, le dessin du fiston, la lettre du novio en séjour à Buenos Aires.

 

À l’intérieur de T2, Florence scrute son téléphone, l’air maussade. Depuis hier, l’écran refuse de s’allumer. Elle a pourtant économisé la batterie. Elle devrait s’inquiéter d’avoir laissé filé leur dernière chance de trouver du réseau et d’appeler des secours, mais c’est à ses photos qu’elle pense. Le pot de départ avec ses amies, son dernier selfie avec sa grand-mère. Le visage d’Alix. Florence tourne l’appareil dans sa main comme un objet étrange. Toutes ces images sont là, quelque part, encodées dans les circuits de tantale et de silicium. Du sable, qu’un coup de vent suffit à effacer.

Il est midi, mais Duncan et Daria sont encore dans leur sac de couchage, ils n’ont pas bougé de la journée – pas bougé depuis hier soir, à vrai dire, ou peut-être même hier midi. Il flotte dans la tente une odeur rance, celle de quatre corps confinés depuis trop longtemps, odeur de soupe froide et de mauvais café, air saturé de dioxyde de carbone. Une légère odeur d’urine aussi – ils se sont mis tacitement d’accord pour un coin, à même la neige, sous l’auvent, pour éviter de sortir dans le blizzard. Laakki est assise sous trois couvertures. Le manuel d’utilisation de la motoneige sur les genoux en guise de sous-main, elle noircit du papier à lettre en s’éclairant avec l’une des lampes frontales encore chargées. Tu écris à qui ? Florence pose la question en apportant des antidouleurs. Laakki ne lève pas les yeux. Sur la caisse qui fait office de table, une partie de cartes interrompue. On n’a rien mangé de chaud depuis deux jours. On ne dit plus rien, on risquerait de comprendre que les chances de s’en sortir s’amincissent. De laisser échapper des choses comme : on va peut-être crever ici.

La neige a cessé de tomber ce matin à l’aube. Le soleil brille mais personne ne l’a encore remarqué. La lumière est filtrée par la couche de plusieurs centimètres, dense, collante, qui recouvre la tente, baignant l’intérieur de lueurs cireuses – blaugrün, a lâché Daria dans une réminiscence un peu absurde d’allemand.

Un bruit d’hélice, un léger ronflement qui s’intensifie, mais depuis le temps, ils ont fini par l’entendre à tout bout de champ. Espoir ténu, présence fantôme, cruel acouphène. Cette fois c’est différent. Laakki suspend son stylo. Florence s’immobilise. Daria se redresse dans son sac de couchage. Tous les yeux deviennent des oreilles, cherchent à localiser ce bruit quelque part au plafond de la tente. Duncan est debout, holy shit, le coach se rue dehors sans enfiler sa doudoune – déchirure de soleil, poudreuse glacée sur les doigts et lumière qui envahit la tente. Aveuglement. Le ciel est bleu, ça pique, ça brûle, et Duncan, le bras en visière, retient ses pleurs en regardant l’avion surgir du soleil.