Poche
Parution Août 2018
ISBN 978-2-88927-605-9
224 pages
Format: 105 x 165 mm
Disponible

Zoé Poche
Disponible

Bruno Pellegrino

Comme Atlas

Zoé Poche
Parution Août 2018
ISBN 978-2-88927-605-9
224 pages
Format: 105 x 165 mm

Résumé

Comme Atlas est un petit précis de jalousie. D’Antananarivo à Tokyo, de Moscou à Pékin, la lente rupture amoureuse y prend la forme d’un voyage empreint par l’intuition que quelque chose se termine. Il en ressort ainsi une géographie particulière, où la précision et le rythme de l’écriture font que tout sonne juste, terriblement juste.

 

Auteur

Bruno Pellegrino

Né en 1988, Bruno Pellegrino vit à Lausanne. Lauréat du Prix du jeune écrivain pour sa nouvelle «L’idiot du village» (Buchet/Chastel, 2011), il a publié quatre livres aux Éditions Zoé: Comme Atlas (2015), Là-bas, août est un mois d’automne (2018, qui remporte notamment le prix des Libraires Payot et le prix Écritures & Spiritualités), Dans la ville provisoire (2021, prix Michel-Dentan et prix Paysages écrits) et Tortues (2023). Bruno Pellegrino a été actif pendant dix ans au sein du collectif AJAR, auteur de Vivre près des tilleuls (Flammarion, 2016). Toujours chez Zoé, il co-écrit avec Aude Seigne et Daniel Vuataz les deux saisons de la série littéraire Stand-by (2018 et 2019) ainsi qu’un «roman de gare», Terre-des-Fins (2022).

Dans les médias

« « Embarquement, décollage, cap au sud. » C’est avec ce court récit aux faux airs de road- trip lointainement autobiographique que Bruno Pellegrino faisait son entrée en littérature en 2015. Le jeune lausannois (…) y déroulait une succession de paysages du Baïkal au Japon en passant par Madagascar. Un itinéraire qui menait aussi de la rupture à la jalousie, en un lent délitement affectant le temps et l’espace. Texte que l’on retrouve aujourd’hui réédité en format poche sous un autre titre, Comme Atlas. Car « à la vue de l’adjectif « nègre » accolé à mon atlas sur les épreuves d’imprimerie, ce jour d’été 2015, quelque chose s’est rétracté en moi », note l’auteur dans sa préface. Légèrement remanié, cet Atlas nègre se voit aussi augmenté d’une ascension au Mont-Fuji en appendice. Comme un ultime paysage échappé d’un carnet de voyage jamais écrit, qu’il faut dès lors réinventer. »  Thierry Raboud

« Un envoûtant et magnifique voyage au bout d’une rupture, entre Madagascar, la Russie et le Japon. »  Caroline Rieder

« Ce qui frappe de prime abord chez Bruno Pellegrino, c’est le style nerveux et poétique, étrangement sans temps morts pour un ouvrage d’introspection et de voyage. Il partage ses observations en courts passages évocateurs et percutants. (…) Remarquablement écrit, Comme Atlas est également une intéressante analyse du jeune couple contemporain et de l’importance que prennent les réseaux sociaux dans la relation amoureuse. La mise en scène de sa propre vie sur Internet devient une source de fantasmes pour le partenaire, qui va y chercher des indices sur ce qui est éventuellement caché.  La fin du roman, où les deux amants fatigués ne sortent plus de leur logement à Tokyo et passent leur temps à surfer, lui sur son profil à elle pour alimenter sa jalousie, est d’une tristesse post-moderne assez déchirante. »  Stéphane Babey

Extrait

5

La fenêtre est tendue comme un écran de cinéma. La projection dure une semaine, sans entracte, et tout un continent y passe. Il a lu quelque part qu’un regard d’homme portait à trois miles ; il se demande s’il s’agit d’un chiffre précis, ou juste d’une façon de parler. En cet instant, il dirait que son regard porte beaucoup plus loin que trois miles, même s’il ne sait pas exactement à combien de kilomètres cela correspond ; il lui semble qu’il voit aussi loin qu’il est possible, jusqu’à ce point où la courbe de la planète soustrait l’horizon. Quand il ramène son regard à des distances mesurables – une trentaine de centimètres –, il rencontre son visage à elle, son front plutôt, penché sur son livre. Au départ de Moscou, elle s’est plongée sans grande conviction dans une édition bon marché de Tristes tropiques, achetée en prévision de ce voyage, et depuis ne décroche plus ; de temps en temps, elle lui lit à voix haute un passage sur les éventails brésiliens, « petits théorèmes technologiques », ou lui montre en riant la figure 25, « Étuis péniens blasonnés» – et tu savais que pour les abeilles, l’obscurité était lourde, et la lumière légère ?

Le premier soir, ils ont fait la connaissance de Ielena, leur voisine de compartiment, solide sexagénaire moscovite, cheveux teints roux orangé, t-shirt canari, leggins noir à pois jaunes. Elle ne parle que le russe, mais ils ont compris qu’elle allait à Irkoutsk. Elle tripote sans cesse la petite croix dorée qu’elle porte autour du cou. Ils se sont endormis rapidement, chacun sur sa couchette. Au réveil, ils avaient déjà dépassé la Volga.

Le paysage se regarde comme un feu, ou comme la mer. Hypnotisé, il voit le temps s’écouler, matérialisé selon un système de mesure où les poteaux figurent les secondes et les gares les heures, avec une multitude de marqueurs intermédiaires – arbres, ponts, villages, ombres plus ou moins allongées de ce qui fait obstacle à la lumière. S’ils avaient pris l’avion, les pays sous eux auraient passé sans encombre, abstraction faite des turbulences dues aux déséquilibres atmosphériques. En train, ils deviennent ce paysage traversé, indescriptible, ils sont comme un fil cousu dedans. Le corps accepte le roulis, s’y plie comme à une force d’attraction. Le souffle du vent déchiré par la machine, le grondement régulier des roues, le claquement des panneaux coulissants font entendre un nouveau genre de silence. Cela ressemble à une fuite, eux deux, maudits, s’inventant des continents entiers à glisser entre eux et l’Europe, les mers, les amants, eux deux propulsés à grande vitesse à travers ces terres vierges pour mettre à l’abri ce qui reste de leur amour.

À Iekaterinbourg, le deuxième soir, monte Sergeï, qui vient compléter leur compartiment – la trentaine dodue, yeux très bleus, training Nike, bracelet doré et, lui aussi, sa croix au cou. Dans son anglais rocailleux, il leur explique qu’il a rendu visite à des parents et rentre chez lui à Irkoutsk. Quatre jours de voyage pour quelques heures en famille : ça sent le mariage ou l’enterrement, le cousin enfin casé ou le vieil oncle remis à la bourbe.

Il n’y a que des Russes dans tout le wagon. Du peu qu’ils sont parvenus à échanger – une grosse dame, descendue le premier matin à Kirov avec son bébé, parlait un peu français, et un homme qu’ils ont vu s’éloigner sous les porches de la gare très verte d’Omsk, au milieu du troisième jour, se débrouillait en anglais –, ils comprennent que leur présence étonne. On les interroge : vous prenez vraiment ce train pour le plaisir ? Ils expliquent que là d’où ils viennent cette ligne est mythique, et puis ce mode de transport force à ralentir – mais le message se perd en passant d’une langue à l’autre, et on leur dit que quand même, l’avion aurait été plus pratique, non ? Dans tout le wagon, il s’agit de tuer le temps. Sergeï pianote à journée longue sur son téléphone – est-ce qu’il a seulement du réseau, dans ces étendues de pas grand-chose, est-ce qu’il aligne les parties d’un jeu au graphisme certainement pourri, ou est-ce qu’il fait juste semblant ? Ielena lit page à page un épais magazine ; elle fait des mots croisés ; elle note dans un petit calepin les gares qu’ils traversent, et à quelle heure.

Eux ne s’ennuient pas. Lire, prendre des notes, oui ; surtout, ne rien faire, pelotonnés l’un contre l’autre. Il revient sans se lasser aux cartes de son Lonely Planet. Il compare ce qui est écrit avec ce qu’il observe. C’est ainsi qu’il sait qu’ils ont dépassé la Volga. Ils verront l’Ienisseï à Krasnoïarsk (vingt minutes d’arrêt). Ils n’iront pas jusqu’à l’Amour, il le lui dit et elle dit tant mieux, il paraît que c’est décevant. Elle sort son iPod, lui passe un écouteur, et ils restent longtemps comme ça, les têtes reliées par un câble blanc. Ils mangent des nouilles déshydratées, des crackers, des concombres achetés sur le quai à de très vieilles Russes en fichu, et des ravioli à la mode slave, un beignet de patates, des framboises. Elle mord un jour dans un sandwich qui recèle, sous sa croûte molle, un cœur pourri, la mie bleue et le jambon vert. L’un après l’autre, ils vont chercher de l’eau au samovar – ils répètent le mot, c’est si russe, et puis c’est un personnage de La Belle et la Bête, mais la vraie chose déçoit leurs attentes : une simple citerne placée au bout du wagon, en métal terni, avec un petit robinet de plastique rouge. Lorsqu’ils sortent des sachets d’Earl Grey, Ielena leur propose du thé vert, du pain, et une sorte de gras de lard très salé (spik, répète-t-elle, spik, et elle ajoute : good). Après, elle leur tend des serviettes humides. La discussion avec elle se limite au nom des arrêts, et à la chaleur qu’il fait, le dos de la main passé sur le front, le t-shirt pincé de deux doigts à hauteur d’épaules.

Il n’y a pas de douche dans le train, mais le sol des toilettes est percé d’un trou qui donne directement sur le ballast. Plusieurs fois par jour, ils s’aspergent d’eau froide et se laissent sécher à l’air. Depuis qu’ils ont franchi l’Oural, la plupart des hommes sont torse nu. Dans le compartiment, Sergeï est en caleçon, sa croix autour du cou se prend dans les poils ; pour sortir, il enfile indifféremment son pantalon de training ou un short informe. Lui hésite un peu, mais elle lui dit que ça fera plaisir au reste du wagon, un joli garçon dénudé, un bien foutu, pas comme tous ces types flasques ou vieillissants. Il lui dit qu’elle est bête puis enlève son t-shirt.

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