Bruno Pellegrino

Tortues

Domaine français
Parution Fév 2023
ISBN 978-2-88907-108-1
144 pages
Format: 140x210 mm

Résumé

Enfant, il range sa chambre et met dans le tiroir du bas les objets essentiels, à sauver le jour où la maison brûlera. Devenu adulte, Bruno Pellegrino cherche toujours une issue à sa hantise de perdre et d’oublier. Elle l’accompagne quand il trie les archives d’une écrivaine, se lance sur la piste d’une poétesse inconnue ou tente de fixer un souvenir. Il y aurait bien l’écriture, mais la masse vertigineuse de ses carnets est ingérable, et le papier, ça brûle aussi.
Dans ces pages sur les raisons de notre passion pour la vie des autres, notre besoin de conserver et le bonheur de s’alléger, l’humour déjoue la gravité et esquisse un autoportrait en pointillé.

Auteur

Bruno Pellegrino

Né en 1988, Bruno Pellegrino vit à Lausanne. Lauréat du Prix du jeune écrivain pour sa nouvelle «L’idiot du village» (Buchet/Chastel, 2011), il a publié quatre livres aux Éditions Zoé: Comme Atlas (2015), Là-bas, août est un mois d’automne (2018, qui remporte notamment le prix des Libraires Payot et le prix Écritures & Spiritualités), Dans la ville provisoire (2021, prix Michel-Dentan et prix Paysages écrits) et Tortues (2023). Bruno Pellegrino a été actif pendant dix ans au sein du collectif AJAR, auteur de Vivre près des tilleuls (Flammarion, 2016). Toujours chez Zoé, il co-écrit avec Aude Seigne et Daniel Vuataz les deux saisons de la série littéraire Stand-by (2018 et 2019) ainsi qu’un «roman de gare», Terre-des-Fins (2022).

Distinctions

 Tortues  de Bruno Pellegrino, dans la sélection du Prix Place aux Nouvelles – Lauzerte 2024

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Dans les médias

« (…) Que garder, que jeter ? La collection de pin's, les dessins et livres de classe, les stylos? Déjà, Bruno voulait être prêt. Est-ce la marque de fabrique des écrivains ? Car l'enfant s'est transformé en romancier talentueux. Un auteur subtil à la plume aussi économe que ses étalonnages successifs. (…)

Bruno Pellegrino est de la trempe des poètes. Ces anxieux qui cherchent, explorent, tournent en boucle. Ceux qui fouillent les carapaces remplies de ces je-ne-sais-quoi et presque rien qui font le sel des jours enfuis. Mais n'est-ce pas déjà biaiser – y compris la mémoire des disparus – que de vouloir ressusciter un destin sur papier ? À l'exemple du dramaturge et peintre suisse Friedrich Dürrenmatt (1921-1990) déclarant dans son autobiographie monumentale : « La mort s'approche, la vie s'évapore. Parce qu'elle s'évapore, on veut la mettre en forme ; en la mettant en forme, on la fausse », Bruno Pellegrino s'interroge perpétuellement sur la trahison opérée par les mots. Dès ses 17 ans, il a développé une obsession pour l'entreprise de Dürrenmatt. Au point de vouloir rencontrer sa veuve et l'interviewer. L'une des scènes désopilantes de ce livre qui n'en manque pas. » Isabelle Spaak

« Un curieux recueil, mélange de souvenirs, d’introspection, de questionnements sur la manie de vouloir garder des traces du passé. Le tout avec l’écriture élégante qui faisait déjà la qualité des romans de l’auteur vaudois, comme le magnifique Là-bas, août est un mois d’automne. » Éric Bulliard

« On retrouve avec beaucoup de plaisir le style de Bruno Pellegrino, aussi reconnaissable que le timbre singulier d'un chanteur. Une écriture sensible et précise toute en finesse et en profondeur, un regard de poète faisant surgir des images lumineuses, étranges, et souvent pleines de drôlerie. »

Une chronique d’ Emmanuelle Caminade à lire ici

« Un livre inclassable, qui charme par sa finesse, sa musicalité et son ironie légère comme un zéphyr. «Tortues» se présente comme une variation sur le thème de la mémoire et de l’oubli, où la réflexion se glisse toujours dans un récit. Le style est fluide, d’une sobriété élégante ; Bruno Pellegrino prend le lecteur par la main et le promène à son gré. Il y a des scènes délicieuses, comme son interview pétrie de naïveté, à l’âge de 16 ans, de la réfrigérante «veuve de Dürrenmatt». D’autres qui remontent à son enfance, quand a pris forme ce besoin de lutter contre l’oubli, de faire barrage au temps, qui continue de tarabuster l’adulte devenu écrivain.

Cela explique son intérêt pour des vies effacées, évaporées, dont ne subsistent que des traces infimes qu’il tente de rassembler. (…) C’est comme si la littérature permettait à Bruno Pellegrino de faire un pied de nez au néant. Un autre personnage de l’ombre, Madeleine, la sœur du poète Gustave Roud, lui avait déjà inspiré un très beau roman : «Là-bas, août est un mois d’automne» (Zoé, 2018). Il y régnait une mélancolie subtile, délicate, sensuelle et presque voluptueuse, dont «Tortues» éclaire aujourd’hui les soubassements. » Michel Audétat

« Dans Tortues, Bruno Pellegrino recense en neuf récits ce qui, dans les tiroirs de la mémoire, mérite d’échapper à l’oubli. Ce sont autant de cailloux polis avec la finesse, la très légère autodérision et la précision de l’archiviste qui caractérisent déjà ses romans : se perdre dans la vie des autres jusqu’au vertige, jusqu’à s’y retrouver, éparpillé, diffracté.

Neuf tortues assez légères pour leur salut, figures adventices rescapées des différentes archives que Bruno Pellegrino a souvent scrutées par métier, passant son temps « dans les papiers de personnes mortes » qu’il rappelle à la vie. (…)

« Classer console », écrit Bruno Pellegrino. Hanté par un rêve d’exhaustivité, il a pratiqué cet art depuis l’enfance, dans ses tiroirs, dans d’innombrables carnets dont un classeur bleu, offert par la mère à l’enfant pour y noter « ses soucis ». Survit ainsi le lumineux souvenir d’un été studieux en Angleterre, avant le délitement de la famille. Parfois aussi la mémoire est contrainte d’oublier ou de transformer : d’où vient cette image si vivace d’Istanbul où l’enfant n’a jamais mis les pieds ? Mais il faut faire de la place dans le « palais mnémotechnique » de peur d’étouffer.
Peut-être la parution de ses neuf cailloux sur le chemin de sa mémoire marque-t-elle l’adieu à la fréquentation des « personnes mortes » et l’avènement d’un nouveau registre, libéré du devoir de mémoire. » Isabelle Rüf

« Il faudrait parler d’œuvre, déjà, tant ses trois romans composent un univers à l’esthétique affirmée, aux hantises persistantes, aux tonalités résonantes. Alors ce récit de soi, glissant sous la carapace de la fiction pour oser l’autobiographie, n’a rien des Mémoires vaniteux d’un trentenaire qui se (la) raconte. Au contraire, c’est la chronique très humble et belle d’un écrivain qui, errant librement dans les coulisses de son imaginaire romanesque, en révèle la profonde cohérence : si Bruno Pellegrino écrit, c’est pour empailler le révolu, faire œuvre de ce qui fut, arracher au grand incendie de l’oubli les souvenirs qui, intimement, le constituent. « Il aurait fallu pouvoir tout mettre dans un livre », le voici. « Observer des vies passées m’aide à m’orienter dans la mienne », confesse encore le Lausannois dans ces pages déjà parues en partie dans la Revue de Belles-Lettres et subtilement réagencées, où l’on croise entre Venise et Carrouge les figures centrales de ses romans. Une orientation dont la boussole pointe vers l’enfance, vers cette mémoire heureuse dont l’inventaire est toujours réinvention. Écrire, grandir, c’est alors apprendre à se déprendre. » » Thierry Raboud

« Un recueil de textes aussi concis qu’esthétiques, dans lesquels Bruno Pellegrino explore les limites de ce que signifie des mots comme souvenir, archive, ou mémoire. »

Bruno Pellegrino, Invité d’Ellen Ichter dans l’émission « Quartier livre » à écouter ici

« Par envie ou par besoin, l'auteur fouille avec persévérance et application dans chaque élément de chaque archive, tente de recoller les morceaux, et finit par composer un portrait aussi soigné et précis que possible de ces personnes qu'il n'a parfois jamais rencontrées. Archéologue de l'intime, Bruno Pellegrino entretient un rapport tout sauf malsain avec ces fantômes (et avec ses fantômes). Court, rythmé, plein d'âme et de cœur, Tortues nous donne envie de reconsidérer nos vieilles factures et nos fonds de tiroir. Qui, à leur manière, disent forcément un peu qui nous sommes. »

Un article de Thomas Messias à lire ici

« On retrouve dans ce livre l’univers de l’auteur, dans un regard en dedans amplifié. (…) La solution existe-t-elle entre la peur de perdre et la nécessité de ne pas s’encombrer ? Bruno Pellegrino semble avoir, lui, résolu sa quadrature du cercle: « Il aurait fallu pouvoir tout mettre dans un livre, léger, complet, facile à emporter en cas d’incendie et qui fonctionnerait comme la molaire permettant de reconstituer le dinosaure entier. » En l’occurrence, une tortue. » Bérénice L’Épée

« La vie réelle et l’œuvre commencent très tôt à se mêler. Cette série de chapitres se lit comme un roman. (…) Bruno Pellegrino nous fait partager avec bonheur son attachement pour des personnes parfois oubliées toutes reliées par sa fidélité au souvenir et à sa préservation. Il livre aussi observations et réflexions sur la mémoire, la peur de l’effacement l’angoisse de l’encombrement. Inoubliable. » T.R et F.E

« La peur de l'oubli, du vide. À travers cette hantise de perdre la mémoire, l'écrivain vaudois Bruno Pellegrino dresse son autoportrait, rythmé par l'absurdité et les redondances de la vie. « Si votre maison brûle, que garderiez-vous? » (…) Composées de plusieurs textes succincts, ces pages sont autant de stratégies pour sauvegarder ses souvenirs. » Mathilde Jaccard

« Perpétuer la mémoire tout en apprenant à oublier les souvenirs pour trouver un équilibre, c’est un paradoxe que Tortues arpente subtilement. » Marie Jouvin

« Cette épopée d’un auteur en quête d’« une forme capable de mettre [s]es paysages à l’abri, hors de [lui] » est d’une douceur nonchalante, à mille lieux du systématisme indexateur qu’on attendrait. On a l’impression, en le lisant, de voir les derniers films de Jean-Daniel Pollet, jonchés de fruits, photographies, vases ou fenêtres sans paroles. « II aspire à cette sobriété qui frôle le vide et sent qu’il ne faut en parler à personne » : la mémoire ne se perd jamais, car elle est tissée d’oubli. » Éric Loret

« Voici un livre inclassable, à la fois roman et essai, recherche du temps passé et tentative de se libérer du poids des ans. Inclassable – et fascinant également. La prose limpide de Pellegrino nous permet de glisser avec une grande fluidité d’une époque à une autre, toujours avec le souci d’alléger la nostalgie poignante de ce récit, par le biais d’un humour léger et séduisant. Une très belle découverte, qui donne envie de se plonger dans les autres romans de l’auteur. » Jean-Philippe Blondel

« Toutes ces traces écrites se dressaient comme un rempart contre l’oubli, et ce livre procède de la même tentative. L’auteur romand y sonde les ressorts mystérieux de la mémoire et la part de fiction, de reconstruction mentale inévitable, que renferme tout récit autobiographique. (…) Au fil de ses déplacements, il a appris à se délester, à éliminer des objets, à apprivoiser sa peur de l’effacement, à se rapprocher du point d’équilibre visé : « Garder peu de choses, mais pour toujours. » »

Un article d’Élisabeth Miso à lire ici

« Pour naturaliser une tortue, il faut en percer la carapace. Spectacle mémorable et terrifiant par lequel s’ouvre ce recueil de petits textes au ton tout à la fois primesautier et profond. (…)

Ce vertige des archives, il le communique par touches successives, par images marquantes, comme lorsqu’il cherche à se souvenir de vacances d’enfance: «Il suffirait d’un détail pour que tout me revienne, on reconstitue bien des animaux préhistoriques à partir d’une seule molaire.» Réflexions effarées sur ce que devient la mémoire dans un monde numérisé, considérations délicates sur notre condition d’humains destinés à l’effacement, Tortues contient aussi des pages sur le pouvoir des mots écrits, qui peut seul ancrer ce qui a été dans un présent éternel. » Isabelle Carceles

« Avec Tortues, Bruno Pellegrino, jeune auteur suisse francophone, fait de la mémoire et du rapport au passé la matière de son livre. Si le thème est un classique de la littérature, sa façon très personnelle et contemporaine de l’aborder en fait la force et l’originalité. Les chapitres bien cadencés empruntent des épisodes à la vie de l’auteur pour rendre compte de son rapport inquiet au temps passé (…). Son travail de mémoire est toujours associé à un questionnement fécond sur la valeur des souvenirs, sur ce qui doit être gardé et ce qui encombre, guidé par l’intuition du petit garçon inquiet de voir un jour sa maison prendre feu : pour conserver peu, il faut éliminer beaucoup. La quête existentielle de ce « point d’équilibre », c’est en même temps l’acte d’écriture lui-même qui le réalise, opérant un tri salutaire entre ce qui doit être dit et ce qui empêche le dit d’être entendu. La fluidité de la lecture – qui n’est pas celle de l’écriture, de l’aveu de l’auteur – atteste de l’aboutissement de sa démarche. La dernière page tournée, il reste au lecteur cette question lancinante du livre : que faire de son propre passé ? » François Xavier Connen

« Dès sa première rencontre avec « Titanic », à l’âge de dix ans, l’auteur romand Bruno Pellegrino a ressenti que ce film ne le quitterait plus. 25 ans plus tard, il constate que « Titanic » est rentré dans son ADN, et, ajoutera-t-on, dans son écriture. Dans ses livres, comme « Tortues » ou « Dans la ville provisoire », publiés aux Editions Zoé, il arrive que l’eau monte, qu’un navire s’encastre dans la jetée alors que le narrateur s’interroge sur les souvenirs, la mémoire et les traces laissées par les objets. »

Bruno Pellegrino, invité d’Anya Leveillé dans l’émission « Truc culte », à écouter ici

« Comme l'archiviste qui se doit d’ouvrir les moindres tiroirs ou dossiers, de considérer la plus petite feuille volante, l'auteur porte son regard où l'œil ne se pose pas spontanément, dessinant un itinéraire à la fois intime et ouvert sur le monde, qui convoque le passé avec une curiosité dénuée de mélancolie. Interrogeant sur un ton faussement léger cette universelle tension entre les souvenirs et l'oubli, il a conservé ce qui lui a paru essentiel dans un récit qui séduit par sa subjectivité. » Caroline Rieder

« L'écrivain suisse Bruno Pellegrino est encore jeune, mais il construit de livre en livre une œuvre d'une beauté singulière, faussement discrète et parfaitement contemporaine, à sa façon. Échappant à l'emprise généralisée du « pitch », Pellegrino interroge avec délicatesse le temps et ses possibles, aujourd'hui : son recueil Tortues est ainsi comme une collection de doutes et de propositions personnelles sur les thèmes de la mémoire, de la perte, de l'archive. Autant dire, aussi, un beau livre sur la littérature. (…) Un frisson immédiatement se crée, ou une faille, la brèche d'un échange possible avec la sensibilité du lecteur, sa perception propre de la perte et de ce qui peut être sauvé, la mort des êtres, l'oubli des livres. (…) Il y a de la douceur, en effet, et nulle brutalité d'érudition dans sa façon de mettre la littérature en scène : elle appartient de toute évidence à la vie, et l'art formidablement subtil de l'auteur est de la confondre avec les lieux que traverse le texte. (…) L'air de rien, c'est une espèce d'art poétique qui s'énonce là, où il s'agit à la fois d’être sûr et d'être fidèle au flou : avoir l'assurance du geste, pour entraîner avec soi le lecteur dans les méandres doux du temps, avec la cruauté des choses retrouvées, parfois, et le bonheur possible de s'en alléger. Un pur écrivain, disions-nous. » Fabrice Gabriel

« Ce court recueil s’inscrit dans un double mouvement : celui de restituer la mémoire de celles et ceux qui n’ont presque rien laissé de tangible, et celui de chercher à ne jamais perdre la sienne, malgré sa faillibilité, ses incertitudes, ses doutes inévitables. Pellegrino propose d’accepter, un peu à contre-coeur, la part de fiction que comporte l’existence humaine : nous ne saurons jamais trop si tel ou tel moment de son voyage familial en Angleterre s’est réellement produit, mais cela n’a pas d’importance, car le portrait d’une personne se dessine au-delà des faits véritables. »

Une chronique de Florence Bordeleau-Gagné à lire ici

« La mémoire est le point de rencontre des différents récits qui composent Tortues : que faire de nos souvenirs, comment et quoi archiver, ou oublier pour parfois mieux retenir… Comme toujours chez l’auteur, on se laisse attraper par sa douceur et la puissance entêtante de certaines scènes. Le livre dit aussi par petites touches nos enfances queers : leur solitude, mais aussi les mondes qu'on s’invente pour l’habiter. »

Coups de cœur

« Laisser parler l'enfant. L'écouter et lui obéir. Dans une langue charnelle, Bruno Pellegrino chuchote la frénésie de se déposéder, de n'être définitivement attaché à rien. Dans une langue sensible il crie le secret de ne retenir que l'essentiel…Il veut le sauver d'un incendie, ou d'un passage à l'adulte, alors il le calfeutre dans un tiroir. Mais, un tiroir peut contenir à la fois si peu et beaucoup. D'un travail d'archiviste à des souvenirs d'enfance, en passant par la stupéfaction d'une vie découverte, Bruno Pellegrino oublie la mémoire tant de fois questionnée dans les romans et vénère l'oubli. Un roman gigogne, tortueux, inflammable mais qui laisse un frémissement sous la peau. »

« Tortues constitue l’autoportrait d’un auteur en une mosaïque de souvenirs, d’enquêtes sur soi et sur d’autres, un recueil à la fois personnel et universel, où l’on retrouve la patte poétique reconnaissable de Bruno Pellegrino, déjà appréciée dans son roman Là-bas, août est un mois d’automne. » Nadège Nicolas

« Quelle merveille, c'est beau, sensible, ciselé ! »
 

« Mais qu'est-ce qu'on aime la douceur des petites pépites poétiques des Editions Zoé! Ici Bruno Pellegrino ausculte son désir compulsif de tout garder, classer, archiver, son besoin de protéger tout ce qui fait la grandeur de nos vies minuscules. L'écriture est très belle et l'obsession de l'auteur pour les exigences humaines profondément touchante. Que disent de nous les traces que l'on laisse au cours d'une vie ? On ne peut que vous conseiller ce récit, que c'est beau! »

« La mémoire est le point de rencontre des différents récits qui composent Tortues: que faire de nos souvenirs, comment et quoi archiver, oublier pour parfois mieux retenir… Comme toujours chez l'auteur, on se laisse attraper par sa douceur et la puissance entêtante de certaines scènes. Le livre dit aussi par petites touches (si bouleversantes) nos enfances queers : leur solitude, mais aussi les mondes qu'on s'invente pour l'habiter. »

« On aime beaucoup et c'est en coup de coeur sur les tables de nouveautés, bravo Pellegrino ! »

« Tortues évoque la passion de l’archivage de son auteur dans un livre porté par une écriture sensible et profonde qui fait briller les destins oubliés des petites traces que nous laissons derrière nous. La délicatesse incarnée. » Raphaël

Droits vendus

Allemand
Acquéreur Verlag die Brotsuppe
Année 2023

Extrait

Un musée de zoologie, un matin de septembre. Je suis là pour inventorier des animaux empaillés et je me prends d’affection pour le perroquet-hibou, étrange oiseau qui refuse de trancher, menacé d’extinction et classifié comme spécimen rare à sauver en cas d’incendie. Dans la même salle se trouvent des centaines de bêtes, dont un requin et un rhinocéros mais ceux-là, dit le taxidermiste du musée, sont trop lourds pour être transportés en urgence. Si la baraque brûle, ils brûlent avec. Et la tortue, je demande ?

Les dernières années de sa vie, elle était tellement immobile dans son enclos que le personnel du zoo n’a pas noté de changement le jour où elle a arrêté de respirer. Quand le taxidermiste l’a réceptionnée, sa mort remontait à une bonne semaine. Il explique qu’aujourd’hui, la profession s’est spécialisée, tu fais juste les rapaces ou les batraciens, mais à l’époque, on prenait ce qui arrivait. Lémurien, chat domestique, paon, on apprenait sur le tas.

Lui-même n’avait jamais fait de tortue. Le temps qu’il déniche un livre décrivant la procédure, la décomposition du cadavre se poursuivait, l’odeur dans l’atelier est devenue insoutenable. Le taxidermiste s’est installé dehors, sur la grande place devant le musée. Les gens qui flânaient approchaient de son établi. La difficulté était de découper la carapace sans l’abîmer. Scie, scie sauteuse, disque à métaux, il combinait les outils en cherchant un moyen de caler l’ouverture. Les gens reculaient, une main sur le visage.

La carcasse vidée et nettoyée, restait encore à la rembourrer. Le taxidermiste a pris ce qu’il avait sous la main, ce qui traînait dans ses poches et dans son atelier, ce qui jonchait le sol de la place. Laine de verre, sable, ficelle, papiers d’emballage, reçus de supermarché, billets de bus. Pas très orthodoxe, sourit-il. La tête du restaurateur qui ouvrira la bête dans quelques années.

Je regarde la tortue jusqu’à me convaincre que j’ai surpris un frémissement sous sa peau, un reflet dans son oeil. En cas d’incendie, je voudrais qu’on la sauve aussi. Il faudrait la soulever pour voir si c’est faisable.

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