Gustave Roud et Maurice Chappaz échangent, de 1939 à 1976, quelques centaines de lettres. Entre les deux poètes, aucune ressemblance à première vue : le premier, sédentaire, vivra toute sa vie dans sa ferme de Carrouge. Le second se dit volontiers nomade, il aime l’errance, l’aventure et les demeures multiples. Roud figure le poète, le mystique, Chappaz le terrien, le chasseur. D’emblée, les lettres assignent à l’un et à l’autre des rôles précis : Chappaz est le « Donateur », Roud, lui, accueille, attend les confidences épistolaires, et remercie. Chappaz vit, Roud le regarde vivre. Cet échange parfois douloureux se transforme peu à peu en un rite. Par ailleurs, il recense les événements qui tissent la biographie de Maurice Chappaz pendant ces trente-sept années. Écrite en voyage, la dernière lettre de Chappaz atteint Carrouge après la mort de Roud. Datée du 7 novembre 1976, elle s’adresse au silence : le poète disparaît, et laisse la parole à autrui.