Poche
Parution Jan 2023
ISBN 978-2-88182-284-1
160 pages
Format: 105 x 165 mm
Disponible

Préface et postface de Nicolas Bouvier Postface: Jérôme Meizoz

Maurice Chappaz & Jean-Marc Lovay

La Tentation de l’Orient

Zoé Poche
Parution Jan 2023
ISBN 978-2-88182-284-1
160 pages
Format: 105 x 165 mm

Préface et postface de Nicolas Bouvier

Résumé

Tenue en 1968 et 1969, cette correspondance entre Maurice Chappaz, poète d’âge mûr, et Jean-Marc Lovay, écrivain en gestation, saisit en direct les plus fortes étapes de leurs voyages intérieurs.
Au fil de ces lettres envoyées du Paris de Mai 68 ou de Laponie, du Valais, de Kaboul ou de Katmandou, Lovay se dépouille de sa carcasse culturelle et esquisse l’œuvre à venir, tandis que son aîné l’encourage à « gard[er] du « primitif » en circulation libre ».

Auteurs

Maurice Chappaz

Maurice Chappaz, né en 1916, est décédé le 15 janvier 2009. Poète, prosateur, pamphlétaire –  Les Maquereaux des cimes blanches est un livre emblématique de son œuvre et n’a pas vieilli depuis 1976 –, il était devenu un écrivain prophétique qui combattait contre la dégradation de la terre et en particulier de la montagne. Jaccottet dit de lui : «A l’image d’un Rimbaud, il avait l’élan d’un adolescent-poète qui a su maintenir la grâce une fois la jeunesse finie. J’étais émerveillé par sa vivacité d’esprit.»

Jean-Marc Lovay

Jean-Marc Lovay quitte l’école à 16 ans. Il voyage en Asie, au Proche-Orient, en Australie, en Ecosse, s’arrête longtemps à Madagascar. Il vit dans des villages de montagne, il vit de toute façon résolument à l’écart. La publication chez Gallimard de ses trois premiers romans, des prix littéraires, un succès d’estime à grande échelle, tout cela ne l’écartera pas de sa trajectoire rigoureuse : non pas hors du monde, car il y est peut-être bien plus que nous, mais loin d’une société nécessairement compromise.

Pour autant, l’écriture de Lovay est le contraire de l’austérité, elle est aussi audacieuse que libre. Lovay creuse dans la langue comme dans un matériau, obstinément, de toutes les manières, tout en sachant aussi laisser le souffle faire.

Comme une danseuse à la barre tous les jours, Lovay impose à son imagination déferlante une rigueur et un travail acharné sur les mots. Il sait garder cette liberté d’esprit absolument singulière tout en la précisant, la taillant, l’affûtant grâce au baroque de sa langue.

Citations sur l’œuvre de Jean-Marc Lovay

JEAN-MARC THEYTAZ, Le Nouvelliste, 09 juin 2015

« Jean-Marc Lovay, lauréat du Prix de l’Etat du Valais 2015. Cette récompense cantonale suprême, arrive à point nommé pour saluer l’œuvre d’un écrivain de dimension nationale et internationale.

Jean-Marc Lovay c’est l’imaginaire, la fulgurance verbale, le jaillissement créateur, un auteur qui a su créer au long de décennies de travail un univers hors normes, qui a cassé les codes sociaux, déconstruit les narrations linéaires, dépassé toutes les logiques et rationalités avec une puissance et un souffle onirique extraordinaires. (…) »

 

 

JERÔME MEIZOZ

Auteur de Le Toboggan des image. Lecture de Jean-Marc Lovay, Zoé  1994

Que Lovay soit suisse, ou plutôt valaisan, est un fait non négligeable, même s’il est à mille lieues de faire du régionalisme littéraire. Valaisan, c’est-à-dire, pour un Parisien, venu d’une «province qui n’en est pas une», formé dans un canton dont la tradition intellectuelle a été monopolisée jusqu’à il y a peu par l’Eglise catholique. Géographiquement, c’est naître dans le berceau ou la tombe dentelée des Alpes. Cet enfermement intellectuel et géographique, Lovay le refuse absolument. D’où sa fascination pour les cols alpins, surtout promesses d’un autre côté, d’un voyage.

 

 

MARIE-LAURE DELORME Journal du dimanche. Magazine littéraire

Jean-Marc Lovay, ce styliste prodige à la vision noire, passe pour un auteur difficile et élitiste. C’est bien sûr le cas. Mais la vue n’est-elle pas d’autant plus belle que le chemin a été ardu ?

 

 

DIDER JACOB  Le Nouvel Observateur

Le monde de Lovay est, on le voit, à l’envers du nôtre : les objets parlent, pensent, vivent, dans une gigantesque prosopopée qui participe de ce que l’auteur, résumant son entreprise, appelle la «pure dysharmonie du chant».

 

 

GERARD MEUDAL  Le Monde

Et le paradoxe de ce style incantatoire est de créer un silence assourdissant, de celui qui s’installe au lendemain des grandes catastrophes. Le livre refermé, on se surprend à guetter les bruits d’une nouvelle manière, à tenter de percevoir le chant des oiseaux, et le silence qui suit est encore de Lovay.

 

 

Interview de LOVAY par Didier Jacob pour Le Nouvel Observateur extrait (2003).

 

Vous vivez toujours en ermite, dans la montagne.

Je n’ai plus les bêtes. Je me lève à 6 heures, je relis ce que jai fait la veille et je m’y mets. Parfois je coupe du bois, ou bien je vais marcher sur les crêtes frontalières. Je fais quelquefois 50 kilomètres pour être à un endroit qui me plaît. Les champignons, si j’en vois, je les laisse. Si quelqu’un d’autre les trouve, tant mieux. Par contre, je jardine. A une époque, j’avais mille mètres de potager, je vendais des oignons, j’avais des poules, des lapins, je faisais des tommes, j’échangeais les fromages contre autre chose. Quand je suis allé à Madagacar, en 1986, j’avais ma présure, je me disais que je pouvais toujours gagner de l’argent avec ça.

 

Comment écrivez-vous ?

J’ai écrit «Polenta» la nuit, à la bougie. Je descendais de temps à autre pour les chèvres. «La Conférence de Stockholm», je l’ai écrite en Australie, chez  l’habitant. Du soir jusqu’au matin, avec une bouteille de gnôle. A une époque, j’avais un minuscule alambic que mon frère m’avait fabriqué avec une Cocotte-Minute. Je la mettais sur un poêle à gaz, avec mon pruneau que j’avais mis à fermenter. Avec cet équipement, il me fallait deux heures et demie pour faire une bouteille. J’ai corrigé le «Colonel Fürst» comme ça : je travaillais deux heures et j’avais mon litre de prune. Quand je travaillais bien, j’en faisais trois dans la soirée.

 

On a l’impression dans vos livres de pénétrer dans un monde à l’envers.

Vous dites ça, mais il m’est arrivé de retourner ma table pour avoir l’impression de travailler après un tremblement de terre. J’ai écrit comme ça, sur ma table retournée comme un plafond qui m’écrase.

 

Vos livres sont une suite de visions. Comment vous viennent toutes ces images ?

Je les vois. Les gigantesques cuisines, c’est parce que, quand j’étais môme, la famille de mon père avait un hôtel. Il y avait des fourneaux à bois, de l’eau chaude qui fumait à gros bouillons. Ça me fascinait. Je voulais être casserolier, quand j’étais enfant. Les immenses toitures de métal, je les vois. J’entends l’eau qui coule. Je vois tout, je vois les immenses tortues qui avancent, devant moi, comme de gigantesques dolmens.

Dans les médias

« Le premier a la soif d’absolu de ses vingt ans, le second la retenue de la maturité. La correspondance entre les écrivains suisses Jean-Marc Lovay et Maurice Chappaz, écrite en 1968 et 1969, vibre pourtant d’une même ambition : « quitter ce qui s’interpose entre nous et l’existence », dit Nicolas Bouvier dans la préface.

Une quête que Lovay mène jusqu’en Afghanistan, pour se défaire au mieux de sa « pourriture spirituelle » et toucher au sublime. Son aîné, lui, cherche son « Asie intérieure » dans un vallon du Valais. Deux voix pour une critique lyrique de nos sociétés, restée pertinente malgré les années. » Marianne Meunier

« (…) À y regarder de plus près, c’est autre chose, d’autrement mieux. D’abord parce que ces deux-là sont valaisans, donc prennent leur temps, et qu’à distance ils se hèlent en yodleurs, le vieux sur ses montagnes et le jeune sur d’autres mais mêmement de papier parce qu’ils sont écrivains, et que c’est ce qui compte. Et aussi leur belle amitié suisse naissante, leur fraternité de « pays », toujours très exprimée par les deux épistoliers. Mais surtout, ses lettres sont pour Lovay ses gammes, et le titre, « La Tentation de l’Orient », signe son procès en attraction et réticence avec une contre-culture dont il ne sort que par la littérature, ce que Chappaz, de son côté, observe en mentor avec attention, et une grande affection. II y a profusion d’images, très belles. « J’ai vu un chameau blessé qu’on traînait vers l’onde trouble dans les cris de désespoir aigres et graves comme un sifflet de locomotive au fond d’un souterrain. » Et Chappaz : « Les forêts sont crevassées d’ombre. On sent les mousses comme du tabac à la lisière ». » J.D.

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