Non pas cette neige d’une nuit sous le pâle soleil rose, où le regard au lacs de mille signes déchiffre avec ennui les feintes, les chasses, les famines de tant de bêtes glacées! Qu’ai-je à faire de ces traces trop pareilles à celles des hommes? Elles s’en vont toutes vers la tanière et vers le sang.
La neige a d’autres signes. Son épaule la plus pure, des oiseaux parfois la blessent d’un seul battement de plume. Je tremble devant ce sceau d’un autre monde. Écoute-moi. Ma solitude est parfaite et pure comme la neige. Blesse-la des mêmes blessures. Un battement de coeur, une ombre, et ce regard fermé se rouvrira peut-être sur ton ailleurs.
Viens. Il n’y a personne. Je suis seul avec les oiseaux. Je regarde l’eau tout étoilée de feuilles mortes et d’écumes. Je regarde les maisons des hommes, ces beaux villages renversés aux collines comme des corbeilles de pommes rouges, – tous les villages que j’aimais. Viens. L’un peut nous accueillir encore avant les lampes. Les portes ne sont pas toutes fermées. Un de ces grands laboureurs bleus qui remontent avec la brume au chemin plein de paille et de fruits morts prendra pitié de notre quête et nous reconnaîtra. Il faut que notre rêve de chaque nuit s’accomplisse, ce rêve où tu reprends toujours jusqu’à la prière, jusqu’à la parole, la terrible route des morts. Tu me parles. Je t’écoute de tout mon corps sans oser rien répondre. Tu voudrais partir, retrouver enfin notre maison perdue, notre village sans nom. J’obéis. Je me lève. Je recommence une longue marche sans heure et sans chemin dans l’herbe, les labours, la neige. Tu ne me quittes plus. Tu es là toute proche, ô pauvre présence timide, une voix, une aile, une ombre. Tu n’es plus lasse comme jadis. C’est toi maintenant qui me supplies: Repose-toi, repose!
Mais tu sais bien qu’il n’y a pas de repos.