Zoé Poche
Parution Fév 2024
ISBN 978-2-88907-306-1
304 pages
Format: 105x165 mm
Disponible

Préface de Pierre Bergounioux

Zoé Poche
Disponible

Gustave Roud

Petites notes quotidiennes (ou presque)

Zoé Poche
Parution Fév 2024
ISBN 978-2-88907-306-1
304 pages
Format: 105x165 mm

Préface de Pierre Bergounioux

Résumé

Au printemps 1933, la mère de Gustave Roud meurt. Le poète de trente-six ans entreprend de faire le récit de ses derniers mois, tout en sauvant, dans son agenda, ce qu’il peut des journées qui filent. Ses notes deviennent, plus que jamais, son point d’ancrage dans un monde instable.
Avec ce journal intime, inédit de son vivant, Roud nous offre comme dans sa poésie une leçon de regard, de patience et de désir.

Préface de Pierre Bergounioux

Auteur

Gustave Roud

Poète, Gustave Roud (1897-1976) est l’auteur d’une œuvre rare. Les trois volumes d’Écrits, publiés par Philippe Jaccottet en 1978, qui rassemblent l’ensemble de son œuvre poétique, sont de plus en plus lus. Ses textes poétiques répondent à des préoccupations contemporaines via une écriture d’une grande pureté classique : L’imaginaire roudien séduit les amateurs de poésie mais intéresse aussi les champs suivants : écocritique, géographie littéraire, études sur le paysage, ou encore queer studies.

Dans les médias

« Ponctuées de photographies, ces pages de vie intime sont d’une profonde humanité : Roud croit à l’éternité des paysages et des visages aimés. Il participe ainsi à la civilisation de ceux qui rendent notre terre humaine et habitable. »

Un article d’Yves Leclair à lire ici

« Point d’ancrage dans une houle existentielle, ce journal intime nous plonge dans le monde agricole d'il y a un siècle, d’une plume qui fait merveille, aussi sensible aux nuances des émotions qu'à celles des champs, des paysages et du ciel. » Céline Prior

« Je ne saurais mieux vous dire l’actualité et la nécessité de cette lecture que par une citation. C’est une note du 22 août 1933 : « Je sais maintenant que chaque chose, chaque être est toujours sur la frange de l’abîme où il disparaîtra, que ce monde est le monde du sursis. ». »

Une chronique de Noé Gaillard à lire ici

« Préfacé par Pierre Bergounioux, Petites notes quotidiennes (ou presque) est très émouvant. Au printemps 1933, Gustave Roud perd sa mère. Il a 36 ans. Afin de faire face à cet ébranlement, il consigne dans son journal intime – inédit de son vivant – ces mois difficiles. Les journées s’enchaînent et filent. Les souvenirs luisent ou semblent trop vite se ternir. L’écriture de ces lignes journalières lui permet de ne pas perdre pied. Les poètes peuvent être de talentueux diaristes. Gustave Roud en est la preuve. » Thibaut Kaeser

Coups de cœur

« Morceaux choisis dans l'abondant journal de Roud (resté inédit de son vivant), ces petites notes témoignent d'un moment de bascule: la mort de sa mère et la fin d'un certain monde paysan. Mais ce qui saute aux yeux au fil des entrées c'est cette  »passion homosexuelle«  dont parle Pierre Bergounioux dans sa belle préface: à la fois pulsion de vie et élan continu vers le paysage. Car son obsession pour le paysan Olivier Cherpillod (son corps, son travail, le temps passé ensemble) est aussi une manière d'être dans le monde (être attentif, se saisir de ce qui vient ou ne vient pas). Bouleversant. »

Extrait

5 juin 33

Hier soir, avec quel sursaut d’angoisse, j’ai senti tout à coup que l’oubli commençait son oeuvre, et que peu à peu je ne pourrais plus me rappeler dans leur enchaînement temporel les paroles, les sommeils, les souffrances des derniers jours; que même ce dernier hiver allait perdre dans un vague uniforme tout ce dessin si précis et si sombre qui aurait dû nourrir sans fin ma tristesse. L’horreur de sentir mon amour abîmer son élan tout à coup dans un magma d’oubli et de mémoire où il s’enliserait sans pouvoir rien saisir, voilà ce qui me fait passer ce matin du chuchotement lèvre à lèvre avec une présence-absence à la brutalité du signe. Puissent ces phrases ne rien capturer (car leur capture fige) mais susciter seulement ce qui n’est plus et s’effarouche de revivre, cette présence qui n’ose pas se tenir devant mes yeux parce que ce qu’on appelle le «réel» la traverserait comme un glaive, heureuse de glisser à mon côté comme une ombre timide, cette promeneuse qui ne connaît plus la vieillesse ni la fatigue, et regarde avec moi le monde où tout est fleurs, feuillages, vent gorgé d’odeur, sans rien dire, sans cesser de parler, donnant sa voix au monde jusqu’à ce que le coeur retrouvant dans toutes choses la même inflexion déchirante éclate en larmes sans merci.

Orion, c’était toujours Orion au-dessus du noyer nu comme une parole de feu inexorablement allumée, quand j’ouvrais les volets de la chambre une dernière fois avant la nuit, après avoir enlevé de la table les bouquets et les plantes fleuries loin du courant d’air glacé. Moment de la piqûre, que Maman attendait avec impatience – et redoutait en même temps. Le soir où il avait fallu commencer cette chose fatale (oui, le verdict du docteur, au-delà de la voix égale qui le prononçait comme on énonce l’événement ou la pensée les plus ordinaires, semblait dicté vraiment par un Fatum, une Toute-Puissance qui ne reviendrait jamais sur sa décision), nous sommes entrés dans sa chambre, M[adeleine] et moi, essayant de feindre, déguisant sous de fausses intonations «détachées» notre perfidie de bourreaux. Depuis, tous les soirs jusqu’à la fin, je n’ai jamais pu assumer sans remords cette tâche d’endormeur, me persuader que j’avais le plein droit à une pareille tromperie. Mais jusqu’à quel point tromperie? Je ne savais pas les pensées de maman là-dessus. Sans doute a-t-elle songé d’abord à quelque calmant – inoffensif, pas du tout «irrévocable» comme la morphine, ou à quelque fortifiant d’un temporaire usage (quelques jours après le commencement des piqûres, elle aurait voulu demander au docteur de les interrompre). Mais le soulagement profond qu’elle ressentait (les débuts de soirées lui amenaient toujours un surcroît de souffrances, et les nuits étaient devenues mauvaises) l’a conduite inévitablement à les trouver nécessaires, et souvent même à nous rappeler que l’heure était là. Quel soulagement pour nous – quelle tristesse aussi de voir maman, dix minutes, un quart d’heure plus tard recommencer à sourire, à parler, à raconter mille souvenirs anciens ou proches, de son séjour à l’Infirmerie de Moudon, ou de son temps de Tubingue. De ma chambre où je remontais dormir je l’entendais encore babiller avec ma soeur (qui avait maintenant son lit dans sa chambre) sans désir de sommeil, comme si elle eût été sûre de le voir survenir au moment voulu.

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