parution août 2018
ISBN 978-2-88927-605-9
nb de pages 224
format du livre 105 x 165 mm

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Bruno Pellegrino

Comme Atlas

résumé

Comme Atlas est un petit précis de jalousie. D'Antananarivo à Tokyo, de Moscou à Pékin, la lente rupture amoureuse y prend la forme d’un voyage empreint par l’intuition que quelque chose se termine. Il en ressort ainsi une géographie particulière, où la précision et le rythme de l’écriture font que tout sonne juste, terriblement juste.

« Une histoire d’amour mélancolique, deux voyages, une rupture. On pense avoir lu ça cent fois, et puis non, les qualités du livre transcendent ce que l’histoire pourrait véhiculer comme clichés. » Isabelle Rüf, Le Temps.

Comme Atlas a été publié en 2015 aux éditions Tind sous le titre de Atlas nègre.

biographie

Né en 1988, Bruno Pellegrino vit à Lausanne. Lauréat du Prix du jeune écrivain pour sa nouvelle «L'idiot du village» (Buchet/Chastel, 2011), il a publié quatre livres aux Éditions Zoé: Comme Atlas (2015), Là-bas, août est un mois d'automne (2018, qui remporte notamment le prix des Libraires Payot et le prix Écritures & Spiritualités), Dans la ville provisoire (2021, prix Michel-Dentan et prix Paysages écrits) et Tortues (2023). Bruno Pellegrino a été actif pendant dix ans au sein du collectif AJAR, auteur de Vivre près des tilleuls (Flammarion, 2016). Toujours chez Zoé, il co-écrit avec Aude Seigne et Daniel Vuataz les deux saisons de la série littéraire Stand-by (2018 et 2019) ainsi qu’un «roman de gare», Terre-des-Fins (2022).

Vigousse

"Ce qui frappe de prime abord chez Bruno Pellegrino, c’est le style nerveux et poétique, étrangement sans temps morts pour un ouvrage d’introspection et de voyage. Il partage ses observations en courts passages évocateurs et percutants. (…) Remarquablement écrit, Comme Atlas est également une intéressante analyse du jeune couple contemporain et de l’importance que prennent les réseaux sociaux dans la relation amoureuse. La mise en scène de sa propre vie sur Internet devient une source de fantasmes pour le partenaire, qui va y chercher des indices sur ce qui est éventuellement caché.  La fin du roman, où les deux amants fatigués ne sortent plus de leur logement à Tokyo et passent leur temps à surfer, lui sur son profil à elle pour alimenter sa jalousie, est d’une tristesse post-moderne assez déchirante."  Stéphane Babey

24 heures

"Un envoûtant et magnifique voyage au bout d’une rupture, entre Madagascar, la Russie et le Japon."  Caroline Rieder

La liberté

"« Embarquement, décollage, cap au sud. » C’est avec ce court récit aux faux airs de road- trip lointainement autobiographique que Bruno Pellegrino faisait son entrée en littérature en 2015. Le jeune lausannois (…) y déroulait une succession de paysages du Baïkal au Japon en passant par Madagascar. Un itinéraire qui menait aussi de la rupture à la jalousie, en un lent délitement affectant le temps et l’espace. Texte que l’on retrouve aujourd’hui réédité en format poche sous un autre titre, Comme Atlas. Car « à la vue de l’adjectif « nègre » accolé à mon atlas sur les épreuves d’imprimerie, ce jour d’été 2015, quelque chose s’est rétracté en moi », note l’auteur dans sa préface. Légèrement remanié, cet Atlas nègre se voit aussi augmenté d’une ascension au Mont-Fuji en appendice. Comme un ultime paysage échappé d’un carnet de voyage jamais écrit, qu’il faut dès lors réinventer."  Thierry Raboud

Tortues (2023, domaine français)

Tortues

Enfant, le dimanche, Bruno Pellegrino se réveille tôt: il lui faut vider et reclasser son bureau. Dans le tiroir du bas: les objets à sauver le jour où la maison brûlera. Devenu adulte, il cherche toujours une issue entre la hantise de perdre et l'obsession de s'alléger, qu'il trie les archives d'une écrivaine décédée, se lance sur la piste d'une poétesse inconnue ou cherche à fixer un souvenir d'enfance. Des pages lumineuses sur notre besoin de conserver et le bonheur de lâcher du lest.

Terre-des-Fins (2022, domaine français)

Terre-des-Fins

Terre-des-Fins est une ville minière sur le déclin, un terminus du monde uniquement accessible par le rail. Liv, une jeune femme graffeuse, délinquante à ses heures, y voit débarquer Sora, une ambitieuse fille de la capitale, qui vient chercher en urgence l'œuvre d’un artiste. Liv se retrouve à servir de guide à la jeune citadine, dont le souhait le plus cher est de rencontrer cet artiste qu’elle vénère tant. Un récit d’émancipation sauvage et intime sous des allures de roman de gare.

Daniel Vuataz, Aude Seigne et Bruno Pellegrino écrivent à six mains depuis la série littéraire Stand-by. Ensemble, ils ont créé une écriture qui conjugue vitesse, observation et amour de la narration.

Là-bas, août est un mois d'automne

Elle se passionne pour la conquête spatiale, prépare des gâteaux légendaires, tient le ménage. Poète, lui s’efforce d’inventorier le monde et ce qui va disparaître. Madeleine et Gustave ont toujours vécu sous le même toit. À les voir, on pense à deux chouettes endormies qui se shooteraient au thé. Ou à d'étranges adeptes d’une existence lente et régulière, passée dans une maison où il y a plus de tiroirs que de jours dans l'année.

Grâce à une écriture contemporaine, attentive à la lumière et au presque rien, Bruno Pellegrino réussit à nous rapprocher de ses personnages au point de nous propulser dans leur monde : une véritable expérience sensorielle.

Dans la ville provisoire (2021, domaine français)

Dans la ville provisoire

Au creux de l’hiver, un jeune homme s’installe dans une ville cernée par l’eau pour faire l’inventaire de l’œuvre d’une traductrice célèbre. Un ticket de supermarché enluminé de notes devient un document de même valeur qu’un manuscrit. Un tas d’habits sur le lit un indice aussi important que les piles de livres et de carnets. Dans un décor que floute l’omniprésence de l’eau, le jeune homme cherche à percevoir la voix de la traductrice, à se représenter son corps, jusqu’à emprunter ses gestes et ses pensées. Le processus d’allègement est inexorable et l’expérience devient vertigineuse. Ce roman baigné d’une lumière douce et trouble envoûte le lecteur grâce à une tension permanente, un secret.

Stand-by - saison 2 (2019, Stand-by. Le feuilleton littéraire)

Stand-by - saison 2

Trois adolescents en cavale avec une journaliste quadragénaire lancée dans une quête mystique en Italie. Un médecin napolitain fraîchement diplômé, sur le point de mourir au Groenland, dans une base militaire abandonnée. Une jeune femme qui écume New York pour retrouver son ex-petite amie disparue. Chacun doit se frayer un chemin dans un monde profondément bouleversé par l’éruption d’un supervolcan qui, après avoir paralysé l’espace aérien européen, est en train de faire chuter la température sur toute la planète.

Une Italie post-apocalyptique, une Europe plongée dans l’écologie totalitaire, des États-Unis où le slogan « Make America White Again » est devenu la norme : voici la saison 2 du feuilleton littéraire Stand-by, à lire indépendamment ou à la suite de la première saison.

Langue précise et sensible, atmosphères et personnages au plus proche du monde d’aujourd’hui, Stand-by, écrit à six mains par Bruno Pellegrino, Aude Seigne et Daniel Vuataz, réconcilie littérature et séries télé.

Stand-by - l'intégrale de la saison 1 (2019, Stand-by. Le feuilleton littéraire)

Stand-by - l'intégrale de la saison 1

Suite à une éruption sans précédent à Naples, toute l’Europe se retrouve paralysée sous les cendres.

Sur le point de s’envoler de Paris pour New York, la journaliste Alix Franzen est contrainte de revoir ses plans. Nora, Vasko et Virgile, trois adolescents en vacances dans les Balkans, se retrouvent sans adultes et découvrent l’indépendance, grisante et inquiétante. Au Groenland, une équipe de jeunes Européens en mission climatique reste bloquée, loin de tout secours.

Au fil des premières heures qui suivent cette apocalypse volcanique, chacun va devoir s’en remettre à ses ressources personnelles pour affronter la réalité d’un monde nouveau.

Langue précise et sensible, atmosphères et personnages au plus proche du monde d’aujourd’hui : écrit à six mains par Bruno Pellegrino, Aude Seigne et Daniel Vuataz, le feuilleton Stand-by réconcilie littérature et séries télé. Voici la version intégrale de la première saison, récompensée en 2018 par le prix de la relève de la Fondation vaudoise pour la culture.

Stand-by 4/4 (2018, Stand-by. Le feuilleton littéraire)

Stand-by 4/4

Une semaine après l’éruption du supervolcan près de Naples, Alix a décidé de gagner l’épicentre du cataclysme : un périple dans une Italie apocalyptique.

Au Groenland, les Green Teens restés au camp de base sont tirés d’affaire, mais il faut retrouver les autres, disparus dans la tempête alors qu’ils étaient partis chercher de l’aide.

À Podgorica, Virgile, Nora et Vasko découvrent in extremis l’horrible secret d’Aden. En fuite après avoir laissé un corps inanimé, ils plongent dans l’excitation et la paranoïa, tandis que leur road trip balkanique se transforme en une course-poursuite infernale.

Le temps accélère, les actions se densifient : pas de happy end artificiel pour ce dernier épisode, mais un feu d’artifice qui clôt en beauté cette première saison de Stand-by.

Dessins de Frédéric Pajak

Stand-by 3/4 (2018, Stand-by. Le feuilleton littéraire)

Stand-by 3/4

Au Groenland, la neige engloutit les repères, tandis que les cendres commencent de voiler le ciel français. Sur les paysages monténégrins, les pluies acides laissent des sillons noirs.

Le supervolcan « crache, depuis des jours, des milliers d’années de roches patiemment mitonnées », et les protagonistes de Stand-by sont confrontés à de nouvelles réalités : l’oncle Aden a du sang sur les mains ; la mort frappe les Green Teens ; Alix n’est plus seule sur la route.

Dessins de Frédéric Pajak

 

Stand-by 2/4 (2018, Stand-by. Le feuilleton littéraire)

Stand-by 2/4

Un Groenland progressivement hostile, un Monténégro sous les cendres, une campagne française inquiétante et déserte : le décor de Stand-by est planté, place à l’action !

Alix a quitté Paris et entame une longue marche à travers la France, bravant les risques que peut courir une jeune femme isolée en pleine campagne.

Nora, Vasko et Virgile décident de partir pour Podgorica, où Vasko est attendu pour l’ouverture du testament de son père. Ils seront accueillis par l’oncle Aden, l’étrange frère du défunt.

Quant aux Greens Teens, ils sont condamnés à espérer un avion qui ne vient pas. Mais c’est sans compter un nouvel accident tragique qui va transformer leur attente en enfer.

Dessins de Frédéric Pajak

 

Stand-by 1/4 (2018, Stand-by. Le feuilleton littéraire)

Stand-by 1/4

Lorsqu’un volcan dans la région de Naples entre en éruption, un prodigieux nuage de cendres paralyse progressivement l’Europe, clouant les avions au sol et brouillant les communications. Sur le point de s’envoler pour New York depuis Paris, Alix Franzen doit revoir ses plans. Au Monténégro, Nora, Vasko et Virgile, trois adolescents, se retrouvent sans adultes et découvrent l’indépendance, grisante et inquiétante. Au même moment, les Green Teens – une équipe de jeunes Européens qui accomplissent leur Service climatique obligatoire – reste bloquée au cœur du Groenland, loin de tout secours.

Voici le récit des premières vingt-quatre heures qui suivent l’éruption.

Dessins de Frédéric Pajak

 

Là-bas, août est un mois d'automne (2018, domaine français)

Là-bas, août est un mois d'automne

Voici un éloge de la lenteur et de la liberté, un roman sur un frère et une sœur qui vivent depuis toujours sous le même toit et qui ont conclu ensemble un pacte tacite. Madeleine fume le cigare, se passionne pour la conquête spatiale, tient le ménage de la maison et, surtout, protège son frère. Gustave, lui, s’acharne à inventorier le monde et ce qui va disparaître, en marchant, photographiant, écrivant. C’est que la paysannerie se transforme, ses rituels et ses objets aussi, et, avec eux, la nature.

Bruno Pellegrino saisit avec talent ce couple frère-sœur et le cocon qu’ils ont tissé au creux de leur environnement, entre autarcie et symbiose. Le rythme qu’il insuffle à ses phrases nous projette dans un monde bruissant de couleurs et de sensations, l’univers rural des années 1960, si proche car revisité avec les mots du XXIe siècle .

Ce premier roman s'inspire librement de la vie du poète Gustave Roud et de sa sœur Madeleine.

 

Laudatio de Michel Audétat à l'occasion de la remise du prix Alice Rivaz (novembre 2018)

"Peut-être ne se sont-elles jamais rencontrées. Que savait Alice Rivaz de Madeleine, la sœur du poète Gustave Roud? Que pouvaient-elles avoir en commun, l’une dans son bureau du BIT rempli des rumeurs du monde et du crépitement des dactylos, l’autre dans sa campagne vaudoise où le temps de l’histoire ne faisait pas oublier le temps des saisons? Refusant d’occuper la place qui lui était assignée, Alice Rivaz s’est insurgée contre la condition imposée à son genre. Elle a rompu. Elle s’est séparée d’elle-même, de son destin de «bonne petite», bousculant ainsi l’ordre des choses selon lequel il était mal vu qu’une femme se mêlât d’écrire des livres.

Comme Madeleine semble loin d’elle… On la voit, sur la couverture du roman, qui se découpe dans le cadre d’une fenêtre, la tête un peu penchée, le regard brouillé par l’ombre du chapeau. Mystérieuse Madeleine. Que sait-on d’elle qui vécut toute sa vie sous le même toit que son frère? Si peu de chose. Elle a été «la discrète». Non pas celle qui s’affirme, comme Alice Rivaz, mais celle qui s’éclipse, qui s’efface. Présence indéfectible mais devenue transparente, Madeleine n’est généralement pour les lecteurs de Gustave Roud qu’un détail dans un coin du tableau.

Le roman de Bruno Pellegrino nous encourage à réduire l’écart entre ces deux femmes. Il nous présente une Madeleine dont la discrétion ne serait nullement le corollaire d’une servitude. On retient plutôt l’image d’une force qui va. Veiller sur son frère cadet n’est pas un devoir auquel elle consent, mais l’exercice d’une tendresse quotidienne et ferme. Quand, pour un rien ou un presque rien, Gustave s’inquiète, s’alarme ou se met à blêmir, Madeleine prend les choses en main en étant sans doute la seule personne au monde capable de lancer à ce poète de frère: «Quel cirque tu fais, des fois, mon vieux Gustave…»

«C’était le moment!», se dit-elle aussi en 1971, le jour où les hommes de ce pays ont fini par accorder le droit de vote aux femmes. Peut-être aurait-il suffi d’une minuscule inflexion, à l’âge de vingt ans, pour que la vie de Madeleine prenne une direction inattendue. Bruno Pellegrino s’autorise à l’imaginer: «Si, comme Marion, elle était partie en Angleterre à ce moment-là, elle en serait revenue changée, renforcée, suffragette peut-être.» Entre Alice et Madeleine, des liens semblent se tisser d’eux-mêmes. On peut se les représenter comme deux fugitives, la première échappée de sa cage, la seconde rescapée de l’oubli grâce ce magnifique roman qui lui redonne vie. Ce soir, le jury du Prix Alice Rivaz est ravi de pouvoir rapprocher ces deux femmes.

Sur la quatrième de couverture, on lit que «ce roman s’inspire librement de la vie du poète Gustave Roud». Je crois qu’il faut insister sur le mot «librement» en précisant une chose: l’auteur fait partie d’un groupe de chercheurs qui travaillent à l’édition des «Œuvres complètes» de Gustave Roud, sous la direction de Claire Jaquier et de Daniel Maggetti. Bruno Pellegrino connaît donc parfaitement l’édifice de ces écrits, jusque dans les sous-sols des textes inédits dont il a glissé quelques phrases dans son propre roman. Le jury du Prix Alice Rivaz avoue n’y avoir vu que du feu.

Une telle connaissance de Gustave Roud aurait pu intimider le romancier. Ou l’encombrer. Au pire lui donner des semelles de plomb. On s’aperçoit au contraire que l’érudition ne pèse nulle part dans le flux de cette prose limpide et souple, à la fois vive et portée par le lent mouvement des jours, des saisons et des années qui s’en vont. Le titre du roman suggère lui-même un double mouvement de fuite. Dans l’espace: «Là-bas». Et dans le temps: «Août est un mois d’automne».

Ainsi, à partir de Gustave Roud, Bruno Pellegrino a inventé le personnage si touchant de Gustave. Le second a conquis sa liberté par rapport au premier et on ne peut que s’en réjouir: je suis convaincu qu’il existe, à Madagascar, Moscou ou Tokyo, des lecteurs qui, sans rien connaître de Gustave Roud, se sentiraient comme chez eux en ouvrant ce livre où un homme de 65 ans se tient dans son jardin, penché sur des fleurs de septembre. Le roman débute là où finit le «Candide» de Voltaire, dans ce jardin qu’il faut cultiver.

Bruno Pellegrino n’a pas écrit ce qu’on appelle un «roman biographique» et il tient à ce que le lecteur s’en aperçoive. À plusieurs reprises, un «je» s’immisce dans le récit, passe la tête dans le petit monde de Gustave et de Madeleine. Il rappelle qu’il est seul maître à bord, libre d’imaginer ici que Madeleine ne ferme pas ses volets, là que Gustave utilise des post-it… «Et pourquoi pas?», demande ce narrateur qui n’est pas dépourvu d’humour : «Il a bien le droit, pour une fois, d’être un peu en avance sur son temps.» Qu’on se rassure toutefois, cet anachronisme est le seul: Gustave ne surfe pas sur le net.

Ce roman, il faut plutôt le lire comme l’histoire d’un frère, d’une sœur et de la maison qui les abrite, puis qui leur survivra. L’auteur va de Gustave à Madeleine, de Madeleine à Gustave, distribuant son attention de façon égale entre l’un et l’autre, imprimant ainsi au roman le rythme régulier et lent d’une pendule à long balancier. Dix années s’écoulent au fil des chapitres, de 1962 à 1972.

Les gestes qui font cette vie commune sont décrits avec minutie. Ce sont souvent des gestes ordinaires. Il nettoie le jardin, pelle la neige. Elle balaie, récure, prépare des gâteaux au résiné. Mais on sent bien, à chaque page, que ces gestes ne sont pas que des mouvements de surface. Ils racontent au contraire l’essentiel: la création d’un monde partagé où le frère et la sœur s’accordent. Pour définir ce roman, je songe au mot inventé par Charles Dantzig dans son formidable «Traité des gestes»: ce pourrait être un «gestuaire», comme il existe des bestiaires.

Parfois, les gestes de Madeleine et de Gustave sont identiques. Chaque matin, chacun dans sa chambre, ils font leur lit de la même manière, secouant le duvet, tapotant l’oreiller. Et quand ils prennent le thé, ils accomplissent les mêmes gestes «vastes et tranquilles» qui viennent de loin: ceux, je cite, «des parents et des tantes, perpétués dans le calme de la chambre basse». Plus souvent, leurs gestes se répondent ou se démarquent. Il se penche sur ses notes et ses carnets; elle lève les yeux vers le ciel où croisent désormais les vaisseaux de l’épopée spatiale qui la fascine. On dirait un ballet: le roman est composé avec un art de chorégraphe.

Il y a aussi les gestes rares ou empêchés de la tendresse: quand elle marche près de son frère, Madeleine n’ose pas prendre son bras; cela ne se fait pas dans leur famille. Ou encore des gestes oubliés, perdus, disparus des campagnes, comme ceux des faucheurs dont les fléaux au chômage se folklorisent en décorant les fermes rénovées.

Et puis il y a la marche, ce mouvement du corps lancé sur les chemins, parfois jusqu’aux limites de l’épuisement. Gustave est un poète errant qui arpente son petit royaume de champs, de forêts, de ruisseaux, de lumières toujours changeantes. Je cite Bruno Pellegrino: «Il refait en boucle les mêmes découvertes, revient sans se lasser aux mêmes vieux paysages dont il documente patiemment la métamorphose.» Dans ces marches-là, comme dans le titre du roman, le mouvement dans le temps se superpose au mouvement dans l’espace. Gustave est ici un homme qui passe; le frère de Madeleine est ce passant magnifique qui nous inspire, à nous aussi, un sentiment fraternel. Car la langue nous trompe en nous faisant dire que le temps passe; c’est bien sûr nous qui passons.

Comme Gustave Roud, Bruno Pellegrino est sensible à ce qui se défait, se délite, s’effrite, va à son terme. Son précédent et premier livre, récemment réédité sous le titre «Comme Atlas», se présente comme la cartographie d’une rupture amoureuse à partir de deux voyages. Le premier à Madagascar où le narrateur part seul. Le second en train et en couple vers Moscou, Pékin, Tokyo. Miné par la jalousie du narrateur, leur amour se défait sur fond de paysages décrépits et sous le régime de l’interconnexion numérique: Facebook n’est pas pour rien dans ce naufrage amoureux.

«Comme Atlas» baigne en effet dans cette forme particulière de présence au monde à laquelle les nouvelles technologies nous ont acclimatés. On part, mais en gardant un pied dans le monde que l’on quitte. On se lance à travers les continents, mais l’instantanéité du numérique abolit les distances. Est-il d’ailleurs encore bien nécessaire d’aller vers le monde puisque l’écran permet au monde de venir à nous? Dans ce premier livre se profile une question à laquelle le second fait écho: comment habiter le monde?

En passant d’un livre à l’autre, Bruno Pellegrino a imité le Candide de Voltaire: il a quitté l’horizon mondialisé pour le modeste jardin où poussent le lys, la verveine, le pavot et les massifs de zinnias. Plus loin dans le roman, il est aussi question d’héliotropes, d’épilobes, de sainfoin, d’esparcettes, d’ancolies… C’est une fête végétale devant laquelle le narrateur lui-même reste songeur. Avant de conclure, j’aimerais citer ce très beau passage où il se confie:

«Quand je lève les yeux, je vois simplement des arbres, là où Gustave et Madeleine voyaient des tilleuls, des aulnes, des acacias, des érables. J’écris sur des gens qui étaient capables de nommer les choses, les fleurs et les bêtes, alors que j’ai besoin d’une application sur mon téléphone qui identifie les oiseaux par leur chant, les plantes par la forme de leurs feuilles, et je dois vérifier sur des sites de jardinage la période de semaison du blé et de floraison des cyclamens. C’est peut-être ce qui me fascine chez ces deux-là, leur manière lente et savante d’éprouver l’épaisseur des jours.»

Bruno Pellegrino s’est donc écarté du monde qui va à la vitesse de la lumière pour visiter cet autre monde de gestes lents et de longs crépuscules. Cela m’a rappelé un livre de Paul Virilio que j’avais lu jadis plutôt que naguère: «Vitesse et politique». En 1977, ce penseur aux accents prophétiques publiait ces mots qui semblent aujourd’hui plus pertinents encore qu’à l’époque où ils ont été écrits: «La vitesse c’est la vieillesse du monde. Emportés par sa violence nous n’allons nulle part, nous nous contentons de partir et nous départir du vif au profit du vide de la rapidité.» Le roman de Bruno Pellegrino porte, en creux, cette inquiétude sur la forme de présence au monde dont la vitesse nous prive. À sa manière très personnelle et avec des préoccupations d’aujourd’hui, il a écrit sa propre «Campagne perdue».

J’aimerais terminer en citant la première phrase du roman qui pourrait avoir une tonalité presque ironique: «Le temps des digitales est fini.» En l’occurrence, le mot «digitale» ne renvoie pas au numérique mais au végétal: il désigne ici une plante aux fleurs douces et toxiques que Gustave, enfant, enfilait peut-être sur ses doigts comme un gant. D’où la très belle image qui illumine ce début de livre: «Je le vois, enfant, les doigts vêtus de fleurs», écrit Bruno Pellegrino. Et c’est pour nous l’occasion d’ajouter que le Prix Alice Rivaz lui va également comme un gant."

Comme Atlas: extrait

5

La fenêtre est tendue comme un écran de cinéma. La projection dure une semaine, sans entracte, et tout un continent y passe. Il a lu quelque part qu’un regard d’homme portait à trois miles ; il se demande s’il s’agit d’un chiffre précis, ou juste d’une façon de parler. En cet instant, il dirait que son regard porte beaucoup plus loin que trois miles, même s’il ne sait pas exactement à combien de kilomètres cela correspond ; il lui semble qu’il voit aussi loin qu’il est possible, jusqu’à ce point où la courbe de la planète soustrait l’horizon. Quand il ramène son regard à des distances mesurables – une trentaine de centimètres –, il rencontre son visage à elle, son front plutôt, penché sur son livre. Au départ de Moscou, elle s’est plongée sans grande conviction dans une édition bon marché de Tristes tropiques, achetée en prévision de ce voyage, et depuis ne décroche plus ; de temps en temps, elle lui lit à voix haute un passage sur les éventails brésiliens, « petits théorèmes technologiques », ou lui montre en riant la figure 25, « Étuis péniens blasonnés» – et tu savais que pour les abeilles, l’obscurité était lourde, et la lumière légère ?

Le premier soir, ils ont fait la connaissance de Ielena, leur voisine de compartiment, solide sexagénaire moscovite, cheveux teints roux orangé, t-shirt canari, leggins noir à pois jaunes. Elle ne parle que le russe, mais ils ont compris qu’elle allait à Irkoutsk. Elle tripote sans cesse la petite croix dorée qu’elle porte autour du cou. Ils se sont endormis rapidement, chacun sur sa couchette. Au réveil, ils avaient déjà dépassé la Volga.

Le paysage se regarde comme un feu, ou comme la mer. Hypnotisé, il voit le temps s’écouler, matérialisé selon un système de mesure où les poteaux figurent les secondes et les gares les heures, avec une multitude de marqueurs intermédiaires – arbres, ponts, villages, ombres plus ou moins allongées de ce qui fait obstacle à la lumière. S’ils avaient pris l’avion, les pays sous eux auraient passé sans encombre, abstraction faite des turbulences dues aux déséquilibres atmosphériques. En train, ils deviennent ce paysage traversé, indescriptible, ils sont comme un fil cousu dedans. Le corps accepte le roulis, s’y plie comme à une force d’attraction. Le souffle du vent déchiré par la machine, le grondement régulier des roues, le claquement des panneaux coulissants font entendre un nouveau genre de silence. Cela ressemble à une fuite, eux deux, maudits, s’inventant des continents entiers à glisser entre eux et l’Europe, les mers, les amants, eux deux propulsés à grande vitesse à travers ces terres vierges pour mettre à l’abri ce qui reste de leur amour.

À Iekaterinbourg, le deuxième soir, monte Sergeï, qui vient compléter leur compartiment – la trentaine dodue, yeux très bleus, training Nike, bracelet doré et, lui aussi, sa croix au cou. Dans son anglais rocailleux, il leur explique qu’il a rendu visite à des parents et rentre chez lui à Irkoutsk. Quatre jours de voyage pour quelques heures en famille : ça sent le mariage ou l’enterrement, le cousin enfin casé ou le vieil oncle remis à la bourbe.

Il n’y a que des Russes dans tout le wagon. Du peu qu’ils sont parvenus à échanger – une grosse dame, descendue le premier matin à Kirov avec son bébé, parlait un peu français, et un homme qu’ils ont vu s’éloigner sous les porches de la gare très verte d’Omsk, au milieu du troisième jour, se débrouillait en anglais –, ils comprennent que leur présence étonne. On les interroge : vous prenez vraiment ce train pour le plaisir ? Ils expliquent que là d’où ils viennent cette ligne est mythique, et puis ce mode de transport force à ralentir – mais le message se perd en passant d’une langue à l’autre, et on leur dit que quand même, l’avion aurait été plus pratique, non ? Dans tout le wagon, il s’agit de tuer le temps. Sergeï pianote à journée longue sur son téléphone – est-ce qu’il a seulement du réseau, dans ces étendues de pas grand-chose, est-ce qu’il aligne les parties d’un jeu au graphisme certainement pourri, ou est-ce qu’il fait juste semblant ? Ielena lit page à page un épais magazine ; elle fait des mots croisés ; elle note dans un petit calepin les gares qu’ils traversent, et à quelle heure.

Eux ne s’ennuient pas. Lire, prendre des notes, oui ; surtout, ne rien faire, pelotonnés l’un contre l’autre. Il revient sans se lasser aux cartes de son Lonely Planet. Il compare ce qui est écrit avec ce qu’il observe. C’est ainsi qu’il sait qu’ils ont dépassé la Volga. Ils verront l’Ienisseï à Krasnoïarsk (vingt minutes d’arrêt). Ils n’iront pas jusqu’à l’Amour, il le lui dit et elle dit tant mieux, il paraît que c’est décevant. Elle sort son iPod, lui passe un écouteur, et ils restent longtemps comme ça, les têtes reliées par un câble blanc. Ils mangent des nouilles déshydratées, des crackers, des concombres achetés sur le quai à de très vieilles Russes en fichu, et des ravioli à la mode slave, un beignet de patates, des framboises. Elle mord un jour dans un sandwich qui recèle, sous sa croûte molle, un cœur pourri, la mie bleue et le jambon vert. L’un après l’autre, ils vont chercher de l’eau au samovar – ils répètent le mot, c’est si russe, et puis c’est un personnage de La Belle et la Bête, mais la vraie chose déçoit leurs attentes : une simple citerne placée au bout du wagon, en métal terni, avec un petit robinet de plastique rouge. Lorsqu’ils sortent des sachets d’Earl Grey, Ielena leur propose du thé vert, du pain, et une sorte de gras de lard très salé (spik, répète-t-elle, spik, et elle ajoute : good). Après, elle leur tend des serviettes humides. La discussion avec elle se limite au nom des arrêts, et à la chaleur qu’il fait, le dos de la main passé sur le front, le t-shirt pincé de deux doigts à hauteur d’épaules.

Il n’y a pas de douche dans le train, mais le sol des toilettes est percé d’un trou qui donne directement sur le ballast. Plusieurs fois par jour, ils s’aspergent d’eau froide et se laissent sécher à l’air. Depuis qu’ils ont franchi l’Oural, la plupart des hommes sont torse nu. Dans le compartiment, Sergeï est en caleçon, sa croix autour du cou se prend dans les poils ; pour sortir, il enfile indifféremment son pantalon de training ou un short informe. Lui hésite un peu, mais elle lui dit que ça fera plaisir au reste du wagon, un joli garçon dénudé, un bien foutu, pas comme tous ces types flasques ou vieillissants. Il lui dit qu’elle est bête puis enlève son t-shirt.