parution avril 2012
ISBN 978-2-88182-867-6
nb de pages 192
format du livre 140 x 210 mm
prix 27.00 CHF

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Etienne Barilier

Que savons-nous du monde?

résumé

Grâce aux médias contemporains, le monde tout entier, à tout instant, nous est présent. Cela signifie-t-il que nous le connaissons mieux qu’auparavant ? Journalistes en tête, nombreux sont ceux qui craignent au contraire que l’information véritable ne survive pas à l’ère d’Internet.

Les médias contemporains, c’est vrai, aggravent les défauts des médias de toujours : ils menacent de faire de nous des êtres irrationnels, sans mémoire, sans histoire, sans projet. Ils reflètent, donc intensifient toutes les contradictions d’une civilisation, la nôtre, qui condamne le progrès mais adore la technique informatique ; qui s’enthousiasme naïvement pour la révolution arabe, mais renie inconsciemment son propre humanisme.

Les médias, qui devraient servir notre mémoire, servent souvent notre oubli. Mais rien n’est inéluctable. Nos moyens d’information, y compris Internet, sont et seront à notre image. Si nous gardons l’esprit critique, rien n’est perdu.

E.B.

biographie

Né en 1947 à Payerne, Etienne Barilier a passé son enfance à Vufflens-la-Ville. Ses études classiques latin-grec aboutissent à un doctorat ès lettres à Lausanne et à la publication de son premier ouvrage, Orphée, en 1971. Son œuvre compte, en 2018, une cinquantaine d’ouvrages, romans ou essais littéraires et musicaux. Étienne Barilier a été chroniqueur de télévision pour le Journal de Genève de 1981 à 1988. De 1991 à 2003, il tient à L’Hebdo une chronique bimensuelle, puis hebdomadaire. Dès 2005, il collabore régulièrement à la revue ArtPassions. Professeur émérite à l’Université de Lausanne, il est également traducteur (de l'allemand, de l'italien, de l'anglais et du latin).

LesObservateurs.ch

"(...) un essai brillant qui mérite lecture." Bruno Pellaud

Piano chinois

Au cours d’un festival d’été, dans le sud de la France, une jeune pianiste chinoise joue Scarlatti, Brahms et Chopin. Subjugué, un critique musical salue en elle la plus grande pianiste d’aujourd’hui. Un autre critique, ironique et distant, dénonce chez la même interprète un jeu sans âme, fait d’artifice et d’imitation.

Les deux journalistes se disputent à grand renfort de blogs et de courriels. Ils se connaissent de longue date, et leur querelle esthétique se double d’un conflit plus intime. Choc des egos plutôt que de civilisations? Si l’on peut parfois le soupçonner dans leurs échanges de plus en plus vifs, on découvre aussi dans ce livre une réflexion sur la musique occidentale : pourquoi jouit-elle d’un tel prestige en Extrême-Orient ? L’Europe est-elle en train de se faire voler son âme, ou de la retrouver sous les doigts d’une pianiste chinoise ?

 

 

Un Véronèse

Théo a 17 ans et tombe amoureux, d’un amour éperdu et double. Anne l’attire avec ses regards sournois, les vols qu’elle commet quasiment sous ses yeux, sa souplesse et ses réactions agressives face à ses parents ; Anna, qui pourrait avoir l’âge de sa mère, le bouleverse par sa beauté et la manière somptueuse de suggérer une vie de souffrance. Cela se passe un été des années soixante entre deux hôtels du Lido près de Venise.

Comment choisir entre ces deux femmes, mais surtout, pourquoi choisir ? L’atmosphère de ce roman est haletante, étrangement violente et engourdie dans le même temps. Chacun aura ses blessures, la mystérieuse Anna et Anne l’insoumise, Théo dont le flegme n’est qu’apparence n’en sortira pas indemne.

 

 

Ils liront dans mon âme. Les écrivains face à Dreyfus

 

Lorsqu’Alfred Dreyfus, le 5 janvier 1895, fut dégradé sur la place publique, plusieurs écrivains assistaient à la scène. Certains, comme Maurice Barrès et Léon Daudet, virent en Dreyfus le traître parfait. D’autres, cependant, pressentirent son innocence. Pourquoi ?

Pourquoi Zola, Proust, Martin du Gard, Anatole France, Charles Péguy devinrent-ils des dreyfusards ? Et comment le furent-ils dans leur œuvre littéraire ?

Car ils ne se sont pas seulement engagés en tant qu’ « intellectuels » qui défendent une cause. Ils ont pris l’Affaire en charge dans leur œuvre de romanciers ou de penseurs. Un écrivain, ils l’ont prouvé, n’est pas seulement un styliste ou un fabricant de fictions divertissantes ; il peut aussi être un diseur de réalité, un chercheur de vérité. Pourquoi ? Comment ? Le présent essai tente d’approcher cette énigme.

La Fête des lumières

 

À dix-huit ans, nous étions tout bouclés, terminés, emballés, prêts à l’expédition dans le temps, prêts pour le pensum répétitif des années. Nous n’avons fait dès lors que tirer la conséquence de nous-mêmes, ou la traîner plutôt, comme l’escargot traîne sa bave.

La Fête des lumières est un récit tendu entre deux moments, et deux générations : 1968 et 2001. L’histoire se passe à Lausanne, à Paris et au Japon, au cœur d’un groupe d’amis qui, à dix-huit ans, assistent de loin aux événements de mai – et d’août – 1968. Deux d’entre eux sont amoureux de la même camarade, Sophie, héroïne évanescente mais inquiétante, habitée par ses lointaines origines japonaises.

Quarante ans plus tard, ils se retrouvent tous, lors d’une fête où ils se jaugent, observent leurs amours et leurs enfants, leurs idées d’hier et d’aujourd’hui. Engagés à droite ou à gauche, jouisseurs ou cyniques, idéalistes ou réalistes, passionnés ou calculateurs, ont-ils changé ? Un drame, qui frappe la jeune génération, vient leur révéler durement que le monde, lui, s’est transformé.

Mozart, Casanova (2006, Minizoé)

Mozart, Casanova

 

Les deux nouvelles de ce petit volume mettent en scène Mozart enfant et Casanova déclinant. Comment se comporte un génie de dix ans, avant, pendant et après un concert, par exemple celui de Lausanne, en 1766 ? Nous le saurons à la lecture de la lettre retrouvée d’un témoin privilégié. Et Casanova, qui a séjourné dans cette même cité peu d’années avant Mozart, qu’y a-t-il fait de singulier dont ses Mémoires ne parlent guère ? Nous le découvrirons en suivant à la trace, un soir de fête, un homme d’aujourd’hui qui lui ressemble trait pour trait.

Posface de Manon Bruyère

La Chute dans le Bien

 

L’Europe n’a plus conscience d’être une civilisation. Au nom de ses crimes anciens, elle a renié le meilleur d’elle-même. Mais en ce début de XXIe siècle, elle n’a plus rien à renier parce qu’elle a tout oublié. Appauvrie et démunie, elle veut être bien avec tous ses voisins, proches et lointains. Elle veut surtout faire le Bien : nos artistes, nos politiques, nos médias, et jusqu’à notre langage, sont maniaques de la vertu.

Hélas, c’est la vertu des faibles. Notre Bien est peureux, négatif, superficiel, et surtout il est vide. Et si, au lieu de vouloir être bons, nous essayions d’être nous-mêmes ? Et si, face aux grandeurs des autres civilisations, nous songions à notre grandeur propre, qui n’est pas de chercher la perfection, mais de nous vouloir perfectibles, et de chercher le bien sans jamais quitter des yeux la beauté ni la vérité ?

Ma seule étoile est morte

 

Etienne Barilier est l’auteur d’une vingtaine de romans, où la musique est souvent présente. Il est également l’auteur de deux essais consacrés à des thèmes musicaux (Alban Berg, essai d’interprétation et B-A-C-H, histoire d’un nom dans la musique). 

L'Ignorantique. L'Ordinateur et nous

 

«Il faut se pénétrer de l’idée que l’Aide, dans l’univers de l’informatique grand public, est purement factice. Elle fait penser à ces aliments en plastique ou en carton-pâte qui permettent aux petites filles de jouer à l’épicière. Mais les petites filles savent bien qu’elles ne peuvent pas manger ces objets.»

Ici, l’auteur raconte les découvertes et mésaventures de l’usager moyen, et se demande comment faire pour que l’informatique et Internet, inventions géniales, ne servent pas à fabriquer des ignares et des aliénés. Comment éviter d’être les esclaves de ces machines. Bref, comment faire de l’ordinateur un domestique plutôt qu’un tyran.

L'Enigme (2003, Zoé poche)

L'Enigme

L'Enigme (2001)

L'Enigme

Le Dixième Ciel (2001, Zoé poche)

Le Dixième Ciel

Que savons-nous du monde?: extrait

 

« La voici qui s’abat… »

L’espèce humaine ? Elle ne se connaît pas. Elle n’a ni conscience commune, ni mémoire commune, ni projet commun. Elle grouille, et c’est tout. Je connais ceux que je puis voir de mes yeux, toucher de mes doigts. Sur leur fourmilière, les fourmis en savent plus long que nous n’en savons, nous les humains semés à la surface du globe, sur nos milliards de congénères. La planète Terre n’est pas une agora globale où nous pourrions deviser des grands systèmes du monde et tirer, sur la comète, des plans quinquennaux ou millénaires. Il existe bien ce qu’on appelle une « communauté internationale », mais jamais le sens du mot de « communauté » n’aura été si vague, hypocrite et vide de sens que dans cette expression. Et même irriguée d’un sang qui ne serait point de navet, cette communauté-là réunit, au mieux, les personnes morales que sont les États. Les personnes physiques, elles, sont séparées.

 

Bien sûr, chacun de nous connaît sa famille, ses voisins, ses collègues de travail. Mais c’est tout. Les plus favorisés d’entre nous ont même des amis à l’étranger, voire au-delà des mers, figurez-vous. Ils échangent avec eux des photos du petit dernier, des voeux pour l’an neuf, et forcément, si la relation s’installe dans le temps, des condoléances. Dans de rares cas, des considérations sur le monde comme il va. Mais pour savoir comment va le monde, pour connaître les actes et les pensées des humains que nous ne pouvons voir de nos yeux, ni toucher de nos mains, que faire ?

 

Rien. On ne peut rien faire. Comment voulez-vous être au four et au moulin ? Chez vous et chez les autres ? Recueillir à la fois les propos de vos proches et ceux de tous les pékins de la planète ? Courir toutes latitudes et longitudes afin de vérifier qu’il ne s’y passe rien de spécial, ce qui ne vous dispenserait pas d’enregistrer tout ce qui s’y passe de normal ? Bien sûr, je peux savoir une chose : statistiquement, le temps que j’écrive cette phrase, tant de milliers de personnes meurent dans le monde, tant d’autres milliers naissent, tant de millions hurlent sous le fouet du plaisir tandis qu’un nombre à peine inférieur hurle sous celui de tortionnaires ou de gardes-chiourmes. Mais qu’est-ce que je peux faire de tout ça ? C’est trop pour un seul homme. Dieu lui-même doit trouver la tâche surdivine.

 

D’ailleurs à quoi bon écouter les cris, les chants ou les pleurs de milliards d’êtres humains ? Tout cela, s’additionnant, s’annule. Ce que je veux, c’est y voir clair. Organiser la Terre en table sphérique où nous nous demanderions tous ensemble, frères humains, qui sommes-nous, d’où venonsnous, où allons-nous.

 

Eh bien ? me dira-t-on, et les médias d’information ? Sont-ils faits pour les chiens ? Sans eux, il est vrai que je ne saurais rien, en effet, strictement rien de ce que vivent mes congénères, mis à part ceux que je puis voir, entendre et toucher en direct et en live. Mais avec les médias, tout change. Le philosophe Karl Löwith, dans un ouvrage qui remonte au début de la Deuxième Guerre mondiale, relevait que le journal nous permet de vivre « quotidiennement l’histoire universelle ». Dans les journaux, ajoutait-il, on trouve trois genres d’événements : l’histoire du monde, la vie régionale et… les prévisions météo (c’est-à-dire, en somme, la vie de la Nature). Grande histoire, petite histoire, météo : le mélange plus ou moins harmonieux de ces trois genres d’information continue, soixante-dix ans plus tard, à faire la matière de nos journaux, même télévisés ou internettisés1. Et c’est ainsi que nous vivons « quotidiennement l’histoire universelle », ou que tout au moins, pour citer encore Löwith, nous nous flattons de penser que nous la vivons.

 

Bien entendu, ce qui était vrai voilà soixante-dix ans l’était déjà beaucoup plus tôt. Le mélange excitant de la grande histoire et de la petite, des guerres effroyables et des faits divers croustillants, existait avant que n’existe la presse. On nomme parfois, comme ancêtre de nos journaux, avant le Mercure françois, avant la Gazette de Théophraste Renaudot, deux oeuvres de Pierre-Victor Palma-Cayet (1525-1610), la Chronologie novennaire et la Chronologie septennaire, parues tout au début du xviie siècle3. En effet, l’auteur y mêle habilement et savamment la très grande histoire à la toute petite, et les récits d’alcôve aux récits de guerre, tout comme nos médias, aujourd’hui, se plaisent à entremêler le sort de la Libye à celui d’un ancien directeur du fmi.

 

Une chose est sûre : sans la presse, sans les médias, nous aurions peut-être accès à la petite histoire, du moins celle de notre entourage, mais pas à la grande. Sans les médias, je n’aurais jamais appris que la terre peut trembler au Japon, et les despotes, trembler dans les pays arabes. Par la rumeur ? Peut-être, mais la rumeur est le premier des médias… Sans eux, comment savoir, le jour venu, que Barak Obama a été élu président des États-Unis ? Comment savoir, même, qu’un autre président du même pays a été assassiné en 1963 ? C’était d’ailleurs un sacré coureur de jupons. Son assassin, par une sorte d’effet mimétique, a été à son tour assassiné, et l’affaire, aujourd’hui encore, n’est pas claire : franchement, sur la photo de ce deuxième meurtre, publiée dans tous les journaux, le policier qui affecte de retenir Ruby, l’assassin numéro deux, d’assassiner Oswald, l’assassin numéro un, joue mal son rôle de type surpris et dépassé par les événements. Moi, je me méfie.

 

Ruby, donc, fut le nom du deuxième assassin. J’ai de la peine à m’en persuader. Mes souvenirs se brouillent. De ma mémoire, le présent chasse Jack Ruby, au profit d’une autre personne qui porte le même nom, devenu prénom. C’est une jeune femme, également meurtrière, puisqu’elle a contribué, sans doute, à transformer l’ex-président du Conseil italien en cadavre politique. Encore une histoire que, sans les médias, je n’aurais jamais sue. Est-elle aussi importante que la première ? Délicate question. Mais ce qui est certain, c’est que Ruby, pour les médias d’aujourd’hui, désigne une jeune personne qui vit de ses charmes, et plus du tout, plus un seul instant un gros tenancier de bar qui assassine un assassin.

 

Même problème avec Cesare Battisti : tout le monde sait de qui il s’agit, et vous êtes vraiment d’une autre planète si vous ne savez pas que ce nom désigne un activiste italien d’extrême gauche, né en 1954, condamné pour des assassinats qu’il nie avoir commis, et qui vit sous les cieux brésiliens après avoir troussé, sur sol français, quelques romans policiers bien informés. Il n’y a pas deux Cesare Battisti, voyons !

 

Eh bien si, précisément, il y en a deux. L’autre jour, en la belle et bonne ville de Vicenza, mes yeux se sont levés sur la plaque indiquant le nom d’une rue : Cesare Battisti. Diable ! Les Italiens auraient-ils, en un tournemain, innocenté l’activiste d’extrême gauche né en 1954, et lui auraient-ils même dédié une rue de Vicence, peut-être pour honorer son oeuvre littéraire ? Bizarre, tout de même. Par la suite, j’ai découvert bien d’autres rues Cesare Battisti, sans parler des plaques commémoratives. Il s’agit d’un irrédentiste italien né en 1875, à Trente, exécuté par les Autrichiens en 1916, pour haute trahison (il s’est battu sous le drapeau de l’Italie durant la Grande Guerre). Depuis, l’un des héros nationaux les plus chers au coeur de nos amis transalpins. Le contraire, en somme, de l’autre Cesare Battisti. Et dont on peut penser qu’il demeurera dans la mémoire de ses compatriotes quand celle de notre activiste écrivain l’aura depuis longtemps désertée. Seulement voilà, les médias vivent dans le présent : ils croient et nous font croire que le monde est né de ce matin. Ils ne connaissent qu’un Cesare Battisti, et ce n’est pas le bon.