« Tissé de souvenirs, hanté par la figure de Monsieur B, son ex-mari, le récit voyage en zigzags entre les petites misères du grand âge et les grands émois d’une vie au sein de laquelle la chance et la littérature avancent main dans la main. La romancière genevoise reçoit Nicolas Julliard dans son nouveau lieu de vie, en Haute-Savoie. » Un entretien à écouter ici

« Elle est devenue l’inclassable des lettres romandes, où chacun occupe d’ordinaire son petit casier. La femme parle d’elle-même seulement, avec ce que la chose suppose d’autofiction(s). Relate-t-elle? Se souvient-elle? Invente-t-elle au contraire, puisque ici toutes les libertés apparaissent possibles? Allez savoir!

(…) Catherine, devenue octogénaire, se démène en faisant du sur-place. Tout lui est devenu compliqué, alors qu’elle squatte chez Jeff et Mélie avec ses cartons de livres jamais déballés. Il lui reste la cigarette, la promenade et des lambeaux d’écriture. Plus les souvenirs. A son âge, il y a toujours des bouts de passé au milieu d’un présent glauque et d’un avenir qui rétrécit.

(…)Le livre qui commence par un déménagement se termine avec une visite de Monsieur B., supposée tout de même devenir la dernière. Il y a ensuite un codicille très ancien où Catherine se fait lire l’avenir par les tarots. On était en août 1962. Une autre époque. La boucle semble apparemment bouclée. Catherine Safonoff conclut ici comme si c’était l’ultime page. Elle le fait avec ses mots qui semblent tout simples, mais dont l’assemblage représente à mon avis beaucoup de travail. Je ne serais pourtant pas étonné si ce testament se voyait une fois encore rouvert. L’accueil extrêmement favorable fait à «La fortune», qu’elle publie à nouveau chez Zoé, le laisse penser. Il faut dire que le lecteur se souhaite d’emblée une suite. Il s’agit là du meilleur livre suisse romand de l’année. J’en suis sûr, mais je me sens de mauvaise foi. Il faut dire que je n’ai pas éprouvé l’envie de lire les autres. »

Un article d’Etienne Dumont à lire ici

« Catherine Safonoff offre avec son nouveau récit, La fortune, un texte puissant et intransigeant. (…) La narratrice cherche inlassablement dans l’écriture la puissance de la langue qui dit vrai. (…) Cette langue que l’auteure travaille sans relâche, feuillet après feuillet, réussit cet exploit qui consiste à atteindre ce qu’il y a de primitif en chacun d’entre nous, sans pour autant trahir le moindre secret : « écrire ne doit pas, d’ailleurs ne le peut, fracturer l’essentiel, le trivial et vital secret d’autrui ». C’est là la richesse de ce nouveau récit de Catherine Safonoff qui, une fois encore, touche le lecteur en plein cœur. »

Un article signé Gabrielle Napoli à lire ici
Suivi de son entretien avec Catherine Safonoff, disponible au bout de ce lien

« (…) L’auteure (octogénaire) est envoyée à la campagne, comme au bagne, dans la ferme où habite sa fille. Commence alors un processus de deuil que Catherine Safonoff rend tantôt avec force, tantôt avec douceur. C'est un travail sur soi autant qu'un travail sur les mots et le réel, le labeur de l'écrivaine se confond avec celui de cette femme en proie à la colère et à la haine – qu'elle tente de surmonter en noircissant lumineusement le papier, tout en évoluant sur une ligne de crête : comment faire pour que l'encre ne soit pas vitriol? Avec une grande sensibilité, elle nous happe. Ce qui semble banal ne l'est pas et révèle le portrait d’une dame blessée qui, l’âge avançant, tente de se remettre en selle. La roue finira par tourner. Étincelant! » Florian Sägesser

« L’autrice, il est vrai, semble se jeter tout entière sur la page. Celle qui, dans La Fortune, trie dans son filet les événements de deux années sait désormais amener le passé dans le présent (le jeune chercheur suisse et sa femme aux Etats-Unis en 1963, les mêmes muets sur les routes du Mexique, ou en larmes à New York, les Noëls chez l’ex et sa troisième femme), et condenser quelques épiphanies, ou une « goutte de temps » parfaite. Le métier est là. Se souvenir d’une scène est une chose, « la rendre vraie par l’écriture » en est une autre. Et avoir une perception aiguë de l’instant ne garantit pas qu’on saura l’épingler. Par exemple, en plein hiver, dans le soir qui tombe, elle « prend à travers champs » : « Je sais qu’à l’écriture, ce qui se passe sera diminué ». » Claire Devarrieux

« C’est ainsi qu’elle apparaît sur le seuil de son nouveau livre. Comme une personne déplacée qui n’a pas fini de chercher sa place. (…) Catherine Safonoff écrit ses livres avec la prose de sa vie, pratiquant cet art délicat et souvent inconfortable qui consiste à parler non seulement de soi mais aussi de personnes proches. On la retrouve ici telle qu’en elle-même. Subtilement ensorceleuse comme elle l’a toujours été. (…) L’humour de Catherine Safonoff vire parfois au rosse, mais elle a le bon goût de ne pas s’épargner plus que les autres. Si l’on aime tant ses livres, c’est sans doute pour la fusion qui s’y opère entre la finesse d’une sensibilité et la vigueur d’un tempérament indomptable. » Michel Audétat

« Il y a chez Catherine Safonoff une vive, une coruscante énergie du désespoir. Elle part à travers champs, s’aventure jusqu’à un campement de romanichels qu’on lui a conseillé d’éviter, s’échappe à vélo, pactise avec les animaux de la ferme (à l’exception de Lily, la truie), balade les chiens. Et elle écrit, soucieuse de ne pas laisser s’évaporer la moindre « goutte de temps ». Entre le carnet de bord et le journal intime, elle laisse au quotidien, aux petits événements, aux accidents, le soin de réveiller les souvenirs, de porter les sentiments. Le passé, ses lumières et ses ombres, s’entrelace au présent. Paysages du dedans. Il faut relire tout Safonoff. D’un livre à l’autre, avec elle, la roue n’en finit jamais de tourner. » Xavier Houssin

« La Genevoise revient dans un livre éblouissant sur le déménagement qui a bouleversé sa vie, à plus de 80 ans. (…) Tirant à la fois le fil d’une colère qui monte et de ses souvenirs, elle déroule un livre plutôt mince, qui a l’épaisseur d’une vie. (…) Catherine Safonoff lit et relit les textes qu’elle aime. Il faut faire de même avec La fortune: chaque plongeon révèle un détail nouveau, une phrase qui happe, une ironie qui pique ou affleure. »

Un entretien mené par Caroline Rieder à lire ici

« Est-ce un roman ? Un récit personnel ciselé comme de la littérature ? De l'auto-roman sans les tares accolées à ce genre ? Avec Catherine Safonoff, on hésite toujours. Et puis qu’importe si l’écrivaine genevoise est fidèle à ce qu’elle a vécu ou si elle brode sur des bribes de son existence. L’important c’est de se laisse aller, porter, emmener, séduire par ses mots. Ils sonnent justes, résonnent. (…)
Catherine Safonoff signe avec La Fortune certainement l’un de ses meilleurs ouvrages. On croirait lire une fin, mais on pressent que ce n’est pas le cas. En complément de ce livre, on peut aussi grignoter La part d’Esmé, une réédition en poche, et Autour de ma mère, également chez Zoé en poche, mais plus ancien. » Thibaut Kaeser

« La Fortune, ce récit dont elle dit « ce livre m’a sauvé », témoigne de ce déménagement imposé tout en intégrant des souvenirs anciens : un séjour aux Etats-Unis avec l’ex-mari, la naissance des enfants… Un texte fort et tendre. » Odile Habel

« La Fortune raconte ce déchirement, cette incompréhension. Mais pas seulement. Catherine Safonoff poursuit une œuvre autobiographique d’une exquise intelligence. Avec une habileté épatante, elle passe du présent aux souvenirs, raconte le temps de son mariage, ses débuts dans l’écriture, ses voyages, les Etats-Unis… Et même si la colère et la rancune affleurent, elle conserve cette extraordinaire sensibilité aux choses, cette finesse d’observation, cette manière de se dévoiler sans jamais paraître impudique, encore moins narcissique. Par touches, elle livre aussi quelques éléments sur sa façon d’envisager son travail : «Écrire sur ses proches est impardonnable. Et me revoilà parmi eux, dedans, incluse plus que jamais, parasite éternelle, torchant mon interminable Lettre aux miens.» » Éric Bulliard