Domaine français
Parution Sep 2019
ISBN 978-2-88927-680-6
160 pages
Format: 140x210 mm
Disponible

Jérôme Meizoz

Absolument modernes !

Domaine français
Parution Sep 2019
ISBN 978-2-88927-680-6
160 pages
Format: 140x210 mm

Résumé

Absolument modernes ! est la chronique caustique et navrée de la modernité suisse des années 1970 et 1980 : le pari sur la croissance illimitée, le culte du marché et de la technique. Entre satire et récit intime, un certain Jérôme Fracasse conte les Trente Glorieuses traversées par son père, ouvrier convaincu de l’«avenir radieux». Documents, slogans et tracts d’époque autant que souvenirs de famille dessinent une période exaltée et ambiguë : la construction de l’autoroute du Rhône, l’ouverture des supermarchés, le règne de la télévision et de la voiture, le développement massif du tourisme dans les Alpes.
La croyance heureuse du père dans le «régime des promesses», la volonté de s’arracher à un passé de pénurie et le tourbillon de la société de consommation : tels sont les grands traits de cette fresque où drôlerie et gravité sont indissociables.

Auteur

Jérôme Meizoz

Jérôme Meizoz, né en Valais, est écrivain et professeur à l’Université de Lausanne.

Son premier livre Morts ou vif a été désigné «Livre de la Fondation Schiller Suisse 2000». En 2005, il reçoit le prix Alker-Pawelke de l’Académie suisse des sciences humaines (ASSH), et en 2018 Faire le garçon (2017) remporte le Prix suisse de littérature. Parmi ses ouvrages littéraires, Les Désemparés (2005), Père et passe (2008), Fantômes (2010, avec Zivo), Séismes (2013), Temps mort (préface d’Annie Ernaux, 2014),  Haut Val des loups (2015) et Absolument modernes! (2019).

 

 

Distinctions

Jérôme Meizoz, lauréat du prix de la Société des Écrivains Valaisans (SEV) 2020 pour  Absolument modernes! 

Dans les médias

« L’habileté de l’écrivain valaisan à narrer l’étrangeté dans la banalité, à disséquer de sa plume précise le quotidien, à mêler les émotions de ses pairs et les siennes. Une signature pour ses romans. »

Jérôme Meizoz était l’invité de Julie Evard sur le plateau du 12 :45. Un sujet à revoir ici  

« Question paradoxale : comment guérir un hypocondriaque ? « N’étant pas soignant, je suppose qu’il ne me restait plus que la place du malade. Imaginaire. » Ainsi se lamente le narrateur du très drôle Absolument modernes ! complètement malade de ne pas l’être. Pas sûr que vous croyiez encore à la science après ce roman qui persifle les utopies modernistes, mais ça vaut le coup de se payer une petite session. » Pierre-Édouard Peillon

« Il n’est pas donné à chacun d’écrire l’autobiographie de tout le monde. (…) Jérôme Meizoz propose ici treize chroniques sur le progrès, cette notion devenue soudain problématique, c’est le moins qu’on puisse dire, alors qu’elle a été, un bon siècle durant, une évidence. (…) A l’inertie qui nous guette, Meizoz oppose la présence d’ « Anges ». (…) Ce sont de superbes portraits, « la Femme du peuple et son fils  » ou « l’Abbé  ». Des documents, des citations (…) complètent cette vue d’ensemble. Modeste conclusion : « Il me semble aujourd’hui que du monde, on ne peut donner qu’une image morcelée.  » »

Un article de Claire Devarrieux à lire en entier ici

« Jérôme Meizoz (…) brosse dans Absolument modernes ! une chronique à la fois intime et collective de la modernisation du XXe siècle. (…) Autant dire que cette chronique saisit avec force la teneur politique de la mélancolie, qui tout à la fois propose un portrait de l’écrivain en chiffonnier, « crochetant de vieux papiers », dessinant quelques silhouettes émouvantes, recyclant slogans et mots d’ordre (« Fluor, on récolte ce que vous avez semé »), et dresse une mémoire des luttes et des colères avec un sens réussi de la satire : il est faux de croire que le temps présent se réveille douloureusement d’une illusion moderniste, tant le livre compose sur le mode du montage documentaire la succession des révoltes et des résistances à cette « folie collective ». Dire avec emportement ces luttes, c’est montrer que rien n’est inéluctable, rouvrir des espaces de résistance, donner à penser « une autre vie possible ». »

Un article de Laurent Demanze à lire en entier ici

« Tout énervé, le Jérôme Meizoz, à tenir la chronique des années 70 et 80 en Suisse, un temps où tout semblait possible, comme un éclat de rire permanent et obligatoire, où il fallait être, du titre du roman, « Absolument modernes ! » Tout sautillant, le Meizoz, à la fois rageur et jubilatoire, d’une chronique à l’autre, d’un souvenir à l’autre, racontant l’irrésistible ascension de ce petit pays (…). » Jacques Lindecker

« C’est la violence de cette  »immense fiction«  du progrès, hérité du XIXe siècle, que Jérôme Meizoz s’attache à décrire, et à laquelle il oppose un récit à hauteur d’homme. »

Un article de Julien Burri à lire en entier ici

« Jérôme Meizoz publie « Absolument modernes!», entre chroniques satiriques et récit intime sur le pari de la modernité dans les années 1970 et 1980 dans son Valais natal. Émouvant et drôle. »

Une interview de Jérôme Meizoz par Laurence de Coulon à lire en entier ici

« Les textes à la fois intimes et collectifs du Valaisan s'inscrivent dans le sillage de l’œuvre d'Annie Ernaux, l'une des écrivains qu'il apprécie le plus. (…) Dans Absolument modernes !, les tranches de vie se mêlent à des extraits d'articles de presse, des tracts de militants écologistes, des slogans publicitaires… L’écrivain aime replacer le récit dans un contexte. »

Un portrait de Jérôme Meizoz par Noémie Matos à lire en entier ici

« Durant toute cette chronique couvrant les années 70 de son enfance à la mort de son père, dans les années 2010, Jérôme Meizoz observe entre hébétude et attirance l’essor du Progrès dans le Haut Val. »

Jérôme Meizoz était l’invité de Christian Ciocca et Jean-Marie Félix dans l’émission « Caractères ». A réécouter ici

« Absolument modernes !, satire des temps actuels, alterne la chronique corrosive du développement technique et des figures d’anges aux yeux baignés de larmes.  La cause de cette déploration : l’envoûtement mondial pour la croissance. L’auteur en fait l’anaphore du roman qu’il scande et éreinte d’une funambulesque onomatopée : « Croissance ! croit sens ! croâ cens ! » La liturgie économique en sort laminée. (…) Il ne faut pas se retenir de lire le dernier Meizoz : il est drôle à rebrousse-sens, décape la macro-économie et est indispensable. » Eugène Ebodé

« Elle a de l’allure, la postmodernité. Une allure apocalyptique, alors que Jérôme Meizoz s’interroge, entre chroniques et portraits, entre satire et mélancolie, sur le devenir des chimères du progrès et de la croissance. (…) Entre récit intime et littérature sociale, dans un entre-deux d’équilibriste qui n’est pas sans rappeler Annie Ernaux, il témoigne. » Sophie Bénard

« Dans « Absolument modernes ! » l’écrivain Jérôme Meizoz retrace l’ambiance euphorique des années 1970 et 1980, en contraste avec le catastrophisme politique et social d’aujourd’hui. Avec cette question en toile de fond : « Quelque chose s’est brisé, mais quand ? »

À l’heure où un nouveau parlement va entrer en fonction, il n’est peut-être pas inintéressant de savoir comment on en est arrivé là. À ce ciel et cette ambiance politique plombée en permanence par des nuages menaçants qui ont pour noms « réchauffement climatique », « crise migratoire » ou « mondialisation sauvage ». À cet égard la lecture du dernier livre de Jérôme Meizoz, «Absolument modernes!» peut s’avérer précieuse. »

Une chronique de Nicolas Martin à lire en entier ici

« Jérôme Meizoz nous emmène, entre tradition et modernité, dans un récit très communicatif et ironique. »

Jérôme Meizoz était l’invité de Lydia Gabor dans l’émission « Entre nous soit dit », à réécouter ici

« Entre mémoire intime et chronique sociale, Absolument modernes ! déploie une fine mosaïque pour évoquer le Valais des Trente Glorieuses voué au Progrès. (…)

Tout à son ambition de « comprendre ce qui nous est arrivé », Jérôme Meizoz multiplie les registres et les références pour constituer sa fresque sociale. Un impressionnisme documentaire qui se double ici d’une véritable ambition littéraire par l’épure soigneuse de son écriture, par les images évocatrices qu’il fait naître dans les interstices de sa poétique du fragment. » Thierry Raboud

« (…) Le texte saisit à bras le corps les innombrables paradoxes de cette modernité alors triomphante, ce qui le rend d’autant plus percutant pour nous autres de la génération gueule de bois. En 2019, Absolument modernes! apparaît comme le récit de l’investissement pourri dont nous payons les intérêts. En treize chroniques, le narrateur, un certain Jérôme Fracasse s’attarde sur nombre d’icônes du progrès (les autoroutes valaisannes, la télévision, la déforestation,…) et exploite superbement les possibilités de l’écriture en fragments, une des marques de fabrique de l’auteur. (…)

Naturellement, Absolument modernes! est avant tout le récit de transformations – la photographie d’une société absolument transformée – où une seule phrase suffit souvent à tout dire ; la mutation technique, aussi, omniprésente mais toujours impeccablement ancrée dans les rapports de domination économiques et symboliques; et finalement la transformation du regard, des scènes et des portraits situés, des références générationnelles, de quoi proposer aux millenials une plongée dans les rêves qui ont programmé l’obsolescence de leurs systèmes(…). »

Un article d’Aurélien Maignant à lire en entier ici

« [Un] petit livre de réflexions intimes qui produit un son discret et flûté, où la littérature est reine. (…)

L’écrivain est mordant, pas méchant, mais férocement malicieux quand il livre une brève genèse du capitalisme helvète, laboratoire du capitalisme mondial. « La banque s’inspire de la machine à traire », commence-t-il par rappeler avant de conclure : « Et le capitalisme garde ici cette odeur d’écurie… » Le lait de la croissance auquel nous avons été abreuvés a tourné. Jérôme Meizoz le démontre en faisant d’une injonction idiote le titre de son livre, un collage rieur et très sérieusement délirant. Il faut pour l’apprécier avoir le goût de la fantaisie, du non-sens et de la dérision. »

Un article de Cécile Dutheil à lire en entier ici

« Loin d’être une charge polémique, une dénonciation massive et agressive, le texte [de Jérôme Meizoz] a une légèreté ironique. Il décrit et démonte, exemples à l’appui, toutes sortes de progrès salués par leurs promoteurs (…). Au salut des chantres de cette évolution répond, sous la plume acérée comme une flèche, l’énumération des effets négatifs sur l’homme et la nature. (…) Ce petit livre trempé d’humour, enlevé, sans prétention idéologique, est une invitation à une curieuse petite danse de lucidité. C’est amusant et cela fait réfléchir. Bien joué ! »

« On entre dans la grande histoire à travers le regard intime et familial de l’auteur. Jérôme Meizoz questionne l’euphorie d’une génération exaltée par l’illusion du progrès. 50 ans plus tard, les temps ont bien changé. Ce livre est une belle manière de se souvenir de cette période historique qui a fait le monde moderne. Un livre vraiment bien et qui fait réfléchir. »

Une chronique de Joëlle Rebetez dans l'émission « Altitudes » à réécouter ici

« On connaît l’art consommé de Jérôme Meizoz pour passer au crible les situations et les comportements contemporains. Sa plume, à la fois caustique et curieusement compatissante, agit comme un révélateur ; elle cisèle d’impitoyables réquisitoires tout en s’abstenant de jugement. On retrouve ce savant équilibre, soutenu par un style impeccable et tempéré d’un humour pas toujours rosse, dans ce portrait de l’âge d’or valaisan, celui des Trente Glorieuses et de ses chimères modernistes : du passé faisant table rase, le paradis romand n’aurait-il pas perdu de son âme ? Bon diable, l’auteur la lui rend à travers ces saynètes grinçantes, drôles et, malgré tout, affectueuses ! »

« Jérôme Meizoz, outre un talent d’écriture fou, a la mémoire un rien caustique. Il se fait le chroniqueur des rêves de modernité auxquels la Suisse a cru dans les années 1970-1980 (…). Avec un art consommé du patchwork, l’auteur se souvient de l’essor de la société de consommation (…). La chronique est brillante, parfois mordante : l’or promis n’était si souvent que de la pyrite… L’auteur ne cache pas son sentiment, dessinant à l’eau-forte les faiseurs de promesse et, au fusain, ceux qui y ont naïvement cru. Le livre se lit avec jubilation, souvent accompagné d’un sourire complice et parfois d’un haussement de sourcil étonné devant la vivacité de l’attaque. » Patrick Chabbey

« Entre rires et larmes, Jérôme Meizoz évoque son passé en jetant un regard sceptique sur les Trente Glorieuses. (…) Par petites touches impressionnistes, l’observateur (…) railleur saisit au vol les signes qui annoncent que la fête touche à sa fin (…). Comme chaque fois, le coup d’œil critique et lucide de Meizoz est servi par une écriture légère et dense, riche de sens et d’émotions. » Pierre Emonet

« Avec Absolument modernes !, Jérôme Meizoz se penche sur la foi aveugle dans le progrès qui anime nos sociétés des Trente Glorieuses, prélude à la catastrophe écologique actuelle. (…) Un tableau à la fois intimiste et documenté, lucide et mordant, de ce qui compose notre monde. Le tout porté par une écriture singulière et évocatrice. Magnifique ! » Nadia Boehlen

« D’une plume incisive, l’écrivain suisse reconstitue l’épopée de la modernité, le culte de la technique et de la croissance infinie, vus de la vallée où grandit son narrateur. (…) 

Cette chronique douce-amère procède par embardées entre le récit intime et les visions empruntées à Max Weber, Victor Hugo ou René Char, en quête d’une réponse à l’énigme qui nous tourmente tous : « Quelque chose s’est brisé, mais quand ? » » Mona Chollet

« L’emballement de la société de marché nous conduit dans le mur et nous y allons gaiement, pris d’inertie, « cadeau imprévu de la technique » constate le Valaisan Jérôme Meizoz dans un récit qui trempe sa plume dans l’ironie caustique de l’écrivain Maurice Chappaz et le sens du non-sens de Cingria, ses grands devanciers. Cette chronique de la modernité et de la manière dont, saisis d’une folie collective, nous y avons cru (aux supermarchés, aux autoroutes, au tourisme de masse ou à la télévision), est amère mais alerte. Nous avons eu foi en la croissance mais elle ne nous rendra rien, si ce n’est malheureux. Y compris en Suisse, ce laboratoire du capitalisme mondial où «la banque s’inspire de la machine à traire ». Et n’attendons pas de Dieu qu’il nous sorte de là : «En pèlerinage sur une autre galaxie, il s’en lave les mains. » » Guillaume Lebaud

Extrait

Première chronique

1

Au commencement était la chair.

Bourgeonnante ou putréfiée, inlassable, toujours recommencée.

Coïts, coïts. Milliers d’êtres neufs déposés sur le bord du monde, lancés dans leur seul corps.

2

Père proclamait que la médecine allait guérir sa femme du cancer.

La preuve, toutes ces boîtes de médicaments sur la table de nuit. Par précaution, on lui donnait quand même l’eau de Lourdes et la crème budwig de la doctoresse Kousmine. A force, chacun d’entre nous était devenu un professionnel de l’espoir. Il y avait bien quelques anges dans le secteur, mais que pouvaient-ils contre le malheur ?

Cancer, cette hérédité suspendue sur ma tête !

Dans la moindre sensation, je croyais reconnaître le crabe.

Ce serait mon lot, après celui de grand-père, de mère et de ses deux sœurs. Depuis que le cancer avait frappé alentour, nombre de mes proches avaient opté pour les métiers de la santé. Une injonction à soigner leur était demeurée, sans objet, à titre conjuratoire. Oh, harmonie préétablie…

Et Dieu, sur son nuage, a bel et bien laissé mourir ma mère.

3

Toute sa vie, père a voulu croire au progrès. L’avenir radieux ne serait qu’une affaire de technique. Il fallait juste avoir confiance, s’en remettre à ceux qui savaient. En nous, rien n’avait jamais été moderne. Face aux malheurs, nous restions bouche bée.

Maintenant, me voilà enfin prêt à raconter ces années de promesses, quand on chantait partout l’avancée triomphale et la croissance infinie. Parce qu’aujourd’hui, apparemment, il faut en rabattre.

Quelque chose s’est brisé, mais quand ?

 

4

Depuis que le grand frère portait la blouse blanche, stéthoscope autour du cou, jamais on n’avait autant parlé de maladies à table. C’était désormais pour les débusquer, les prévenir et les vaincre. La ligne droite vers l’avenir. J’entendais sans cesse les noms de pathologies rares que d’autres, bienheureux, ignorent. Je feuilletais des manuels d’anatomie ou de dermatologie où s’étalaient les pires affections. Leurs noms me couraient dans la tête.

Spina bifida

lymphome,

siphoscoliose,

syndrome de la Tourette

Sans même y penser entraient en moi ces séquences et leurs symptômes. Mille questions me venaient à l’esprit, une provision pour le futur. N’étant pas soignant, je suppose qu’il ne me restait que la place du malade. Imaginaire.

5

Longtemps, il m’a fallu courir les médecins comme d’autres les coachs ou les voyantes. Leur présentant douleurs et rougeurs et leur évolution peut-être mortelle. Attendant d’eux qu’ils décèlent le malin signe et le terrassent prestement, d’un geste de science très pure.

L’attention au symptôme, la supposition du crabe a commencé très tôt. Tout y était prétexte : maux de ventre, taches sur la peau, crampes dans un membre. Autant de périodes d’angoisse sourde, en pleine puberté, à s’imaginer mourant. J’inscrivais des dates sur les murs de la chambre, pour attester avoir vécu tel instant, puis tel autre. Temps hâché de l’angoisse, sans répit. Tout ce qui était pesant ou pénible venait s’agréger alors dans un seul point du corps, soudain transformé en entonnoir à pensées. Plus rien n’existait que l’idée morbide, qui dévorait tout.

Ah, dormir, si je pouvais dormir !

Sans même y songer, je m’entourais peu à peu de médecins : des compagnes, des camarades d’études, des amis de la famille. Un voisin demanda un jour :

—On ne parle que de médecine, chez vous ?

6

A l’âge adulte, la peur s’est installée. Je prenais rendez-vous et quémandais une phrase rassurante. Renseigné à l’avance dans les livres, je croyais déchiffrer n’importe quel symptôme. Quand le médecin repoussait la dangereuse hypothèse, au lieu de rentrer paisiblement chez moi, je prétendais lui montrer son erreur. S’il insistait pour dire que tout allait bien, il me semblait qu’il se moquait. Quand il parlait de probabilités, il était trop insouciant. Et puis, dans les meilleurs jours, il finissait par prendre la demande au sérieux. Il palpait, mesurait, ordonnait un examen. Un seul mot rassurant perdait tout son sens, noyé par l’investigation même, porteuse d’une angoisse supplémentaire. Etc. Etc. Si par hasard, le médecin touchait une autre partie du corps, éloignée de la zone souffrante, c’est qu’il avait détecté quelque signe étrange. J’étais à nouveau incendié. Chaque consultation, loin de mettre fin à l’imaginaire malade, le rendait floride, bavard, illimité.

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