Domaine français
Parution Fév 2015
ISBN 978-2-88182-938-3
128 pages
Format: 140 x 210 mm
Disponible

Domaine français
Disponible

Poche
Parution Oct 2023
ISBN 978-2-88907-285-9
160 pages
Format: 105x165 mm
Disponible

Postface: Pascal Ruedin

Jérôme Meizoz

Haut Val des loups

Domaine français
Parution Fév 2015
ISBN 978-2-88182-938-3
128 pages
Format: 140 x 210 mm

Domaine français
Parution Oct 2023
ISBN 978-2-88907-285-9
160 pages
Format: 105x165 mm

Résumé

Un village de montagne, la nuit. Un étudiant sauvagement battu par trois inconnus. Le Jeune Homme se consacrait à la défense de l’environnement. Un groupe de militants candides soutient la cause qui lui a presque valu la mort. Dans les cafés, chacun y va de son avis. La rumeur galope. Les preuves manquent, l’enquête s’enlise et la justice finit par déclarer forfait. La police a-t-elle examiné toutes les pistes de l’affaire ? Qui n’a pas intérêt à ce que la vérité éclate au grand jour ? Épais comme un roman, le dossier reste secret. Mais parfois le silence ne suffit plus : ici commence la littérature.
Haut Val des loups reconstitue les années ardentes et cocasses de jeunes gens aux prises avec une société close, décidés à sauver la nature et changer le monde…

 

 

 

 

Auteur

Jérôme Meizoz

Jérôme Meizoz, né en Valais, est écrivain et professeur à l’Université de Lausanne.

Son premier livre Morts ou vif a été désigné «Livre de la Fondation Schiller Suisse 2000». En 2005, il reçoit le prix Alker-Pawelke de l’Académie suisse des sciences humaines (ASSH), et en 2018 Faire le garçon (2017) remporte le Prix suisse de littérature. Parmi ses ouvrages littéraires, Les Désemparés (2005), Père et passe (2008), Fantômes (2010, avec Zivo), Séismes (2013), Temps mort (préface d’Annie Ernaux, 2014),  Haut Val des loups (2015) et Absolument modernes! (2019).

 

 

Dans les médias

« Ce livre est extrêmement bien écrit, émouvant, engagé. Il fait revivre des épisodes douloureux, encore à vif, de l'histoire du Valais. (…) Jérôme Meizoz lâche une petite bombe, un ouvrage qui va faire du bruit, lancer le débat, peut-être jouer un rôle de catalyseur. » Rafael Wasem-Matos dans « Le Nouvelliste », 29.01.15

«Haut Val des loups», le Valais du silence

Par Lisbeth Koutchoumoff

Jérôme Meizoz interroge, 25 ans après, un fait divers resté irrésolu: le tabassage violent d’un militant écologiste. D’où vient cette violence, et ce silence qui l’entoure?

 

D’où est venue une telle haine? Une nuit de février 1991, un jeune militant écologiste est passé sévèrement, méthodiquement, à tabac par plusieurs inconnus, chez lui, dans son chalet d’une station valaisanne. La police n’élucidera jamais l’affaire. Les coupables ne seront ni désignés, ni inquiétés. Vingt-cinq ans plus tard, Jérôme Meizoz revient gratter la plaie de cet authentique fait divers. Pourquoi cette violence? Pourquoi ce silence?

L’écrivain croise depuis plusieurs années dans ses livres approche documentaire et prose poétique. Son enfance et sa jeunesse valaisannes, il les observe en sociologue, ouvrant à la fois les malles de ses souvenirs et celles des greniers de ses tantes et grands-parents. Elève de Pierre Bourdieu, lecteur d’Annie Ernaux, il se place, lui et sa famille, en sujets-objets d’études intimes, évoluant dans la danse de l’histoire proche, questionnant les habitudes, les pratiques, passant de la montagne à la ville, de la foi à l’absence de foi, de l’engagement naïf du collégien à la maîtrise du professeur d’université. Dans la veine ethnographique, Jours rouges (Editions d’en bas), sur le grand-père socialiste et Temps mort, étude pleine de poussières en suspension sur une vision du monde évaporée, celle de ses tantes engagées dans le mouvement des Jeunesses agricoles catholiques. Dans la veine romanesque, Jérôme Meizoz a signé en 2013 Séismes (Zoé), centré sur les bouleversements intimes d’un jeune garçon dans le Valais des années 1970 et 1980.

Haut Val des loups procède des deux approches. Face à l’impossibilité d’avoir accès au dossier judiciaire («épais comme un roman réaliste, le dossier de l’affaire dort au Palais de justice. Verrouillé pour toujours»), l’écrivain prend le parti de la littérature. En «justicier de papier», il va à la fois conter la fable, avec distance, effaçant les noms propres derrière des entités (le Jeune Homme, le Poète des cimes blanches) et tenter des explications devant le silence de la justice et l’impunité des coupables. Le ton de la fable enlève de l’importance au lieu (l’histoire pourrait se dérouler dans n’importe quelle région de montagne en proie à la modernisation). La recherche d’explications sur l’événement et sur la récurrence de la violence et de l’obstruction de la justice replace le Valais au centre du récit, de 1976 à 2014.

Jérôme Meizoz ne va pas refaire l’enquête, même de loin. Le principal protagoniste du drame ne veut plus revenir dessus, glisse l’écrivain. Il s’agit plutôt de regarder la chape de silence s’abattre et ne plus bouger. De la dire, simplement. Pas plus. Chaque élan, «cette fois tu t’es juré que les coups portés au Jeune Homme ne resteraient pas impunis», bute contre une masse. Celle du ridicule, de l’impossibilité, de la violence: «Au passage, n’oublie pas que Don Quichotte s’est rêvé justicier. Et qu’il a finalement perdu les pédales». Plusieurs fois l’ironie vient saper les grandes déclarations, les grandes phrases des années de jeunesse mais aussi poser les limites de la démarche d’aujourd’hui, celle du livre en train de s’écrire. La démarche documentaire et la démarche littéraire butent de concert sur leurs propres limites. Alors quoi?

Alors Jérôme Meizoz remonte, à pas comptés toujours, à ces années 1990. Et puis plus loin encore. Il a connu le Jeune Homme. Avec d’autres, filles et garçons, ils lisaient les textes du «Poète des cimes blanches», Maurice Chappaz, qui pourfendait, haut et fort, les spéculateurs, « maquereaux» de la Nature. La jeune bande collait des affiches, de nuit, dans les rues coites des villages: «Abolissons l’armée! Pour une politique globale de paix!» Remonter ainsi le cours des choses ne va pas de soi. «Reprenons», lance l’auteur maintes fois. Maître des proses poétiques, Jérôme Meizoz tourne ainsi les pages de l’album personnel et familial. La Nature, «son obstination de graines», apaise les douleurs de l’enfant, après la disparition de la mère. «Au parc, les jardiniers ont dressé une paroi florale. Le gel n’a pas eu raison des pensées pourpres ou jaune vif […] Chaque matin, tu y passes, survivant aux idées noires, grâce à ce mur de pensées.» Les souvenirs s’enroulent et se glissent, par-delà le silence.

Et, comme une litanie, année après année, la question: «D’où a bien pu sourdre cette haine contre le Jeune Homme?» Pour y répondre, des lectures, des intuitions. Des souvenirs, encore. Celui de la venue en Valais, en terrain conquis, de Jean-Marie Le Pen («le Tribun-chef nationaliste français») en 1984. La découverte que le père d’un ami proche avait été un collaborateur français et qu’il avait trouvé refuge en Valais, comme d’autres activistes bruns, après la guerre. Sur un autre plan, la longue lutte des habitants du Val contre la nature, contre ses débordements, contre sa mainmise, rend inaudibles les discours de préservation écologistes.

Par touches et courts chapitres, avec pour seuls en-têtes les années, Jérôme Meizoz met aussi en écho le tabassage du militant écologiste de 1991 avec d’autres épisodes de violence où la justice valaisanne a été contournée ou n’a pas pu passer: en 2006, un loup est abattu malgré l’interdiction; et puis, l’affaire du petit Luca, fils de propriétaires italiens d’un restaurant de station, retrouvé nu, battu et inconscient dans la neige et qui en restera tétraplégique. Les coupables, là encore, n’ont pas été inquiétés, protégés par un épais édredon de silence. Cette mise en parallèle, terrible, constitue sans doute l’apport le plus incisif et dérangeant du livre. Et la chape se referme devant les armes dérisoires de l’écrivain. On retient l’effroi et la retenue aussi. Sert-elle à contenir la colère qui ne mène à rien si ce n’est à hurler, comme le fait Jérôme Meizoz, contre l’abattage de marronniers centenaires à un moment du livre? Peut-être. Cette retenue, omniprésente, donne à sentir, plus fortement encore, le poids du silence.

Jérôme Meizoz interviewé par Canal 9 sur son dernier livre, « Haut Val des loups »

Jérôme Meizoz sur les ondes dans l'émission « Entre les lignes » (RTS) pour parler de « Haut Val des loups ».

« (…) L’écrivain croise depuis plusieurs années dans ses livres approche documentaire et prose poétique. (…) En «justicier de papier», il va à la fois conter la fable, avec distance, effaçant les noms propres derrière des entités (le Jeune Homme, le Poète des cimes blanches) et tenter des explications devant le silence de la justice et l’impunité des coupables. Le ton de la fable enlève de l’importance au lieu (l’histoire pourrait se dérouler dans n’importe quelle région de montagne en proie à la modernisation). (…) Plusieurs fois l’ironie vient saper les grandes déclarations, les grandes phrases des années de jeunesse mais aussi poser les limites de la démarche d’aujourd’hui, celle du livre en train de s’écrire. (…) Maître des proses poétiques, Jérôme Meizoz tourne ainsi les pages de l’album personnel et familial. (…) Cette retenue, omniprésente, donne à sentir, plus fortement encore, le poids du silence. » Lisbeth Koutchoumnoff

« Le prof de l’UNIL acère sa plume romanesque en la poétisant avec une sobriété remarquable. Il signe, avec Haut Val des Loups, une radiographie de son Valais natal

(…) un roman poignant, à la fois féroce et tissé de discrétions élégantes, en fait le creuset d’une fresque inédite de son Valais natal. » Gilbert Salem

« (…) Mais, dans sa retenue même, ce livre nous touche, car il témoigne à la fois de notre devoir de colère et d’un inextinguible besoin de justice. » Catherine Dubuis

« (…) Conscient que sa voix est minoritaire. Dans une langue écorchée, dans une chronologie éclatée, rendant hommage au passage au “maître-poète” Maurice Chappaz, il dit, avec colère et sensibilité, la nécessité de ne baisser ni les yeux, ni la garde face à la bêtise et la brutalité. La littérature est une arme, fragile et impétueuse, Jérôme Meizoz lui fait honneur. » Jacques Lindecker

Jérôme Meizoz est invité au 12:45 de la RTS le mardi 17 mars, pour parler deHaut Val des loups.

« (…) A la parole d’une contre-culture, écrasée par le conformisme des milieux immobiliers et les agents du progrès, Meizoz prête sa voix mélancolique. Plaidoyer souvent satirique, cette fiction s’interroge sur les impasses de l’utopie mais n’entend pas désespérer des ressorts de la littérature quand, dans le sillage de Maurice Chappaz, de Jean-Marc Lovay et de Reymond Farquet, elle permet encore d’enchanter le monde. » Christian Ciocca

« (…) Avec des allers-retours très naturels entre passé et présent, Jérôme Meizoz lève la honte et marque de sa belle écriture, dense, serrée et vivante, la mémoire collective. (…) » Le Journal de Sierre

« (…) un des livres les plus poétiques et émouvants de l’auteur, dont je ne saurais assez recommander la lecture. (…) Dans une somptueuse écriture, l’auteur s’applique à réconcilier Justice et Vérité. Le lien passe par le rapport à la nature : ou bien nous sommes inscrits en son sein, ou bien posés en dehors, comme des maîtres. Certains résolvent le dilemme en abattant les arbres et en battant les hommes. Deux gestes assez voisins. La clef peut-être du malaise d’une génération. » Pierre Emonet

« (…) Avec, à la clé, une œuvre ciselée comme un diamant. Un livre à l’écriture aussi épurée qu’efficace, rythmée, révélant la quintessence des mots, véhicule à l’émotion poétique constellant l’histoire. Un véritable travail d’orfèvre effectué par un auteur qui nourrit constamment sa plume au terreau valaisan, sa source d’inspiration. (…) » Sonya Mermoud

« (…) Fort, ce roman atteint des sommets où l’on perd de vue les turpitudes de la plaine. » 

« (…), le Valaisan revient sur l’agression dans son canton d’origine d’un militant écologiste il y a vingt-cinq ans, dans une prose qui tient autant de la poésie que de la sociologie de terrain. » Florence Milioud Henriques, Caroline Rieder

Droits vendus

Allemand
Acquéreur Verlag die Brotsuppe
Année 2015

Extrait

1991

Du travail de professionnels : un à un, ils ont brisé ses membres, épargnant la nuque et les testicules. Sans doute pas des cogneurs à l’aveugle. Ni défoulement pur, ni rage incontrôlée. Des coups méthodiques, délibérés.

Du beau boulot, comme on dit dans le milieu.

 

Étendu sur le plancher, le Jeune Homme saigne, à demi inconscient. Trois types ont forcé la porte. Occupé à son bureau, il n’a pas entendu. On l’a battu avec avec application, en silence, longuement. La pluie de coups lui a semblé sans fin.

Défenseur de l’environnement, il n’a pas ménagé ses efforts contre quelques grands projets immobiliers. Ses adversaires détestent en lui un redoutable débatteur au verbe tranchant.

Puis on s’en est pris à ses dossiers, à ses lettres. Ordinateur défoncé, fils du téléphone arrachés. Des informations sensibles dormaient dans les circuits. Ont-ils emporté des documents ? Difficile de le savoir.

Tandis que la voiture des types s’éloignait dans la nuit, la victime a pu suivre le pinceau des phares sur la neige.

(Et tu crois que ça peut débuter comme un polar ? Si tu tentais une amorce plus sereine, en contraste avec la brutalité des actes ? Vas-y, essaie.)

 

 

 

 

1991

 

Reprenons.

Tout est coquet dans le village de montagne, chéri des peintres paysagers. Les chalets sèchent sous le soleil cru de février. Les touristes accomplissent leurs devoirs de vacances. Yeux fermés, tourné vers la forêt, on entend le pic-bois et le ronronnement de la télécabine.

Pays neutre, contrée sourde, épargnée par la guerre, obstinée et prospère. Silence, négoce et bénéfices.

Vertu suprême : la discrétion.

Quant à toi, tu crois entendre grincer les coffres et bavarder les morts. D’où vient cette fascination pour la face cachée des choses ?

Derrière la porte, la scène de l’agression : des objets répandus à terre, les gémissements d’un corps replié sur le sol.

 

Sur une photo de presse : le Jeune Homme, noyé dans les draps d’hôpital, quelques jours après l’attentat. Au visage, il porte des marques, bras et jambes sont plâtrés. D’un œil morne, il fixe le photographe du Quotidien-unique. Des milliers de lecteurs scrutent ce regard hébété.

Tu imagines les réactions des gens. Surprise, indignation peut-être ? Puis ces voix qu’on entend dans les cafés

— Une bonne raclée a jamais fait de mal. Il l’a pas volée, l’écolo !

— …

— Ces intellos des villes, ça veut nous expliquer comment vivre ici.

—…

— Avec leurs recours, y nous foutent toujours des bâtons dans les roues.

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