parution janvier 2003
ISBN 978-2-88182-468-4
nb de pages 160
format du livre 140 x 210 mm
prix 28.00 CHF

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Michel Layaz

Les Larmes de ma mère

résumé

Pourquoi cette mère, avec le cadet de ses fils, marque-t-elle autant de différences ? Et pourquoi des larmes le jour de l’accouchement ? Ce troisième fils, elle le vante et elle le persécute, elle le distingue et elle le tourmente. Devenu adulte, le dernier fils reconstitue son enfance grâce aux objets qu’il voit ou découvre dans l’appartement parental. Et si les objets se mettaient à parler ? Et si les objets détenaient la clé de l’énigme ? Grâce à une écriture précise, tendue, ce livre où se succèdent des épisodes cocasses et dramatiques, révèle l’intime en évitant l’écueil du sentimentalisme. Les mots sont à leur place sans jamais forcer et le lecteur voit son imagination croître au fil de ces récits d’enfance qui ne manqueront pas de résonner dans sa propre histoire.

biographie

Né à Fribourg en 1963, Michel Layaz fait partie des principaux auteurs romands contemporains. Commencée en 1993 avec Quartier Terre (L’Âge d’Homme), son œuvre littéraire compte aujourd’hui une quinzaine de romans, dont plusieurs primés. Parmi ceux-ci Ci-gisent (Zoé, 1998), écrit à la suite d’un séjour à l’Institut suisse de Rome, Les Larmes de ma mère (Zoé, 2003 ; Prix Dentan et prix des auditeurs de la Radio Suisse romande), ou encore la Joyeuse complainte de l’idiot (Zoé, 2004). Plus récemment, son texte Louis Soutter, probablement (2016) remporte un prix de littérature suisse, le prix Bibliomedia et le prix Régis de Courten; Sans Silke (2019), quant à lui, obtient le prix Rambert. En 2021 paraît Les Vies de Chevrolet.

Michel Layaz, lauréat du prix Michel-Dentan 2003 pour "Les Larmes de ma mère"

Michel Layaz, lauréat du prix des auditeurs de la RTS 2004 pour "Les Larmes de ma mère"

Livre Hebdo

"Avec style, Michel Layaz dissèque une enfance oppressante et peuplée de moments aussi forts que déroutants. Sa phrase ciselée dit à merveille les violences cachées, les plaies impossibles à cicatriser, le réconfort que peuvent procurer les mots." Alexandre Fillon

Le Monde

"Dans le beau recueil sensuel de souvenir d'enfance de Michel Layaz, construit autour de l'évocation nostalgique d'objets ludiques, menaçants ou interdits, la mère, regrettée, objet d'un culte oedipien, est peinte en flou, prisonnière d'un secret jamais dissipé. Entre mutilations affectives et frustrations physiques, elle apparaît comme une méchante, une voix qui "perce les veines", un ton de "haine froide", des yeux d'une "fureur funèbre". C'est par une crise de larmes qu'elle a accueilli ce fils banni, "bon à jeter à la poubelle", dont elle jette la seule photographie où elle est avec lui. Depuis, le "petit mâle à ignorer" expie poétiquement son impuissance à susciter en elle un intérêt. Les Larmes de ma mère s'acharnent à percer le mystère de ces phrases et pulsions qui restent pour le narrateur des "plaies inguérissables"." Jean-Luc Douin

24 heures

"La démarche de Michel Layaz pourrait se borner à l'explication schématique, alors qu'elle devient ici implication vivante, vécue par une langue qui restitue, dans leurs nuances, tous les désarrois, les humiliations, les infimes blessures à cicatrices durables, mais aussi les effusions, les petits bonheurs, les premiers troubles sensuels, les échappées dans le sillage d'un magicien ou d'une femme bien en chair, les premiers refus aussi et les premières prises de conscience personnelles, dont le meilleur exemple est donné dans l'épisode poignant du cousin "anormal" dont l'eau de vidure de la baignoire emporte toutes les avanies de ce bas monde." Jean-Louis Küffer

 

Le Temps

"À sa façon, romantique et moderne, cette confession est aussi un roman d'apprentissage où l'on voit un jeune garçon affirmer son identité et s'affranchir de la tutelle maternelle, à force de courage et au prix de pas mal de souffrances, en se fixant pour règle de "tout lui dire et ne rien révéler". Ce qui est, faut-il le souligner, à l'exact inverse de la démarche du romancier !" Isabelle Martin

Domaine Public

"Quant à la maîtrise de l'écrivain – la maîtrise de l'auteur des Larmes de ma mère – elle est désarmante comme celle du conteur, mais non pas éphémère comme elle, parce qu'elle est conservée dans une langue souple et de grande ampleur, qui sait allier le réalisme descriptif, l'ouverture évocatoire et la concision poétique." Jean Kaempfer

La Gruyère

"Les Larmes de ma mère sont un récit sensible, subtil et troublant, où l'auteur réfléchit à la manière d'écrire la mémoire.
(...)
En décernant le Prix Dentan 2003, il y a quelques jours, à Michel Layaz, le jury a récompensé un véritable écrivain qui construit, livre après livre, son propre univers, porté par une langue précise, ample, poétique." Patrice Borcard
 

Scène Magazine

"Par sa violence et sa musique secrète, le livre de Layaz libère des fantômes qui hanteront pour longtemps ses lecteurs." Jean-Michel Olivier

RTS - Faxculture

« Les mots, parfois j’y crois très fort, et parfois j’y crois très peu (…). Les mots sont capables à la fois de tromper, de manipuler, de fourvoyer, d’irriter, et en même temps ils sont capables d’apaiser, de libérer, de sauver.» Michel Layaz, au micro de la journaliste Florence Heiniger
Un entretien à retrouver ici

RTS - Entre les lignes

"(…) Michel Layaz construit un récit tout en nuances de ce terrible malentendu, puisque ce sont les objets familiers et familiaux qui vont parler, suggérer le drame, via l’usage souvent contradictoire qu’en a eu la mère, le père ou le fils." Louis-Philippe Ruffy
Une émission à retrouver ici

Russe

Éditeur: ANO Redaktsiya jurnala "Inostrannaya Literatura"
Année: 2019

Anglais

Éditeur: Seagull Books London
Année: 2016

Français (poche)

Titre: Les Larmes de ma mère

Éditeur: Points Seuil
Année: 2006

Bulgare

Titre: Сълзите на мама

Éditeur: Colibri
Année: 2003

Deux filles

Après un long voyage en Asie, Olga, vingt-deux ans, rentre à Paris, accompagnée de Sélène, rencontrée dans un cimetière chinois. Quand les deux filles ne récoltent pas des légumes dans des fermes alternatives, elles remettent de la joie chez le père d’Olga, très seul depuis que sa femme l’a quitté. En surface, l’harmonie est totale. Mais plus le père observe Sélène, moins il peut taire le malaise qui monte en lui. Les dessins miraculeux d’un homme sans domicile, un bouquetin sur un étroit chemin de montagne, une femme pâle dans un tea-room: dans ce roman aussi troublant qu’habile, on se met à voir des signes partout.
En déjouant nos attentes, Michel Layaz interroge notre conception des liens familiaux et ce que veut dire donner la vie.

Les Larmes de ma mère (2022, Zoé poche)

Les Larmes de ma mère

Pourquoi cette mère, avec son troisième fils, marque-t-elle autant de différences ? Pourquoi des larmes le jour de l’accouchement ? Devenu adulte, le narrateur reconstitue son enfance au contact d’objets qui ont peuplé son quotidien et qui détiendraient la clé de la relation avec sa mère, cette femme insaisissable mêlant fierté et tourmente, sensualité et mépris.

Louis Soutter, probablement (2021, Zoé poche)

Louis Soutter, probablement

Aujourd’hui mondialement reconnus, les dessins et les peintures de Louis Soutter (1871-1942) n’ont été remarqués de son vivant que par un cercle restreint de connaisseurs. Parmi eux, Le Corbusier et Jean Giono ont été subjugués par le trait libre de l’artiste, vrai sismographe de l’âme. Formé à la peinture académique, violoniste talentueux, marié à une riche Américaine, puis directeur de l’École des beaux-arts de Colorado Springs, Soutter mène pourtant, dès 1902, une vie d’errance jusqu’à son internement forcé à l’âge de 52 ans dans un asile pour vieillards du Jura suisse. C’est là qu’il parvient à donner forme à l’une des œuvres les plus inclassables de l’histoire de l’art.

Il fallait l'écriture souple et subtile de Michel Layaz pour faire ressentir l’étrangeté de cet homme et nous entraîner le long d’une vie marquée par la solitude, ponctuée aussi par quelques éclats de lumière et transportée surtout par la puissance de la création.

Préface de Michel Thévoz

Louis Soutter, probablement a reçu le Prix suisse de littérature, le prix Bibliomedia et le prix Régis de Courten.

Les Vies de Chevrolet

« Che-vro-let ! Che-vro-let ! » : début XXe siècle, l’Amérique est ébahie devant les prouesses de Louis Chevrolet. Né en Suisse en 1878, le jeune homme a grandi en Bourgogne où il est devenu mécanicien sur vélo avant de rejoindre, près de Paris, de florissants ateliers automobiles. En 1900, il quitte la France pour le continent américain. Très vite, au volant des bolides du moment, Fiat ou Buick, il s’impose comme l’un des meilleurs pilotes de course. En parallèle, il dessine, conçoit et construit des moteurs. Ce n’est pas tout, avec Billy Durant, le fondateur de la General Motors, Louis crée la marque Chevrolet. Billy Durant la lui rachète pour une bouchée de pain et obtient le droit d’utiliser le nom de Chevrolet en exclusivité. Des millions de Chevrolet seront vendues sans que Louis ne touche un sou. Peu lui importe. L’essentiel est ailleurs.

Pied au plancher, Michel Layaz raconte la vie romanesque de ce personnage flamboyant qui mêle loyauté et coups de colère, bonté et amour de la vitesse. À l’heure des voitures électriques, voici les débuts de l’histoire de l’automobile, avec ses ratés, ses dangers et ses conquêtes.

Sans Silke (2019)

Sans Silke

Silke se souvient du temps passé à La Favorite alors qu’elle avait dix-neuf ans et s’occupait chaque fin d’après-midi de la petite Ludivine. Embrasser les arbres, apprendre à voler comme les oiseaux, dormir à la belle étoile, neuf mois durant, toutes deux auront vécu côte à côte dans un monde onirique, en marge des parents de la fillette absorbés par leur relation exclusive.
Avec ce nouveau roman, Michel Layaz poursuit son exploration des failles familiales. Il attrape avec précision les gestes d’une enfant qui s’arcboute de joie après un coup réussi au billard, qui se caresse les épaules de satisfaction lors d’un moment d’intense concentration et dont les mots peuvent rappeler ceux des meilleurs poètes : « J’ai envie de larmes ».

Louis Soutter, probablement

Aujourd’hui mondialement reconnus, les dessins et les peintures de Louis Soutter (1871- 1942) n’ont été remarqués de son vivant que par un cercle restreint de connaisseurs. Parmi eux, Le Corbusier et Jean Giono ont été subjugués par le trait libre de l’artiste, vrai sismographe de l’âme. Formé à la peinture académique, violoniste talentueux, marié à une riche Américaine, puis directeur de l’Ecole des beaux-arts de Colorado Springs, Soutter mène pourtant, dès 1902, une vie d’errance jusqu’à son internement forcé à l’âge de 52 ans dans un asile pour vieillards du Jura suisse. C’est là qu’il parvient à donner forme à l'une des œuvres les plus inclassables de l’histoire de l’art.

Il fallait une langue souple et subtile pour faire ressentir l’étrangeté de cet homme et nous entraîner le long d’une vie marquée par la solitude, ponctuée aussi par quelques éclats de lumière et transportée surtout par la puissance de la création.

Louis Soutter, probablement, a été récompensé du Prix suisse de littérature 2017.

Le Tapis de course

 

« Pauvre type ! » Prononcée avec calme par un adolescent dans une file de supermarché, cette interjection bouleverse son destinataire, le héros de ce livre. Sans le savoir, l’adolescent vient de fissurer la vie intérieure d’un homme qui se protège par une routine sans faille, sûr qu’il est qu’aucun événement extraordinaire ne doit venir briser la logique implacable de l’existence qu’il s’est construite.

Pour éviter que son monde ne vacille, l’homme se résout à s’enregistrer sur son téléphone portable. Il raconte son quotidien : le travail, la bibliothèque, les collègues, le tapis de course, les quelques amis, la famille, la multitude de livres lus pour trouver quelques rares phrases à ajouter à son petit panthéon privé. Rien n’y fait. Le «Pauvre type» le hante.

 

Michel Layaz vit et travaille à Lausanne. Avec Le Tapis de course, il poursuit une écriture qui révèle, sans en avoir l’air, les traits de notre société contemporaine.

Deux soeurs

Les deux sœurs. Des agitatrices dont la grâce sauvage se pare de magie ? Des justicières rebelles ? Des adolescentes souveraines entre enfance et âge adulte ? Les deux sœurs ont le droit de vivre seules dans leur maison, c’est le juge qui a tranché. Leur père est reclus dans un hôpital psychiatrique, leur mère vit à New York, c’est ainsi, les deux sœurs l’acceptent, elles aiment père et mère comme ça. Elles vivent sur un rythme rapide, léger, malicieux, parfois endiablé, dans une forme d’allégresse musicale à deux temps. Près d’elles, il y a un grand arbre, des coquilles d’escargot, des fils de fer qu’elles ont délicatement suspendus dans la chambre vide de leur père, il y a aussi un amoureux qu’elles autorisent à venir jouer avec elles et une assistante sociale qui oublie joyeusement sa fonction à leur contact. 

Cher Boniface

Marie-Rose, généreuse, idéaliste et orgueilleuse, aimerait  que Boniface écrive. Boniface préfère rester « inoccupé et anonyme, et de loin ». Houspillé par sa belle, Boniface peine à cultiver son indolence désabusée et se voit devenir le héros don quichottesque d’aventures finalement très joyeuses. D’érudit paresseux, il apprend sous nos yeux à devenir gourmand de la vie. Et même passionné. Boniface a l’amour de la différence, Marie-Rose est une enthousiaste critique. Alors tout le monde est égratigné : les riches et les pas riches, les célèbres et les pas célèbres, la pensée unique, les snobs, les travailleurs, les adolescents, les écrivains, les journalistes, les inspirés et les sportifs.

Brillante et acerbe, l’histoire de Boniface Bé et de Marie-Rose Fassa est une diatribe impitoyable mais aussi délirante et farcesque contre la société d’aujourd’hui. Les éblouissantes énumérations opèrent chaque fois un subtil pincement chez le lecteur parce que l’ironie est mordante et qu’une joie vraie s’impose.

 

Michel Layaz signe ici son huitième roman. 

Il est bon que personne ne nous voie

 

Le narrateur, un garçon de quinze ans, travaille après l’école dans une boucherie. Il y rencontre Walter, un maître en sagesse. Dans le quartier populaire où il vit, le jeune homme est l’ami de Raton, maître de rien, et il se lie d’amour avec Charlotte qui va l’initier à d’étranges rituels et l’aider à grandir.

A la fin du livre, on comprend que ce texte troublant sur l’adolescence est dicté par le garçon devenu très âgé. Tandis que la mort approche, le vieillard vit un dernier amour pour Lucie qu’il surnomme Lucie-Lucifer. Cette infirmière sans égal a découvert un procédé pour que ses pensionnaires préférés puissent choisir en toute quiétude l’instant de leur disparition. 

Le Nom des pères (2004, Minizoé)

Le Nom des pères
La Joyeuse Complainte de l'Idiot

La Joyeuse Complainte de l’idiot est le récit d’un internat peu ordinaire où vivent des adolescents encore moins ordinaires. En effet, La Demeure accueille de jeunes garçons dont l’intelligence décalée n’a pu s’accommoder du monde environnant. Racontée par l’un de ses membres, cette communauté tire force et originalité de son impérieuse présidente-directrice générale, Madame Vivianne.

«Il ne faut pas croire que les gens qui vivent à La Demeure sont des demeurés, ou des prisonniers, ou des délinquants, ou des fous, ou des brigands, ou de la mauvaise graine, ils sont seulement un peu de tout cela, et il serait vain de les réduire à quelques tours de passe-formules.

Il y a en nous des splendeurs qu’il faut peut-être aller chercher, des splendeurs enfouies sous des couches de désarroi, de tourments, de méchancetés, de désespoir, d’obstination, d’errances, de mauvaises routes, de mauvais choix, autant de dérives qui ne sauraient effacer la bonne pâte qui existe derrière tout cela et qui ne demande qu’à être pétrie.»

 

Michel Layaz vit à Lausanne et à Paris. Aujourd’hui, il est considéré en Suisse comme un des romanciers les plus importants de sa génération. Après le succès des Larmes de ma mère, ce nouveau roman est une preuve de la singularité et de la clarté de sa voix.

Les Larmes de ma mère: extrait

En passant devant la commode du hall d’entrée, je me suis souvenu que ma mère y rangeait parfois certains de nos objets, à mes frères et à moi-même, qu’elle avait décrétés inutiles, objets qui restaient là comme au purgatoire jusqu’à ce qu’elle les condamne ou les gracie. J’ai d’abord ouvert le dernier tiroir ; celui du haut, puis, par je ne sais quel illogisme, celui du bas. En me relevant, j’ai tapé de la tête le tiroir que j’avais oublié de refermer. Le choc a provoqué la chute de la statue. J’ai pris la chaise pour mieux voir : la malheureuse avait la tête brisée. La mienne ne l’était pas moins ! Je ne pouvais mentir, cacher ma faute, je devais affronter mon père, lui dire le mal que j’avais infligé à la statue radieuse, et puis souhaiter qu’il me pardonne, compter sur sa compréhension, son discernement. J’attendais dans le hall qu’il arrive. Une gueule de molosse me mordait les chevilles, m’empêchait de bouger. Je haïssais autant ma maladresse que ce bilboquet du diable capable de décapitations. Quand la porte d’entrée s’est ouverte, d’un regard, mon père a compris: la commode, la tête coupée, ma peine, mes regrets, mon attente, il a compris tout cela, mais une fureur est venue battre ses tempes, un instinct qui peut s’emparer du plus brave des hommes, le brûler, injecter en lui une sauvagerie de pirate, de tortionnaire, une violence qui ne pourra se dissiper sans une action d’éclat, un cri, un geste sonore. Le visage calme, mais avec les mâchoires serrées, comme s’il avait voulu les broyer, réduire ses dents en poussière, mon père m’a giflé.
Assis sur mon lit, tranquille, je caressais du bout des doigts mes joues brûlantes, soulagé que ce moment soit passé, sans haine contre mon père, persuadé de la nécessité de cette gifle, de la réconciliation à venir.
Douleur et affliction ne dureraient pas
Il suffisait de fermer les yeux et de renaître. L’impact d’une détonation peut provenir d’un tissu qu’on froisse ! Sur le seuil de la chambre, dans une robe grise, imposante et impavide comme les personnages des bas-reliefs assyriens, se profilait ma mère. Son corps refusait d’aller plus loin, de passer le seuil de la chambre, mais sa voix, d’un autre temps encore, victorieuse, sa voix venait jusqu’à moi, me secouait, me soulevait, sa voix me perçait les veines, s’insinuait, me crispait, sa voix disait, de ce ton de haine frivole qui méprise et condamne la domesticité alentour : «Va ! Va regarder ce que tu as fait ! Va voir dans quel état tu as mis ton père ! Tu entends ? … Va voir ton père ! »  Assis  dans  le  crapaud4   rouge  au  tissu  usé,  dans  ce  fauteuil  que  ma  mère  jugeait épouvantable mais qui avait accompagné son mari depuis l’adolescence et qu’elle avait fini par tolérer  comme  on  tolère  un  défaut  inaliénable  (par  exemple  des  os  pointus,  une  tache  de naissance, une bouche qui tombe, des doigts trop courts, une mauvaise vue), assis dans son crapaud, mon père avait le corps penché en avant, qui tremblait. Il cachait sa face de malheureux. Quand il a senti ma présence, il a retiré ses mains. J’ai vu le visage d’un homme qui pleurait, un visage qui montrait ce qu’il serait vingt ans plus tard, avec les yeux qui se ratatinent, avec les rides gui s’élargissent, avec cette fatigue irréversible qui se propage sur chaque parcelle de peau, la flétrit, la grisaille, la consume, mais je voyais aussi qu’il était prisonnier de ce fauteuil, comme si une enveloppe métallique l’entourait, avec des barreaux serrés, avec une porte cadenassée, mon père enfermé dans cette cage comme un animal sur qui on se livre à diverses expérimentations et qu’on libérera peut-être, une fois achevées les séances d’analyse, si le responsable du laboratoire le veut bien.