« Unité de temps et de lieu, intrigue resserrée : Dürrenmatt choisit cette fois la simplicité du conte. Mais un conte à sa manière, caricatural et grotesque. La bacchanale gastronomico-judiciaire de l’ambitieux représentant et des vieillards inquisiteurs rappelle l’univers graphique – souvent bouffon, bariolé, excessif, et parfois macabre – qu’il a développé en tant que peintre. Le propos, cependant, est grave. La parabole laisse sourdre une vérité dérangeante : dans un monde concurrentiel, où l’irresponsabilité règne, «où partout la noirceur gagne du terrain», il n’y a guère d’innocents. «Un crime, on en déniche toujours un», pour peu qu’on s’arrête un instant et qu’on ouvre les yeux. Le méfait de Traps, révélé au hasard d’une panne, c’est le prix ordinaire de la réussite; il lui a suffi, pour l’accomplir, de «faire sienne l’insouciance du monde» et d’«agir sans scrupule». À travers le procès inopiné de l’accusé Traps, c’est l’ordre social lui-même, dans ce qu’il a d’immoral et de carnassier, qui se retrouve sur la sellette. » Anthony Burlaud