Cendrars en toutes lettres
Parution Mar 2014
ISBN 978-2-88182-911-6
228 pages
Format: 140 X 210
Disponible

Blaise Cendrars

Blaise Cendrars Henry Poulaille 1925-1957

Cendrars en toutes lettres
Parution Mar 2014
ISBN 978-2-88182-911-6
228 pages
Format: 140 X 210

Résumé

Entre 1925 et 1957, Blaise Cendrars (1887-1961) et Henry Poulaille (1896-1980) ont entretenu une forte amitié. Les lettres adressées de Cendras à Poulaille, fondateur de la littérature prolétarienne, en sont la trace immédiate.
Sans effets rhétoriques, avec un ton libre et une verve enlevée, les missives rédigées à toute heure permettent de découvrir une relation construite par des affinités multiples, littéraires et professionnelles, qui traverse trois décennies au gré des parcours personnels et des aléas de l’Histoire.
En 1925, Cendrars devient un auteur Grasset en publiant L’Or. Il entre dans la maison de la rue des Saints-Pères où Poulaille a récemment pris ses quartiers en tant que secrétaire de presse. Le monde de l’édition sera désormais au cœur de leurs rencontres. Mais les deux hommes se connaissent déjà et Poulaille, admirateur du romancier, l’associe volontiers à sa propre perception de la littérature : celle-ci doit être « authentique » et rendre compte de la vie du peuple en « écrivant comme on parle »; et pour cela l’écrivain doit être issu du peuple… Cendrars refuse cette affiliation mais ne rompt pas avec son ami; il tente de lui faire oublier l’argumentation en réveillant ses talents d’écrivain : « Quand nous donneras-tu un nouveau livre débordant de ce beau langage de Paris, que tu es seul à savoir employer par écrit, dont je suis friand et qui vous libère de la scolastique et de l’érudition. »
Les lettres inédites de Blaise Cendrars à Henry Poulaille – puisque celles en retour ont presque toutes disparu – permettent  de découvrir leur commune passion pour le cinéma, art nouveau dont Charlot est leur figure emblématique, mais aussi leur perception de la littérature, du journalisme et de l’édition. Qu’il s’agisse d’une survie intellectuelle (« Bien reçu le paquet de livres. Merci. Cela m’a fait bien plaisir car je suis encore plus privé de lecture que de boustifailles. » 19 mai 1943) ou d’une suite de demandes précises à transmettre plus loin, chacun rend compte d’une façon de s’inscrire dans son temps : Poulaille s’engage très directement, alors que Cendrars a l’art de l’esquive. Signer des pétitions ne l’intéresse guère, mais il le fait pour Poulaille, en signe de respect. Sans doute un geste significatif de leur amitié d’honnêtes hommes.

 

Auteur

Blaise Cendrars

Blaise Cendrars (1887-1961) est une figure majeure de la littérature francophone du XXe siècle. Poète, romancier, journaliste, il a parcouru le monde et l’a retranscrit en une langue puissante et novatrice. Son expérience en tant que soldat français lors de la Première Guerre mondiale, durant laquelle il perd sa main d’écriture, a nourri une grande partie de son œuvre. Il a également entretenu une correspondance avec de nombreuses figures intellectuelles et artistiques françaises de l’époque.

Dans les médias

« (…) Ici, il ne s’agirait que d’un monologue fragmenté de Cendrars si ses 104 lettres ne constituaient comme un portrait en filigrane de ce « curieux homme », de ce « grand gosse » pour reprendre les termes de Poulaille. Et surtout s’il n’offrait aussi 5 lettres de celui-ci, et un tableau détaillé du contexte des échanges ; (…). » Agnès Baillieu

« (…) Cent quatre lettres de Cendrars à Poulaille constituent, avec de riches annexes, la matière essentielle de ce volume. (…) on peut y trouver quelques pépites qui intéressent l’histoire littéraire. (…) » Guy Bordes

« Sans effets rhétoriques, avec un ton libre et une verve enlevée, les missives rédigées à toute heure permettent de découvrir une relation construite par des affinités multiples, littéraires et professionnelles, qui traverse trois décennies au gré des parcours personnels et des aléas de l'Histoire. (…)

Les lettres inédites de Blaise Cendrars à Henry Poulaille – puisque celles en retour ont presque toutes disparu – permettent de découvrir leur commune passion pour le cinéma, art nouveau dont Charlot est leur figure emblématique, mais aussi leur perception de la littérature, du journalisme et de l'édition. » Emilien Sermier

 

Un témoignage essentiel pour comprendre notamment les rapports du « bourlingueur » avec le langage et la gouaille des faubourgs et du peuple de Paris.

Extrait

Le 6 juin 1925

 

Mon cher Ami,

je reçois à l’instant votre mot me demandant 120 lignes sur n’importe quoi pour Paris-Soir. Vous me voyez bien embarrassé, car n’ayant jamais fait de journalisme ; je n’arrive pas à comprendre comment on peut arriver à pondre ainsi 120 lignes de but en blanc sur n’importe quoi. A moi, chaque ligne, chaque mot me coûte un mal fou. Dites à Reuillard[1] que je tâcherai tout de même de faire un article, mais que je le supplie de bien vouloir m’indiquer un sujet, sinon je n’y arriverai jamais. Et qu’il ne soit pas trop pressé. Je pars ce soir pour Madrid[2] et ne rentrerai à Biarritz que dans huit jours. J’ai d’ailleurs un travail fou.

Oui, j’ai bien reçu votre dernier article[3] et vous remercie beaucoup de vous donner tant de mal pour moi, dans votre journal et ailleurs.

Ma main amie

Blaise Cendrars

 

18. [Lettre manuscrite dactylographiée avec signature et ajout autographes]

 

 

LE TREMBLAY SUR MAULDRE

par Montfort l’Amaury

Seine et Oise

                                                                                  Dimanche, le 12 décembre 1926

Mon cher Ami,

Je vous confirme ma carte[4] vous disant de retirer l’article CHARLOT plutôt que d’en supprimer un mot. Je n’ai aucune raison de faire des concessions aux fascistes. Si votre bonhomme[5] ne peut pas rentrer en Italie, mes livres en seront également proscrits. Etc. et M…

 

Pour Cingria, il est malheureux de voir un type aussi sympathique que lui, faire des conneries dans les pissotières de Paris[6]. Il vaut bien mieux que cela. Mais je vous assure que je commence à être très las des aventures méritées qui arrivent aux pédés. Ces gens-là, il faut toujours leur tendre la perche pour les tirer des pots de moutarde Bornibus où ils se sont mis, exprès. Après tout, zut, ils ne sont pas intéressants. Il y en a bien d’autres qu’eux en prison et qui n’ont pas la consolation de trouver un gardien « aimable ». J’en connais.

 

Faites-moi envoyer l’OR paru en feuilletons dans l’HUMANITE s.v.p. et faites-moi également payer, s’ils paient. Je n’y connais personne.

 



[1] Gabriel Reuillard (1885-1973), journaliste et critique littéraire, dirige, depuis la création de Paris-Soir, la chronique que signent Les Académisards. A partir de 1923 Poulaille est son collaborateur à Paris-Soir et tient une chronique intitulée Les Livres lus intégrée à la rubrique des Académisards.

[2] Le 10 juin, à Madrid, Cendrars donne une conférence sur « La Littérature des nègres », à la Residencia de Estudiantes, où le célèbre africaniste Léo Fobenius était venu en mars de la même année. (Voir TADA 10, p. 471-488).

[3] Il s’agit de « L’Or par Blaise Cendrars » paru dans Le Peuple du 11 mai. Voir annexes.

[4] « ma carte » est une correction autographe qui remplace « mon mot ».

[5] Le directeur des Chroniques, Gualtieri di San Lazzaro.

[6] Charles-Albert Cingria (1883-1954) a-t-il été inquiété à Paris fin 1926 ? L’épisode serait inconnu et Cendrars vient probablement d’apprendre son incarcération, mais à Rome, le 29 octobre 1926. Cendrars et Cingria fréquentent les mêmes cercles, s’apprécient et se citent régulièrement. Tout bascule à la parution de L’Homme foudroyé, en 1945 : Cendrars y jette en pâture la pédérastie de Cingria, tabou absolu pour ce dernier et objet d’une brouille définitive. Cingria n’aura plus de mots assez méprisants pour celui qui devient en 1947, dans une lettre à Jean Paulhan, « Fritz Sauser […] le répugnant porcher alpestre, alias Cendrars » (C.-A. Cingria, Correspondance générale, t. IV,  p. 171). Des textes incendiaires laissés inédits par Cingria viennent de paraître dans ses Œuvres complètes, (Tome V, p. 471 et ss., L’Age d’Homme, 2013). Cendrars, pourtant, dans un agenda conservé aux ALS, marque d’une croix et du nom  de Cingria le jour où il apprend la mort de ce-dernier, le 2 août 1954 (Cingria est mort le 1er).

 

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