Domaine français
Parution Avr 2014
ISBN 978*2-88182-919-2
112 pages
Format: 140x210
Disponible

Amélie Plume

Tu n’es plus dans le coup!

Domaine français
Parution Avr 2014
ISBN 978*2-88182-919-2
112 pages
Format: 140x210

Résumé

Avec Amélie Plume et son humour burlesque, la vieillesse est plaisante, la retraite une aubaine, la perte de mémoire prétexte à recenser la flore méditerranéenne et la perspective de la mort l’occasion de penser à ne pas manquer les années qui nous en séparent.  Prendre son temps, enfin, tout en légèreté, pour réfléchir à ce que chacun, encore et toujours, attend de la vie. De sa vie.

Autrice

Amélie Plume

Née à La Chaux-de-Fonds, Amélie Plume a fait des études de Lettres à Neuchâtel. Elle vit quelques années à New York, voyage en Afrique et en Israël, avant de s’établir à Genève et dans le Sud de la France. En 1981, elle se lance dans l’écriture. Elle a publié de nombreux romans proches de l’autofiction dans un style cocasse qui a fait d’elle une des rares plumes féminines burlesques contemporaines. Son œuvre a été reconnue par le Prix Schiller (1989) et le Prix Pittard de l’Andelyn (1993).

Histoires ordinaires et merveilleuses de passions, et le contraire d’une écriture romantique : Amélie Plume décrit les affres et les extases de l’aventure amoureuse sans une once de drame. À l’inverse, grâce à une langue orale et visuelle, un esprit jubilatoire, une perspicace ironie, de l’aplomb, un sacré sens de la vérité, mais aussi beaucoup de tendresse, on rit, avec elle, de sa douleur. Les majuscules, qu’Amélie Plume emploie de manière très singulière, Catherine Safonoff les a décrites comme des « zooms drôlatiques, soudain coups de gong, qui scandent le récit comme on frappe du pied un tempo. »

 

« L’œuvre d’Amélie Plume est entièrement placée sous le signe du comique et de l’autodérision ; au départ cependant est la rébellion. Elle commence tambour battant avec une trilogie autour des couples qui se font et se défont, et choisit sa cadence : c’est allegretto que la vie moderne se joue. Elle invente une écriture de la vitesse, anarchique, transgénérique, où elle mêle savamment la poésie et la prose : des vers courts, des majuscules aberrantes, une ponctuation capricieuse, des enjambements et des hiatus cocasses, des rimes, des assonances et des onomatopées forment de pseudo-poèmes qui contrastent avec le récit, donnant ainsi à l’ensemble un ton provocant. Elle met en œuvre une esthétique burlesque, prenant à la légère les sujets graves de l’heure, pariant sur la vie immédiate, ce mixte de drôlerie et tragique, d’élan et retombement , de rêve et perte. Elle poursuit dans l’autofiction, sur un ton primesautier, rare dans le genre, de Marie-Mélina s’en va (1988) à Toute une vie pour se déniaiser (2003), où la fragmentation en tableaux discontinus va de pair avec une combinatoire polyphonique. Avec Chronique de la Côte des Neiges (2006) et Mademoiselle Petite au bord du Saint-Laurent (2007), elle débat du rôle de l’écrivain en Lilliputie avec son double littéraire, Mlle Petite, qui radicalise la triste fin de la carrière comme du littéraire : « bouffer son papier et boire son encre ». Elle a publié en 2010 Les Fiancés du glacier Express. » Doris Jakubec, dans Le Dictionnaire universel des Créatrices.

Dans les médias

« (…) Et Amélie Plume de rêver un nouveau modèle de vieillesse. Une vieillesse qui lui ressemble: libre, curieuse, gourmande. Dans ce domaine, en littérature, il reste tant à faire… (…) Lily, c'est la vieillesse heureuse, celle qui fait envie, avec l'élégance de la causticité et de l'humour. (…) » Julien Burri

« (…) Avec autodérision, sans pathos et sans angélisme, l’écriture légère de l’auteur suisse Amélie Plume, nous emmène vers une philosophie épicurienne : “ se consoler de la mort en vivant ! ”»

« (…) Dans la forme du bref récit romancé emplie d’autodérision qu’elle explore depuis plus de vingt ans, Amélie Plume trace un touchant portrait d’une femme qui sent l’âge venir. (…) L’auteure neuchâteloise aborde ce sujet délicat avec aplomb et une allégresse communicative. (…) » Eric Bulliard

« Profondeur et humour, voilà un mélange assez rare qu’on trouve dans “ Tu n’es plus dans le coup ! ” (…) » Laurence de Coulon

« (…) Tu n’es plus dans le coup ! est un livre de sagesse légère (…) » Isabelle Rüf

« « Tu n'es plus dans le coup », c'est ce que Cécile répète sans cesse à sa « vieille » mère, Lily Petite. Et si c'était plutôt l'inverse ? Voilà un texte drôle sur la retraite et comment aborder, du point de vue cocasse de l'auteure, une vieillesse qui nous guette tous tôt ou tard. Elle nous raconte son quotidien, se rit du fossé des générations qui se creuse jour après jour avec ses petits-enfants, imagine des lettres qu'elle pourrait écrire à ceux qui lui survivront – et prétend surtout vivre enfin comme elle l'entend ! » Thierry Clerc, Payot Fribourg

« (…) le ton du récit est pêchu: une fois embarqué on ne lâche pas. Et on rit. »

« S’il est une qualité dont les écrits d’Amélie Plume ne se sont jamais départis, c’est bien la légèreté, une certaine façon de traiter, comme en les effleurant, les sujets les plus sérieux. L’auteure neuchâteloise, une des première de sa génération à introduire le burlesque dans la littérature féminine suisse des années 80, nous en donne ici une démonstration avec Tu n’es plus dans le coup ! (…) » Anne Mooser

« Amélie Plume se plaît à retrouver ses personnages dans ses récits aux limites de l’autofiction. Son œuvre se déploie sur plus de trente ans, soit près de vingt récits où se succèdent maris et amants, enfants et chats importuns. Tous réapparaissent d’un récit à l’autre, grandissent, s’éloignent. Perçus dans une perspective délibérément féminine – celle de la mère, de l’épouse, de l’employée, de l’écrivaine, ou toutes ces casquettes à la fois -, ces parcours périphériques jalonnent la course du personnage central qui tente de s’épanouir parmi eux. La langue burlesque de l’autrice orchestre avec entrain ces fresques familiales vives et multicolores.

Tu n’es plus dans le coup, dernier opus en date d’Amélie Plume, raconte comment Lily, la narratrice alter ego de l’autrice, entre dans la vieillesse. Si le sujet peut paraître chagrin, la retraite selon Amélie Plume n’a rien du désoeuvrement ni du désert affectif. Lily y voit plutôt une longue série d’agréments : “je dois reconnaître que vieillir est agréable, léger, tout devient plus simple, plus de grandes contrariétés avec un patron, plus de lourdes responsabilités, de tracas avec les enfants, plus de coeur brisé, de sexe endeuillé avec maris et amants, plus de corvées culinaires et ménagères… ” C’est le retour inespéré aux petites joies du moment.

On connaît Amélie Plume pour sa capacité à dédramatiser les sujets les plus graves – en l’occurrence, la perspective de sa propre disparition. Prises dans l’immédiateté de son écriture vive, les angoisses deviennent partie prenante d’un quotidien qui, comme l’écriture de l’autrice, file à toute allure. Ces mille contrariétés s’accumulent pour finalement s’annuler. Les dialogues fusent, les idées s’associent dans une narration souple, animée par la spontanéité. Plume oppose la vivacité au cynisme. Aussi l’autrice se distingue-t-elle par le maniement d’un humour badin, qui, presque à son insu, permet d’articuler une opinion et de dégager une réflexion critique. (…) » Elisabeth Jobin

« (…) Ce texte d’une grande fraîcheur est une véritable cure de jouvence. Habituellement, ce sont des Anglaises d’âge canonique à la plume alerte qui nous offrent ce genre de pépites littéraires bourrées d’humour. (…) » Brigitte Lannaud Levy

Extrait

 

Avec mes photos, ce qui me plaît, c’est d’être dehors, au soleil, à la brise, au vent, admirer une fleur, clic, une promenade chez le photographe et la voilà dans mon album sans que je doive passer des heures, à l’intérieur, comme je l’ai fait toute ma vie, à me concentrer sur la recherche de mots au point d’avoir froid aux pieds, à feuilleter des dictionnaires, des encyclopédies, des précis de grammaire, de ponctuation, à tapoter sur une machine à écrire puis sur l’ordinateur. Je suis fatiguée des mots. Je n’ai pas envie d’en chercher pour décrire les fleurs, leur parfum, leurs couleurs aux nuances infinies, leur diversité, également infinie. J’ai simplement envie de les admirer, de dire qu’elles me fascinent par leur vivacité sans faille. Qu’elles sont une des manifestations les plus évidentes de la vie. De la beauté de la vie qui naît, s’épanouit, se fane, meurt… et renaît. Voilà la fascination en devenant vieux : renaître. Comment font-elles ? J’ai toujours trouvé mièvre que les vieilles personnes s’intéressent tellement aux fleurs, leur parlent, comme aux oiseaux d’ailleurs, et maintenant je fais de même. Je les trouve plus vivantes que les humains, plus sages, plus modestes et plus déterminées, acharnées à devenir elles-mêmes. Elles sont capables de se tordre, de s’allonger, de pousser dans l’ombre d’un buisson pendant des semaines pour finalement surgir d’entre les broussailles et tendre leur petit visage au soleil. Elles savent parfaitement ce qu’elles veulent, ce qu’est leur vie, leur désir : fleurir, resplendir, alors que moi, nous pauvres humains, savons-nous ce qu’est notre vie, ce qu’elle devrait être, aurait dû être ? J’ai toujours avancé dans un buisson de broussailles, de questions, sans voir d’où venait la lumière, dois-je épouser Édouard ? dois-je écrire ? devenir journaliste ? avoir un enfant ? dois-je travailler à mi-temps pour m’en occuper ? dois-je quitter Édouard ? faire des reportages ? quitter Genève ? dois-je épouser Réjean ? quitter Réjean ? faire l’amour avec n’importe qui ? dois-je m’engager avec Oscar, à soixante-quatre ans ? m’installer avec Oscar, au soleil, à cinq cents kilomètres de chez moi, de ma fille, de mes petits-enfants ? Des questions qui n’en finissent apparemment jamais. Qu’est-ce que fleurir, resplendir, se faner pour un humain ? Pour une vieille dame comme moi ? J’aimerais bien l’apprendre avant qu’il ne soit trop tard.

Quelque chose de mieux. Pour moi. Voilà à quoi j’ai réfléchi pendant toute l’affligeante cérémonie. D’abord je m’imaginais dans mon cercueil plutôt satisfaite (pourquoi penser que les morts sont consternés par leur état ?), moi qui ne suis pas sociable, qui déteste les grands rassemblements, familiaux surtout, je peux jouir pour une fois d’un bain de foule (qui de plus est en mon honneur) sans chercher désespérément le moyen de m’éclipser au plus vite. Le monde m’aime et me fiche la paix ! N’est-ce pas ce que j’ai toujours souhaité ? Attendrie, je ne critique rien ni personne, même pas la gueule de mon chef, c’est tout dire !

Évidemment pas d’Adagio d’Albinoni. Pas d’hommes en robe ni de femmes à genoux (à noter dans mes dernières volontés). Pour commencer en légèreté et en grâce, un concerto de Vivaldi. Comme disait Mathilde, un jour que je tentais une ixième fois de l’initier à la musique classique, ta triste musique démodée ! et lui demandais de lire le nom du morceau sur la couverture du CD (pourquoi n’as-tu toujours pas d’IPod grand-mère ?), elle se mit à ânonner comme si elle avait cinq ans – L’Es-tro-Ar-mo-ni-co-op-3-con-cer-to-no-6-in-A-mi-nor, c’est quoi ce chinois, pas de la tarte ton vieux truc ! Ce qui serait tout à fait charmant, c’est que les enfants annoncent les morceaux de musique. À leur façon. Et en se disputant comme d’habitude. Trouver deux autres pièces. Schumann ? Je crois entendre Antoine annoncer comme un scoop de mauvaise augure, après consultation de son ordinateur, que ce compositeur est moins vieux que le précédent mais que ça ne s’entend malheureusement pas ! Et quelque chose d’entraînant pour le défilé final. Une ouverture d’opéra de Rossini ? Personne ne résiste. La Pie voleuse, annoncée par Alice. Et champagne ! La vie continue.

Oscar s’est acheté une moto. Il m’a proposé une promenade qui m’a davantage brisé les reins que fait plaisir. D’autant plus qu’Oscar n’aime pas s’arrêter, enlever son casque et mourir instantanément de chaud sous des vêtements de protection. Il n’aime même pas s’arrêter pour consulter une carte et de cela j’ai horreur, de ne pas savoir où je suis et où je vais quand je voyage. Je le laisse donc aller seul et l’attends avec impatience. Il revient harassé, rouge, en transpiration mais ivre de kilomètres, de vent, de bonheur pourrait-on dire, si on garde à l’esprit que le bonheur des uns n’est pas celui des autres. – Où es-tu allé ? Il est parti en direction de Brignoles, St-Maximin… – Par Tourves ? Oui mais avant il a bifurqué, traversé un village avec une charmante église à la sortie… – Une abbaye, tu étais à La Celle ? – Non plus loin, plus au sud… Je vais chercher la carte et c’est l’effervescence, Oscar a envie de m’expliquer, j’ai envie de savoir mais je ne saurai pas. À ce fameux carrefour, à la sortie de ce charmant village… – La Roquebrussane ? Oscar ne se souvient pas s’il a pris à gauche ou tout droit. – Enfin Oscar, je suis choquée comme s’il ne savait pas s’il avait passé par New York ou San Francisco et surtout comme si je ne pouvais pas vivre une seconde de plus sans cette information, es-tu allé sur Néoules ou sur Garéoult ?

Que vit une fleur qui se fane, voilà la vraie question ? Est-elle dans la nostalgie de sa splendeur ou à l’affût des saveurs nouvelles de son flétrissement ? Transposée chez les humains une vieille dame comme moi a-t-elle encore des saveurs à découvrir, des raisons d’aimer la vie, sa vie, des raisons de rêver ? De désirer vivre ? Je ne parle pas du désir de durer car personne n’aspire à rompre ses liens familiaux et amicaux, à être séparé à jamais de ses objets, ses livres, ses tableaux, de son logis, d’un jardin, d’une vue, de ses promenades. Personne ne souhaite ne pas se réveiller le lendemain, sauf exception. Mais sachant qu’il faudra bien un jour quitter la scène, peut-il y avoir autre chose que la nostalgie, qu’un désir de prolonger ce qui a été, ce qui est, de voir encore une fois, deux fois, dix fois le printemps ? De connaître ses petits-enfants à quinze, vingt-cinq ans ? De manger encore vingt-huit fois cette fameuse daube qui réchauffe les pires hivers ? Sans parler des pastis qui rafraîchissent l’été, et de savourer encore le plus de croissants moelleux accompagnant le plus de cafés possibles ? N’y-a-t-il pas autre chose à mon âge que d’allonger au maximum la répétition des gestes et des habitudes d’une vie ? Désirer vivre, désirer, tendre vers… aspirer à … à quoi ? À la réalisation d’un vieux rêve ? À la découverte de quelque chose d’inédit, d’inconnu, qu’inconsciemment on chercherait ? Me reste-il une surprise à découvrir ? Une bague dorée au fond d’un sachet de sucreries ?

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