Domaine français
Parution Mar 2006
ISBN 978-2-88182-555-9
200 pages
Format: 140 x 210 mm
Épuisé

Amélie Plume

Chronique de la côte des Neiges

Domaine français
Parution Mar 2006
ISBN 978-2-88182-555-9
200 pages
Format: 140 x 210 mm

Résumé

«Fascinant, me dit Nicéphore au téléphone, le Saint-Laurent est en train de geler sous mes yeux, à vue d’œil, précise-t-il. Il est à Québec et ne peut m’accompagner à l’aéroport. Quelques minutes plus tard, je subis le même sort : je gèle à vue d’œil en attendant un taxi sur le trottoir. Mais personne n’a l’air de me trouver fascinante. »

Amoureuse, la narratrice s’en va rejoindre son consul dans les contrées froides de La Belle Province, au Canada. Paysages, rencontres, obligations diplomatiques, promenade en mer à l’affût des baleines, rappel des personnages hauts en couleur qui ont fondé la colonie, tout est propice à entraîner le lecteur à la découverte d’un pays fascinant qui peut être aussi glacial que ses habitants sont chaleureux. Dans cette chronique, Amélie Plume approfondit son goût du reportage et affine l’acuité de son regard.

Autrice

Amélie Plume

Née à La Chaux-de-Fonds, Amélie Plume a fait des études de Lettres à Neuchâtel. Elle vit quelques années à New York, voyage en Afrique et en Israël, avant de s’établir à Genève et dans le Sud de la France. En 1981, elle se lance dans l’écriture. Elle a publié de nombreux romans proches de l’autofiction dans un style cocasse qui a fait d’elle une des rares plumes féminines burlesques contemporaines. Son œuvre a été reconnue par le Prix Schiller (1989) et le Prix Pittard de l’Andelyn (1993).

Histoires ordinaires et merveilleuses de passions, et le contraire d’une écriture romantique : Amélie Plume décrit les affres et les extases de l’aventure amoureuse sans une once de drame. À l’inverse, grâce à une langue orale et visuelle, un esprit jubilatoire, une perspicace ironie, de l’aplomb, un sacré sens de la vérité, mais aussi beaucoup de tendresse, on rit, avec elle, de sa douleur. Les majuscules, qu’Amélie Plume emploie de manière très singulière, Catherine Safonoff les a décrites comme des « zooms drôlatiques, soudain coups de gong, qui scandent le récit comme on frappe du pied un tempo. »

 

« L’œuvre d’Amélie Plume est entièrement placée sous le signe du comique et de l’autodérision ; au départ cependant est la rébellion. Elle commence tambour battant avec une trilogie autour des couples qui se font et se défont, et choisit sa cadence : c’est allegretto que la vie moderne se joue. Elle invente une écriture de la vitesse, anarchique, transgénérique, où elle mêle savamment la poésie et la prose : des vers courts, des majuscules aberrantes, une ponctuation capricieuse, des enjambements et des hiatus cocasses, des rimes, des assonances et des onomatopées forment de pseudo-poèmes qui contrastent avec le récit, donnant ainsi à l’ensemble un ton provocant. Elle met en œuvre une esthétique burlesque, prenant à la légère les sujets graves de l’heure, pariant sur la vie immédiate, ce mixte de drôlerie et tragique, d’élan et retombement , de rêve et perte. Elle poursuit dans l’autofiction, sur un ton primesautier, rare dans le genre, de Marie-Mélina s’en va (1988) à Toute une vie pour se déniaiser (2003), où la fragmentation en tableaux discontinus va de pair avec une combinatoire polyphonique. Avec Chronique de la Côte des Neiges (2006) et Mademoiselle Petite au bord du Saint-Laurent (2007), elle débat du rôle de l’écrivain en Lilliputie avec son double littéraire, Mlle Petite, qui radicalise la triste fin de la carrière comme du littéraire : « bouffer son papier et boire son encre ». Elle a publié en 2010 Les Fiancés du glacier Express. » Doris Jakubec, dans Le Dictionnaire universel des Créatrices.

Extrait

 

Bien arrivée sur la Côte des Neiges

I

   D’emblée j’avais proposé d’aller à l’hôtel mais il a refusé catégoriquement – Je vis seul dans cette résidence, il y a toute la place pour toi. Je suis donc arrivée chez lui avec ma grosse valise. Il l’a portée dans un imposant escalier de chêne jusqu’au deuxième étage et là, il m’a demandé si je voulais partager sa chambre ou si je préférais en avoir une pour moi. La sienne était grande, sombre, très conjugale avec des lits jumeaux et des penderies symétriques. J’ai dit que je ne voudrais pas l’importuner mais que je préférais être avec lui. Il a dit – Moi aussi en me serrant dans ses bras et en m’embrassant.

   Nous sommes redescendus au premier étage qu’il m’a fait visiter. Un très grand salon, moquette blanche, meubles cossus, plantes, tableaux originaux – C’est pour les réceptions, m’a-t-il dit, je n’y vais jamais quand je suis seul. Ça se voit, ai-je pensé, pas de journaux, pas de livres, pas de pipes, rien de personnel. Un petit salon encombré de meubles – Ceux du grand qu’on a enlevés pour un cocktail, je n’aime pas cette pièce, je n’y vais pas non plus, a-t-il ajouté. Et une salle à manger, encore plus sombre que tout le reste, pompeuse, avec deux petites fenêtres hautes, grillagées, de style gothique, à vrai dire lugubre. – Sans l’obligation d’un dîner, je n’y mets pas les pieds, a-t-il conclu. Je me suis demandée où il vivait. La cuisine était également sombre comme la chambre à coucher et la salle à manger mais petite avec des fenêtres non grillagées qui s’ouvraient sur de tristes et hautes façades. Il m’a proposé une coupe de champagne que j’ai acceptée avec émotion. Un peu plus tard il m’a demandé si j’avais envie d’aller au restaurant ou si je préférais qu’il me prépare quelque chose. J’étais un peu fatiguée pour désirer ressortir mais je ne voulais pas non plus lui donner du travail. Il a répondu que c’était un plaisir pour lui et tout en bavardant, nous resservant et sirotant du champagne, il a pelé et cuit des pommes de terre, mis des tomates au four et rôti des steaks. Puis il a ouvert une bouteille de bordeaux et j’ai demandé si je pouvais mettre la table. – Mais non, reste assise et repose-toi, a-t-il dit. Il avait aussi acheté des fromages mais pas de dessert car il savait que, comme lui, je ne les aimais pas. Nous nous sommes régalés, avons parlé sans fin en finissant nos verres et en fumant, lui la pipe et moi une cigarette tirée d’un beau paquet blanc que j’avais acheté pour l’occasion, n’étant pas fumeuse. Je me suis alors dit – Cette cuisinette sans charme, c’est Byzance et le prénom de mon nouveau compagnon, Nicéphore (on peut aussi dire Nicé ou Nice selon le mot suivant), qui m’avait surprise est soudain devenu plausible.

   Nous nous sommes couchés très tard et très amoureusement. Mais ensuite, avec le décalage horaire, c’était pour moi le matin, je n’ai pas pu m’endormir. Et toute la lumière de cette intense journée, le long voyage au-dessus de l’Atlantique, le bonheur des retrouvailles, le plaisir de la découverte s’est alors peu à peu recouverte d’ombre et de noires questions: ne suis-je pas folle d’avoir quitté ma vie pour un homme que je connais très peu et dont je ne peux pas dire grand-chose sinon qu’il est aimant, aimable, plein de vie et respectueux! Et l’ultradouce séparation conjugale ne m’avait-elle pas donné, dans un chez moi, le calme, le silence et le temps rêvé depuis toujours pour vivre à mon rythme, noter, méditer, corriger, recopier, calligraphier, recommencer… serais-je une perpétuelle insatisfaite courant toujours, comme un chien errant, à la recherche d’un os? Et les miens ne vont-ils pas me manquer douloureusement? Et moi à eux? Et pourrais-je écrire ici dans cette grande maison vide, sombre et triste? Et surtout comment faire avec ce nouveau compagnon pour ne pas recréer un duo grinçant? Oui comment faire?

   C’est à ce moment, il était 6h30, que le réveil a sonné. Nicéphore m’a donné un doux baiser puis s’est levé. Je me suis levée aussi et nous avons pris le petit déjeuner ensemble dans la cuisine. Nous avons encore échangé un doux baiser et il m’a dit – Installe-toi où tu veux, tu es chez toi, je remonterai dans la matinée pour boire un café et si tu as besoin de quoi que soit avant, appelle-moi, le numéro de téléphone est ici. Puis il est descendu au rez-de-chaussée dans son bureau.

   Une femme de ménage est arrivée. Elle avait été avertie de ma venue et moi de la sienne. Elle m’a demandé gentiment si elle pouvait faire quelque chose pour moi. J’ai dit – Non merci. Elle a sorti d’un placard un aspirateur, des balais, des chiffons, un arrosoir. J’ai demandé si je pouvais faire quelque chose. Elle a répondu – Merci madame, c’est mon travail. Je suis alors montée à l’étage des chambres à coucher. J’ai plié les couettes et tapoté les oreillers dans la grande, la sienne (la nôtre?). Et j’ai fait le tour des autres. Des quatre autres. Une est occupée par le séchage et le repassage du linge. Une autre, dite la chambre du conseiller fédéral (m’a-t-il dit hier) est aussi intime et gaie qu’une chambre d’hôtel côté rue. La troisième fait penser à celle d’un adolescent en crise qui se serait enfui de la maison en emportant toutes ses affaires. La quatrième est la plus petite et attenante à la grande. Des penderies sont entrouvertes et je vois de beaux alignements de costumes, de chemises et de cravates. Il y a des livres dans la bibliothèque, des objets, un étrange petit entassement de pierres, mais rien sur le bureau devant la fenêtre. Je m’y assied. En face de moi des pigeons s’ébrouent sur le toit d’une austère bâtisse un peu délabrée. Installe-toi où tu veux, tu es chez toi! Chez moi? Je sors mon carnet de notes, ma plume et j’écris: bien arrivée chez moi, au consulat général sur la Côte des Neiges.

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