Domaine français
Parution Mar 2018
ISBN 978-2-88927-528-1
176 pages
Format: 140x210 mm
Disponible

Domaine français
Disponible

Poche
Parution Sep 2022
ISBN 978-2-88907-064-0
256 pages
Format: 105x165 mm
Disponible

Max Lobe

Loin de Douala

Domaine français
Parution Mar 2018
ISBN 978-2-88927-528-1
176 pages
Format: 140x210 mm

Domaine français
Parution Sep 2022
ISBN 978-2-88907-064-0
256 pages
Format: 105x165 mm

Résumé

Le petit Jean, un pied encore dans l’enfance un autre dans l’adolescence, et le grand Simon sauront-ils retrouver Roger ? Ce dernier a fui une mère injuste et colérique pour courir après un rêve, devenir une star du football. Partir de Douala, suivre la filière clandestine afin de sortir du pays, passer par le Nigeria pour finir en Europe : cela s’appelle faire « boza ».
Les péripéties de Jean et Simon aux trousses de Roger ont tout du voyage initiatique : ils découvrent le nord du Cameroun, une région à la nature somptueuse mais sinistrée par Boko Haram et la pauvreté, goûtent aux fêtes, mais Jean se confronte aussi à l’éloignement d’avec la mère, à l’apprentissage du manque et d’une identité sexuelle différente.
Max Lobe, avec sa gouaille et son humour, excelle à donner la parole à ses personnages, à restituer les atmosphères qui règnent dans la rue, les trains, les commissariats de police, les marchés ou les bars mal famés.

Auteur

Max Lobe

Né à Douala en 1986, Max Lobe grandit dans une famille de sept enfants. Il arrive en Suisse à l’âge de 18 ans, deux ans après l’obtention de son Bac. À Lugano, il suit des études de Communication et journalisme. Passionné d’histoire et de politique, il suit un Master en Politique et Administration publique à l’Institut des Hautes Etudes en Administration Publique de Lausanne. Il est établi aujourd’hui à Genève. Ses textes, tous publiés aux éditions Zoé, comprennent notamment 39 Rue de Berne (2013), Confidences (2016, Prix Amadou Kourouma 2017), ou encore La Promesse de sa Phall’excellence (2021).

S’inspirant de la littérature traditionnelle africaine ainsi que des réalités de l’immigration en Suisse, Max Lobe traite des thématiques comme l’homophobie, la religion, la violence et de la situation des personnes sans-papiers.

Distinctions

Max Lobe, lauréat du Prix du roman gay 2018, coup de cœur pour  Loin de Douala 

Dans les médias

« Entre gravité, urgence et légèreté, Max Lobe excelle à restituer les atmosphères qui régnent dans la rue, les trains, les commissariats de police ou les bars malfamés. Une lecture enthousiasmante. »

« Loin de Douala est un roman à écouter. La langue française virevolte joyeusement au son de locutions typiquement camerounaises. Il y a des cris, des rires et la voix de la mère de Roger qui houspille encore son mari pourtant décédé: «Je suis la station d’essence,  tu es la voiture. Roule, roule, mon connard, eh? à la fin tu reviendras sauf que me consommer.»

Mais au-delà de situations et de personnages drolatiques, la tonalité du roman est grave. Il est question de séparation et d’exil, quel qu’en soit le motif: rêve footballistique, études, homophobie, ou encore islamisation menaçante dans un Cameroun majoritairement chrétien. » Marie-José Brélaz

« Puissant roman d’apprentissage aux accents camerounais. » Christine Grivel

« Il a le swing, Max Lobe. Il jongle avec le français du Cameroun, attrape un son, joue avec les constructions, malaxe les expressions pour faire sa cuisine d’écrivain, c’est-à-dire une langue.

(…)  Le Cameroun est un personnage à part entière, sa jeunesse surtout, ses talents gâchés, enfants des rues, étudiants brillants qui n’ont comme horizon que de «faire boza». Mais le leitmotiv de cet ensemble, de ce travelling le long des routes, est le rire. Il est d’abord contenu dans l’écriture elle-même qui enchaîne les scènes comiques. Mais Max Lobe fait aussi rire ses personnages d’un rire qui nettoie et qui sauve. Vraie ponctuation, ces rires font avancer le récit, ils en sont l’un des moteurs. Récit initiatique, Loin de Douala a le rire comme principe révélateur. » Lisbeth Koutchoumoff

Lire l'article entier ici

« Un livre plein d’images, de couleurs et de sensations »

« Un voyage initiatique entre larmes et éclats de rire »

Max Lobe était l’invité d’Anik Schuin dans l’émission « Versus-lire ». A réécouter ici

« Chatoyante et expressive, la plume du Genevois excelle à décrire une Afrique contrastée. Et également à peindre, par petites touches subtiles, les chamboulements encore inconscients qui résonnent dans le cœur d’un jeune garçon. Max Lobe livre ici un roman d’initiation aussi enlevé que secret. Une vraie réussite. » Anne-Sylvie Sprenger

Loin de Douala est un roman « édifiant et gouailleur » dont la langue « originale et pétillante est émaillée d'expressions camerounaises »

Une interview de Max Lobe par Laurence de Coulon à lire ici

Max Lobe était l'invité culturel sur TV5 Monde. A revoir ici 

« En peu de pages, Max Lobe fait partager au lecteur européen l’atmosphère des villes et des routes de son Cameroun natal. Son écriture foisonne d’images excellentes et d’un humour qui colore ses courts tableaux mieux que de longues descriptions. Lancés à la poursuite d’un fugueur tenté par l’émigration, son petit frère et un voisin plus âgé voient du pays. L’admiration de l’un pour l’autre, qui confine à l’attirance physique, ajoute une dimension très intense à ce voyage. Le rôle des mères, la fascination du football et l’emprise des boko-harameurs sur la vie des gens sont évoqués de la plus plaisante façon. » Benjamin Chaix

« On retrouve avec plaisir sa verve et son humour, le rythme d’une prose chamarrée qui emprunte sa musique et ses expressions à celles de la rue (…). Max Lobe sait créer un univers en quelques phrases, donner une voix singulière à ses personnages en recréant une langue savoureuse. (…)

[S’il] aborde des thématiques sérieuses – le terrorisme, la pauvreté, l’exil, l’homosexualité, la violence -, elles surgissent dans le flux du récit de manière vivante, imagée, portées par sa gouaille et son empathie lucide envers ses personnages. On se laisse ainsi entraîner dans des scènes réjouissantes, des funérailles du père à la bigoterie de la mère, d’une partie de foot à un voyage en bus, de bars animés à une fouille en règle… Et c’est tout un monde qui surgit, sensible et sensuel, tandis que Loin de Douala danse en équilibre sur le fil entre gravité et légèreté. » APD

« (…) Au fur et à mesure du voyage, la découverte de la terre se fait de plus en plus plaisante. (…) Une fois Loin de Douala posé sur la table, que déjà l’Afrique vous manque. » Loris S. Musumeci

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« Au fil de ce récit, Max Lobe propose un voyage initiatique et un parcours de son pays natal, du sud au nord à travers paysages, ambiances, religions et rencontres. (…) Ce quatrième roman n’est pas fortuit. L’idée vient à I ’auteur en 2015 lors d'un voyage de la capitale économique camerounaise à la frontière nigériane, ou I intensité de ce qu'il perçoit va prendre corps dans l'écriture. (…) Le long des routes le Cameroun devient un personnage à part entière. (…) [Max Lobe a] un style bien à lui. Direct et sensuel. » Catherine Faye

« Dans une langue chantante, pleine d'espièglerie et de candeur, Max Lobe raconte le périple initiatique de [ses personnages]. Il y a la torpeur des rues, les bars puants, les hôtels décrépits. Il y a l'ambiance chaleureuse des  »tournes-dos« , ces restaurants en bordure de rue où les clients mangent dos à route. Et l'irrésistible répartie gouailleuse de filles de joies, dans le quartier chaud de Mini Ferme Melen, haut-lieu de la prostitution de Yaoundé. S'inspirant de ses souvenirs, l'auteur – né en 1986 à Douala puis émigré en Suisse – donne à voir et à sentir des atmosphères singulières. (…)

Drôle, plein de tendresse, l'œil de Max Lobe scrute les espoirs de la jeune génération. Nous promenant gaiement au cœur de la culture camerounaise, il fait entendre des voix méconnues. On en sort charmé, avec la folle envie d'aller là-bas. Tout près de Douala. »  Estelle Lenartowicz

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« Comme une caméra, la plume de Max Lobe restitue les scènes de la vie quotidienne dans les moindres détails. Les klaxons, les rires des vendeuses, les accidents de la circulation, la gouaille irrésistible des tenancières de bar et des filles de joie dans le quartier chaud de Mini Ferme Melen, haut lieu de la prostitution à Yaoundé. (…) Selon Lobe, Loin de Douala représente le roman de la maturité. Celle d'un auteur qui se saisit d'une myriade de thématiques avec calme et légèreté, revient aux fondamentaux, c'est-à-dire aux sujets simples (…). Ceux qui étudient ses textes assurent qu'il y a bien un Univers Max Lobe. (…) » Clarisse Juompan- Yakam

« Max Lobe (…) signe un roman d’apprentissage à la fois sombre et allègre, où l’on retrouve sa langue nourrie d’oralité. Sa plume est un tissage de voix bruyantes saisies au vol dans la poussière de la rue, dans la touffeur alcoolisée d’invraisemblables bouges. Dans Confidences (2016), il adoptait ce ton gouailleur et sonore pour dire l’histoire de l’indépendance camerounaise. Ici, l’écrivain genevois explore le nord du pays, en proie au terrorisme et à la pauvreté, terre d’initiation aux vertiges du corps et de la peur. Et la quête de demeurer suspendue, comme si son objet était non l’autre mais le soi. Vivifiant. » Thierry Raboud

« [Max Lobe] raconte avec brio l’aventure de deux jeunes gens partis de Douala en autocar vers la frontière nord du Cameroun. (…) Le suspens s’installe et ne se relâche pas jusqu’à la dernière page.

Dans son roman, le jeune auteur rend ce périple joyeusement vivant : «J’ai voulu partir d’en bas, de relations de famille, deux frères, leur ami, leurs mères, pour effleurer, je dis bien effleurer, de grands problèmes politiques. La corruption, l’émigration, le terrorisme, j’en fais comprendre l’existence par le biais du voyage et du football. J’évoque le poids de la menace de Boko Haram au milieu d’un paysage à couper le souffle, dans lequel rien, excepté les contrôles militaires, ne trahit la folie des hommes. » »

Lire l’article de Benjamin Chaix en entier ici

« Cette œuvre succulente rend magnifiquement compte de la riche et complexe société camerounaise (…).

Grâce à cette brillante capacité qu’à Max Lobe de saupoudrer son ouvrage (…) de mots et d’expressions du vocabulaire camerounais, le lecteur aura comme souvent l’impression de vivre avec Jean… toutes ses innombrables péripéties. »

Lire l’article entier ici

« Véritable phénomène littéraire de cette nouvelle génération d’écrivains, Max Lobe publie aujourd’hui un cinquième roman haut en couleur qui scrute avec espièglerie les espoirs de la jeunesse africaine. Cet ouvrage aux allures de road trip camerounais plonge le lecteur au cœur des péripéties initiatiques de deux jeunes garçons en quête d’identité et de sensations fortes, direction l’eldorado fantasmé de l’Europe. (…)

Dans une langue imagée qui se savoure par les cinq sens, sa plume décrit à merveille les atmosphères singulières d’un Cameroun éclectique. Des bars ou s’entremêlent alcools et plaisirs interdits, aux hôtels décrépis en passant par les régions sinistrées de Boko Haram, Max Lobe fait l’éloge de la légèreté et de la liberté avec, en toile de fond, l’urgence des problématiques africaines. »  Marine Rebut

« Entre tubes de makossa, bars de quartiers chauds, moyens de transport locaux et expressions de la rue, Max Lobe nous plonge dans le Cameroun d’aujourd’hui. En toile de fond, le président unique (depuis 1982 !), la religion, l’émigration vers l’Europe, la pénétration de Boko Haram dans le nord, et les mesures déployées pour lutter contre le terrorisme. Des éléments imbriqués dans le quotidien des protagonistes du roman, dont la vie semble s’écouler inexorablement. Le tout narré avec humour et dérision.  »  Nadia Boehlen

« C’est au Cameroun que nous emmène notre invité, sur la route du « boza ». Un road book délicieux, dangereux, émouvant … »

Max Lobe était l’invité de Lydia Gabor dans l’émission Entre nous soi dit. A réécouter ici

«  [Dans ce] « road movie » facétieux et enlevé [les personnages] guident le lecteur sur des routes aventureuses et chaotiques. (…)

Habile à restituer des situations cocasses grâce à des dialogues et descriptions qui font mouche, Max Lobe se pose et s’impose ici en observateur attentif et conscient de son pays : si loin, si proche… »  Sophie Patois

« Avec sa gouaille si particulière, Loin de Douala traite d’un phénomène de société. (…) Le thème choisi par Max Lobe est celui de la fugue d’un adolescent, qui rappelle le personnage d’Antoine Doinel dans Les Quatre Cents coups de Truffaut, mais plongé au cœur de l’actualité camerounaise. (…) Loin de Douala est un roman qui s’intéresse à l’avenir du Cameroun, un futur qui semble miné par l’impossibilité de réussir et qui ne peut se réaliser que par la fuite, aussi dangereuse soit-elle. » Grégoire Meschia

« Max Lobé est un styliste (…). Oui, quand un écrivain réinvente la langue française, y injecte un parler local et marque son écriture de sa personnalité, je suis preneur. (…) Le roman est construit comme un road movie à la camerounaise. C’est-à-dire sous une chaleur étouffante, dans des conditions apocalyptiques de température et de pression. (…) On voit plusieurs strates du Cameroun très contrastées. (…) Ce roman ressemble à une enquête journalistique réalisée par deux jeunes camerounais qui se cherchent. » Gangoueus

« Le narrateur cherche son frère qui a fui pour vivre son rêve de footballeur. Il traverse le Cameroun en direction du nord. Rencontres épiques, péripéties roublardes, son road trip enchanté se frotte à la théâtralité d’un peuple soudé comme une grande famille. » M.B.

Coups de cœur

« Un récit initiatique, formidable photographie du Cameroun contemporain. »

« Un magnifique roman d'apprentissage et de découverte de soi porté par des thématiques actuelles comme la présence de Boko-Haram au Nord du Cameroun. Avec sa gouaille, Max Lobe évoque la fuite d'une jeunesse africaine démunie vers le continent européen. » Jean

« Un voyage initiatique au cœur du Cameroun. Émouvant & drôlatique ! »

« Les pages de Loin de Douala sont à la couleur du Cameroun d’aujourd’hui, les voix, les ambiances, les odeurs, tout y est parfaitement dessiné. Et ces pages se font l’écho également, au delà de l’histoire très attachante, d’enjeux contemporains très fort en n’éludant rien : pauvreté, politique et spectre des terribles actions de Boko Haram dans le nord du pays et des menaces que cela représente pour ceux qui se lancent dans l’aventure.
De ce fait, Loin de Douala est aussi bien un roman de la vie quotidienne qu’un roman d’initiation plus universel où la naïveté du narrateur adolescent donne à ce road book un sens comique inattendu. Dans leur rapport aux obstacles qu’ils affronteront, dans la découverte et l’affirmation d’une sexualité dite « différente » et dans le rire même des personnages qu’ils croiseront (tante possessive, gamins des rues, gros bras peu fréquentables etc). Quand l’humour permet de nettoyer du sordide et de la difficulté de vivre. »

« Max Lobe est un virtuose de l’atmosphère, un jongleur du verbe, un as du rythme, Loin de Douala est une petite pépite camerounaise qu’il fait -absolument- bon lire. Coup de cœur ! » Fanny

Coup de cœur intégral ici

« « C'est comment* », vous n'avez pas encore lu le dernier Max Lobe ? « Ekié**! », plongez-vous vite dans ce Cameroun trépidant et irrésistible ! » Laura

* Bonjour ! **Comment ?!

Droits vendus

Tchèque
Acquéreur Dauphin - Ing. Daniel Podhradsky
Année 2024

Espagnol
Acquéreur Empatia Editorial
Année 2023

Anglais
Acquéreur Hope Road
Année 2019

Extrait

1

C’est un soir de février 2014 et la grande saison sèche est bien installée. Même les mouches, essoufflées, n’ont plus la force de vrombir. Elles voltigent quelques secondes puis s’arrêtent.

Il est bientôt minuit à Bonamoussadi, quartier résidentiel au nord de la ville de Douala. Vers la boulangerie Bijou, à quelques blocs de notre maison, des bars ferment dans un bruit métallique de chaînes et de cadenas. Des soûlards béguètent. Ils exigent une dernière bière : « Sinon on cas-casse tout ici-là ! » Les tenancières à la voix fluette rigolent et les envoient paître : « Allez, dégagez ! Bande d’ivrognes ! » L’écho de leurs rires retentit comme une stridente sirène de police. À une centaine de mètres, rue centrale, le très fréquenté bar Empereur Bokassa répand les hits cadencés de la saison. On entend, au loin, un concert de coassements et le miaulement des chats errants.

De mon côté, vissé à mon bureau, je prépare mes premiers examens universitaires. Les murs de la chambre sont couverts d’affiches de champions de football : les idoles de mon frère Roger. Je ne reconnais que la photo de notre équipe nationale et celle du célèbre Roger Milla. Quelques trophées en aluminium, des médailles de pacotille et de nombreux maillots que mon frère ne prend pas la peine de ranger. Ses godasses empestent.

Notre lit à étage est face au bureau. Ce lit devient de plus en plus étroit pour nos corps qui grandissent. Roger dort sous le plafond. Ses entraînements clandestins l’ont épuisé. De temps en temps, distrait de mes devoirs, je pose un œil tendre sur son visage anguleux. Il ressemble beaucoup à papa. Ils ont le même front haut, les joues creuses et le menton fin. Il ronfle, je vois ses rêves de star du ballon rond choir dans la bave qui coule de sa bouche entrouverte. Je ressens de la compassion pour lui et regrette que papa et maman le forcent à continuer sur une voie qui n’est pas la sienne. Il est né pour le foot, lui. Le regard scintillant et sur un ton enjoué, il me dit souvent : « Tu verras, mon petit ! Je serai une grande star ! Mes transferts coûteront des millions. On m’appellera pour les publicités de chaussures. Adidas, frérot ! Adidas ! Je finirai par faire la une de Paris Match. Tu verras, mon petit ! Tu verras ! »

Soudain, la voix hystérique de maman dans la chambre d’à côté: « Claude ! Non Claude, tu ne peux pas me faire ça ! Non ! Lève-toi maintenant ! Lève-toi et marche au nom puissant de Jésus ! »

Roger devant moi ouvre brusquement les yeux : « Tu as entendu ça ? »

Comme un seul homme, nous nous précipitons. Là, nous voyons papa étendu. Il respire très faiblement. Difficile même de savoir s’il sent encore ses membres. Il bouge à peine. Une partie de son visage est paralysée. Son œil gauche est beaucoup plus petit, fermé, et l’autre, globuleux. Sa bouche tordue ne s’ouvre plus qu’à droite.

Papa est méconnaissable.

Tout en murmurant une chaîne de prières, maman est en train de le masser avec de l’huile d’olive Puget. Eh Dieu ! Pourquoi ne pas le conduire tout simplement à l’hôpital ? Non, non. Maman crois en l’omnipuissance de Yésu Cristo ! En dépit de l’aversion de papa pour cette onction qu’elle fait chèrement bénir par le pasteur Njoh Solo de l’église du Vrai évangile, voici qu’elle lui en verse de longues et de longues coulées sur les joues, les épaules, partout. Sur tout le corps. Elle essaye même de lui en faire boire. En vain. Tout ce qui entre dans sa bouche ressort presque immédiatement. Maman s’agite. Son Dieu l’aurait-il abandonnée ? Impossible ! Ce n’est pas dans Ses habitudes. Peut-être que le vieux n’arrive pas à avaler, se dit-elle, juste parce qu’il s’agit d’huile d’olive. Alors elle court remplir un verre d’eau. Cette eau que papa rapporte en quantité de la Société nationale des brasseries du Cameroun, la SNBC où il travaille. Maman en fait bénir quelques litres par le pasteur. Persuadée que des sorcières en veulent à son mariage, elle dit que c’est pour chasser les esprits maléfiques. Or, papa ne boit pas de cette eau non plus.

Aussi, Roger va chercher de la bière, s’approche de papa, relève légèrement son buste. L’œil globuleux de notre père pétille à la première goutte. On dirait qu’il sourit. Il ressemble à un enfant auquel sa mère apporte un sirop anti-toux au goût de mandarine ou de mangue. Cependant là encore, comme l’huile d’olive, comme l’eau, rien ; ça ne marche pas. À peine entrée dans sa bouche, la mousseuse ressort. Reste plus que la Bible, dit maman : « Dieu tout-puissant, Toi qui donnes la vie, délivre mon mari de la mort au nom de Jésus ! » Mais plus elle invoque Yésu Cristo, plus papa se défigure.

Elle panique et se met à crier : «  Eh Bon Dieu ! Qu’est-ce que j’ai fait de mal pour mériter ça ? Pourquoi frappes-tu ta pauvre servante comme ça ? » Roger s’agenouille près de papa pendant que je calme notre mère. Cet instant ouvre un océan entre mon frère et moi.

Roger sort précipitamment en claquant la porte. Maman hurle : « Tu vas où comme ça, toi? »

Ce qui me semble une éternité plus tard, il réapparaît avec notre frère-ami Simon Moudjonguè. En me voyant toujours assis aux côtés de maman, Roger serre la mâchoire et fait signe à Simon d’approcher. Ce dernier me salue en hochant la tête. Sa salutation discrète est une interrogation : « Qu’est-ce qui se passe encore ici ? » Roger saisit papa par l’épaule droite. Simon l’aide. Il a les yeux vifs de courage. Seules ses mains tremblent. Tous deux transportent papa dehors, vers le taxi qui attend.

Nous sommes tous en suspens. Est-ce que papa vit encore ?

Maman continue de crier : « Où est-ce que tu emmènes mon mari, eh, Roger ? » Elle ajoute aussitôt : « Ah, Simon ! Simon, réponds-moi ! »

Quelques silhouettes se pressent sous la faible lumière du lampadaire. Ce sont des voisines. Aussi curieuses qu’inquiètes. D’un pas bancal, deux soûlards se joignent à elles. Ils beuglent : « Hey vous là-bas ! Vous… vous n’avez pas une petite Cas-Castel bien fraîche par ici ? »

La poitrine de Roger se soulève, s’affaisse, se soulève dans un rythme effréné. Il transpire, s’essuie le front. Une fois monté dans le taxi, il pose la tête de papa sur ses cuisses. Devant, Simon me lance : « À l’Hôpital Général ! » Le véhicule, en s’éloignant, laisse derrière lui un grand nuage de poussière. Maman s’effondre. Les voisines viennent m’aider à la soutenir. Un des ivrognes toussote puis fredonne : « Tu bois, tu meurs ! Tu ne bois pas, tu mourras ! » Sa voix éraillée se mêle aux coassements et miaulements.

C’est comme ça que papa est mort.

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