Domaine français
Parution Jan 2013
ISBN 978-2-88182-884-3
220 pages
Épuisé

Domaine français
Disponible

Poche
Parution Sep 2022
ISBN 978-2-88907-065-7
240 pages
Format: 105x165mm
Disponible

Max Lobe

39 rue de Berne

Domaine français
Parution Jan 2013
ISBN 978-2-88182-884-3
220 pages

Domaine français
Parution Sep 2022
ISBN 978-2-88907-065-7
240 pages
Format: 105x165mm

Résumé

Habitant avec sa mère Mbila la rue de Berne, Dipita jette un regard vif et joyeux sur ce quartier chaud de Genève. C’est là qu’à 16 ans, Mbila, arrivée du Cameroun, a été brutalement projetée dans la prostitution. Depuis, elle se débrouille et raconte sa vie à Dipita, qui aime l’écouter ; il aime aussi son oncle resté au pays, même si c’est lui qui a jeté sa mère dans les filets des « Philantropes-Bienfaiteurs ». Mais c’est l’univers exclusivement féminin des prostituées du quartier qu’il aime par-dessus tout, leurs commérages, leur générosité et leur tolérance.
Dans une langue très colorée et vivante, le narrateur décrit avec finesse aussi bien la réalité des Africains sans papiers que les paradoxes et les souffrances d’un tout jeune homme noir et homosexuel.

Découvrir le roman en vidéo ici

 

Auteur

Max Lobe

Né à Douala en 1986, Max Lobe grandit dans une famille de sept enfants. Il arrive en Suisse à l’âge de 18 ans, deux ans après l’obtention de son Bac. À Lugano, il suit des études de Communication et journalisme. Passionné d’histoire et de politique, il suit un Master en Politique et Administration publique à l’Institut des Hautes Etudes en Administration Publique de Lausanne. Il est établi aujourd’hui à Genève. Ses textes, tous publiés aux éditions Zoé, comprennent notamment 39 Rue de Berne (2013), Confidences (2016, Prix Amadou Kourouma 2017), ou encore La Promesse de sa Phall’excellence (2021).

S’inspirant de la littérature traditionnelle africaine ainsi que des réalités de l’immigration en Suisse, Max Lobe traite des thématiques comme l’homophobie, la religion, la violence et de la situation des personnes sans-papiers.

Distinctions

Max Lobe, lauréat du prix du Roman des Romands (2013-2014) pour  39 rue de Berne 

Dans les médias

« Cette fiction de Max Lobe, un petit bijou d’écriture. Un texte vivant, empli d’humour, coloré, riche en images, d’une remarquable profondeur. Un récit sans complaisance sur l’univers de la prostitution, de l’homosexualité, de l’univers carcéral ainsi que sur celui de ses protagonistes. Un auteur à découvrir. » Valérie Debieux

Lire l’article entier ici

« Le langage imagé de Dipita, émaillé de mots bantous, sa vision naïve et rouée du monde, son sens du pittoresque, sa bonne volonté devant une situation qui le dépasse : tous ces éléments se marient en un récit généreux et prometteur. » Isabelle Rüf

« (…) Une lecture extraordinairement fluide, due à la qualité du style (c’est rare), des trouvailles de mots ou d’expressions qui viennent tout droit de la francophonie. » Martine Laroche

« (…) Servie par une langue très colorée, balancée, poétique et lumineuse, l’écriture de Max Lobe touche par sa simplicité et sa beauté. Sans chichis, les mots s’enchaînent et décrivent, par leur sens comme par leur rythme, le quotidien des clandestins. Partout une douce gaieté habite ce récit dont on oublie parfois qu’il est si sombre.

(…) Ce deuxième roman de Max Lobe, après un premier récit publié aux Editions des sauvages – L’enfant du miracle -, invente une langue nouvelle, scandée de mots répétés, pour conter l’odeur et les couleurs. (…) » Julie Montandon

« Ainsi le drame côtoie le rire, passé et présent s’articulent en un tableau vif et animé, une toile sensible où prend forme l’image des existences minuscules et courageuses.

Cette construction par petites touches distille dans la narration une légèreté à laquelle n’est pas étrangère la langue de Max. Lobe. Le rythme est alerte, l’humour souvent savoureux, le syle imagé et teinté d’expressions camerounaises. Les  »vite-vite« ,  »chaud-chaud«  et autres adjectifs doublés, les  »camions de haine dans le ventre« ,  »mettre un caleçon sur la bouche«  (se taire), mais aussi les mots en bassa, contribuent à colorer une prose fluide et expressive, qui sonne juste. Malgré la dimension tragique de l’histoire, la musique de 39 rue de Berne vibre d’accords chauds et enjoués et l’espoir ne  meurt jamais. » Anne Pitteloud

« 39 rue de Berne séduit à plus d’un titre. Pour son portrait du Cameroun sous la mainmise de  »Papa Biya« . Pour le récit de l’embarquement d’une adolescente dans la prostitution et les réseaux clandestins. Pour l’histoire d’un jeune Noir gay à Genève, entre culpabilté et exaltation (…). L’écriture de Max Lobe, émaillée d’expressions savoureuses, croque dégaines et silhouettes. Elle mêle humour, gaieté, douleur et sensualité. » Julien Burri

« Cette fiction de Max Lobe, un petit bijou d’écriture. Un texte vivant, empli d’humour, coloré, riche en images, d’une remarquable profondeur. Un récit sans complaisance sur l’univers de la prostitution, de l’homosexualité, de l’univers carcéral ainsi que sur celui de ses protagonistes. Un auteur à découvrir. » Valérie Debieux

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« …le livre qui a lancé Max Lobe (…) devenu, depuis, une voix qui compte (…) La langue qu'invente Max Lobe, luxuriante et drôle, est un bonheur (…) » Lisbeth Koutchoumoff

Coups de cœur

« 39 Rue de Berne, en plein cœur d’un quartier genevois mêle tout à la fois précarité, prostitution, drogue et espoir. Dans une écriture rythmée, Max Lobe donne la voix à Dipita, jeune homosexuel noir: son quotidien, son premier amour et les évènements qui l’ont conduit à son incarcération… » Léa Drago

Extrait

Chapitre 11

–       Alors, ça va avec ton petit amoureux ? me demanda Charlotte la coiffeuse sous l’éclat des rires des filles de l’AFP.

Je ne m’attendais pas à une telle question. Comment avait-elle su que j’avais un type ? Comment en était-elle si convaincue  ? Ça se voyait que son regard de colporteuse-là en était sûre-sûre.

–       Je ne vois pas de quoi tu parles, mama Charlotte, répondis-je.

Les filles poussèrent à nouveau un éclat de rire qui me déconcerta. Elles semblaient si convaincues de leur information que mon air pantois et indifférent ne les désorientait pas.

–       Bah, mon fils, reprit Charlotte en meneuse de peloton. Tu sais, je t’ai toujours dit que j’étais née avant toi. Et ces petites histoires de chéri coco, il y a bien longtemps que je les ai connues.

–       Ah, Charlotte, laisse notre bébé tranquille, l’interrompit Bélen, la mère de Saarinen et l’animatrice principale de l’AFP.

Bélen était bolivienne. Physiquement, elle avait plutôt un corps de wolowoss. Sa poitrine était pointue-pointue comme pour faire du mal à quelqu’un. Une poitrine qu’elle voulait toujours mettre en avant. Elle l’enfilait dans un soutien-gorge ou un corset bien trop petit pour sa taille.

Les autres filles de l’AFP avaient acquiescé à l’interruption de Bélen. « Bélen a raison ! » dit Maïmouna, une Rwandaise aux formes de guêpe, et accro au crayon à lèvres noir. « Bélen a raison, continua Tran-Hui, une Thaïlandaise au corps aussi minuscule que le visage. Soit tu vas droit au but, soit tu laisses notre petit Dipita en paix. »

« C’est toujours comme ça dans cette association. Je ne peux jamais aller au bout de mes idées. Vous me coupez toujours la parole », s’énerva Charlotte.

Un grand Ah ! de désapprobation s’éleva et emplit l’air pollué de nicotine. « Parle donc, Charlotte !», « Parle ! » lui crièrent les filles de l’AFP. « Parle, Charlotte. Nous, nous ne voulons que la Paz », conclut Bélen. Charlotte savoura le vote de confiance qu’on venait de lui attribuer.

Dans cette ambiance de cour de récréation, William entra, un plateau à la main. Il y transportait plusieurs tasses, du sucre et la théière orientale de ma mère – cadeau de Tran-Hui, la Thaïlandaise. Mais lui, que foutait-il là ? Il ne m’avait pas averti qu’il passerait me rendre visite.

William déposa délicatement le plateau de thé sur la petite table de notre salon étroit. Il prit place près de Mbila, à même le sol, sur le tapis. Toutes les filles le regardèrent en souriant, puis tournèrent en chœur leur regard vers moi, dans un même sourire provocateur. C’était trop bizarre pour être facilement vrai comme ça-là. Et si tout ce truc était faux ? Et si William n’était pas le vrai-vrai fils de Monsieur Rappard ? Et si c’était vraiment un gros piège des femmes de l’AFP pour me faire roter ma part de secret que je cachais bien-bien dans mon ventre-là ?

Charlotte installa soigneusement son postérieur dans le fauteuil à bascule de ma mère. Elle se racla la gorge comme le ferait un chef de village africain, et reprit la parole.

–       Bon. Bon. Voilà, fiston. Nous savons que tu es homosexuel. Pas besoin de nier, car William a tout avoué à ta mère qui, à son tour, nous a tout dit.

–       Ah, vous m’avez donc tendu un piège. C’est ça, non ?

–       Mais qu’est-ce que tu veux dire ? s’étonna Charlotte.

Son regard colporteur s’était transformé en un regard malheureux, innocent. « Eh Dipita, mon fils, nous, on ne peut jamais te tendre de pièges. Surtout pas à propos de trucs comme ça », dit-elle en levant trois doigts en l’air pour jurer.

J’avais envie de déposer mes fesses quelque part. Des yeux, je cherchai mon pouf poire pour m’y fondre comme j’avais l’habitude de faire durant toutes les réunions de l’AFP. Peut-être aurait-il su me consoler. Peut-être aurait-il su couvrir les hontes que je ressentais. Je voulais sortir de cette pièce, m’éloigner, m’enfuir, les abandonner à leurs convictions. Mais ç’aurait été trop lâche. Et l’estime que j’avais pour mes mères ne m’aurait simplement pas permis pas de le faire. Il ne me restait plus qu’à souffler et m’asseoir à même le sol.

Charlotte reprit la parole :

– Mon fils, tu peux me croire. Il n’y a pas de complot dans tout ça. Ta mère vous a trouvés hier soir, William et toi…

– Et alors ?! lançai-je du tac au tac. William, dis-moi, c’est quoi ces histoires-là ? Déjà, tu fous quoi là ?

– Calme-toi. Calme-toi, mon fils, intervint Mbila.

– Tu nous a trouvés nus dans mon lit, et alors ?! Où est ton problème ?

– …

– Oui, je suis pédé ! Oui, j’ai baisé avec lui ! Oui ! C’est ça que vous vouliez entendre, non ? Bah voilà ! C’est fait !

Le salon était plongé dans un lourd silence. C’était la première fois que je haussais le ton devant mes mères. Je me mis à pleurer. Honteux, je voulus m’enfuir dans ma chambre, mais la voix de Charlotte freina mon pas.

 – Ne pleure pas, mon fils. Il ne faut pas t’énerver. Tout est maintenant clair pour tout le monde, et pour finir avec ça, je dois te dire que tu es libre d’être qui tu es. Nous ne te condamnons pas et ne te condamnerons jamais. Tu peux toujours compter sur nous pour te défendre, que ce soit ici aux Pâquis ou ailleurs.

La gentillesse de ces mots me toucha. Je sentis la colère naissante en moi s’évanouir. L’émotion me fit rougir. J’en vins de nouveau aux larmes. Je pleurai comme un petit enfant. Je pleurai comme tonton ne l’aurait jamais souhaité. William se leva et vint à mon secours. Il me prit dans ses bras et me caressa le dos. Je me sentis aimé.

J’avais toujours su que mes mères finiraient un jour ou l’autre par m’accepter tel que j’étais. Mais je ne savais pas que cette acceptation se ferait aussi gaiement, avec de si bons mots. Après tout, certaines de mes mères venaient de pays où les gens comme ça ne sont pas les plus aimés. Mbila, par exemple, venait du Cameroun où les présumés depsos sont emprisonnés ; Charlotte venait du Nigéria qui les lapidait à cœur joie.

Dans ce micmac d’émotions et d’accolades chaleureuses, je prêtais une attention particulière à ma mère. Elle était là, comme ses consœurs de l’AFP, emportée dans le vent de gaieté qui soufflait fort-fort dans notre salon. À voir son sourire radieux, on aurait dit qu’elle était aussi heureuse qu’une mère qui vient d’apprendre que son fils est diplômé de l’université de Genève, ou qu’il a été engagé par une grande multinationale dans le quartier des Nations, ou qu’il se mariera avec une belle et douce épouse et qu’ils auront un village d’enfants. Mbila semblait aussi heureuse qu’une mère dont le fils a été mis en haut par les autorités politico-administratives.

Mais, avec un peu de recul, je me demandai pourquoi maman était si heureuse. Pourquoi tant de joie pour une histoire de ndolo entre deux garçons ? Qu’est-ce qu’il y avait de si joyeux ou de si jouissif au point de célébrer comme elle le faisait ? Puis je me rappelai que tantie disait toujours que pendant les moments de joie, il est dur-dur de montrer qu’on a un camion de colère dans son ventre. C’est pour ça que j’avais pensé que la joie de ma mère cachait peut-être de la tristesse que les circonstances ne lui permettaient pas d’afficher.

Mbila ne voulait-elle pas, comme n’importe quelle autre mère, avoir des petits-enfants ? Elle qui avait tant souffert de l’exagération forcée de son âge, du trafic et de l’exploitation sexuelle, ne voulait-elle pas avoir une descendance qui témoignerait de sa victoire sur la bêtise humaine dont elle avait été victime ? Elle qui avait été élevée par tantie Bilolo dans les règles coutumières de chez nous, ne voulait-elle pas laisser ce savoir-faire à une belle-fille ? Alors pourquoi ne montrait-elle aucun signe de désapprobation, du moins de déception, de désarroi, d’égarement, d’embarras ? Pourquoi n’affichait-elle pas un peu de malaise, voyons ? Eh bien non. Elle semblait franchement fière de moi. Elle semblait fière d’avoir un fils comme ça. Dans son regard humide et chatoyant, je vis qu’elle se fichait du qu’en-dira-t-on. Elle se fichait des cancans des radios trottoirs. Elle se fichait de ceux qui laisseraient entendre que son fils était devenu comme ça – oui comme ça là – à cause d’elle. Elle se fichait de ceux qui tireraient leur langue comme du chewing-gum pour raconter qu’elle avait élevé son fils comme on élève une fille, comme s’il y avait des façons différentes d’élever une fille ou un garçon. Non, Mbila semblait pisser sur tout ça. Elle était fière, fière d’être ma mère, fière d’être la mère de son fils unique. Depso ou pas, je restais son fidèle associé.

C’est vrai, l’atmosphère festive de la pièce ne me laissait pas indifférent. Mais je n’étais pas pour autant complètement emballé par leurs youyous. En fait, tout au long de mon adolescence, je m’étais tellement nourri d’histoires de révélations ayant tourné au vinaigre, au pugilat, à de brutales ruptures familiales, à des rejets, et même à des suicides, que je me sentais triste d’avoir tant de chance. J’étais tellement imprégné de ces sombres histoires-là que je trouvais étrange de bénéficier d’une si naturelle acceptation de la part de mes mères. Pourquoi cette chance m’arrivait-elle à moi ? Je sentais mon cœur se balader entre la satisfaction et l’amertume. Surtout l’amertume. Je vivais l’amertume de n’avoir pas connu de représailles dues à ma chose-là. Je me sentais traître vis-à-vis des autres adolescents dont je m’étais passablement abreuvé d’histoires malheureuses postées sur la toile, dans les forums. Je trouvais dommage de n’avoir pas eu un parcours semblable aux leurs. Je voulais connaître moi aussi la souffrance du rejet, le tourment de l’exclusion par sa famille, par ses amis, par son entourage. Je voulais connaître les contours de la pensée suicidaire, le génie de mettre en scène sa mort, de se l’imaginer, et même de la réaliser avec courage.

Pour moi, l’heure de la révélation rimait forcément avec le suicide. Il me faudrait tout préparer, minutieusement, avant de tout roter. Je pensais par exemple qu’il fallait préparer une tonne de médicaments à avaler, si possible avec beaucoup d’alcool. Pas si convaincu par ce scénario d’intoxication, j’entendais me servir d’une arme – celle du service militaire, par exemple. Quelques balles dans la tête solderaient en un éclair tous mes soucis. Mais le hic était que je ne m’imaginais pas en train de jouer à la recrue dans leurs camps militaires-là. J’avais toujours pensé que je me finirais plutôt que d’y aller. Ce n’était vraiment pas mon truc. Alors, pour quelle solution opter afin de me finir en paix après ma révélation ? Une corde ? « Oui, sans doute, une corde », me disais-je, allongé sur mon lit. Une corde, une chaise. Je m’étais souvent imaginé, là, le cou tordu, accroché à une corde nouée au lustre en bronze de notre salon. Mais lorsque j’envisageais la tête de ma mère devant la découverte macabre de mon corps ainsi suspendu à une corde comme une guirlande sur un sapin de Noël, je me disais qu’il valait mieux trouver une autre option. Peut-être ne plus m’alimenter ? Maigrir et devenir anorexique ? « Mais l’anorexie, pensais-je, c’est une maladie de meufs, ça ! »

J’échafaudais alors plusieurs scénarios : me noyer dans le lac Léman, me jeter sur les rails, me jeter sous les roues d’une voiture sur une autoroute, etc. Du fond de ma détresse, je pensais à toutes ces possibilités. Mais surtout, je me disais qu’il fallait laisser une trace avant de m’en aller. Il fallait laisser par exemple une petite lettre. Je voulais faire comme Dalida, mon idole. Je voulais rédiger une lettre d’adieu où j’aurais pu dire à ma mère, non, à mes mères, combien je les aimais. Je voulais leur dire que c’était par amour pour elles que je préférais partir et leur laisser la paix.

Ma lettre, je l’avais d’ailleurs soigneusement préparée. Je voulais la laisser dans mon ordinateur Acer, sur un fichier de Microsoft Word. Puis, j’y renonçai, pensant que ma mère n’y aurait pas accès ; elle ne savait pas se servir d’un ordinateur. Alors, je m’étais muni d’une feuille blanche, et j’y avais écrit : « Pardonnez-moi, une vie de depso m’est inimaginable. » J’avais plié cette feuille en quatre et l’avais bien bien cachée sous mon lit, attendant patiemment le jour J.

Mais ce matin, en écoutant les éclats de rire de ma mère et de ses copines de l’AFP, je me sentis honteux. Tous mes plans tombaient à l’eau.

Pour moi, c’était important de vivre une histoire turbulente, bouleversante, afin d’avoir quelque chose de choquant à poster sur un forum, quelque chose de blessant à partager avec les autres. Pour moi, ç’aurait été la meilleure façon non seulement de combattre avec les autres persécutés, mais aussi et surtout d’exister. Oui, exister. Car j’étais persuadé que pour exister avec ma chose-là, il me fallait avoir une histoire à raconter. Et une histoire de vie aussi rose et dépourvue de toute souffrance, de tout soubresaut douloureux, pareille à celle que m’offraient ma mère et les femmes de l’AFP, me paraissait si ennuyeuse que j’en fus déçu.

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