Écrits d’ailleurs
Parution Sep 2025
ISBN 978-2-88907-540-9
256 pages
Format: 140x210
Disponible

Traduit de l'anglais par Serge Chauvin

Écrits d’ailleurs
Parution Sep 2025
Disponible

Traduit de l'anglais par Serge Chauvin

Teju Cole

Vibrato

Écrits d’ailleurs
Parution Sep 2025
ISBN 978-2-88907-540-9
256 pages
Format: 140x210

Traduit de l'anglais par Serge Chauvin

Écrits d’ailleurs
Parution Sep 2025

Traduit de l'anglais par Serge Chauvin

Résumé

Dans une brocante du Maine, Tunde déniche un masque africain à l’origine trouble: a-t-il plus de valeur s’il a été arraché à sa culture, ou fabriqué par un artisan pour un touriste blanc? Quel œil poser aujourd’hui sur un tableau de Turner représentant un sinistre navire aux esclaves? Et sur une œuvre spoliée par les nazis?
Tunde passe le monde au crible de son esprit agile et sensible. En surgit Vibrato, méditation sur notre regard occidental pétri de préjugés, analyse virtuose et passionnée de ce que la musique peut nous faire, de Bach à Coltrane en passant par les grands musiciens maliens; histoire d’amour et de deuil aussi, racontée dans une écriture à la grâce envoûtante.

Auteur

Teju Cole

Teju Cole est un véritable humaniste du 21e siècle, « l’un des écrivains les plus talentueux de sa génération » selon Salman Rushdie. Né en 1975, il a grandi au Nigéria et vit aujourd’hui dans le Massachusetts. Il enseigne l’écriture à Harvard et est critique de photographie pour le New York Times Magazine. Avant Vibrato, deux de ses romans ont été traduits en français: Open City (Denoël, 2012) et Chaque jour appartient au voleur (Zoé, 2018).

Dans les médias

« Il vous faut absolument lire ce livre, pour la simple et bonne raison qu’il parle, selon moi, de l’humain d’aujourd’hui. Un humain cultivé et humaniste qui sait où il se situe, né dans le Michigan (USA) ayant vécu son enfance au Nigeria, vivant dans le Massachusetts (USA). (…) C’est d’une rare densité et d’une très très rare conscience du monde. » Noé Gaillard

« Dans ce roman puissant, Teju Cole rudoie les préjugés du regard occidental sur le monde, notamment à travers l’analyse d’œuvres d’art. Le récit est traversé d’innombrables références musicales, qu’on retrouve parmi les playlists proposées sur le site de l’auteur, tejucole.com« 

« Le texte se caractérise par la fluidité de la narration, par son étonnante économie de moyens. Le récit des événements de la vie professionnelle et personnelle de Tunde est entrecoupé de commentaires, de digressions sur l’art, l’histoire, le pillage colonial des œuvres d’art, mais aussi des expériences de racisme puisées dans le vécu de l’auteur. À mi-chemin entre autofiction et méditation, ces pages se lisent comme un long essai qui invite le lecteur à réfléchir sur le monde comme il va, sur ses heurs et malheurs, sans passer par les conventions romanesques telles qu’intrigue, personnages, psychologie… Vibrato renouvelle la narration littéraire, son format, son architecture.

Attention, chef-d’œuvre ! »

Une chronique de Tirthankar Chanda à lire ici

« Dans Vibrato, Teju Cole redéploie derechef le regard du « Persan », celui de la culture allogène, ou plutôt de l’afrocosmopolitisme hybridé. Outre la vue, l’ouïe est convoquée. L’auteur fait ici sonner une secrète note bleue, tel un leitmotiv mélancolique au fil de pages qui racontent une histoire d’avant la pandémie de Covid, memento mori planétaire rappelant la solidarité des humains par la mort. » Sean Rose

«Vibrato évoque d’abord la musique, puis la couleur. Et c’est le cas dans le prochain roman de l’écrivain nigérian et américain Teju Cole. On croise Bach et les musiciens maliens, mais aussi des peintres contemporains ou Turner – comme dans l’extrait publié aujourd’hui en avant-première –, et puis toutes sortes d’objets, gens, amours et savoirs partagés avec Tunde, le personnage principal. On y croise aussi le regard occidental.»

Un article à lire ici

Extrait

Les feuilles sont noires et lustrées, et des fleurs mourantes émane une senteur qui pourrait être celle du jasmin. Il installe le trépied et règle la focale. Au deuxième déclic de l’obturateur, une voix agressive l’interpelle de la maison sur sa droite. Ça lui est déjà arrivé, mais il sursaute quand même. Il adopte un ton aimable pour expliquer qu’il est artiste, qu’il se contente de photographier une haie. Vous n’avez pas le droit de faire ça ici, dit la voix, c’est une propriété privée. Les muscles de son dos se crispent. Il replie le trépied, range l’appareil photo dans sa sacoche et bat en retraite.
Le lundi, il se rend à l’université où l’attendent des colis et autres courriers, parmi lesquels une enveloppe blanche au rabat finement liseré de noir. Il en arrive deux ou trois par mois du même genre, des faire-part officiels du décès de membres passés ou présents du corps enseignant. L’enveloppe est presque carrée. Il l’ouvre, une fois installé dans son bureau. La carte à l’intérieur est également bordée de noir. Un professeur émérite en microbiologie, inconnu de lui, vient de mourir. Les cartes suivent une formule invariable : le doyen a le regret d’annoncer la mort du professeur en question – dans un langage désuet. Une mort survenue « le six courant » s’est produite le six du mois ; « le quinze ultimo », c’est le quinze du mois dernier. Il s’est mis à collectionner ces faire-part, dont la solennité emphatique est pour lui un écho des tenues de deuil portées jadis, les soieries et les grenadines des robes de veuves pendant la guerre de Sécession, les voiles noirs, gants noirs, bijoux noirs qui faisaient savoir au monde qu’on pleurait un proche. On a perdu cet ordre symbolique des couleurs, cette gradation du grand deuil au deuil partiel exprimée en noir, gris, mauve, lavande.
Sur son bureau il y a deux livres : Les Villes invisibles d’Italo Calvino et une traduction de L’Épopée de Soundiata. Elle contient des versions du récit dues à deux griots différents, Bamba Suso et Banna Kanute ; il vient de finir la première. Sur l’une des étagères de la bibliothèque, une bouteille d’encre sombre que lui a envoyée Paul Lanier. Une encre extraite du jus de raisins sauvages cueillis autour des voies ferrées de St. Louis ; comme elle est artisanale, sa couleur a mué. Si dans le flacon elle paraît encore intense, proche du violet, apposée sur le papier elle prend désormais une teinte pâle rappelant la mer. Mais comment ça, « la mer » ? Quand on dit que la mer est bleue, on pense à un bleu clair ou pâle, proche du bleu ciel. La mer est parfois d’un tel bleu, ou d’une variante plus sombre, mais souvent aussi la mer n’est pas bleue du tout : elle est parfois orange, parfois grise, parfois mauve avec l’iridescence du Πορφύρεος d’Homère, et parfois rien, transparente, juste de l’eau. Au crépuscule, elle va de l’argenté à l’étain. Et par une nuit sans lune elle est noire.

Du même auteur

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Chaque jour appartient au voleur
Chaque jour appartient au voleur

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