Écrits d’ailleurs
Parution Mar 2023
ISBN 978-2-88907-179-1
80 pages
Format: 140x210 mm
Disponible

Traduit de l'anglais par Marie Darrieussecq & Serge Chauvin

Écrits d’ailleurs
Disponible

Traduit de l'anglais par Marie Darrieussecq & Serge Chauvin

Teju Cole & James Baldwin

Leukerbad 1951/2014

Écrits d’ailleurs
Parution Mar 2023
ISBN 978-2-88907-179-1
80 pages
Format: 140x210 mm

Traduit de l'anglais par Marie Darrieussecq & Serge Chauvin

Résumé

Été 1951 : James Baldwin est le premier noir qui séjourne à Leukerbad (Haut-Valais). Les enfants crient « Neger! » dans les rues, les gens le dévisagent : est-il vraiment américain, cet homme qui ressemble aux indigènes d’Afrique ?
Dans « Un étranger au village », texte virtuose et puissant, Baldwin décrit le racisme primaire de ce village au bout du monde et le fait résonner avec l’humiliation que les Noirs subissent aux États-Unis.
Été 2014: Teju Cole se rend à Leukerbad. Lui n’est pas dévisagé dans la rue, les enfants n’essaient pas de toucher ses cheveux ; mais des émeutes viennent d’éclater dans la ville américaine de Ferguson, après l’assassinat d’un Noir de dix-huit ans par un policier blanc. Dans « Corps noir », Cole entame un dialogue avec Baldwin. Soixante ans les séparent, un lieu les réunit, et même si les choses ont changé, le racisme persiste.

Auteurs

Teju Cole

Né en 1975, Teju Cole a grandi au Nigeria et vit à Brooklyn. Il officie en tant que critique de photographie pour le New York Times Magazine, a notamment écrit pour le New York Times, le New Yorker, Granta et Brick. Salman Rushdie le tient pour « un des écrivains les plus talentueux de sa génération ». Deux de ses romans sont traduits en français: Open City (Denoël, 2012, 10/18, 2014) et Chaque jour appartient au voleur (Zoé, 2018).

James Baldwin

Immense écrivain américain, James Baldwin (1924-1987) est un porte-parole du mouvement intégrationniste. Au début des années 1950, il séjourne à plusieurs reprises dans le village de Leukerbad, en Valais. Il y donne notamment sa forme définitive à son premier roman d’inspiration autobiographique Go Tell It on the Mountain (La Conversion).

Dans les médias

« C’est l’histoire d’un écrivain américain, Teju Cole, d’origine nigériane, qui, en été 2014, se rend dans le Haut-Valais, à Leukerbad. Il tente de réveiller la présence en ces lieux d’un autre immense écrivain noir américain, James Baldwin. Ce dernier, de passage dans le village en 1951, décrit dans le célèbre « Un étranger au village » le racisme subi lors de son séjour en écho à l’humiliation que les Noirs vivent aux États-Unis. Teju Cole: « On était le 2 août 2014 : l’anniversaire de James Baldwin. Il aurait eu quatre-vingt-dix ans ce jour-là. Il fait partie d’une génération située au point de bascule où l’on cesse d’être contemporain pour glisser vers l’histoire ». L’incroyable petit livre réunit les textes des deux écrivains. » Géraldine Savary

« 1951, James Baldwin (1924-1987) quitte Paris pour Loèche-Les-Bains (…). Il y rédige Un étranger au village, texte virtuose. Le récit d’une expérience, celle d’être Noir dans un village perdu exclusivement blanc, qu’il relie aux tensions raciales en cours aux Etats-Unis.

2014, Teju Cole, bientôt 40 ans, que Salman Rushdie lui-même considère comme « l’un des écrivains les plus talentueux de sa génération », se rend à son tour à Loèche-les-Bains. Dans Corps noir, il dialogue avec Baldwin. L’époque a changé, mais, outre-Atlantique, le racisme demeure… Vertige. » Blaise Calame

« Dans Un étranger au village, texte virtuose et puissant initialement publié en 1953 dans Harper’s Magazine, Baldwin faisait résonner le sentiment de racisme primaire qu’il éprouve avec la rage et l’humiliation des Noirs aux États-Unis. (…)

Dans Corps noir, Cole entame un dialogue avec Baldwin. Soixante ans les séparent, un lieu les réunit, et même si les choses ont bien changé, le racisme persiste. Un livre d’une brûlante et désolante actualité, hélas ! »

Un article de Patrick Corneau à lire ici

« C’est un livre fort et concis, un jeu de miroirs entre deux paroles puissantes, distantes de plus de soixante ans et dont la mise en regard immédiate confère à l’une et l’autre une intensité inédite. D’abord, les mots rageurs de James Baldwin, écrits en 1951 depuis un village isolé aux confins de la Suisse, où il subit quotidiennement des actes de racisme. Plus loin, ceux du nigérian-américain Teju Cole, parti en 2014 sur les traces de Baldwin, tandis qu’aux États-Unis éclatent les émeutes dites de Ferguson, après que des policiers ont abattu un jeune homme noir. Deux approches des ressorts du racisme qui s’éclairent l’une l’autre, se poursuivent et résonnent. » Fabienne Lemahieu

« Avec la langue vibrante qu’on lui connaît, mélange si singulier d’intelligence, de rage et de blessure, Baldwin fait le récit de ce moment d’altérité raciale où il éprouve, plus encore que dans son Harlem natal, le sentiment d’être « une curiosité vivante ». (…) Soixante ans plus tard, alors que les émeutes raciales secouent la ville de Ferguson aux États-Unis, le Nigérian Teju Cole rejoue cette expérience suisse. De l’un à l’autre, de 1951 à 2014, les choses ont-elles réellement changé ? » Valérie Nigdélian

« En 1951, James Baldwin quitte Paris pour se rendre à Loèche-les-Bains (Leukerbad en allemand), une commune à trois heures de Lausanne où la famille de son amoureux, Lucien Happersberger, possédait un chalet. « De mémoire d’homme et de toute évidence, aucun Noir n’avait jamais mis les pieds dans ce minuscule village suisse avant que j’y débarque. » Partout, cet été-là, l’écrivain est source « d’étonnement, de curiosité, d’amusement, et d’indignation ». II y retourne pourtant deux hivers et y finit son premier roman, la Conversion (Go Tell It on the Mountain, 1953). Baldwin évoqua cette expérience dans « Un étranger au village », d’abord paru dans Harper’s Magazine, et ici complété par un autre texte de Teju Cole, « Corps noir », publié en 2014 dans The New Yorker. Cole est de retour à Leukerbad. Le village a changé, mais certaines choses non. « Être étranger, c’est être regardé, mais être noir c’est être regardé entre tous ». » Thomas Stélandre

« Baldwin fait mine de comprendre l'étonnement des habitants (« Les gens sont piégés dans l’Histoire et l’Histoire est piégée en eux »), mais il souffre. De ne pas être considéré comme un homme par des habitants qui se vivent comme des héritiers de Shakespeare et de Bach. Puis, déplaçant sa colère, l’intellectuel fait une analyse radicale de la condition de l’Américain noir et du suprémacisme blanc.

En 2014, Teju Cole part à Leukerbad sur les traces de James Baldwin. S’il n’est plus le seul homme noir de la ville, les regards s’attardent sur sa couleur de peau. Mais l’écrivain ne se sent pas atteint dans son humanité comme Baldwin. « C’est le bénéfice hérité des luttes des générations passées », reconnaît-il. Cependant, à l'instar de son aîné, Leukerbad lui donne « une vision plus nette de la situation dans son pays », plombé par les violences policières contre les Noirs. Face aux pics enneigés, il s’interroge : « Et maintenant ? » » Gladys Marivat

« Petit par le nombre de pages mais grand par l’intensité des textes à lire (…), une publication nécessaire. »

Une chronique de Noé Gaillard à lire ici

« James Baldwin et Teju Cole développent leur propos en se focalisant d’abord sur les actes et paroles des habitants du village valaisan, leurs relations avec eux, puis opèrent un zoom arrière qui nous permet de saisir l’ampleur des mécanismes de ces racismes tellement – trop – protéiformes.

Teju Cole, à propos de James Baldwin:  »(…) moi qui suis né aux États-Unis plus d’un demi- siècle après Baldwin, je persiste à comprendre, car j’ai éprouvé dans mon corps et dans ma chair la rage inextinguible que lui inspirait le racisme. Dans son écriture, on sent un appétit insatiable de vie, de la vie dans sa totalité, et le désir ardent de ne pas être compté pour rien (pour un simple nègre, un simple Neger), lui qui a conscience de valoir tant. (…)« 

Une écriture brillante – aussi en français – nous rappelle que la fabrique de l’idéologie raciste se déroule en plusieurs couches et que certaines savent rester discrètes avant de se transformer en poison. Malheureusement encore d’actualité. »

Entretien d’Ivor Malherbe avec David Linx à propos de Leukerbad 1951/2014 à écouter ici

« (…) Plus de 60 ans plus tard en 2014, l’écrivain, historien et photographe nigérian-américain Teju Cole se rend sur les traces de Baldwin à Loèche-les-Bains. Si les enfants ne lui crient plus « Neger! » comme elles et ils le faisaient à la vue de Baldwin, le racisme a subsisté et évolué vers des formes plus complexes et sournoises. Avant d’être un écrivain ou un voyageur qui déambule dans les rues, Cole est avant tout un corps noir — sans cesse objecté. Ce texte, paru en anglais en 2014, vient d’être traduit. Il est à la fois un éclairage sur l’essai de Baldwin, mais aussi son prolongement, car il soulève de nouveaux questionnements sur l’identité noire américaine, son hérédité, ses marqueurs culturels et artistiques. » L.T.

« Teju Cole prend ses distances avec la réflexion de son prédécesseur, tout en manifestant son admiration. Il propose une autre expérience du corps noir dans l’espace public, un autre rapport à la culture.

A près de soixante ans d’intervalle, ces deux visites à Loèche se répondent, se complètent, une conversation se noue. Certaines choses ont changé, d’autres pas. Teju Cole peut nommer le lien qui unissait à cette époque Happersberger et Baldwin («son amoureux»). Mais ne peut que constater la persistance du racisme aux Etats-Unis et ailleurs.

Baldwin fait de la Suisse des années 1950 un paysage initiatique. En randonnée dans les Alpes, il glisse et risque de perdre la vie; Happersberger le rattrape et le sauve. Teju Cole commente la scène: «C’est ce moment de terreur et de salut, irrésistiblement biblique, qui lui inspira le titre original, repris d’un vieux cantique, de son roman si longuement mûri: Go Tell It on the Mountain, «va le proclamer sur la montagne».

Tendons l’oreille: de là-haut, la voix de Baldwin a encore beaucoup de choses à nous dire. »

Un article de Julien Burri à lire ici

« 1951. L’immense écrivain américain James Baldwin séjourne à Leukerbad, au-dessus de Sion, dans le Haut-Valais. « De mémoire d’homme et de toute évidence, aucun Noir n’avait jamais mis les pieds dans ce minuscule village suisse avant que j’y dé barque. » (…) Bientôt, ce journal ironique d’un racisme ordinaire résonne avec le sort des Noirs aux Etats-Unis et l’analyse se fait glaçante et militante, rageuse. Enfin, on revient à Leukerbad en 2014 quand l’écrivain d’origine nigériane Teju Cole met ses pas dans ceux de Baldwin pour vérifier si les choses ont changé. Ou pas. » Jacques Lindecker

« Corps noir » est l’article que vous avez écrit en réponse à Baldwin. Que vouliez-vous faire dans ce texte, montrer la persistance du racisme ?

« Il me fallait, à moi aussi, faire preuve d’originalité en entrant en dialogue avec Baldwin. J’ai donc fait le choix de suivre le fil de mes pensées. La question du racisme devait être au cœur de la réflexion que je proposais, tout en rappelant combien mon expérience de ce problème était différente du vécu de mon aîné en la matière. Il était important pour moi de dire que, contrairement à Baldwin, je ne me sentais aucunement aliéné devant l’art et la musique européens. Les cathédrales, Bach ou Rembrandt font aussi partie de mon héritage. Quant au racisme, il me semble qu’il ne consiste pas aujourd’hui à se faire traiter de “nègre” dans la rue, comme ce fut le cas de Baldwin à son arrivée dans le village suisse, mais à être victime d’un système qui vous traite différemment en fonction de la couleur de votre peau. »

Teju Cole, invité de Tirthankar Chanda dans l’émission « Chemins d’écriture ». A écouter ici

« Précurseur, auteur au parcours éclectique (élevé par un beau-père pasteur, il a un temps été prêcheur), James Baldwin (1924-1987) influence des générations d’artistes. En 1951, il est le premier noir qui séjourne à Loèche-les-Bains. Le racisme qu’il expérimente dans ce village alors reculé lui inspire un texte magnifique. Stimulant et ciselé, il débusque la manière spécifique, sophistiquée, avec laquelle la société américaine infériorise sa population noire. En 2014, l’historien Teju Cote retourne dans la station, désormais ouverte au tourisme mondialisé, pour répondre à Baldwin. Les deux auteurs nourrissent leur pensée de leur propre expérience, démontrant qu’en matière de dignité, intime et universel sont indissociables. » Camille Andres

Coups de cœur

« (…) Les enfants qui poursuivaient Baldwin criant  »neger, neger!«  sont peut-être les personnes âgées que Cole croise dans ces mêmes rues en 2014. Que la petite centaine de pages de ce livre inclassable ne vous trompe donc pas: vous n'en oublierez pas la moindre ligne. » Pauline Regnacq

« Un petit livre essentiel, à intégrer à une toute bonne bibliothèque. »

« Par delà les années et les continents, deux auteurs d'importance dialoguent. Le constat est là: rien n'a changé, la blessure vive du racisme peine à disparaître. Un échange magistral et digne d'enseignement! » Guillaume Le Douarin

« Puissant et fait d'une tristesse étrange: celle de la naïveté et de la belle conscience d'un homme noir au milieu d'une ville de  »blancs« . » Mélanie Matecek

Extrait

Le soir de mon arrivée, j’ai pris une chambre à l’Hôtel Mercure Bristol. J’ai ouvert les fenêtres sur une mer de ténèbres d’où rien ne se détachait, mais je savais que dans cette nuit noire se dressait le Daubenhorn. Je me suis fait couler un bain chaud et m’y suis plongé jusqu’au cou, avec ma vieille édition de poche des Chroniques d’un enfant du pays. De mon ordinateur portable émanait le son aigrelet de Bessie Smith chantant « I’m Wild About That Thing »: « Ne te retiens pas, chéri, quand je gémis/ Donne-moi tout ce que tu as, sinon je vais en crever. » Un blues salace, mais qui excelle à simuler l’ingénuité: après tout, ce « truc qui la rend folle », ça pourrait très bien être un trombone… Et c’est dans mon bain, avec les mots de Baldwin et la voix de Bessie, que j’ai vécu un instant de dédoublement: j’étais à Leukerbad, et cette voix de femme franchissait les années me séparant de 1929; et je suis noir comme cet homme; et je suis mince comme lui; et j’ai aussi la dent du bonheur; et je ne suis pas spécialement grand (allez, disons-le: je suis petit); et je suis impassible à l’écrit et exalté dans la vie, sauf quand c’est l’inverse; adolescent, je fus un prosélyte fervent (Baldwin: « Rien de ce qui a pu m’arriver depuis n’a égalé la puissance et la gloire que j’éprouvais parfois au milieu d’un sermon quand je savais que vraiment, d’une façon ou d’une autre, par quelque miracle, je transmettais véritablement, comme ils disaient, « la Parole », quand l’Église et moi ne faisions qu’un. »), jusqu’à ce que, moi aussi, je m’éloigne de l’Église; et je considère New York comme mon chez moi même quand je n’y vis pas; et je me sens en tous lieux, de New York à la Suisse profonde, le dépositaire d’un corps noir, et je dois trouver le langage adapté à tout ce que cela signifie pour moi et pour les gens qui me regardent. L’espace d’un instant, l’ancêtre avait pris possession de son descendant. Ce fut un moment d’identification absolue. Et les jours suivants, dans ce village suisse, ce moment continua de me guider.

Teju Cole, « Corps noir »

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