Domaine allemand
Parution Fév 2023
ISBN 978-2-88907-204-0
256 pages
Format: 140x210 mm
Disponible

Traduit de l'allemand par Camille Luscher

Domaine allemand
Disponible

Traduit de l'allemand par Camille Luscher

Annette Hug

Le Grand Enfouissement

Domaine allemand
Parution Fév 2023
ISBN 978-2-88907-204-0
256 pages
Format: 140x210 mm

Traduit de l'allemand par Camille Luscher

Domaine allemand

Traduit de l'allemand par Camille Luscher

Résumé

Ils sont cinq, venus des quatre coins du monde, réunis pour une mission cruciale : alerter les générations du futur sur le danger des déchets nucléaires. Ils ont créé un ordre érudit, une organisation sociale subtile et équilibrée. Chacun se retrouve tour à tour enseignant et enseigné au cours des journées rythmées par des rituels et des leçons. Petit à petit l’ordre s’agrandit, bientôt dix novices les rejoignent. Mais comment résister face aux intérêts politiques et aux logiques de profit qui affluent de l’extérieur ?
Annette Hug livre un récit visionnaire porté par la foi en littérature et son pouvoir.

Autrice

Annette Hug

Annette Hug est née en 1970 à Zurich. À 20 ans, elle milite activement pour le droit des femmes et fait la connaissance de groupes militants aux Philippines. Elle décide alors d’y poursuivre ses études d’histoire et quitte Zurich pour l’Université de Manille, l’une des rares à proposer un cursus de Women and Development Studies au début des années 1990. Elle apprend le tagalog, s’engage parmi les associations féministes et noue avec le pays un lien étroit. De retour en Suisse après ses études, elle enseigne à l’université, travaille comme secrétaire centrale dans un syndicat, et écrit pour différents journaux. Pour Révolution aux confins, son troisième roman, le premier à être traduit en français, Annette Hug a effectué beaucoup de recherches et de nombreuses lectures, rafraîchissant ses connaissances en tagalog et s’intéressant en particulier à la circulation des idées d’un bout à l’autre du monde.

Elle vit aujourd’hui entre Zurich et un petit village dans le Jura.

Agenda

Jeu. 20.2.2025 , 19h00

à la Société Genevoise d’études allemandes

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Dans les médias

« Pour « sécuriser le savoir » entourant l'enfouissement de déchets radioactifs et la durée presque éternelle du danger qu'ils constituent, un groupe de cinq idéalistes fonde un ordre de style monastique quelque part au sud du Rhin. Pour le rejoindre, il suffit de le vouloir, de renoncer à toute velléité de parentalité et d’adopter les rituels qui se mettent en place autour de la préservation des précieuses compétences. Des novices viennent bientôt côtoyer les fondateurs vieillissants ; la communauté se trouve aux prises avec les intérêts politiques et financiers de l'extérieur – et questionne sa capacité de survivre, en tant qu’utopie sociale et scientifique, à un futur évoqué par le biais de récits d’anticipation postapocalyptiques ponctuant la narration. » Blaise Guignard

« À présent qu’une bonne partie des thèmes classiques de la SF se trouve rattrapée par la réalité, il est de plus en plus courant de la voir investir la littérature générale, toute nue, pour ainsi dire, en tout cas libérée des contraintes propres au roman d’aventure qui l’a vue naître. Ainsi peut-elle à loisir élire pour carburant une certaine mélancolie qui, depuis toujours, lui sied bien mieux que le propergol. C’est encore le cas ici, où Annette Hug dispose ses pièces sur l’échiquier du temps long avec le prophétisme dépassionné d’un Don DeLillo et toute la calme détermination d’un moine de Shaolin. Nulle autre mystique n’imprègne cependant ce roman que celle du dévouement, définitif et complet, à la tâche que se sont assignés les personnages. Entièrement dédié à « préserver la paix des roches », l’Ordre est laïc et si les membres n’en sont pas recrutés sans soin, ce sera sur la base d’une seule question, qui suffit à résumer le livre : « Veux-tu mener une vie paisible tout en sauvant le monde ? » Où faut-il signer ? » Yann Fastier

« Comment le roman, genre du possible, peut-il encore porter l’histoire d’une humanité entrée dans l’ère de sa propre fin ? En croisant l’utopie et la dystopie, comme le faisait déjà H. G. Wells en 1914 dans La Destruction libératrice (The World Set Free), premier roman (étonnamment prophétique) de la radioactivité, Le Grand Enfouissement indique de façon très créative des micromanières de réparer les plaies de la Terre. On peut lutter localement contre la rentabilité et l’optimisme technologique en formant des petits ordres qui se transportent ensuite dans d’autres localités du monde sans se mondialiser. On peut prendre soin des autres en échangeant les places et en renonçant au pouvoir. Surtout, on protège les langues et leur différence contre l’appauvrissement représenté par la langue unique du marché unique. Annette Hug, dont le précédent roman se passait aux Philippines, a appris le tagalog, la langue la plus parlée de cet archipel, elle connaît aussi le chinois et plusieurs langues européennes, en particulier toutes celles de son pays d’origine, la Suisse.

Elle nourrit son écriture de sinogrammes, de mots étrangers, de structures empruntées à ces langues différentes qui symbolisent chacune à leur manière les paysages, les relations et les gestes. (…) La traductrice Camille Luscher rend compte de ce phénomène en français de manière très inventive : l’étrangeté ne vient pas de ce que nous lisons en traduction, mais bien d’une langue littéraire qui accueille les autres avec beaucoup de naturel. »

Un article de Tiphaine Samoyault à lire ici

« « La version française présente quelques variantes par rapport à l’original ; ces nuances sont le fruit de discussions entre l’autrice et la traductrice. » Et dans ces fluctuations du verbe, tout l’art de Camille Luscher, capable d’écrire le même autrement, d’inventer littéralement.

(…) Traduire, alors, geste de liberté ou de fidélité ? « Les deux car la fidélité n’est jamais littérarité. C’est au contraire une manière d’augmenter la langue d’arrivée en cherchant à reproduire l’esprit et l’effet d’un texte, plutôt que sa lettre. Si l’on prend des libertés, c’est que le texte les requiert », note cette virtuose de l’écart.

Et l’auteur, d’ailleurs, n’est jamais très loin. A l’image de la Zurichoise Annette Hug, dont Camille Luscher vient de traduire Le Grand Enfouissement après un long compagnonnage. C’est un roman de la traduction, ou comment alerter les générations futures du danger que représentent les déchets nucléaires ensevelis sous leurs pieds. A la croisée des temps et des cultures, un ordre monastique s’érige en gardien du feu éternel et façonne ses mythologies. Un texte fascinant, intensifié de chants, de poèmes, d’ambiguïtés, de rêves. »

Portrait de camille Luscher par Thierry Raboud à lire ici

« Foisonnante et audacieuse dans sa forme, cette fresque polyphonique met en scène cinq personnages d’horizons divers engagés dans la création d’un ordre érudit visant à assurer de génération en génération la transmission d'une mémoire décisive pour l’humanité. (…) Porté par un souffle épique aussi bien qu'ancré dans un lyrisme de la nature, ce roman qui valut à son autrice le Prix Schiller 2022 impressionne par la maîtrise de sa narration : le récit de la vie courante de l’ordre alternant avec des flashbacks biographiques et des scénarios d’anticipation pris en charge par chaque protagoniste. Un savant montage oscillant entre fiction dystopique et musique du quotidien, servi par une écriture souple et elliptique au besoin. » Maxime Maillard

« Avec Le grand enfouissement, la romancière suisse Annette Hug transpose le débat sur le nucléaire à la croisée du mysticisme et de la puissance démiurgique de la littérature.
(…)
C’est en décrivant le quotidien de l’ordre, les pensées les plus triviales de ses membres, qu’Annette Hug nous raconte la grande histoire de l’humanité. L’écriture existe depuis quelques milliers d’années et nous permet de reconstituer les plus anciennes pratiques humaines, mais quid de la perpétuation du savoir pendant des centaines de milliers d’années ? Certains déchets nucléaires ayant une telle durée de vie, que saura-t-on dans ce futur très lointain des premiers humains ayant participé au « grand enfouissement » ?
(…)
Répondre à ces questions, c’est déjà une façon de trancher le débat sur l’énergie nucléaire, et l’autrice est bien trop habile et virtuose pour le faire. On ne trouvera d’ailleurs dans son récit aucune référence à telle ou telle personnalité contemporaine jugée légitime sur le sujet, nulle date, nul lieu à code ou à clé : Le Grand Enfouissement est une pure fiction futuriste. Seules les catastrophes nucléaires passées reviennent dans les échanges : Three Mile Island, Fukushima et surtout Tchernobyl, élément fondateur de l’ordre.
(…)
Rien n’est jamais souligné, sous-titré, ni même exposé dans ce récit d’une merveilleuse délicatesse qui appelle à réfléchir à des questions vertigineuses. »

Un article de Vincent Edin à lire ici

« Annette Hug estime qu’« aujourd’hui, les frontières de genre entre le populaire et le prétendu sérieux sont rompues. On a tellement peur de l’avenir qu’il est presque impossible de ne pas écrire de science-fiction. »  (…) Lors d’une visite dans le laboratoire souterrain de Mont Terri, près de Saint-Ursanne, l’écrivaine zurichoise Annette Hug a entendu parler de l’idée de fonder un monastère pour préserver ces connaissances. « Au début, j’ai trouvé cela absurde, puis ça m’a passionnée, au point que je pouvais m’imaginer intégrer un tel ordre.
C’est devenu une sorte d’obsession, mes personnages sont arrivés, je me suis mise à vivre et à penser avec eux. » (…) « Le grand enfouissement » ne se lit pas comme un roman d’aventures linéaire mais comme un récit complexe et elliptique, dans lequel Annette Hug mobilise la langue et la culture pour tourner et retourner la question sous tous les angles. Et c’est passionnant. » Caroline Rieder

« Des sujets passionnants et une langue riche et poétique. »

Camille Luscher, invitée d’Ellen Ichters dans l’émission « Quartier Livre » à écouter ici

« C’est une utopie communautaire que décrit l’écrivaine zurichoise Annette Hug dans son dernier livre, Le Grand enfouissement. Sans naïveté, mais en faisant ressortir la part d’humanité des cinq personnages ballottés par l’imprévu. Le texte, qui n’a pas de vocation scientifique, politique ou moralisatrice, touche avec sensibilité à la problématique de l’enfouissement des déchets nucléaires à travers le prisme des risques pour les générations futures et surtout, à la transmission des connaissances sur le temps long. » Josué Merçay

« Au cours des années 2010, ils sont cinq, missionnés par un think tank pour créer un ordre, pas religieux mais au fonctionnement monacal, dont le but est de trouver le meilleur moyen de maintenir la transmission des informations relatives aux déchets nucléaires au fil des siècles. On va suivre leur quotidien, fait de rituels et d’échanges d’informations, on va voir l’élargissement de cet ordre au fur et à mesure de l’arrivée de novices. On va lire les histoires qu’ils se racontent de temps à autres, manière de contes du futur. Raconté par un narrateur collectif, le récit nous fait vivre cette expérience, au plus près de l’intimité de ses participants. » Erwann Perchoc

« La Zurichoise propose avec Le Grand Enfouissement un roman qui tourne le dos au catastrophisme. Elle propose une démarche constructive. Voilà un adjectif rarement accolé au nucléaire, du moins dans la littérature de fiction. (…) Annette Hug dessine des pistes pour un futur aussi bien proche que lointain, court-circuitant la mondialisation effrénée par des circuits locaux inventifs. Cela n’est pas évident, et l’ordre simili-monastique (en rien religieux, platement séculier) composé de ses protagonistes a fort à faire. Le roman de l’écrivaine zurichoise refuse le pessimisme de la dystopie en osant une utopie très relative, en tout cas préservée de tout cauchemar, de toute déviance. Il ne faut toutefois pas y chercher des solutions. Plutôt des stimuli citoyens. » Thibaut Kaeser

« Entre Manille, Hong-Kong et la Suisse, Annette Hug scrute non tant les dangers du nucléaire que les possibles de l'utopie, du langage.
Voici un livre qui jamais ne laisse réduire son étrangeté, sait toujours être où, comme on dit, l'on ne l'attend pas. Le grand enfouissement ne verse jamais dans le roman à thèse. Au risque parfois d'égarer un peu le lecteur, de ne pas satisfaire les automatismes de son désir d'identification aux personnages, voire de simple sympathie avec leur manière d'être. Froideur de notre univers mondialisé ou seulement de cette communauté internationale à la recherche d'une langue pour se dire, pour verbaliser sans doute aussi ses dissensions. (…)
Au-delà des questions politiques délicieusement irrésolues dans ce livre, on reconnaît facilement dans ce type de mission certains rôles dévoués à la littérature : entretenir une certaine mémoire, tout de recomposition, du passé pour veiller sur l'à venir, inventer sans cesse des effondrements pour se maintenir au bord de l'abîme, annoncer aussi les catastrophes avec lesquelles il va nous falloir composer. »

Une chronique à lire ici

« Dans un texte riche, on découvre des personnages rares, qui se plaisent à bâtir eux-mêmes une prospective comme autant de scénarii de leur futur, dans une mise en abyme conceptuelle et littéraire foisonnante. Un récit passionnant, pour la question nucléaire, mais plus largement le futur de nos pollutions industrielles, plus nombreuses encore… » Valentin Carmin

Coups de cœur

« Même s'il en est le point de départ, ce n'est pourtant pas le traitement des déchets nucléaires que nous raconte Annette Hug, mais plutôt les liens communautaires et la créativité qui permettent de surmonter la catastrophe. Un roman plein de finesse à la langue ciselée, à découvrir dans la très belle traduction de Camille Luscher. » Kim

Extrait

C’est réconfortant de remplir la petite cafetière, de la chauffer et de sentir la bonne odeur du café, juste avant qu’il ne monte. Ce parfum est plus fort que toutes les autres odeurs qui se répandent dans notre chambrette. C’est aussi Kurt qui nous a appris à installer des câbles pour fixer les nouvelles prises électriques. Nous avons calculé la quantité de courant, compté les appareils, pronostiqué les zones de faiblesse pour les écarter. Dans la salle des fêtes du cloître, l’électronique pour les divertissements était alimenté via un réseau indépendant. Les cuisinières de camping et les thermoplongeurs avaient dû être interdits dans les dortoirs. Si, la nuit ou l’après-midi, quelqu’un voulait boire un café solo, il était obligé de se rendre dans la grande maison. La cuisine se remplissait de chuchotis. On y était rarement seul pour de bon.

Une nuit, Kurt nous a raconté comment, à l’école, il avait toujours été plus ou moins à côté de ses pompes. Il s’est levé, il a retiré ses pantoufles poussiéreuses et il s’est mis juste à côté. Il les désignait comme si cette image pouvait tout expliquer. Les profs regardaient là, l’espace vide au-dessus des godasses. C’est quand les filles avaient commencé à le regarder vraiment dans les yeux qu’il s’en était rendu compte. Elles aimaient qu’il ne se croie pas très intelligent, mais qu’il leur parle de mouettes, qu’il s’y connaisse en matière de courant haute tension, sans pour autant fanfaronner, et qu’il soit capable de dégrafer très lentement un soutien-gorge dans le noir. Comme si c’était la partie des préliminaires qu’il préférait. Il abordait d’ailleurs toutes les fermetures, éclairs ou boutons de braguette, avec soin et délicatesse, très calmement, mais sans traîner pour autant.

Kurt est resté longtemps en chaussettes à côté de ses pantoufles. Il était descendu dans la cuisine pour boire un verre de schnaps, il en a versé aussi dans nos thés. Nous nous demandions qui pouvait lui manquer à ce point. Des Cinq Premiers, il était le seul à avoir un enfant, une fille. À l’époque elle avait dix-sept ans, et elle lui rendait parfois visite. La mère de la fille, on ne l’a jamais vue.

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