Domaine français
Parution Sep 2021
ISBN 978-2-88927-927-2
192 pages
Format: 140x210 mm
Disponible

Domaine français
Disponible

Anne Brécart

La Patience du serpent

Domaine français
Parution Sep 2021
ISBN 978-2-88927-927-2
192 pages
Format: 140x210 mm

Résumé

Christelle et Greg ont choisi la vie nomade. Ils ont la trentaine et sillonnent le monde en minibus avec leurs deux petits garçons. Amateurs de surf, ils s’installent là où se trouvent les meilleurs spots, vivent de petits boulots et d’amitiés éphémères. Le vent les mène jusqu’à San Tiburcio, sur la côte mexicaine, Greg s’y sent vivant lorsqu’il danse sur la crête des vagues. Mais il faut s’habituer au soleil implacable, au grondement de l’océan, aux pluies diluviennes des tropiques. Un jour, Ana Maria, une jeune femme du village, fait irruption dans leur existence. Elle entraîne Christelle dans une relation vertigineuse qui va bouleverser la famille. Dans une langue sensuelle et luxuriante, Anne Brécart décrit le quotidien de ces voyageurs à la recherche d’une autre vie.

Autrice

Anne Brécart

Bien qu’issue d’une famille francophone, Anne Brécart a suivi dans son enfance à Zurich l’enseignement d’écoles de langue allemande. Elle a ensuite fait des études de Germanistik en Suisse romande, où elle réside aujourd’hui. Traductrice littéraire de l’allemand (notamment de Gerhard Meier), elle anime des ateliers d’écriture et enseigne à Genève l’allemand et la philosophie. Tous ses romans ont été publiés chez Zoé.

Dans les médias

« Dans La Patience du serpent, Anne Brécart illustre cette tension entre le pays d’origine et l’ailleurs. Christelle et Greg ont choisi la vie de nomade avec leurs enfants. À San Tiburcio, au Mexique, leur questionnement existentiel sera bousculé par une étrange rencontre. Intriguant et envoûtant. » Caroline Rieder

« La Patience du serpent pose la question du pourquoi de l'exil :

– Fuit-on toujours quelque chose, comme le pense German, dont l'arrière-grand-père est venu de Prague au Mexique?

– Ou s'en va-t-on parce qu'on préfère choisir sa vie plutôt que de se la voir imposer?

Répondre oui à la première question n'empêche pas de répondre oui à la seconde… »

Une chronique de Francis Richard à lire en entier ici

« La force des éléments, la nature, le vent, le sable brûlant : il y a dans La Patience du serpent quelque chose de l’ordre de la nature qui décide, qui est plus forte. »

L’écrivaine Anne Brécart et la photographe Olga Cafiero étaient les invitées de Pauline Vrolixs dans l’émission « Premier rendez-vous », à réécouter ici

« Un roman initiatique, intrigant et sensuel, qui touche à l’intime. (…)
Même si un souffle de liberté parcourt ce roman, La Patience du serpent est bien plus qu’une invitation à prendre le large. Il évoque l’exil, la terre natale qu’on laisse derrière soi, et aussi le regard neuf que l’on porte sur la nature, lorsqu’on se confronte à elle pour la première fois. »

Un entretien d’Anne Brécart avec la journaliste Marisa à lire ici

« Nomades, romantiques, les personnages d’Anne Brécart refusent le monde matérialiste, anxiogène, absurde et se projettent vers un ailleurs qu’il faut rejoindre absolument. Cet ailleurs que l’on peut fantasmer est un moteur puissant, un désir. »

Anne Brécart, invitée de Coralie Claude dans le 12h30 RTS – la 1ère. À écouter ici

« Lorsque l’on est citoyen du monde, a-t-on un chez soi ? Quel type de vie veut-on ? Peut-on passer sa vie à voyager autour du globe avec deux enfants ? Ces questions s’insinuent progressivement chez les personnages qui petit à petit, évoluent. C’est très intéressant. Une lecture très agréable. »

Le coup de cœur de Sandrine Delanier dans l’émission « Cultur’L », à écouter ici (dès la minute 39)

« Un roman intense pour ressentir la chaleur des tropiques et les espoirs d’une autre existence. » Christine Grivel

« Racontant l'histoire d'une famille de surfeurs nomade, La patience du serpent interroge les raisons qui nous poussent à quitter nos racines pour aller s'établir ailleurs. (…) Pour sa trame, l’autrice s’est inspirée de deux situations diamétralement opposées : celle de sa fille, partie joyeusement faire le tour du monde avec son compagnon, et celle d’un réfugié kurde, avec lequel elle s’est entretenue pendant une année.  »Il m’a expliqué comment c’était de partir, l’exil, la fuite, la difficulté à trouver ses marques en Suisse.«  Ces deux manières de quitter son pays pour s'établir ailleurs, l’une avec enthousiasme et l’autre à contrecœur, interrogent Anne Brécart, qui décide d’en faire le sujet d'un roman. »

Un entretien mené par Coralie Claude à lire en entier ici

« Anne Brécart interroge le mythe occidental du voyageur éternel, éclairant avec finesse l’entêtante mélancolie de ces citoyens du monde ayant choisi la bourlingue pour mode de vie et l’ailleurs pour domicile.

Après une année de route, Christelle, Greg et leurs deux jeunes enfants arrêtent leur minibus sur la côte pacifique, dans un village mexicain adossé à la forêt tropicale. (…) Paradis exotique dont l’atmosphère vénéneuse se révèle peu à peu, tandis que les trentenaires tentent d’apprivoiser ce climat oppressant en rites chamaniques, en relations toujours plus troubles.

Alternant les focalisations, La Patience du serpent semble articuler deux romans en un ; celui de la mémoire et du passé réinventé convainc moins que celui, implacable et sensible, du nomadisme désenchanté, car « tout exil est une fuite ». » Thierry Raboud

« Une langue limpide et ciselée. Des personnages décalés qui rêvent d’un ailleurs. Un très beau roman, sensuel et prenant. »

Le coup de cœur de Claire Renaud (Librairie Atmosphère), à écouter ici (dès la 13ème minute)

« À San Tiburcio, sur la côte mexicaine (…) les vagues sont belles, les joints tournent bien sur la plage mais la cohabitation avec la population locale est tendue, les pluies diluviennes succèdent au beau temps. Les grains de sable s’accumulent entre Christelle et Greg, jusqu’à gripper l’harmonie du couple à l’irruption d’Ana Maria, une jeune femme du village.

L’écriture d’Anne Brécart est douce mais précise pour appuyer là où ça fait mal.

Avec La patience du serpent, on découvre – même si on s’en doutait un peu – que l’enfer n’est jamais loin du paradis, qu’au soleil d’une plage mexicaine, on peut regretter les matinées froides des montagnes suisses. Troublant. » Lag

« Il y a toujours chez Anne Brécart cette fascination de l’ailleurs, un délicieux parfum de flou. Comme si changer de lieu signifiait vivre sans repère, situation assez séduisante.

Le sentiment de flottement dans son livre contraste avec les descriptions très justes, très précises, très fortes qu’elle fait de la nature et que l’on ressent de manière très physique.

Comme souvent avec Anne Brécart, on referme son roman en se disant qu’elle nous a raconté une nouvelle histoire, mais qu’elle écrit toujours sur une même obsession, l’absence : celle de nos disparus, celle de soi-même à la réalité, celle de notre entourage pourtant présent. »

« Tournez la page », la chronique de Geneviève Bridel est à écouter en entier ici

« C’est remarquablement écrit et cette écriture est amplement suffisante pour mettre en évidence les vies qui animent le village. Pour éclairer de manière critique et lucide les vies de Christelle et Greg. Pour dénoncer la perversité d’Ana Maria et German. Le style est subtil et insidieux… »

Un article de Noé Gaillard à lire en entier ici

« Un matin, c’est à San Tibucio, sur la côte du Mexique, [que Greg et Christelle] posent leurs sacs. Où Christelle rencontre Ana Maria, une femme qui vit avec son frère dans la plus belle maison de la ville, et l’entraîne dans une relation vertigineuse. Troublant, fascinant, La Patience du serpent questionne cette quête de la route « pour se rapprocher encore plus de cette vie absolument authentique ». De plage en plage, Greg et Christelle rejoignent d’autres néo-babas connectés qui méprisent le système et la société de consommation, vivant comme s’ils n’allaient jamais vieillir, comme s’ils étaient « les premiers à s’être lancés ainsi sur la route ». Souvent, cette volonté de trouver ailleurs « une vie plus ample et plus chaleureuse » est un « échec ». Mais Christelle, lorsqu’elle le pense, se tait. » Isabelle Falconnier

« Léger, presque furtif, intense et poignant pourtant, le style d'Anne Brécart épouse passionnément les méandres d’un roman d’amour ample et fluide comme une belle vague. »

« Anne Brécart, qui effectue chaque année de longs séjours au Mexique, a parfaitement su rendre cette atmosphère particulière, cette sorte de fascination pour l’ailleurs propre au voyage que vient contrebalancer la «vie d’avant» avec ses souvenirs et une belle part de nostalgie qui fait se rapprocher les exilés. Son roman, qui paraît dans la maison d’édition qui publie Nicolas Bouvier et Ella Maillart, s’inscrit dans cette lignée d’écrits qui nous font découvrir le monde autrement. Une belle réflexion sur l’envie d’ailleurs, sur le frottement des cultures – qui peut faire des étincelles – et sur le besoin de repères dans un monde étranger, fussent-ils factices. »

Une chronique de Henri-Charles Dahlem à lire en entier ici  

« (…) Anne Brécart tisse ces deux fils délicats dans La Patience du serpent, mettant en regard deux mondes déracinés, les nomades contemporains et les migrants européens fuyant l’antisémitisme cent ans plus tôt, nouveaux colons de ces terres lointaines. Prisonniers de leurs songes, en quête d’un éden illusoire, Christelle et German nouent une étrange relation.

L’écriture sensuelle de l’autrice genevoise diffuse une atmosphère troublante, au plus près de lignes de force qu’on devine souterraines – ce chamane, un serpent venimeux, des regards suspicieux, la nature omniprésente, sauvage et luxuriante. » Anne Pitteloud

« Grâce à des descriptions précises et sensorielles, la nature nous est rendue dans ses dimensions tant olfactive, visuelle que sonore. En effet, on voit, sent ou entend les vagues, les animaux, la forêt, le vent et la pluie ce qui nous permet de voyager à travers des paysages qui, bien que d’abord étrangers, nous deviennent familiers au sortir de la lecture. »

Un article de Giulietta Mottini à lire en entier ici

« Au Mexique, où se déroule l’intrigue, tout semble assez merveilleux, mais et c’est là tout le talent de la romancière Anne Brécart, on va comprendre qu’il y a une menace qui pèse. Elle l’instille par le climat, le soleil tape par exemple un peu trop fort. Ou par les discussions du couple qui dans leur rêve semblent un peu perdus. Et aussi par les locaux mexicains, avec lesquels ces européens ne se mélangent pas trop et qui vont peut-être faire dérailler leur routine… »

Écouter Gladys Marivat dans l’émission « Le Jour Du Seigneur » ici (minute 25)

« (…) Partout, la menace guette. Elle se matérialise sous la forme d’un serpent tapi au fond d’une maison fraîche. Dans les silhouettes spectrales de trois femmes en noir. Par le ressac d’une vague qui malmène surfeurs occidentaux et pêcheurs locaux dans l’océan Pacifique.

Si elles sont parfaitement maîtrisées, les correspondances que l’écrivaine suisse établit tout au long de son roman entre la météo et l’état d’esprit des protagonistes de La Patience du serpent ne peuvent toutefois se résumer à de pertinentes métaphores, ou à un jeu habile sur les signes du destin. Elles décrivent moins Christelle et Greg que leur aveuglement et leur obstination à s’accrocher à leur projet. (…)

Son écriture précise et agile, son rythme tranquille saisissent avec un doux mélange d’empathie et d’intelligence l’intensité inassouvie de toute une génération. Sans juger mais en tentant de percer les difficultés, les questionnements et les contradictions de ces nomades, désireux de rompre avec le modèle de leurs parents. » Gladys Marivat

« Un beau roman qui nous dépayse complétement. Qui nous fait voir que l’ailleurs est aussi attirant que difficile à vivre. Une très belle écriture. »

Écouter Françoise Berclaz (Librairie La Liseuse, Sion) ici

Éclairage d’un « roman subtil aux lectures multiples » à la lumière des mythes antiques et de l'étymologie : un podcast signé Muriel Michel à écouter ici

« La Patience du serpent d’Anne Brécart réunit tous les plaisirs de la lecture, qu’il s’agisse de la narration, du style ou des descriptions qui font voyager le lecteur dans les contrées mexicaines. La nature, discrète mais omniprésente dans le récit, se révèle par moments à travers le regard émerveillé de Christelle : « Elle aime les chants des oiseaux. Elle les adore tous, des plus harmonieux aux plus criards. En marchant elle repère les perruches, les écureuils et des iguanes qui baladent leur longue tête ridée et grise au-dessus des fleurs luxuriantes avec une lubricité impuissante ». Le roman d’Anne Brécart invite résolument au voyage et à la douce rêverie. Il serait dommage de s’en priver. »

Un article de Caroline Werlé à lire ici

« Par une écriture réaliste et poétique, l’auteur nous fait entrer progressivement dans une quête de soi et du couple lourde de questionnements. » Marie-Thérèse Bouchardy

« Anne Brécart excelle à décrire dans ce livre, de manière très concrète, le quotidien des jeunes gens et de leur petite communauté. Sa plume, toujours aussi sensible et évocatrice, est mise au service d’un récit plus romanesque que ses œuvres précédentes, souvent autofictionnelles. (…) Entre chamanisme, désillusions et mystères, La patience du serpent est un récit véritablement envoûtant. »

Coups de cœur

« Je ne l’ai pas lâché, il a une très belle écriture et plein de mystères comme Cœurs silencieux. J’aime cet univers. » Claire Renaud

 

« Christelle et Greg ont adopté une vie nomade sillonnant le monde en minibus avec enfants. Une vie rêvée ? Christelle sera entraînée dans une relation troublante et déconcertante. Une atmosphère étrange et onirique, des personnages décalés, romantiques et attachants. »

« Une petite famille Suisse, nomade, voyage en bus à travers l’Amérique Centrale. Ils s’arrêtent quelques mois dans un village de la côte Mexicaine, envahi par une vague de rêveurs new-age, dépeints par une narratrice hantée, sensible et inquiète, en dépit de la vie « cool » qu’ils mènent. Un roman suspendu qui peu à peu révèle son intrigue, éclaire les motivations et les doutes de personnages mystérieux. »

« Christelle et Greg veulent vivre plus intensément. Ils partent avec leurs enfants et voyagent jusque sur la côte pacifique du Mexique. Ils s'arrêtent dans un petit village pour s'installer durablement. Mais Ana Maria, native de cet endroit, va étrangement s'incruster dans leur vie et tout chambouler. Un roman intense pour ressentir la chaleur des tropiques et les espoirs d'une nouvelle existence. » Christine Grivel

« Avec La Patience du serpent, Anne Brécart tisse un roman du quotidien, même à l'autre bout de la planète. Ce couple dépeint à la perfection les afflictions contemporaines d'une jeunesse qui ne semble trouver son bonheur nulle part. Toujours en quête d'un ailleurs, sans véritablement trouver sa place, on éprouve toujours la nostalgie de son chez-soi originel. »

« C'est à San Tiburcio, au Mexique, que Christelle et Greg posent leur mini-bus. Entre un accueil distant de la part des habitants, une météo sans répit et une rencontre intrigante, l'atmosphère étouffante et poisseuse comme nous prévenant d'un malheur à venir éloigne ce couple l'un de l'autre, chacun faisant face à leurs questionnements et à leurs angoisses, sur leur mode de vie. Mu par des forces mystérieuses, ce roman envoûtant n'épargne pas ses personnages et laisse faire le destin, patient et inéluctable. » Delphine

« Dans ce roman, Anne Brécart interroge la quête du bonheur des nouveaux nomades modernes parcourant le monde loin du schéma classique. Décrivant avec brio la vie quotidienne de Christelle et Greg en y mêlant une intrigue autour d'Ana Maria et de son frère, l'auteure arrive parfaitement à faire ressentir l'atmosphère du lieu, le climat social mais aussi le malaise intérieur des personnages. Une immersion au Mexique dépaysante à tout point de vue ! » C.H et M-T.D.

« Belle surprise ! Les éditions Zoé et Anne Brécart m'ont emporté au Mexique dans une aventure intérieure surprenante de réalité. Les questionnements de cette mère de famille, qui a choisi une vie nomade, m'ont touché en plein coeur. Dans une ample écriture pleine de couleurs mexicaines et du climate xotique, ces aventures d'expatriés sont bouleversées dans leur quête de sens par la manipulation et le chamanisme des locaux. À découvrir. » Christine Chandanson

Extrait

German Engel Cristobal était mort à la fin de la saison sèche. Depuis plus d’une semaine, des nuages noirs s’accumulaient au-dessus de la côte sans qu’il pleuve. Certains arbres avaient perdu leurs feuilles et se dressaient comme des bougies jaunes vers le ciel. Le reste de la végétation était d’un vert poussiéreux et triste. Même les chevaux laissaient pendre leur tête vers la terre, leur encolure courbée avait une grâce infinie qui émouvait Christelle aux larmes sans qu’elle puisse se l’expliquer. De toute façon, elle était à bout, la mort de German Engel Cristobal lui avait mis les nerfs à vif, les émotions en pelote, elle n’en pouvait plus.

 

German était mort chez lui dans la nuit du mercredi au jeudi de manière mystérieuse. Tout le monde était au courant de l’événement mais personne ne savait ce qui l’avait tué ; la cause de sa mort semblait n’avoir aucune importance aux yeux de ceux qui, ce jour-là, franchissaient la porte de la maison Cristobal. C’était le premier jour de veillée et Ana Maria Engel Cristobal avait invité tous les habitants à venir rendre un dernier hommage à German alors que plus personne n’avait été convié chez eux depuis plus d’un quart de siècle. La construction blanche aux tourelles mauresques d’où l’on avait vue sur le Pacifique était visible depuis le village, accrochée au flanc de la colline. C’était une des plus anciennes demeures et aussi l’une des plus imposantes.

Les voisins et connaissances qui s’y pressaient découvraient ses couloirs frais, les meubles lourds et solennels, la semi-obscurité traversée par la lumière des bougies dont les flammes vacillaient dans les courants d’air. Les visiteurs murmuraient avec apitoiement, en entrant dans la chambre mortuaire, qu’il était bien jeune pour partir. Mais la volonté divine s’était accomplie. Qui aurait demandé des comptes au destin ?

Après avoir fait la file dans le couloir plein d’ombres, ils entraient dans la bibliothèque où German les attendait, étendu sur un lit. Il était digne, inspirait du respect. Ceux qui s’étaient moqués de lui à voix basse durant son vivant le trouvaient subitement imposant. L’un après l’autre, ils s’installaient sur la chaise à côté de la couche, penchaient la tête, sans rien dire, se plongeaient dans une conversation intime avec l’homme cireux. Il y avait les amis d’enfance avec lesquels il avait été à l’école, l’épicière chez laquelle il achetait parfois une bière, le jardinier et son fils qui venaient entretenir le jardin, le vendeur de quesadilla du coin de la rue, le pompiste et tant d’autres.

Tous avaient l’air de penser que les morts fulgurantes faisaient partie des lois de la nature, aussi élémentaires qu’un lever de soleil ou le ressac du Pacifique dont le bruit entrait par les fenêtres ouvertes.

Les gens autour de Christelle parlaient des dernières fois qu’ils l’avaient vu, du mot gentil qu’il avait eu pour l’épicière, du sourire qu’il avait échangé avec son ancienne maîtresse d’école en passant dans la rue. Ils évoquaient avec attendrissement l’habitude qu’il avait d’aller boire un chocolat vers quatre heures quand la touffeur de la fin d’après-midi paralysait les gestes.

 

Christelle faisait la queue comme tout le monde, pour échanger quelques paroles avec le mort. Elle était soulagée de la bienveillante indifférence des villageois, ils ne lui faisaient sentir d’aucune manière qu’elle n’était pas des leurs. Elle se laissait glisser dans leur chuchotement comme dans une eau fraîche qui calmait son corps brûlant de fièvre.

Elle sentait des regards de sympathie sur elle. Ils savaient ou alors ils devinaient la part qu’elle avait prise à la mort de German, se disait-elle, et cette pensée la soulageait ; elle répondait avec reconnaissance aux sourires qu’elle glanait sur les visages les plus proches.

 

Pour ses familiers, pour sa sœur Ana Maria Engel Cristobal, pour tous ceux qui étaient rassemblés là, German Engel Cristobal n’était pas véritablement mort, il avait simplement changé d’état, il était devenu plus sage, plus accessible, plus patient, plus aimable. Tous considéraient cette nouvelle condition comme une chose bonne en soi, ils disaient en s’épongeant le front avec des mouchoirs en tissu blanc : « Comme il a l’air heureux, comme il est paisible. Il a rejoint sa maman, elle l’a sûrement bien accueilli. » Christelle comprenait suffisamment l’espagnol pour entendre les petits compliments qu’ils faisaient en quittant la pièce : « Il a l’air délivré. Quel beau trépas.»

Elle était seule à se torturer, à se demander ce qui avait bien pu provoquer sa mort.

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