Récemment séparée de son mari, la narratrice a l’impression d’avoir tout perdu. Lorsqu’elle rencontre S., enseignant comme elle, elle ne mesure pas la puissance du charme qu’il exerce. Bientôt, elle ne fait plus qu’attendre cet homme énigmatique qui lui sourit un jour pour l’ignorer le lendemain. Le journal de Virginia Woolf, les mots écrits, les amitiés du passé et du présent, les méandres de la ville et les vastes forêts viennent se mêler à cette étrange histoire d’amour.
Un roman suspendu, en forme de journal intime, qui se tient au plus près des sensations pour relater quelques mois dans la vie d’une femme en quête d’un lieu où être vivante.

Anne Brécart

Bien qu’issue d’une famille francophone, Anne Brécart a suivi dans son enfance à Zurich l’enseignement d’écoles de langue allemande. Elle a ensuite fait des études de Germanistik en Suisse romande, où elle réside aujourd’hui. Traductrice littéraire de l’allemand (notamment de Gerhard Meier), elle anime des ateliers d’écriture et enseigne à Genève l’allemand et la philosophie. Tous ses romans ont été publiés chez Zoé.

Mais voilà qu’au moment où je vais m’asseoir, S. s’avance vers moi. Il a mon âge, est large d’épaules et plutôt petit. Je suis cueillie par son sourire. Et surprise de la manière dont il me fait la bise. Son sourire éclaire subitement la pièce comme si le ciel d’octobre s’était dégagé. Je me sens enveloppée par cette attention inattendue mais aussi par le parfum de son eau de toilette à peine perceptible, comme un souvenir. Je me rappelle vaguement avoir déjà parlé avec lui il y a quelque temps, suis un peu mal à l’aise de sentir des regards sur nous.
Nina fronce les sourcils en nous observant. Je vais m’asseoir à côté d’elle pour échapper à S., à son beau sourire. Nina ne manque pas d’humour, également dans sa manière de parler des élèves. Mais parfois cette distance sarcastique me fait mal. Oh parfois tout me fait mal pour être honnête. Le monde entier m’apparaît dans une lumière cruelle et impitoyable.