Domaine français
Parution Mar 2017
ISBN 978-2-88927-389-8
144 pages
Format: 170x200 mm
Disponible

Ella Maillart

Au pays des Sherpas

Domaine français
Parution Mar 2017
ISBN 978-2-88927-389-8
144 pages
Format: 170x200 mm

Résumé

Nourri d’un rapport fort entre texte et image, Au pays des Sherpas est construit comme un diptyque. Il décrit un itinéraire qui va de la périphérie vers le centre : à plusieurs occasions, Ella Maillart rappelle qu’elle vit une quête de sens au « cœur » de l’Asie. La première partie fait la part belle à l’enquête ethnologique : l’observateur s’efface, les objets et les coutumes sont décrits avec soin de l’extérieur, avec le choix du mot juste utilisé par les autochtones ; après l’expérience de l’ascension vers le lac sacré de Gosainkund, le regard se tourne vers l’intérieur, en particulier vers les pratiques religieuses : Ella Maillart abandonne sa neutralité, trouvant sa place dans un pays où une harmonie est possible entre individu et collectivité, entre nature et culture.
Ce texte est précieux pour ceux qui s’intéressent au bouddhisme et à l’hindouisme. L’auteur décrit avec précision les scènes religieuses et les rites, elle restitue les légendes de manière vivante, simple et directe. Ella Maillart est touchée par une spiritualité présente au cœur de la vie quotidienne.
Les soixante-cinq photographies prises par Ella Maillart lors de ce voyage, reproduites dans ce livre publié aujourd’hui pour la première fois en français, sont exceptionnelles.

Autrice

Ella Maillart

Ella Maillart (1903-1997) a été l’une des voyageuses les plus audacieuses de la première moitié du XXe siècle: navigatrice, figurante sur des plateaux de cinéma berlinois, aventurière dans les républiques soviétiques reculées, correspondante en Mandchourie, baroudeuse dans le Turkestan chinois, disciple de sages dans le Sud indien. Dès 1946, elle revient en Suisse et s’établit à Chandolin d’Anniviers où elle passe désormais six mois de l’année, « de la dernière à la première neige. »

Dans les médias

« Nourri d'un rapport fort entre texte et image, Au pays des Sherpas est consrtuit comme un dyptique. Il décrit un itinéraire qui va de la périphérie vers le centre: à plusieurs occasions, Ella Maillart rappelle qu'elle vit une quête de sens au  »cœur«  de l'Asie. (…) Un livre exceptionnel, traduit pour la première fois en français. »

« …un document prenant, qui dialogue avec 65 photos d'Ella Maillart, et est précédé d'une belle introduction de Pierre-François Mettan. » Anne Pitteloud

« Le sens de l’observation est toujours aiguisé, l’humour affleure dans ce texte moins contemplatif que d’autres. » Albertine Bourget

« La magie d'Ella agit toujours! »

« …Le regard précis de l'ethnologue va de pair avec une sympathie affirmée pour les pratiques religieuses du bouddhisme et de l'hindouisme. Le texte et l'image dialoguent avec justesse, pour notre enchantement. »

« …De toute urgence il faut partir à la découverte de [l']œuvre [d'Ella Maillart]. (…) Chaque voyage devient un pas vers une vie complète, spirituelle et harmonieuse dont témoignent ses textes et ses photographies ramenés du Népal (…) » Estelle Lenartowicz

« … Il faut saluer le travail de la maison d'édition genevoise, car le retour au lectorat francophone de ce texte ressemble à la longue lettre d'une amie en voyage qu'un employé des postes aurait égarée quelque part entre Katmandou et le val d'Anniviers, et qui arrive miraculeusement à destination, 70 ans plus tard. Une lettre dans laquelle les rites spirituels et la garde-robe des Sherpas sont décrits avec une égale minutie, où pointent les ressemblances entre ces montagnards népalais et les montagnards valaisans, où se dessine le profil de ces animaux fantastiques que sont les dzo, où quelques strophes du mystique Milarépa côtoient la recette du thé au beurre. À ces instantanés littéraires se joignent d'autres, sur papier photographique ceux-là. Ces images sont déjà connues, on a pu les voir au musée de l'Élysée et dans quelques ouvrages, mais voilà que, comme les pièces d'un puzzle, elles retrouvent leur place au sein d'une chronique pourvue de toute la fraîcheur et de toute l'intelligence humaniste de son auteur.

Ce texte est l'écho tardif d'une voix familière, qui nous revient avec une telle clarté qu'il nous rend vivante, palpable, l'époque à laquelle il a été émis. Ladite époque n'est pas si éloignée, mais elle est révolue. Lorsqu'Ella Maillart affronte les vents glacés du Langtang pour atteindre le lac du Gosainkund, elle est selon toute vraisemblance la première Européenne à gagner ce lieu reculé et sacré… dont l'accès reste officiellement interdit aux étrangers par le gouvernement népalais, même après l'ouverture de ses frontières. […] À sa parution, The Land of Sherpas était un reportage exclusif sur un pays et son peuple restés jusqu'alors cloîtrés dans leurs montagnes; paraissant pour la première fois aujourd'hui, Au pays des Sherpas est un témoignage sur une culture et une nature saisis in extremis avant le tourisme de masse, autant qu'un mémo sur une façon de voyager, et de voir, en voie d'extinction. […] » R. B.

Coups de cœur

« À la découverte des Sherpas par celle qui désormais voyage en accueillant tout comme un don. »

Laura

Droits vendus

Allemand
Acquéreur Nagel und Kimche
Année 2018

Extrait

Encastré dans les plus hautes montagnes du monde, et dernier des royaumes indépendants rattachés aux Indes, le Népal s’agite, car il a mis fin à son strict isolement en 1949. Longtemps fermé aux étrangers, ce bastion himalayen a été le plus constant exemple de cette totale hostilité des Asiatiques du XVIIème siècle qui expulsèrent nos marchands ou nos missionnaires catholiques du Japon et de la Chine, comme du Tibet et du Népal. « La Bible précède les comptoirs, puis viennent les canons » ! Telle est la sentence qu’une amère expérience a mise dans l’esprit des hommes de l’Asie.

Et là-bas, au fond du Népal où hier encore on ignorait l’existence de l’Europe, accrochés au flanc d’abrupts versants, vivent des montagnards accueillants et gais, braves et incroyablement robustes. Ces Sherpas conquièrent le cœur des Occidentaux qui combattent à leur côté lorsqu’ils sont engagés soit comme soldats dans des régiments gourkhas britanniques, soit comme porteurs lors d’héroïques ascensions[1]. Ils ont fini par comprendre, accepter, puis partager les rêves et les efforts de nos meilleurs grimpeurs. Jadis en Suisse, les membres de l’Alpine Club anglais influencèrent de la même manière des montagnards jusqu’alors décidés à ne pas approcher les régions inhumaines qui entourent nos très hauts sommets; et lorsque la Suisse était pauvre comme le Népal, la bravoure de ses hommes en fit aussi les meilleurs mercenaires d’un continent.

L’alpinisme – par ses fanatiques de l’altitude – nous a valu nos premières visions du Népal. Il est curieux de penser qu’au XIIIème siècle ce fut tout au contraire l’esprit de négoce qui valut aux Européens leur révélation de la Chine : pour vendre leur joaillerie, les oncles Polo emmènent alors avec eux le jeune Marco jusqu’à Pékin, chez le Grand Khan Koubilaï. Là-bas, l’on connaissait bien le Népal depuis cinq siècles déjà, grâce aux religieux Chinois revenant de leurs lointains pèlerinages sur les traces du Bouddha; ils avaient été éblouis par les pagodes népalaises de neuf étages aux toits superposés recouverts de cuivre et d’or. Ce fut d’ailleurs ce même Koubilaï qui, pour mieux contrôler le Tibet, créa le premier des « papes » du bouddhisme, le Dalaï Lama – en mongol : « Océan de sagesse » – dont la quatorzième réincarnation est aujourd’hui vénérée par les Tibétains comme par les Sherpas[2].

 

 

Déjà des savants de toutes sortes ont emboîté le pas aux alpinistes : grâce à eux nous apprendrons bientôt ce que recèle le cœur des rocs, des plantes et des hommes du « Népal inconnu ». Cependant nous savons déjà ceci : les visiteurs des vallées du Solo et du Khumbu, habitées par les Sherpas, les appellent « le pays de l’amitié », tant les gens, malgré leur vie dure, y sont accueillants et gentils, enclins à rire de tout et de rien, prêts à offrir à l’hôte de passage, thé au beurre, bière de millet, ou alcool de grain, et capables de danser toute la nuit, sur un rythme obsédant, la Ronde des Sherpas. D’ailleurs le nom Khumbu est important, il signifie : « bel endroit protégé », ou sanctuaire.

Ils sont environ cent cinquante, les Sherpas connus pour avoir participé à des expéditions dans les hautes régions de l’Asie. L’alpiniste anglais Kellas semble avoir été le premier qui, à Darjeeling en 1907, choisit comme porteurs, un groupe de ces hommes[3]. En 1900 quelques pauvres Sherpas étaient venus du Népal pour chercher du travail dans cette célèbre station – comme tireurs de pousse, hommes de peine, ou coolies dans des plantations de thé. Dès 1934, l’Himalayan Club, fondé en 1928, distribuait des carnets de certificats aux porteurs et des médailles aux « tigres », ceux d’entre eux qui avaient atteint l’altitude de 7’800 mètres.

On pourrait rassembler beaucoup de témoignages illustrant leurs qualités et leur dévouement allant parfois jusqu’à la mort.

Individualistes bon teint, ces montagnards sont spontanés comme des enfants, et leur comportement dépend de ceux à qui ils ont affaire. Bill Tilman, après de nombreuses explorations faites à leur côté, leur accorde sa confiance toute entière « au-dessus des régions où coule la bière ! » Eric Shipton raconte l’une de leurs plaisanteries classiques, lorsqu’arrivé au sommet d’une longue et pénible montée, un Sherpa découvre qu’on a dissimulé une lourde pierre dans son chargement, il rit de tout aussi bon cœur que ses compagnons obligés de se tenir les côtes[4] !

Avant tout, ils vivent le cœur sur la main. L’Autrichien Tichy parle très amicalement de Pasang Lama qui, pendant quatre mois,  dirigea ses porteurs dans le Népal de l’ouest. Chaque fois qu’ils approchaient d’un sommet, le Sherpa s’effaçait en disant : « Passez devant, Sahib, c’est ²votre²  montagne »!, délicate allusion à la controverse créée par de fanatiques nationalistes autour de l’arrivée de Hillary et Tensing sur le plus haut point du globe[5]. Tichy et son homme étaient devenus de vrais camarades. Aux Indes au moment de leur séparation, sur un quai de gare, Pasang ne cache pas qu’il a les yeux humides lorsqu’il serre une dernière fois la main de l’Autrichien en concluant : « Nous deux, amis… alors vous, revenir bientôt ! »[6]
Ils se rencontreront de nouveau en 1954 pour gravir enfin le « 8’000 » dont ils rêvaient tous deux : ils furent les premiers au sommet du Cho Oyu[7].

Franc et vrai comme eux, Raymond Lambert, le guide genevois au grand cœur, me disait l’hiver dernier après ses séjours au Népal : « J’aurais bien aimé partager la vie paysanne de cette famille qui nous reçut au cours de notre marche d’approche. Leur noblesse naturelle et leur gaieté sont inoubliables. Et là-bas, les femmes sont vraiment les égales de l’homme – à la fête comme au travail… »

Oui, c’est chez eux qu’il faut les voir, et non pas déracinés dans un faubourg de Darjeeling où ils sont souvent chômeurs, mal logés, parfois malades, et victimes de l’universel cercle vicieux dû à la surpopulation. Dans de telles agglomérations, on trouve de l’embauche et le travail y est bien payé, mais la vie y revient très cher… et pour finir où en sont les avantages, tandis que boisson et jeu de dés sont des tentations constantes ?

 


[1] Ella Maillart utilise la majuscule pour désigner le peuple des Sherpas, originaire du Tibet. En français comme en anglais, le mot a d’abord désigné un « porteur Sherpa ». Le terme « sherpa » employé comme nom commun se répand à la suite des grandes expéditions himalayennes des années 50.

Les Gourkhas appartiennent à une autre ethnie, originaire d’Inde, qui vit au centre du Népal ; les unités des célèbres « Gourkhas » de l’armée britannique, réputés pour leur courage, sont composées de soldats appartenant à toutes les ethnies du Népal, y compris les Sherpas.

[2] Marco Polo a vécu pendant plus de 20 ans (1271-1295) à la cour de Kubilaï Khan, accomplissant diverses missions pour lui. Le voyage d’Ella Maillart avec Peter Fleming, décrit dans Oasis interdites (1937), suit les traces de Marco Polo dans le Turkestan chinois.

C’est en fait le souverain mongol Altan Khan (1507-1582), considéré comme la réincarnation de Kubilaï Khan qui, frappé par la personnalité de Sonam Gyatso (1543-1588), l’honora du titre mongol de dalaï (« océan » sous-entendu « de sagesse »). Le titre de dalaï-lama (« maître océan de sagesse ») fut aussi accordé rétroactivement aux deux prédécesseurs de Sonam Gyatso, qui ne fut ainsi pas le premier, mais le troisième dalaï-lama.

Le quatorzième lama, Tenzin Gyatso (né en 1935), bien connu en Occident, devient le chef temporel et spirituel des Tibétains dès le 17 novembre 1950, un mois après le début de l’intervention de l’armée chinoise au Tibet. En mars 2011, il prend sa retraite politique (voir en particulier Roland Barraux, Histoire des Dalaï-Lamas, Paris, Albin Michel, 1993 et Fosco Maraini, Tibet secret, Paris, Arthaud, 1953 (édition complétée, Paris, Arthaud, 1990, p. 362 et p. 369).

[3] Alexander Mitchell Kellas (1865-1921) : ce chimiste, explorateur de l’Himalaya, accomplit ses premières ascensions en 1907 dans le Cachemire et le Sikkim.

[4] Bill Tilman (1898-1977), aventurier, marin et alpiniste, réalise, sans préparation ni oxygène, la première conquête de la Nanda Devi (7’816 mètres) en 1936. Eric Shipton (1907-1977), alpiniste et explorateur, sera pressenti pour diriger l’équipe qui fera la première ascension de l’Everest, mais finalement remplacé par John Hunt (1910-1998)(Tim Madge, Le dernier héros, Bill Tilman, Chamonix, Ed. Guérin, 1995, p. 102 et 106 ; Eric, The Mount Everest Reconnaissance Expedition, London, Hodder and Stoughton, 1952).

[5] Edmund Hillary (1919-2008) et Tensing Norgay (1914-1986) ont accompli la première ascension de l’Everest le 29 mai 1953, après les deux tentatives de l’équipe suisse de Raymond Lambert (1914-1997) en 1952. La controverse, dont la presse de l’époque s’est fait largement l’écho, portait sur le fait de savoir qui d’Hillary ou de Tensing avait le premier atteint le sommet (à ce sujet, voir Maurice Isserman, Stewart Weaver, Fallen Giants, op. cit., pp. 296-299).

[6] Herbert Tichy, Land der Namenlosen Berge, Wien, Ullstein, 1954, p. 9.

[7] Le Cho Oyu est le sixième plus haut sommet du monde (8’201 mètres) : le 19 octobre 1954, Pasang, Joseph Joechler et Herbert Tichy en font la première ascension, sans oxygène. Raymond Lambert avait le même objectif : à la tête d’une expédition dont Denis Bertholet faisait partie, il n’a pas pu atteindre le sommet à cause du mauvais temps.

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