Écrits d’ailleurs
Parution Mai 2006
ISBN 978-2-88182-559-1
288 pages
Format: 210 x 140 mm
Épuisé

Pauline Melville

Le Jeu des transformations

Écrits d’ailleurs
Parution Mai 2006
ISBN 978-2-88182-559-1
288 pages
Format: 210 x 140 mm

Résumé

Ces douze nouvelles cartographient un monde dont l’axe de rotation ne passe pas exactement par les pôles mais par Londres et par les Caraïbes. Par-delà les différences de tonalité et la diversité des personnages, les histoires que vous allez lire ont un air de famille : les protagonistes doivent s’y montrer inventifs, roublards au besoin, s’ils entendent se faire une place au soleil.
Un chroniqueur au service d’une radio d’État sous les tropiques dépense des trésors d’imagination pour convaincre le dictateur local de le faire réembaucher. En compagnie d’un monteur d’échafaudages écossais qui revit le drame d’Orphée et perd son Eurydice dans les couloirs du métro, on passe insensiblement d’un registre naturaliste à la réincarnation d’un mythe. D’étranges portes s’ouvrent au milieu de ces pages et vous permettent de passer de plain-pied d’un appartement londonien à la Jamaïque, quand elles ne laissent pas pénétrer chez vous un intrus cauchemardesque.
Tout un monde condensé vibre ici d’échos et de reflets, à travers ces situations et ces histoires si simples en apparence mais qui sont, on le sait bien, les plus inextricables.

Autrice

Pauline Melville

 

Pauline Melville est née au Guyana et vit à Londres. Elle excelle dans la nouvelle: Le Jeu des transformations et La Transmigration des âmes (Zoé, 2006 et 2004) lui ont valu des prix : le Guardian Fiction Prize, le Macmillan Silver Pen Award et le Commonwealth Writers’ Prize.

 

Extrait

 

 Le Maître des transformations

 

Le Maître des transformations est capable de faire apparaître comme par magie autant de personnages et de phénomènes que la mer compte de vagues.

Un poète inconnu

 

Les Indiens du Guyana sont fermement convaincus que le chaman, ou homme-médecine, à qui rien n’est impossible, peut opérer des transformations sur lui-même ou sur autrui.

Walter Roth, Etudes sur l’animisme et sur le folklore des Indiens du Guyana

 

Je ne prends pas de messages de personnes décédées

 

 

 

Shakespeare McNab faisait antichambre au Ministère de l’Intérieur. Son rendez-vous avec le Vice Président de la République avait été fixé à 11 heures. C’était maintenant la demie. Il n’avait pas la moindre idée de la raison pour laquelle il avait été convoqué. La secrétaire n’avait pas pu ou pas voulu l’éclairer. Shakespeare lui adressait un sourire mielleux chaque fois qu’elle levait les yeux de sa machine à écrire, mais elle l’ignorait superbement. Il tira quelques documents du portefeuille posé sur ses genoux et fit semblant de les étudier. Le bâtiment de bois, avec ses pièces distribuées à la volée, était une de ces anciennes demeures de style colonial édifiées par la caste des grands propriétaires terriens, et qui abritaient maintenant des bureaux de l’administration publique ou des ministères. Au dehors, la rue agréablement large était divisée en deux sur toute sa longueur par un canal d’eau stagnante. Tous les cinquante mètres environ, de gigantesques palmiers royaux arboraient leur plumeau mité et jaunissant. Shakespeare se dit que les secrétaires de hauts fonctionnaires feraient bien de suivre des cours d’amabilité. Il n’allait pas la réprimander pour son incivilité. Il allait tout simplement lui faire honte, en lui révélant à quel point lui-même avait des manières exquises. Elle s’interrompit dans son travail et leva les yeux. Shakespeare lui adressa aussitôt son plus charmant sourire. Elle se remit presque férocement à sa dactylographie. Il s’éventa de ses papiers. La chaleur était oppressante et il avait soif.

 

– Le Camarade Vice Président va vous recevoir dans un instant, dit la secrétaire sans lever les yeux de son travail.

Shakespeare éprouva un pincement de cœur. Quelqu’un l’aurait-il dénoncé, parce qu’il n’employait pas assez souvent le terme de « Camarade » en s’adressant à ses collègues de la radio qui l’employait ? Il prépara sa défense. Il était journaliste. Il devait donc être précis dans le choix de ses mots. Son dictionnaire lui avait appris que le terme de « camarade » était censé s’appliquer à « un proche compagnon » ou à un « associé intime », pas à chaque Pierre, Jean ou Paul, comme le voulait aujourd’hui l’usage. D’ailleurs, le Vice Président ne l’aurait certainement pas convoqué pour un entretien en tête-à-tête sur un sujet aussi trivial. Non, il fallait que l’affaire fût autrement plus sérieuse. Peut-être le Vice Président était-il à la recherche de quelqu’un qui lui écrirait sa biographie officielle ? Ce serait une explication plus plausible de sa convocation. Shakespeare se demanda comment il traiterait la rumeur, aussi largement répandue que malveillante, d’après laquelle le Vice Président était coupable d’avoir empoisonné sa femme, à l’occasion d’un banquet officiel, après qu’elle avait menacé de révéler certains faits délicats concernant les acquisitions financières de son mari au cours de la présente législature. Il semblerait qu’elle ait porté un toast à la République, peu avant de s’affaisser, le visage plongé dans un curry de crevettes servi sur un plat d’argent. Shakespeare fronça les sourcils. Nous tolérons trop facilement les scandales et les ragots qui interfèrent avec la politique, se dit-il. C’est parce que nous sommes une nation relativement jeune. Avec le temps, nous mûrirons. Il se rappela toutefois qu’elle avait été incinérée, ce qui n’était pas usuel. Et avec une hâte surprenante.

 

Sans se lever, Shakespeare se glissa vers la partie du banc protégée du soleil qui tombait par la fenêtre. Si on devait effectivement lui proposer le poste de Camarade Biographe du Camarade Vice Président, il lui faudrait immanquablement fournir quelques détails sur ses hauts faits littéraires :

 

– Il y a bien sûr mes deux recueils de poèmes. La Muse me rend parfois visite, le plus souvent la nuit …

Shakespeare s’arrêta net dans ses élucubrations. L’énorme gabarit du Vice Président n’évoquait pas, chez ce dernier, un amour immodéré des vers. Shakespeare était perplexe : pourquoi le Vice Président s’intéresserait-il à ce qui faisait sa réputation, à savoir l’étude et la conservation du folklore ? Chaque matin, après les informations de neuf heures, Shakespeare lançait à la radio un proverbe ou un dicton emprunté à l’une ou l’autre des traditions culturelles de la nation : africaine, asiatique, chinoise, amérindienne, portugaise ou hollandaise. Le jeudi, il disposait d’un créneau de dix minutes pour exposer plus en détail une légende folklorique. C’était aujourd’hui vendredi. Il venait d’achever un court proverbe quand Horace Tinling, son chef, avait passé la tête par la porte du réduit qui passait pour un studio, et l’avait informé qu’on l’attendait séance tenante au Ministère de l’Intérieur. Shakespeare n’appréciait guère Horace Tinling. A son avis, un homme qui portait un nœud papillon avec sa veste de camouflage était un hypocrite de la plus belle espèce. Il lui passa soudain par l’esprit qu’on allait peut-être lui demander de remplacer Horace Tinling comme Chef des Programmes Nationaux. Il se rengorgea de satisfaction. Il commença dans sa tête les répétitions du bavardage cordial, d’homme à homme, qui allait accompagner, pensait-il, l’annonce de son nouveau statut. Avec un peu de chance, devant une boisson fraîche :

 

– Comment ça se fait que je m’appelle Shakespeare ? Voilà, Camarade Vice Président, c’est que le jour de ma naissance mon père est rentré du travail, m’a regardé, puis il a dit : « Holà ! L’a pas l’air très malin. On peut pas dire qu’y soye joli, non plus. On ferait mieux de faire quèque chose pour lui faciliter la vie. On va l’baptiser Shakespeare. » Et l’avenir allait montrer que je n’étais effectivement pas dépourvu d’un certain talent littéraire.

Shakespeare aimait terminer cette anecdote par un petit gloussement d’autodérision. Il s’imagina que le Vice Président allait partager son allégresse, pendant qu’ils siroteraient leur boisson. Des boissons servies par la secrétaire, qui serait bien forcée de troquer son comportement hautain pour une amabilité pleine de respect, lorsqu’elle verrait l’intime camaraderie régnant entre les deux hommes. D’un autre côté, il serait peut-être plus sage de ne pas évoquer de noms. Le Vice Président se nommait Veira. Shakespeare était allé à la même école que Veira, qui avait quelques années de plus que lui. Son souvenir le plus précis du Camarade Vice Président était celui du jour où ce dernier avait dirigé la chorale de l’école, à l’occasion de la Journée de l’Empire, dans une version endiablée de « A la santé de Votre Majesté. Fal la la la la Fa la la. » Et puis non. Tout compte fait, ce serait là encore manquer de tact que de lui rappeler cet épisode. Mais il devait se rappeler de le féliciter pour sa récente désignation au poste prestigieux de Vice Président, le seul autre candidat sérieux ayant été retrouvé tué par balles dans Camp Street.

 

– Le Camarade Vice Président va vous recevoir à l’instant.

La secrétaire tenait la porte ouverte.

 

Shakespeare alla se placer debout au centre de la pièce, un sourire déférent plaqué sur son visage espiègle. Le Vice Président, un Noir corpulent dont la maussaderie imposante avait la densité gravitationnelle d’une étoile en implosion, ne lui retourna pas son sourire. Il resta derrière son bureau, à fixer Shakespeare du regard. Derrière sa tête, au mur, un portrait officiel du Président lui-même, la bouche en cul de poule et des yeux de Copte, toisait Shakespeare de haut. Le Vice Président se leva et s’approcha. Malgré son poids, ses hanches se mouvaient en souplesse, comme celles d’une enfant gâtée. Il s’avança d’un seul élan et gratifia Shakespeare d’une claque sonore sur la joue et l’oreille gauches :

– A l’avenir, soyez plus prudent avec les histoires que vous faites passer à la radio, Camarade McNab. Ce sera tout. Je vous souhaite une bonne journée.

 

Blême de peur, Shakespeare McNab quitta le bureau.

 

Il se hâta vers la porte en frôlant la secrétaire, les traits figés par un rictus torve de paralytique, exactement comme la claque les avait laissés. Il espéra que la secrétaire prendrait cette grimace crispée pour une espèce de sourire d’adieu. Il était incapable de prononcer un mot. Il dévala l’escalier de bois jusque dans la rue. C’était midi et les passants n’étaient pas très nombreux, mais Shakespeare eut l’impression distincte que chacun d’eux savait exactement ce qui venait de lui arriver, comme s’il était accompagné d’un cycliste hurlant dans un mégaphone: « CET HOMME VIENT D’AVOIR ÉTÉ GIFFLÉ PAR LE VICE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE. » Ses jambes tremblantes s’avançaient vers l’accotement herbeux sans avoir l’air de progresser, à la façon d’un mime qui marche. « Qu’est-ce que j’ai fait? Mais qu’est-ce que j’ai fait? » ne cessait-il de se répéter. D’habitude, la chaleur et l’étendue de la rue conspiraient à ralentir l’allure la plus pressée, mais la terreur et le désir de mettre autant de distance que possible entre lui et le Vice Président propulsèrent Shakespeare vers l’autre extrémité d’un des petits ponts sur le canal et vers le centre de la ville. Les pans de sa chemise kaki flottaient derrière lui. « Qu’ai-je fait? Qu’ai-je donc fait? » se demandait-il encore et encore.

Il rentrait instinctivement chez lui. Le temps d’atteindre l’ancienne construction métallique du vieux marché hollandais aux esclaves, il avait pris conscience d’une boulette épouvantable qu’il avait peut-être commise, une bourde d’une énormité si accablante qu’il sentit son esprit vaciller sous le choc. Il se fondit dans un groupe de gens que la rumeur de l’arrivée d’un bus avait encouragés à s’agglutiner sous le soleil impitoyable, mais telle était son agitation qu’il n’y put tenir qu’une minute ou deux et qu’il se remit en marche, s’éloignant à pas vifs du cœur de la ville. Ce qui lui était arrivé, c’était la chose suivante :

La veille avait été un jeudi, le jour où il racontait à ses auditeurs un récit folklorique d’une certaine longueur. Sa paresse habituelle l’avait empêché de préparer son programme à l’avance. L’horloge du studio indiquait déjà neuf heures moins dix quand il s’était rué dans la cabine d’enregistrement, piétinant le fouillis chaotique de bandes magnétiques, de cassettes et de recueils de contes populaires qui jonchaient le sol. Dans un pareil cas d’urgence, il recourait habituellement à un récit impliquant Anancy – Anancy, le héros du folklore local, l’araignée magique qui avait un défaut d’élocution dû à son palais fendu, la créature rusée à l’apparence peu avenante qui avait toujours le dernier mot avec les grandes bêtes féroces de la jungle. Shakespeare avait pris sur l’étagère un recueil d’histoires d’Anancy et l’avait feuilleté à la hâte pour y trouver une histoire qu’il n’aurait pas déjà radiodiffusée auparavant. Malheureusement pour lui, celle sur laquelle il était tombé avait pour titre Anancy et le Verrat.

 

***

 

– Bonjour Guyana. Et c’est encore une supEEErbe journée qui s’annonce pour notre république socialiste coopérative : un temps idéal pour vous raconter l’histoire d’Anancy et du Verrat : « Un jour, Anancy et sa mère-grand se laissent tomber au sol pour aller aux provisions. Anancy oublie de ramener sa guitare. En rentrant à la maison avec sa mère-grand, il lui dit : Tu sais quoi, Grand-maman, j’ai oublié la guitare par terre. Sa mère-grand lui répond : Fi ! le vilain garçon. Va la rechercher, mais sans en jouer. Sur le chemin du retour, Anancy se met à jouer :

 

Quand tu croises un vilain bonhomme,

Quand tu croises un vilain bonhomme,

Quand tu croises un vilain bonhomme,

Ne leuh laisse pas épouser ta sœur.

 

Alors il entend des pas. Il lève une de ses pattes pour mieux entendre. Voilà qu’arrive le Verrat. « Oh mon frère, c’est toi qui a joué cette chanson si douce, dit le Verrat ? » Anancy dit : « Que nenni non point, mon frère. » Le Verrat : « Vas-y, fais-moi entendre. » Anancy joue : boïng, dzoïng boïng, tout faux. Le Verrat siffle entre ses dents : « Ffuuui ! toi alors, tu sais jouer. » Il reprend sa route. A peine s’est-il éloigné qu’il entend Anancy jouer la mélodie. Le Verrat revient sur ses pas : « Frère Anancy, c’était bien toi qui jouais, pendard. Je m’en vais te tuer pour ta peine. » Sur ces mots le Verrat s’en saisit et le ramène chez lui pour l’apprêter en vue du dîner qu’il a l’intention de donner ce soir-là en l’honneur de certaines grandes huiles de verrats de sa connaissance. Une fois introduit dans la maison, Anancy se débarrasse de la corde qui le tenait lié et s’empresse d’enfiler les vêtements de la femme du Verrat. Puis il s’adresse à cette dernière : « Si tu veux être belle ce soir, mets mon petit costume noir et ne dis pas un mot. » Alors le Verrat entre et tue sa propre femme. Et quand le Verrat croit servir Anancy à ses hôtes, c’est sa femme qu’il leur sert à souper. Et c’est depuis ce jour-là que personne ne s’approche plus du Verrat quand il mange ! Et voilà, mes chers auditeurs et surtout mes chères auditrices : ce sera tout pour aujourd’hui. Vous avez entendu Shakespeare McNab, qui vous dit au revoir et à demain… si vous le voulez bien.

 

En se rappelant précisément ce qu’il avait diffusé la veille et les répercussions que ses paroles pourraient avoir sur son bien-être, Shakespeare resta planté à l’angle de Howard Street et de Queen Street. Un seau d’eau sale encore tiède, jeté par une femme du haut de la véranda de sa maison, l’éclaboussa. Il s’en aperçut à peine. Le Vice Président Veira, se dit-il, pense que j’ai annoncé à toute la nation qu’il a assassiné sa femme. Shakespeare se passa la langue sur ses lèvres sèches et poussa une dernière pointe jusqu’à chez lui.

 

En sécurité dans sa maison d’un étage construite sur pilotis, Shakespeare courut d’un coin à l’autre pour descendre les stores à lamelles devant chacune des fenêtres. La chaleur de la pièce devint intolérable, mais Shakespeare se sentit moins vulnérable ainsi. Dans la quasi obscurité, il se dirigea vers la table et se servit un rhum bien tassé, avant d’aller s’asseoir sur le canapé pour y siroter son rhum et se ronger les ongles en alternance. Alors qu’il ruminait le projet de faire de son émission du lendemain un panégyrique en bonne et due forme, vantant les mérites du Vice Président Veira, le téléphone se mit à sonner. C’était la voix obséquieuse d’Horace Tinling qui lui annonçait qu’il était viré.

– Désolé, Camarade… circonstances imprévues… te remplacer par une émission culinaire… si tu pouvais embarquer tes affaires avant lundi soir neuf heures, heure à laquelle le Vice Président doit venir prononcer une allocution ministérielle.

Shakespeare était trop sonné pour élever la moindre objection. Il s’approcha d’une fenêtre et jeta un coup d’œil à travers les lamelles. Son cœur ne fit qu’un bond. Garée de l’autre côté de la rue, en face de sa maison, il y avait une voiture banalisée contre laquelle s’appuyaient trois Afro-Guyaniens corpulents portant des lunettes de soleil. Au même instant, il vit son ami Denzil Bennet franchir d’un bond les marches de l’escalier de bois qui menait à sa porte d’entrée.

– Qu’est-ce que tu fais, à rester assis dans le noir, voulut savoir Denzil qui se versa un verre de rhum.

La paranoïa empêcha Shakespeare de dire à Denzil ce qui était arrivé.

– J’ai la migraine… La lumière me fait mal aux yeux.

Denzil s’affala sur le canapé et se passa la mains dans sa tignasse crépue qui commençait à grisonner.

– T’as entendu les nouvelles, au sujet de Veira, demanda-t-il ?

Shakespeare lui jeta un regard soupçonneux.

– Quelles nouvelles ?

Denzil aurait-il déjà eu vent de quelque chose ? Shakespeare revint s’asseoir sur le canapé.

– Tu te rappelles comme on a ri, le jour de la statue de Cuffy ?

Shakespeare se rappelait en effet comme ils avaient ri lors de l’inauguration de la statue du fameux leader des esclaves révoltés. La statue tenait un rouleau à la main, à la hauteur de ses hanches, pointant vers le ciel, mais avec un angle si incongru qu’au moment où la statue fut dévoilée, une partie du public avait pu croire que Cuffy exhibait une monstrueuse érection. Shakespeare se rappela comment Denzil et lui-même avaient été entraînés par la cascade de rires qui avait agité les spectateurs. En ce moment précis, toutefois, il n’avait pas envie d’admettre qu’il ait pu rire à quoi que ce fût d’organisé par le gouvernement.

– Bon, poursuivit Denzil. Voici l’histoire. Un soir que l’aide-de-camp de Veira contemple la statue, celle-ci se met à parler : « Qu’on m’amène un cheval, ordonne Cuffy. » « Vous ne pouvez pas parler, dit l’aide. Vous n’êtes qu’une statue. » « Qu’on m’amène un cheval. A Berbice, en 1763, j’étais toujours à cheval. » L’aide est tellement terrorisé qu’il court à la résidence privée de Veira. « Cuffy cause, qu’il annonce. La statue cause. Venez-y voir. » Maintenant, comme tu sais, Veira est quelqu’un d’extrêmement superstitieux. Il consulte une prêtresse vaudou, avec toutes les simagrées qui vont avec. Elle lui aurait apparemment donné un anneau spécial, dont la pierre est censée changer de couleur quand la vie du porteur de l’anneau est menacée. Veira est alors persuadé qu’il a reçu un signe et il enfile ses pantalons pour raccompagner l’aide-de-camp vers la statue. « Imbécile, lui fait Cuffy. J’ai réclamé un cheval, pas un âne. »

Denzil laissa échapper un hurlement de rire. Shakespeare resta silencieux. Il était sûr que Denzil avait été envoyé pour le piéger. Dans les circonstances présentes, un rire pouvait être interprété comme une forme de haute trahison.

– Tu trouves pas ça drôle, demanda Denzil en fixant Shakespeare d’un regard incrédule ? Qu’est-ce qui te prend ? C’est ton mal de tête qui t’a mangé la cervelle ou quoi ?

– Je me mets au lit, déclara Shakespeare avec brusquerie. Ma tête va exploser.

Denzil haussa les épaules et finit son rhum d’un trait.

– Dis-moi ce que tu vois dans la rue, demanda Shakespeare quand Denzil ouvrit la porte.

– Y’a rien du tout dans la rue. Elle est vide. Va te coucher, va. T’es vraiment pas bien.

La porte se referma en claquant derrière lui et Shakespeare se retrouva dans l’obscurité.

 

Cette nuit-là, Shakespeare s’agita sous son simple drap comme un chat dans un sac. Il fit un cauchemar épouvantable. Il rêva qu’il se tenait debout sur la digue au bord de l’océan. Tout autour de lui, ça sentait les déchets de crabe et de fruits de mer abandonnés là par les pêcheurs. Comme il regardait au loin par-dessus les eaux de l’Atlantique, une forme noire se mit à émerger de l’océan. Elle grandit de plus en plus et laissa échapper un rire sinistre en devenant gigantesque. Puis elle retomba dans l’océan et Shakespeare vit les lettres V E I R A inscrites dans le ciel. Il se réveilla en sueur. Trop effrayé pour se rendormir, il passa le reste de la nuit les bras serrés autour des genoux, en se demandant avec angoisse ce qu’il allait bien pouvoir faire.

 

Le lendemain matin, Shakespeare débarrassa piteusement son bureau, empilant ses bandes enregistrées et ses livres dans un grand sac en toile. Horace Tinling l’observait avec une expression qui tenait de la fausse sympathie et du mépris pur et simple. Dans le studio d’enregistrement, la remplaçante, une jeune Noire élégamment vêtue se penchait sur le micro pour y susurrer une recette de foo-foo d’igname. Avant de rentrer chez lui, Shakespeare fit un saut chez sa grand-mère à Albuoystown. Pignochant un fruit d’arbre à pain cuit dans du lait de coco, il raconta par le menu la succession des événements, sans omettre le rêve de la nuit précédente. Sa grand-mère n’était pas bavarde :

– Quitte le pays, dit-elle.

 

Les nouvelles vont vite, quand on ne dispose pas des bienfaits des technologies avancées de la communication. Le samedi tout entier et le lendemain s’écoulèrent sans que personne ne soit venu rendre visite à Shakespeare. Aucun de ses amis ne parut. Le téléphone resta silencieux. C’était comme si, d’un jour à l’autre, Shakespeare était devenu un lépreux. Profitant de cette solitude inhabituelle, il examina soigneusement son dilemme. Il reprit les moindres détails de ce qui lui était arrivé. Il se rappela les railleries de Denzil à propos de la tournure superstitieuse de l’esprit de Veira. Il se rappela le rendez-vous de Veira à la station de radio. Tard le dimanche soir, la première vague lueur d’une idée lui vint, une idée libératrice si folle et si invraisemblable, qu’il se couvrit la bouche avec la main et secoua la tête. « Non, ça n’ira pas, se dit-il. Et pourquoi pas ? Non, c’est insensé… Si, pourtant, je me lance. »

 

***

 

Pendant que les vendeurs du lundi matin échafaudaient leurs pyramides de piments wiri-wiri écarlates et de pastèques vertes pour la vente quotidienne, Shakespeare frappait déjà à la porte de sa grand-mère.

– Tu veux du thé-café, du thé-cacao ou du thé-thé ? J’ai pas de lait.

Elle farfouillait dans la cuisine minuscule.

– Thé-thé, dit Shakespeare.

Ce fut à la demande suivante qu’elle se cabra. Elle avança la mâchoire et le regarda de travers.

– C’est pour quoi faire, que tu veux emprunter mes vêtements, demanda-t-elle d’un ton soupçonneux ?

Shakespeare évita de s’expliquer. Il cajola et supplia tellement sa grand-mère qu’elle céda et le laissa partir avec une jupe assez longue, un vieux chemisier à manches bouffantes, un foulard pour la tête et une paire de chaussures à talons hauts que sa fille lui avait laissées l’année précédente.

 

Sur le chemin du retour, Shakespeare fit l’emplette d’une vieille noix de coco. Une fois rentré, il laissa les jalousies baissées et se déplaça dans une semi obscurité. De temps à autre, il jetait un coup d’œil à travers les lamelles pour voir si la voiture banalisée et ses sinistres occupants étaient de retour. Aucun signe d’eux. Il vida sur le canapé les bandes magnétiques et les livres et les remplaça dans le sac en toile par les habits que sa grand-mère lui avait prêtés. Puis il fendit la noix de coco en deux et retira la chair blanche à l’aide d’un petit couteau. Après ça, il passa quelque temps à frapper les deux moitiés de coque l’une contre l’autre, jusqu’à obtenir un son satisfaisant. Il les mit alors également dans le sac. Il prit une hache qui finit elle aussi dans le sac. « C’est maintenant que la chose se corse, se dit-il à lui-même avant d’aller vers le téléphone. » Il décrocha et raccrocha plusieurs fois le combiné. Chaque fois qu’il le remettait en place, il faisait le tour de la pièce en se jouant mentalement une nouvelle version, légèrement différente, de ce qu’il avait l’intention de dire. Il finit par s’emparer du téléphone et composa le numéro du bureau du Vice Président Veira. Ce fut la secrétaire qui répondit.

– Bonjour, fit Shakespeare d’un ton servile. Ici le Camarade Shakespeare McNab. Je suis navré de vous déranger – je n’aurais même pas eu l’idée de venir vous ennuyer s’il ne s’agissait pas d’une affaire extrêmement urgente. J’ai fait un rêve prémonitoire concernant le Vice Président Veira. Ma pauvre mère, qui est décédée, m’est apparue en rêve la nuit dernière pour me prévenir qu’un danger imminent le menace et j’ai pensé qu’il était de mon devoir de faire passer le message.

Il y eut un moment d’hésitation à l’autre bout de la ligne puis la réponse cingla :

– Je ne prends pas de messages de personnes décédées.

Le cerveau de Shakespeare battit la chamade. Tout son plan allait s’effondrer si le message n’était pas transmis.

– Non, mais le message est de MOI, dit-il en toute hâte.

Et pour être sûr que le Vice Président allait effectivement recevoir l’information, il ajouta :

– Je devrais bien sûr lui écrire pour confirmer ce qui est arrivé, mais j’ai cru bien faire d’agir le plus rapidement possible, de peur qu’un accident ne se produise avant qu’il ait reçu la lettre. Je ne voudrais pas qu’on puisse m’accuser d’avoir retenu une information pareille.

« Ça devrait lui régler son compte, à celle-là, se dit Shakespeare qui s’aperçut à sa grande surprise qu’il s’était agenouillé devant le téléphone. »

– Très bien, fit la voix à contrecœur. Je vais informer le Vice Président, si vous croyez que c’est vraiment nécessaire.

– Merci, dit Shakespeare. Je crois que ça l’est.

Quand il raccrocha, tout son cuir chevelu le démangeait.

 

***

 

Plus d’une fois, au cours du reste de l’après-midi, Shakespeare résolut d’abandonner son plan tout à trac. C’était trop risqué et l’enjeu trop important. Ce serait plus sage de faire ce que sa grand-mère avait suggéré et de fuir le pays. Personne ne lui offrirait un emploi convenable, s’il n’arrivait pas à récupérer celui qu’il avait perdu, et si son plan ratait, il pouvait tirer un trait sur le monde de la radio pour toujours. Pourtant, ça valait peut-être la peine de tenter un dernier essai.

A la tombée de la nuit, on put voir un homme de petite taille jauger et examiner les arbres qui bordaient un segment de piste resserré, à quelque distance de la ville. A sa droite, le ruban de terre battue menait au portail de la résidence privée du Vice Président Veira. La maison elle-même restait invisible au bout d’une longue allée. A sa gauche, la piste s’étendait sur une centaine de mètres avant de rejoindre la route principale. Elle n’était bordée que par un fouillis d’arbres et de buissons. Dans le ciel, une nuée de chauves-souris recousaient de leur vol saccadé les grands nuages opalins et argentés. A mi-chemin du portail et du carrefour, Shakespeare repéra l’arbre qu’il voulait. C’était un jeune casuarina élancé. Shakespeare sortit la hache du sac et s’attaqua à la base du tronc. Le bruit de chaque coup lui faisait bondir le cœur de terreur, et il examinait la rue de long en large. Personne ne survint. Lorsque le tronc fut à moitié coupé, Shakespeare consulta sa montre et décida d’attendre. Il se dissimula dans les buissons. L’arbre resta droit. A peu près à l’heure prévue, une limousine conduite par un chauffeur quittait la route principale pour s’engager pompeusement dans les ornières de terre qui menaient à l’entrée de la résidence de Veira. Il faisait presque nuit.

– Vite. Vite. C’est maintenant ou jamais, se chuchota Shakespeare le visage tordu par une grimace incontrôlée.

De toute sa force, il poussa le tronc du casuarina qui s’abattit avec grâce, comme pris d’un évanouissement, et vint bloquer la piste. Shakespeare se fondit à nouveau dans les buissons. Se rappelant qu’il avait laissé son sac près de l’arbre, il courut le récupérer et glissa sur des cosses de tamariniers. Il laissa échapper des jurons mais les cosses lui donnèrent une idée. Il en ramassa une et la secoua. Elle rendit un bruit de crécelle. Il la glissa sous le bras et fondit encore une fois derrière les arbres. Le ciel d’argent était devenu gris, puis noir. Le chauffeur ralentit.

De l’arrière de la limousine, le Vice Président Veira jeta un regard maussade par la vitre abaissée quand le chauffeur s’arrêta, les branches du casuarina faisant de grands gestes dans la lumière de ses phares. Le chauffeur descendit de la voiture :

– Il va me falloir de l’aide pour déplacer ça, s’excusa-t-il après avoir inspecté l’arbre coupable.

Veira grogna en signe d’acquiescement et se résigna à attendre, pendant que le chauffeur se hâtait vers la route principale.

Ce fut alors que Veira se mit à entendre des choses. Il y eut d’abord des impacts mous, sourds, sur le toit de la voiture. Veira ne s’en inquiéta pas trop, pensant que c’était le bruit de quelque chose qui tombait des arbres. Puis ce qui ressemblait au sifflement perçant d’un oiseau assaillit ses oreilles, un sifflement qui s’acheva par un mystérieux bruit de crécelle. Deux minutes plus tard, à sa droite, il entendit une bruyante mastication qui provenait des buissons. Presque au même instant, à sa gauche, une voix suraiguë le hélait :

– Bonsoir, mon chéri.

Le silence se fit. Les petits yeux de Veira roulaient d’un côté à l’autre. Rien ne se passa. Veira était sur le point de se détendre quelque peu quand le silence fut interrompu par un claquement de sabots le long de la piste de terre desséchée. Veira passa la tête par la fenêtre ouverte de la voiture. Il fut horrifié par ce qu’il vit. Au-delà du segment de piste éclairé par les phares, on distinguait malaisément la silhouette d’une femme. Elle portait une sorte de turban et un vêtement blanchâtre à manches bouffantes. Elle s’approchait lentement, d’une démarche claudicante. Le pire, c’était qu’elle lui faisait signe de son index crochu, signe de la suivre dans les buissons. Veira poussa un gémissement et tomba sur les genoux à l’arrière de la voiture. A peine était-il dans cette position qu’un raffut d’enfer s’éleva parmi les arbres proches. Il entendit des cris, des bruits de branches cassées et des craquements de brindilles, comme si quelque énorme créature se vautrait dans sa bauge. Soudain, Veira reconnut une voix familière qui hurlait :

– Va-t’en ! Laisse-le tranquille, j’te dis.

Retour du silence.

Veira leva craintivement le visage à la hauteur de la fenêtre, où il se trouva face à face avec un Shakespeare McNab tout aussi tendu.

– Dieu soit loué, vous êtes sain et sauf, haleta Shakespeare. Vous avez reçu mon message ? Je suis venu vous prévenir, au cas où le message ne vous serait pas parvenu.

A l’aide d’un mouchoir, Veira essuya un voile de sueur sur son visage. Le devant de sa veste en kaki s’élevait et retombait pendant qu’il fixait sur Shakespeare un regard médusé, la mâchoire tombante.

– Je peux monter dans la voiture ? Je crois que nous serions plus en sécurité tous les deux.

Shakespeare s’efforçait de contrôler le rythme de sa respiration. Veira se poussa vers l’autre extrémité de la banquette arrière et Shakespeare se glissa près de lui.

– Seigneur Jésus ! Dire que pendant toutes ces années j’ai raconté des histoires de ce genre, alors que j’y croyais même pas vraiment. Je sais maintenant que c’est vrai, tout ça. Heureusement que j’étais là. Je l’ai mise en fuite. Vous savez de qui je veux parler ?

Veira tourna les yeux vers Shakespeare. Son regard laissait percer une menace diffuse, mais Shakespeare ne pouvait plus reculer :

– La Diablesse.

– Qui ça, demanda Veira, troublé ?

– La Diablesse.

La voix de Shakespeare se réduisit à un murmure :

– C’est probablement de ça que ma mère a voulu vous prévenir en rêve. Est-ce que vous l’avez reçu, ce message ?

Veira fit signe que oui.

– La Diablesse, vous savez. Elle a un pied normal et un sabot fourchu. Elle entraîne les gens dans la forêt pour les tuer.

Un rire tonitruant s’éleva du fond du ventre de Veira. Shakespeare se tassa sur lui-même. Le plan ne marchait pas. Veira ne semblait pas mesurer la gravité d’une rencontre avec La Diablesse. L’héroïsme de Shakespeare n’avait servi à rien. Il jeta un regard inquiet en direction de l’énorme masse tressaillante de Veira.

– Doux Jésus, dit Veira. J’ai bien cru qu’il s’agissait de ma femme.

Toute force abandonna les membres de Shakespeare. Il ne s’était jamais douté que Veira pourrait prendre cette apparition pour le fantôme de sa femme. Il voulut reprendre les choses en main :

– Vous m’excuserez de vous contredire, Camarade Vice Président, mais je suis sûr que ce que j’ai vu, c’était La Diablesse. Quand j’ai crié et secoué les branches, elle s’est tout simplement fondue parmi les arbres.

Veira fronça les sourcils :

– Qu’est-ce qui t’a poussé à venir ici ?

Son ton était soupçonneux.

– Un pressentiment. Un méchant pressentiment, dit Shakespeare.

Il jeta un regard craintif vers l’ombre corpulente si proche de lui. Veira avait l’air soucieux. D’une mine renfrognée, il tripotait la bague qu’il portait à la main droite, la faisant tourner dans un sens, puis dans l’autre. Il la retira tout-à-coup et la jeta par la fenêtre de la voiture. Au même instant, les phares firent apparaître le visage inquiet du chauffeur. Il était accompagné d’un autre homme et tous deux se mirent à déplacer l’arbre qui bloquait la limousine. Shakespeare savait que, s’il voulait saisir l’occasion avant qu’il ne fût trop tard, il lui fallait jouer son va-tout sans délai :

– Voilà, monsieur… Camarade, je vois que vous être tiré d’affaire, à présent. Pour moi, c’est l’heure de rentrer à la maison. Comme je me suis fait licencier par le studio de radiodiffusion, je dois malheureusement me lever très tôt pour chercher un nouveau travail.

Veira se tourna lentement. Il scruta le visage de Shakespeare qui se sentit faiblir sous ce regard pénétrant.

– J’ai une idée, dit Veira d’un air prévenant. Je crois que je peux vous être utile.

Shakespeare battit des paupières et se lança dans des remerciements chaleureux, croyant qu’il allait retrouver immédiatement son emploi à la radio, mais Veira poursuivit :

– Je vais vous engager à titre de conseiller personnel.

 

Le lendemain, dans la cuisine de sa grand-mère, Shakespeare trottinait de la fenêtre à la table, en riant et en se congratulant, pendant qu’il racontait dans ses moindres détails le succès de son stratagème.

– Hein, grand-maman, qu’est-ce t’en dis ? J’suis-t’y malin ou pas ? Il est malin, ton p’tit-fils, ou quoi ? Me voilà Conseiller Personnel du Vice Président Veira, exulta-t-il.

Elle remuait un reste de casreep dans la cocotte.

– Quitte le pays, dit-elle.

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