Domaine français
Parution Jan 2020
ISBN 978-2-8897-739-1
128 pages
Format: 140 x 210 mm
Disponible

Domaine français
Disponible

Jérémie Gindre

Trois réputations

Domaine français
Parution Jan 2020
ISBN 978-2-8897-739-1
128 pages
Format: 140 x 210 mm

Résumé

Que ce soit dans les Alpes du Sud, sur une île perdue des Caraïbes ou dans le désert de Mojave, la nature ici est puissante, aussi belle que vénéneuse. Une sœur caractérielle, un ombrageux Hollandais, un chercheur d’or lunatique : chacun y laissera sa marque avant de rencontrer la fatalité. Les trois ont le charme de l’impulsif, du solitaire et de l’obstiné, et ceux qui racontent leur histoire ne mâchent pas leurs mots. Voici trois novellas, trois destins en miroir, aux refrains qui se répondent et dont les motifs passent d’une aventure à l’autre comme des oiseaux migrateurs.

Auteur

Jérémie Gindre

Né à Genève en 1978, Jérémie Gindre est un artiste et écrivain suisse qui a décidé de ne pas choisir entre arts plastiques et littérature. Sa pratique comprend l’écriture comme le dessin ou l’installation, et explore ici des thèmes aussi variés que la formation des orages, les techniques de chasse préhistorique ou le folklore western. Il a notamment publié On a eu du mal aux éditions de L’Olivier en 2013, Pas d’éclairs sans tonnerre (Zoé, 2017) et Trois réputations (Zoé, 2020).

Agenda

Lun. 18.11.2024

au festival Les Petites fugues (Bourgogne-Franche-Comté)

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Ven. 17.1.2025 , 18h00

au Théâtre Vidy-Lausanne

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Dans les médias

« Un livre jubilatoire. Grâce aux héros hors du commun de Jérémie Gindre, on explore la marge, les confins du monde et de la folie. »

Jérémie Gindre était l’invité de Linn Levy dans l’émission Vertigo. À réécouter ici

« Chaque récit est raconté par une voix, à la fois familière et admirablement composée. (…) Des voix qui teintent le récit d’une légère ironie, et qui laissent aux personnages leur part d’énigme. (…) Sans prétendre en percer le mystère intérieur, Jérémie Gindre montre la grandeur de ces vies d’apparence misérable, leur dignité, leur cohérence, leur capacité́ d’agir. » Sébastien Omont

« (…) la mauvaise réputation s’est répandue, dans Foudre sur conifère, première des trois nouvelles du recueil tragicomique de Jérémie Gindre. C’est sur ce motif récurrent que le Genevois façonne des légendes, cartographie des lieux à la fois fictifs et réalistes en imaginant les épopées de fortes têtes dont on parlera longtemps. A chaque fois, le récit nous est raconté indirectement: à la radio, au lecteur d’un bon plan de guide touristique, et même à un chien. (…)

Dans cette trilogie sur le mythe ordinaire, l’humour discret et faussement naïf de Jérémie Gindre est le véritable héros. Il agit en pointillé, factuel, «dans la lignée de Bouvard et Pécuchet» lit-on en quatrième de couverture. Jusqu’à nous faire jubiler d’un incident tragique dans le désert du Mojave, dans la dernière partie. »

Un article d’ Antoine Bal à lire en entier ici 

« Sur le ton du récit oral, en toute simplicité mais avec précision, l’auteur capte l’attention du lecteur qui, en quelques phrases, voit, sent et ressent ce que le narrateur lui suggère. [L’humour] donne à «Trois réputations» sa légèreté, malgré le tragique de certaines situations et le psychisme assez effrayant des principaux personnages. » Benjamin Chaix 

« Jérémie Gindre manie à merveille l’humour, et sa curiosité pour l’insolite va de pair avec un attrait pour les grands espaces et les géographies singulières (…). Loin d’être transparents, [ses] narrateurs instaurent avec ces Trois réputationsune distance, gage d’une savoureuse ironie. (…) Trois épopées dérisoires dans une nature grandiose, portées par un ton irrésistible. » Anne Pitteloud  

« Oral, jubilatoire, pittoresque et aussi sauvage que le Far West. (…) Jérémie Gindre raconte l’histoire de trois personnages particuliers. La verve et l’humour se mêlent pour dire les échecs et la liberté choisie de trois misanthropes, losers à la fois magnifiques et antipathiques. » Laurence de Coulon 

« Avec un humour pince-sans-rire et une feinte ingénuité, Jérémie Gindre revisite la Bibliothèque verte en mettant en garde le lecteur: ces récits sont sujets à caution, comme le sont les ragots rapportés dans ces Trois réputations. »

Jérémie Gindre était l’invité de Geneviève Bridel, un entretien à réécouter ici 

« Trois destins hors normes, disparus en silence, racontés, sur le mode oral, avec élan et humour. On en redemande à un écrivain qui mériterait d’être reconnu à sa juste valeur. » Pierre Maury

« Portrait de trois excentriques dont il se dégage une étrange beauté. (…)
Passionné de géographie, de géologie, de figures d’artistes sans le savoir ou de situations particulières, Jérémie Gindre est un romancier suisse à l’univers poétique et l’humour décalé. Avec un plaisir non dissimulé et un réel talent pour le portrait, il s’inscrit magnifiquement dans ce genre littéraire entre la nouvelle et le court roman baptisé la novella. Sa galerie de personnages « contre » prend la relève de Bartleby, le scribe, ou de Lennie Small, le colosse Des Souris et des hommes, devenu assassin malgré lui. Une confrérie d’oubliés du monde aux destins hors du commun dans une nature omniprésente et encensée. Chacun un peu dangereux et misérable dans son genre par sa trop grande originalité et son absence de normes. Car, à trop marcher sur le fil, le risque est grand de tomber. » Isabelle Spaak

« Son écriture est une géographie. (…) Jérémie Gindre arpente le territoire en histoires, soulève les cartes où s’étale le paysage, récolte les récits qui se cachent dans leurs replis naturels. (…) Une écriture de l’oralité, finement humoristique sous ses airs de boniment, qui excelle à se faire passer pour infralittérature en restant à savante distance des personnages dont elle colporte la geste comme une rumeur. L’ouvrage est léger, mais sa bonne réputation n’est pas usurpée. » Thierry Raboud  

« De sa fort belle écriture, l’auteur s’ingénie à varier les formes de narration entre les trois histoires, tout en tissant des liens thématiques entre elles. Indiscutablement cinglés, ses personnages n’en possèdent pas moins une force incroyable qui les pousse dans leurs projets complètement uniques, sans se soucier des autres et de la société. En ce sens, peut-être faut-il y voir une image de l’artiste visionnaire, qui creuse son sillon, solitaire, et contre vents et marées. » Stéphane Babey

« Trois aventures, trois héros rebelles devant l'obstacle, trois contes malicieux, les Hautes-Alpes françaises, une île du Venezuela, le désert Mojave, reliés par de subtiles correspondances, par l'humour et la fausse légèreté de l'écrivain genevois. »

« Les fous, excentriques et autres marginaux donnent toujours de bons personnages. La preuve dans ces novellas de Jérémie Gindre, trois portraits de héros réfractaires, butés, indociles et magnifiques. (…) Un point commun entre les personnages ? Leur intimité charnelle avec la nature, lac, île, plaine, qui les sépare de la civilisation. Comme si ces portraits pétillants d’humour recelaient une morale mélancolique : la seule façon de n’être pas comme tout le monde, c’est d’habiter loin des autres. » B. Q.

« Jérémie Gindre a su en peu de pages comprendre et narrer le parcours d’êtres à part et pris au piège de leur déséquilibre. Ce recueil est passionnant, le style en est fin et racé. Il importe de le recommander chaudement. »

« Jérémie Gindre livre un bref mais percutant triptyque qui mêle les lieux et les portraits avec le plus grand naturel. Peut-être parce que la nature – mer ou montagne, île ou désert – est le véritable personnage de ces petits romans, dont les héros hauts en couleur se détachent sur le paysage avec une énergie très terre à terre. Non que leurs aventures soient banales, au contraire ! Mais le regard à la fois candide, lucide et guilleret que porte sur elles l’écrivain genevois baigne de fantaisie ces saynètes insolites. »

« Trois réputations, par la diversité des discours mis en œuvre, par un intelligent entremêlement d’éléments réels et fictifs, incite à réfléchir au statut de la parole, qu’elle soit écrite ou orale, à la manière dont elle circule, à ce qu’elle révèle de notre humanité. »

Un article de Claudine Gaetzi à lire en entier ici

« Jérémie Gindre apprécie la forme courte qu’il astique d’un talent protéiforme. Géographe aventureux de l’écrit, il sort des sentiers battus, un peu, pas mal mais pas trop. Avec une légèreté, une oralité qui lui évitent de pontifier. Ce conteur pour adultes a en effet un ton désinvolte serti d’absurde. Le résultat ? Rafraichissant. (…) Les péripéties [des protagonistes] tutoient la farce comme le tragique, heureusement plus comique qu’accablant. » Thibaut Kaeser

« L’illustration de couverture, signée Simon Roussin, nous révèle un aspect fondamental du livre : la place qu’y tient la nature. Ses couleurs lumineuses s’accordent même au caractère fantasque, éclaté, à la fois réjouissant et étrange, de ces trois destins qui nous sont narrés, définitivement hors norme. (…)

D’une certaine façon, le lien avec la nature, dont notre époque nous fait valoir l’importance et le retour, Jeannie Plantier, Epke Janssen et Bill Ronson le possèdent mieux que quiconque. Paradoxalement, c’est parce qu’ils ont appris et connaissent cette connivence privilégiée avec les espaces naturels qu’ils sont parmi les plus éloignés de leurs semblables – le rapprochement avec la terre rendrait-il moins humain ? C’est une des réflexions que l’on peut se faire à la lecture de Trois réputations de Jérémie Gindre, dont l’humour, et même la causticité à certains moments, n’a d’égal que la fantaisie et l’austérité de ses trois protagonistes. »

Une chronique de François Baillon à lire en entier ici

« Voici trois nouvelles savoureuses, trois destins en miroir contés par des narrateurs hauts en couleur… Coup de cœur pour cet auteur genevois à l’humour imperturbable. »

« Trois récits de vie totalement loufoques, nous entraînant des Alpes du Sud au désert de Mojave en passant par une île perdue des Caraïbes. Tragique et croquignolesque à la fois. » Jacques Lindecker

« Avec Trois Réputations, le plasticien Jérémie Gindre couture quelques aventures à vous plonger en mélancolie fiévreuse. (…)

Tragédie, anormalité, drôlerie, curieux Jérémie Gindre, son style bref, étrangement imagé sans qu’il n’y paraisse, compose à l’os et il vous pousse à rire, sans cesse. Jaune. Ses personnages nature, obstinés, furieusement décalés, nous laissent penser que ce voyageur, chercheur d’hommes, est capable de nous mener loin par le bout du nez. Blaise, le Suisse manchot, nous révéla cette combine. Gindre se révèle furieux conteur d’histoires presque vraies. Champagne ! »

Un article d’Alain Dugrand à lire en entier ici

Jérémie Ginde était l’invité de Pascal Paradou dans l’émission De vive(s) voix, à réécouter ici

Extrait

FOUDRE SUR CONIFÈRE

Vie et mort de Jeannie Plantier

♬♪♫ Histoires de nos vallées ♬♪♫

… C’est bon ? Ça enregistre ? Je n’ai pas entendu la musique. D’habitude à la radio j’entends la musique. D’accord, allons-y.

Alors : l’année de ma naissance (1934 si vous voulez tout savoir) mon père travaillait au chantier du viaduc de Prégo Dieu. Il faut commencer par ça. Sinon vous n’allez pas comprendre le pourquoi du comment. Ce viaduc devait traverser entre Le Sauze et les Hyvans, où le tunnel ferroviaire était déjà percé. Les premiers piliers étaient montés, hauts comme des cheminées d’usine. Des piquets géants, plantés en rang dans le lit de la Durance. Les ingénieurs autant que les ouvriers avaient sué pour trouver moyen de les ancrer assez solidement, de manière qu’ils résistent aux crues. Et c’est là que la décision de construire le barrage est tombée. Adieu le viaduc. Adieu le train. Il a fallu démolir les piliers, comme un trait de gomme, pour récupérer les pierres.

L’abandon de la ligne de chemin de fer, ça a été un coup dur pour mon père. Il s’était démené pour la défendre. Sans ça, c’était la mort de la vallée à petit feu. On voyait venir le bout de l’âge d’or du chemin de fer, alors si on ratait le coche, c’était foutu.

Pour beaucoup le train, c’était l’assurance que le barrage ne se ferait pas. En tout cas pas si grand. Mon père disait tout le temps : « Je n’ai pas percé ces tunnels pour les poissons ». Avant Prégo Dieu, il avait bâti le viaduc des Moulettes. Ils l’ont appelé viaduc de Chanteloube, mais nous on disait viaduc des Moulettes, parce qu’il traverse le ravin des Moulettes. De toute façon il n’a jamais servi, alors on peut bien lui donner n’importe quel nom. Ce gâchis ! Maman ! Pourtant c’était une vraie merveille ce viaduc. Avec son tablier en S, les grandes arches, et des piliers fins, fins ! Soixante mètres de haut, tout en maçonnerie. C’est inimaginable non ? Tout ce travail pour rien. Comment peut-on noyer une chose pareille ? Les villages étaient peut-être beaux, et la vallée on l’aimait comme elle était, mais ce viaduc, c’était de l’art. On le voit encore quand le niveau du lac est bas, c’est vrai. Bien sûr qu’il tient encore. Ça se fait de le traverser à pied. Oui oui. On en voit des choses, quand le niveau est bas. Et ça fait bien mal au cœur.

Après ça la Compagnie a proposé aux ouvriers de se mettre au service de la construction du barrage. Et puis quoi encore ? Il y en a qui l’ont fait, mais pour notre père c’était exclu. Je l’entends encore : « Es-clu ! » Ensuite bon il y a eu la guerre, mais je ne vais pas en parler parce que Jeannie est née après, et c’est de Jeannie que vous m’avez demandé de parler. Elle est née juste après l’armistice. Un comble quand même, pour quelqu’un qui a passé sa vie à se fâcher avec tout le monde. Avant elle on était cinq enfants, huit nés vivants mais trois perdus en bas âge. Et puis Jeannie est arrivée, et notre mère est morte en couches. Voilà.

Mes frères et sœurs ont été placés en pensionnat à Gap et papa n’a gardé que nous deux : l’aînée et sa petite chérie. J’avais onze ans donc j’étais en âge de tenir la maison, et je pouvais bien aussi m’occuper d’un bébé. Après la guerre, mon père était trop usé pour les chantiers alors il s’est fait colporteur. Il n’était pas beaucoup là la journée, et quand il remontait loin il restait passer la nuit. Mais au village il y avait de l’entraide. Ce n’était pas petit Ubaye, on était vingt, vingt-cinq familles. Nous étions très amis avec les Pignatel. Ils nous ont bien soutenus. Après le lac ils se sont éparpillés, à Sisteron, à Guillestre, Briançon. Maintenant ceux que j’ai connus, ils sont tous morts. Bref, j’ai joué la nounou un temps, puis assez vite Jeannie a été à l’école et j’ai eu mes journées à moi.

Pour ce qui est de l’éducation, elle a eu juste ce qui était nécessaire. Ses compétences ne faisaient pas trop de promesses. Elle mettait toute son astuce dans ses collets à lièvre, qu’elle posait à qui mieux mieux dans les prés autour. Ça pour les pièges elle avait du talent. A la fin du primaire papa est allé demander à l’institutrice s’il fallait pousser Jeannie pour qu’elle fasse un métier ou un autre. L’institutrice a répondu : « Je pense qu’il serait aussi bien qu’elle apprenne ce que son père voudra lui montrer ». Sauf qu’à cet âge notre père n’avait plus grand chose à enseigner, à part boire. Et ça merci on ne l’a pas appris. A la fin Jeannie se faisait bien du vin de pissenlit, mais c’était surtout pour s’occuper. Le vin de pissenlit se fait avec les fleurs, et seulement avec les fleurs. Je dis ça mais je n’en ai jamais fait. Pour ce qui est de la boisson, j’aime mieux prendre un genépi de Vallouise. Je trouve qu’il a bon goût.

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