« Avec une liberté folle, passant de l’enquête économique au roman intime, Dorothee Elmiger raconte l’histoire d’une matière éminemment politique et littéraire. »
« Jamais l’expression « poursuivre une idée » n’a semblé si opportune que pour parler du nouveau livre de Dorothee Elmiger. Car Sucre constitue une quête, tranquille mais sans relâche, d’une attention presque méditative. Cueillir, épingler, observer: à la manière d’une chasseuse de papillons, l’autrice déploie ses filets dans un vaste champ de lectures et de sensations, scrutant les faits historiques comme ses expériences personnelles, questionnant la littérature classique et les enjeux contemporains, maillant un territoire qui brouille délicatement la distinction entre le sensible et l’exhaustif, entre la littérature du réel et les libertés de la fiction, puisque c’est bien sous le genre du roman que cet ensemble de «notes», admirablement traduit par Camille Luscher et Marina Skalova, se présente aux mains du lecteur. (…)
L’originalité galvanisante de Sucre, journal d’une recherche est dans le brassage de ces différents éléments et des visions que Dorothee Elmiger en extrait. (…)
Derrière son montage politique de références, Sucre, journal d’une recherche se lit comme une aventure douce-amère ou une dérive transatlantique – un roman d’atmosphère qui sait s’affranchir de sa rigueur documentaire. Cette part-là vient peut-être de l’état poreux du demi-sommeil, quand l’autrice, qui se lève tous les jours avant l’aube pour écrire, accède à l’endroit où son écriture est la plus «lucide»: «Le rêve m’intéresse beaucoup en littérature. A cause de son immédiateté: il suffit de descendre un escalier et on y est, tout est là. C’est un mode qui permet de jouer avec les motifs du livre. Et puis, souvent, je vois mieux à travers le filtre du rêve que dans des descriptions de scènes réalistes en plein jour. » Après tout, on poursuit un rêve comme on le ferait d’une idée, comme un sucre qui fond sur la langue, poison délicieux qu’on voudrait déguster sans cesse. »
Un article de Salomé Kiner à lire ici