Poche
Parution Oct 2012
64 pages
Format: 105 x 150 mm
Disponible

Préface de Doris Jakubec

Jean-Claude Fontanet

La Revanche de M. Pélichet

Minizoé
Parution Oct 2012
64 pages
Format: 105 x 150 mm

Préface de Doris Jakubec

Résumé

Des morceaux de vie, de brefs portraits, des situations anodines qui virent à la catastrophe, tels sont les enjeux de ces nouvelles. Fontanet a la passion des détails, indices plutôt qu’ornements, selon un réalisme minutieux, tout en grisaille, où le destin enfin s’accomplit.

 

Auteur

Jean-Claude Fontanet

 

Jean-Claude Fontanet, l’aîné d’une fratrie de quatre garçons, est né à Genève en 1925 ;  son père, d’une famille originaire du Piémont, appartient à la deuxième génération de la famille établie à Genève. Parmi ses ascendants maternels, un musicien célèbre, le compositeur et violoniste Giovanni Battista Viotti qui dirigea l’Opéra de Paris de 1818 à 1821 et dont Jean-Claude tiendrait sa vive sensibilité à la musique. Noël Fontanet fut un dessinateur et caricaturiste célèbre de l’entre-deux-guerres et un important contributeur au Pilori aux côtés de Georges Oltramare ; autoritaire et talentueux, il pesa lourdement sur son aîné qui était d’une sensibilité extrême et d’une santé très délicate. sa mère, d’origine savoyarde, voua un attachement inconditionnel à son aîné qui le lui rendit bien.

Doué et travailleur, il commence des études à l’Ecole des Beaux-Arts, puis de lettres à l’université de Genève, mais qu’il n’achève pas. La tuberculose, attrapée au service militaire,  puis de graves troubles psychiques et un état dépressif le  maintiennent sa vie durant dans un état de constante alerte et entravent  ses qualités sportives, son amour de la vie, ses dispositions au bonheur.  La montagne, à la fois lieu de guérison et de conquête virile, l’a fasciné et instruit; la lecture des romans de Ramuz s’est inscrite dans cette passion contrariée ; comme ceux de sa génération, il aimait marcher et avancer. A la fin de sa vie, il affronte la malvoyance et la lente venue de la nuit ; il la combat de toutes ses forces pour sauvegarder la lecture et l’écriture qu’il a minuscule.

Il n’aura qu’une vocation, celle de romancier, et sa vie active sera entièrement au service de la littérature et de l’écriture grâce à une discipline de fer, une volonté sans faille, une imagination débordante, un amour de la langue précise, riche de détails, ample dans ses registres et ses variations,  vibrante d’harmonies secrètes ou de brusques ruptures qui déchirent. L’humour, la dérision, l’autodérision, le sens du ridicule donnent du relief à sa vision du monde et un éclat à ses observations minutieuses. Il savait rire et avec lui, on riait beaucoup, mais sur fond de désespoir, peut-être même de nihilisme. Il menait une vie simple, frugale, proche de la nature et sensible à tout ce qui se réalise et s’accomplit dans les jardins, avec son épouse, Paule, institutrice toute sa vie, aimée d’un amour absolu, et son fils.

Genève et ses alentours sont son lieu d’ancrage et le cadre de presque tous ses romans. Pour lui, comme pour Ramuz qui fut son grand modèle, les voyages sont intérieurs, et rien n’est plus riche en surprise que les lieux familiers  et régulièrement arpentés.

Sa vie tient tout entière dans ses livres et dans quelques grandes amitiés littéraires d’une immense fidélité : Marcel Raymond, Alice Rivaz, Yvette Z’Graggen, Jean Vuilleumier, Yves Velan, et quelques autres. Il appréciait ses lecteurs et en faisaient vite des amis ou des confidents, conservant jusqu’à la fin ce souci de dialogues plus vastes, de communications plus ardentes que permettent les livres.

 

Doris Jakubec

Extrait

 

APIN QUE TU ME GARDES…

Pages de journal, 1997

 

 

 

Ce bref récit d’à peine une page que j’ai crayonné hier, assez facilement, je dois le reconnaître, à l’intention de mes petits-enfants1: preuve que la cendre n’est pas morte? Pas encore complètement refroidie?

Je n’ai plus la force d’écrire. Suis fatigué de gratter encore et toujours du papier, de tourner continuellement des phrases, d’avoir à chercher et à choisir des mots. Les peser, les mirer… A quoi bon, d’ailleurs. Et, comme par un fait exprès, cette table si petite, où j’ai juste la place de poser mes deux coudes, et toujours encombrée: journaux et courrier, paires de chaussettes…

Surtout, plus l’envie, le goût. Nausée. Et plus aucune ambition, chez moi, cela depuis plusieurs années. Depuis quatre ans, bientôt.

C’est dommage, je suis d’accord. Pour moi et aussi pour les autres (quelques autres). Mon scalpel n’était certainement pas sans qualité, il s’était affiné avec les années. Un outil redoutable, à l’occasion (portrait du médecin «nazillon», dans mon dernier roman paru, il y a déjà sept ans).

D’ébéniste de la phrase, paraît-il, que j’étais, je suis devenu aujourd’hui un menuisier (charpentier?), encore estimable sans doute.

Adieu le style «incisif et concis» de Ft. Multa paucis: c’est bel et bien fini. Plus la patience, plus le courage. Evidemment, on me dira que d’autres écrivains ont passé par là. Mon style «fiévreux», a-t-on écrit. Plus de raison, rien. Plus la foi. Tous ces moignons de phrases et hoquètements, dans ce cahier…2 Suis trop malade. Mon crâne est réduit en compote par la faute des médicaments. La pesanteur de l’âge, aussi. Ces temps-ci, j’éprouve beaucoup de peine à rattraper les mots les plus simples et les plus concrets («rissole»…). Je ne suis plus capable de conduire correctement une phrase (sujet, verbe, complément). TOUT EST FINI.

La plupart des conjoints craquent et plaquent (Fr. L.). La mienne est restée et elle en est morte.

(«Le Maïs», début janvier 1997)

 

«Va avec la force que tu as.» Livre des Juges, sauf erreur.

[…] Me suis attelé à une autre liste, positive, ce n’est pas ma pente naturelle, où j’essaie d’énumérer, cette fois, quelques raisons que j’ai de tenir encore. Tu serais fière de moi, de mon courage retrouvé, même momentanément. De mon sursaut. Premièrement, le petit extrait promis à Y. V. pour sa revue; je me suis engagé… Lui et moi, liés à jamais par la chaîne du malheur.

Dans cette liste-là, il se trouve que ce sont toutes des raisons d’ordre plus ou moins littéraire… Auxquelles, hier soir, sont venus tout de même s’ajouter les noms de Daniel et Eisa, soit ceux de mes petits-enfants qui ont particulièrement besoin, en ce moment, de soutien et d’amour.

Les livres inconfortables de Ft. Même carrément déplaisants, aux yeux de beaucoup de gens. Ils ne risquent assurément pas de se retrouver un jour au catalogue des bibliothèques du Club Méditerranée.

J., rencontrée tout à l’heure vers l’étang: «Mais vous écrivez au moins encore pour vous?» […] B.-A. : un lieu où l’on se fait rarement du bien et toujours du mal. Dans ce bâtiment-ci l’air est irrespirable, au propre et (bien sûr) au figuré; B.-A. à la puissance 2.

Si tu savais, Daniel: mon cœur de grand-papa saigne.

(Mi-janvier 1997)

 

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