Jean-Claude Fontanet, l’aîné d’une fratrie de quatre garçons, est né à Genève en 1925 ; son père, d’une famille originaire du Piémont, appartient à la deuxième génération de la famille établie à Genève. Parmi ses ascendants maternels, un musicien célèbre, le compositeur et violoniste Giovanni Battista Viotti qui dirigea l’Opéra de Paris de 1818 à 1821 et dont Jean-Claude tiendrait sa vive sensibilité à la musique. Noël Fontanet fut un dessinateur et caricaturiste célèbre de l’entre-deux-guerres et un important contributeur au Pilori aux côtés de Georges Oltramare ; autoritaire et talentueux, il pesa lourdement sur son aîné qui était d’une sensibilité extrême et d’une santé très délicate. sa mère, d’origine savoyarde, voua un attachement inconditionnel à son aîné qui le lui rendit bien.
Doué et travailleur, il commence des études à l’Ecole des Beaux-Arts, puis de lettres à l’université de Genève, mais qu’il n’achève pas. La tuberculose, attrapée au service militaire, puis de graves troubles psychiques et un état dépressif le maintiennent sa vie durant dans un état de constante alerte et entravent ses qualités sportives, son amour de la vie, ses dispositions au bonheur. La montagne, à la fois lieu de guérison et de conquête virile, l’a fasciné et instruit; la lecture des romans de Ramuz s’est inscrite dans cette passion contrariée ; comme ceux de sa génération, il aimait marcher et avancer. A la fin de sa vie, il affronte la malvoyance et la lente venue de la nuit ; il la combat de toutes ses forces pour sauvegarder la lecture et l’écriture qu’il a minuscule.
Il n’aura qu’une vocation, celle de romancier, et sa vie active sera entièrement au service de la littérature et de l’écriture grâce à une discipline de fer, une volonté sans faille, une imagination débordante, un amour de la langue précise, riche de détails, ample dans ses registres et ses variations, vibrante d’harmonies secrètes ou de brusques ruptures qui déchirent. L’humour, la dérision, l’autodérision, le sens du ridicule donnent du relief à sa vision du monde et un éclat à ses observations minutieuses. Il savait rire et avec lui, on riait beaucoup, mais sur fond de désespoir, peut-être même de nihilisme. Il menait une vie simple, frugale, proche de la nature et sensible à tout ce qui se réalise et s’accomplit dans les jardins, avec son épouse, Paule, institutrice toute sa vie, aimée d’un amour absolu, et son fils.
Genève et ses alentours sont son lieu d’ancrage et le cadre de presque tous ses romans. Pour lui, comme pour Ramuz qui fut son grand modèle, les voyages sont intérieurs, et rien n’est plus riche en surprise que les lieux familiers et régulièrement arpentés.
Sa vie tient tout entière dans ses livres et dans quelques grandes amitiés littéraires d’une immense fidélité : Marcel Raymond, Alice Rivaz, Yvette Z’Graggen, Jean Vuilleumier, Yves Velan, et quelques autres. Il appréciait ses lecteurs et en faisaient vite des amis ou des confidents, conservant jusqu’à la fin ce souci de dialogues plus vastes, de communications plus ardentes que permettent les livres.
Doris Jakubec