Après leur déambulation dans Olten, relatée dans L’Ile des morts, et leur pérégrination à Amrain, évoquée dans Borodino, Baur et Bindschädler entreprennent la dernière étape : l’hôpital, où le lit rejoint mystérieusement le berceau.
Baur, malade, manipule la tête de son lit, tâte constamment couverture et oreillers, comme autrefois il rattachait ses lacets de souliers ou remontait ses pantalons. Bindschädler, lui, passe de la chambre au balcon, du chaud au froid, du monde étroit de la maladie au vent, à l’air, au ciel et aux étoiles ; ses mouvements donnent aux deux amis cette sereine connivence : rire, sourire, parler, parler encore…
Baur rappelle les trois grands cercles qui forment la spirale de toute vie humaine. Les événements familiaux nourrissent le premier : l’enfance, les maisons et les jardins, les rêves et les fêtes. Les voyages ponctuent le deuxième comme autant de points de repères sur le chemin de la « terre promise » : Paris, Venise et Israël. Les représentations essentielles de la vie et de l’âme qu’offrent les artistes animent le troisième ; elles proposent, sur un fond inaliénable de détresse, la transfiguration de l’homme.
la neige relie ces trois grands cercles. Omniprésente dans le récit de Baur comme dans la traversée nocturne de Bindschädler, elle rythme leur ultime conversation et illumine de mysticité leur amitié. La neige qui tombe lave les mots pour les remplir de silence, d’amour et de poésie ; elle recrée en eux l’enfance, c’est-à-dire Dieu.
Première parution en 1991