Écrits d’ailleurs
Parution Août 2015
ISBN 978-2-88182-952-9
368 pages
Format: 140 x 210 mm
Disponible

Traduit de l'anglais par Elisabeth Gilles

Écrits d’ailleurs
Disponible

Traduit de l'anglais par Elisabeth Gilles

Gabriel Gbadamosi

Vauxhall

Écrits d’ailleurs
Parution Août 2015
ISBN 978-2-88182-952-9
368 pages
Format: 140 x 210 mm

Traduit de l'anglais par Elisabeth Gilles

Écrits d’ailleurs

Traduit de l'anglais par Elisabeth Gilles

Résumé

Vauxhall, c’est une enfance au bord de la Tamise. Il y a le ciné du samedi et le caté, les bagarres et les clochards, les fantômes et les terreurs nocturnes. Il y a les amis pour toujours et la jalousie entre les frères et sœur, vachards, injustes, solidaires, indispensables. Il y a le père nigérian et musulman, la mère irlandaise et catholique, qui se querellent et se séparent, se retrouvent, se soutiennent, s’aiment. Il y a les fêtes qui réunissent la communauté nigérianne ou la famille irlandaise. Et alors ça chante et ça danse, ça boit et ça fume. La dèche, c’est parfois joyeux.
Les parents sont des étrangers dans ce Londres des années 60-70, dans ce quartier convoité par les promoteurs, à deux pas de Big Ben mais du «mauvais» côté du fleuve. On peut y grandir noir ou métis sans savoir qu’on l’est, jusqu’au jour où le monde extérieur vous tend son miroir.  Vauxhall, c’est des morceaux d’enfance, des flashs comme des éclats de verre qui brillent le long du chemin. Ils racontent, par la voix de l’enfant, une histoire singulière et une époque avec une vivacité, une puissance visuelle et une richesse de regard qui vous entraînent dans leur courant.

 

 

Auteur

Gabriel Gbadamosi

Poète, dramaturge et essayiste, son roman Vauxhall a gagné le prix Tibor Jones Pageturner. Il vit à Londres, y est né d’une mère irlandaise et d’un père nigérian.

 

Dans les médias

Vauxhall n’est pas qu’une marque de voitures. C’est aussi un quartier de Londres, dans le district de Lambeth. Pas très loin de Big Ben, mais au sud de la Tamise, c’est-à-dire du « mauvais côté » du fleuve. C’est là, dans les années 1960-1970, que le poète et dramaturge Gabriel Gbadamosi fait évoluer ses personnages, sous l’oeil vif et étonné d’un enfant narrateur que l’on devine né, comme lui, d’une mère irlandaise et d’un père nigérian.

Sous sa plume richement colorée, toute l’Angleterre multiethnique – Africains, Jamaïcains, Irlandais, Guyanais…– se retrouve, vit, aime, danse, boit, fume, chante ou se bat dans ce quartier convoité par les promoteurs. Un premier roman très poétique, un roman des migrants, construit comme une suite de vignettes. Autant de joyeuses « chroniques de la dèche » qui surgissent les unes après les autres, puis s’éloignent, comme des flashs, des éclats ou des souvenirs épars dans une mémoire d’enfant.

Florence Noiville

« (…) Proche d’un roman d’Emile Zola par sa noirceur, ce conte à la plume aux allures cathartiques est soutenu par un vent de chaleur humaine et d’amour salué par le Prix Jones Pageturner, Gabriel Gbadamosi nous livre un puissant roman sur la résilience humaine. » 

Gabriel Gbadamosi était invité par TV5 Monde dans l'émission 64 minutes pour parler de son roman Vauxhall

« (…) Gabriel Gbadamosi nous offre des morceaux d’enfance, des flashs comme des éclats de verre qui brillent le long du chemin. Et raconte une histoire singulière et une époque avec une vivacité, une puissance visuelle et une richesse de regard qui vous entraînent dans leur courant. » Tom Mortagne

« Portrait du quartier de Vauxhall dans les années 60-70, situé à Londres, tout près de Big Ben, le roman nous le donne à voir, à habiter, par les yeux de son jeune narrateur. C'est d'ailleurs l'une des prouesses stylistiques du roman : passer par le filtre du regard de cet écolier, nous faire épouser sa vision. Une vision d'une netteté incroyable tant les descriptions et le récit des actions des protagonistes se veulent précis, confinant à l'exhaustivité, tout en adoptant une focalisation de type externe qui ne nous donne les clés de compréhension des situations qu'au fur et à mesure de leur découverte par le garçon. Cette écriture très suggestive, laisse une grande place à l'activité du lecteur qui peut investir les lieux (qui ne sont précisés quant à leur localisation exacte, qu'assez tardivement dans le roman), tout comme l'identité du jeune garçon et de ses origines, découvertes, elles aussi par touches impressionnistes, au gré des agressions extérieures. Une extraordinaire tension peut naître alors de l'écriture du texte. C'est un récit au passé, mais nullement marqué par les effets de double registre qui seraient le fruit du regard rétrospectif d'un adulte. Nous sommes, littéralement, ce jeune garçon, ni tout à fait candide, ni tout à fait lucide, qui découvre, en nous ouvrant lui-même la porte de ce quartier enclavé, un monde à part, mais à part entière.

 

Vauxhall est en effet un monde où fourmille la vie, une vie faite de débrouille, souillée de misère, mais qui résiste à l'appel de la mort qui l'encercle de toutes parts. Dès les premières pages, le suicide d'une voisine plante le décor. L'hôpital est également un spectre omniprésent. La violence, celle des bagarres d'école, celle de la rue, et celle, plus profonde encore de l'exclusion, liée aux origines et à la couleur de la peau, s'abat sur les jeunes gens, comme les incendies, les rats, la démolition et l'expropriation qui menacent ce quartier si convoité, au cœur de Londres. Pourtant Vauxhall résiste, à l'image de la danse insouciante du protagoniste et de sa mère dans la salle de bains de la cour. Et le roman croque d'ailleurs, comme un gage d'éternité, les derniers instants de ce monde, avant le déménagement forcé de la famille.

 

Les couleurs rajoutent à la dimension picturale de l'œuvre, du rouge-orangé des incendies, aux bleus qui meurtrissent les peaux, tout comme les bribes de paroles rapportées au discours direct ajoutent à son impressionnisme. Impossible dès lors d'embrasser d'un seul coup d'œil ce tableau et sa kyrielle de détails, tout comme il est impossible de résumer le monde paradoxal qu'il met en scène. Entre élans solidaires (incarnés par Mr. Adebisi, par l'attrait du narrateur pour Emily, traitée de « Romanichelle »), et dureté des conflits au sein de la fratrie, à l'instar aussi du couple de parents qui se déchire pour mieux se réconcilier ; entre insouciance (le pacte de sang avec Brian) et découverte du racisme (le narrateur régulièrement traité de « Nègre » alors qu'il n'a pas conscience d'être métis), quête effrénée d'amour et peur paralysante, Vauxhall est le terrain de toutes les expériences, de tous les sentiments mêlés, de toutes les pulsions de vie comme celui des pulsions de mort. Difficile pour autant de réduire ce roman à un roman d'apprentissage et de formation. Le quartier et sa destinée semblent importer davantage que celle du narrateur. Le spectateur, placé devant ce tableau, ne peut que renvoyer dos à dos discours angéliques et misérabilistes. Il est face à un monde total et se laisse happer par le tourbillon des chapitres, la force de l'énonciation et du point de vue adopté. S'il y a formation, c'est donc bien du côté du lecteur/spectateur qu'il faut la trouver : ce monde qui se présente comme un monde en marge, un monde de la marge, même, c'est bel et bien le nôtre dans toute sa beauté et son injustice. »

Virginie Brinker

« (…) Le regard de l’enfant est le prisme du lecteur, par lequel il appréhende un monde étrange et mystérieux, un monde dont il n’a pas les clés, et dont il reçoit la violence ou la beauté sans les décrypter vraiment, dans cette bulle éphémère mais fondatrice de l’enfance qu’est l’innocence. Chaque action, chaque événement est décomposé en faits élémentaires qui s’articulent sans être vraiment compris. Tout est là pourtant, indices muets pour l’enfant, parsemés par la plume légère de l’auteur ; et nous voilà dissociés, ramenés nous aussi à l’enfance, partageant la vision d’un garçon avec des cheveux bruns en broussaille et des yeux éblouis, mais simultanément capable d’appréhender par notre lucidité d’adultes les enjeux, les contours, les arrière-plans. La déconstruction narrative – par fragments, vignettes ou scènes extirpés du souvenir – participe encore de cette sorte d’évidence perceptive, tout comme la limpidité de la langue, traversée par moments de torsions infimes. (…) La grande force du roman est aussi là, dans cette sorte de détermination tranquille, de présence paisible qu’il manifeste : dans le regard de Michael, le racisme n’existe pas, puisque lui-même ne sait pas qu’il est Noir. (…) »

Valérie Nigdélian

Coups de cœur

Quartier populaire et multiculturel du Londres de la fin des années 1960, Vauxhall, situé au bord de la Tamise, est un grand terrain de jeu pour Michael et ses frères et sœur. Âgé d'une dizaine d'années, ce gamin nous donne à voir son quotidien, l'autorité innée d'un père nigérian, la tendresse d'une mère irlandaise, les bagarres de rue et les amités indéfectibles, et les histoires d'adultes que seul le lecteur pourra comprendre.

En se glissant merveilleusement bien dans la peau de ce jeune garçon, Gabriel Gbadamosi nous raconte la vie d'un quartier, celui de sa propre enfance et offre une voix à ses habitants, à ce monde haut en couleurs qui fit la richesse de cette époque.

Un roman poignant qui met des mots sur l'enfance et ses grandes découvertes.

Gabriel Gbadamosi présente Vauxhall pour la librairie Mollat. La vidéo est ici.

Vauxhall nous raconte la vie foisonnante d’un quartier cosmopolite et défavorisé du Londres des années 1960-1970. On y rencontre un petit garçon métis irlando-nigérian de 8 ans et sa famille, qui vont nous faire découvrir les joies et les malheurs des habitants de Vauxhall. Dans la vie quotidienne terrible et difficile des citadins, la discrimination raciale est omniprésente. Mais elle ne les empêche pas de participer à des fêtes joyeuses et endiablées. Ce récit d’enfance est puissant, vivant et bouleversant à la fois.

Joanne Schafer, Payot Fribourg

Extrait

J’ai commencé à voler l’argent de mon papa. Chaque fois qu’il rentrait à la maison, il vidait ses poches sur le buffet et j’ai commencé à piquer la petite monnaie. On le faisait tous alors je pensais que ce n’était pas important. C’est là qu’on prenait l’argent pour aller aux magasins – le lait, le mazout, le pain. Quand on ne rapportait pas tout et qu’on achetait des bonbons, personne ne s’en apercevait. Jusqu’au jour où papa a commencé à demander « Où est ma monnaie ? »

On n’était pas censés prendre une demi-couronne – ça pouvait être six pence ou un shilling au maximum. «Ne prenez pas trop», avait dit Manus. Mais c’était trop tard – je volais, j’ai tout pris.

Papa a commencé à vérifier et à faire des tests pour découvrir qui c’était. Il laissait traîner de l’argent soi- disant sans y penser mais de toute manière il ne pou- vait pas trouver parce qu’on le faisait tous, par petites sommes, quand on allait au magasin et quand on en revenait, quand il regardait et quand il ne regardait pas.

«Je ne vais pas tolérer des voleurs chez moi», a-t-il crié.

Maman a dit que les cris la déprimaient, que les choses étaient déjà assez difficiles, que c’était que de la ferraille et qu’il fallait laisser passer ça. Il l’a regardée furieux et il a dit qu’elle pouvait céder mais que lui il n’allait pas accepter ça, qu’il allait écraser ce genre de maladie avant qu’elle ne se répande.

Je voyais qu’il était fâché et qu’il ne plaisantait pas mais à ce moment-là, je n’étais pas de son côté, je ne voulais pas la même chose que lui. J’étais toujours en alerte, à voir ce qu’il allait faire pour m’attraper. Il gardait l’argent dans les poches de sa veste, je le trouvais. Il posait des pièges à argent partout dans la maison, je n’y touchais pas. Il m’envoyait faire les courses, je lui rapportais sa monnaie.

J’ai commencé à voler des billets de dix shillings et d’une livre, je les dépensais en choses à manger dont j’avais envie et je faisais attention à ne pas rapporter la monnaie à la maison.

« Qui est-ce qui me vole ? »

On était tous debout devant lui, et chacun regardait ailleurs comme si ce n’était pas lui. «Tous des petites crapules ! » C’était la fois où j’avais volé cinq livres dans son portefeuille dans la chambre. C’était trop. Je le savais. J’avais glissé le billet derrière la plinthe dans le hall. Mais maintenant tout allait être découvert. J’allais être attrapé.

«Toi», a-t-il dit. Mon cœur s’est arrêté de battre et tout le monde m’a regardé. C’était comme un coup de couteau dans la boule que j’avais dans la gorge qui m’empêchait de mentir. Mais après il a dit «Ce n’était pas toi. Va t’asseoir. »

Pendant un moment, j’ai été incapable de bouger. J’ai senti comme un soulagement mais ce n’en était pas un. Je m’étais tiré d’affaires mais ça n’allait pas se terminer comme ça – les choses allaient empirer. Manus, Connor et Busola étaient debout et moi j’étais sur le canapé face à eux tandis que mon papa agitait en l’air la cuillère en bois « Lequel d’entre vous vole ? »

Manus a dit qu’il avait dit à tout le monde de rap- porter la monnaie mais papa a dit que c’était un men- songe et qu’il allait le battre deux fois, une pour voler et l’autre pour mentir. Connor a dit qu’il avait pris l’argent et s’était acheté quelque chose parce qu’il pensait qu’il le méritait puisqu’il allait faire les courses, surtout quand c’était des bidons de mazout lourds qui lui faisaient mal aux bras. Papa a secoué la tête en tapant la cuillère sur sa paume et ça a fait tchac ! C’était la mauvaise réponse mais il n’a rien dit et s’est tourné vers Busola, « Qu’est-ce que tu as à dire ? »

Elle m’a regardé, assis sur le canapé, et m’a montré du doigt. « C’est lui le voleur. C’est lui qui a volé. »

J’ai commencé à avoir le visage en feu. Je voyais que Manus et Connor avaient de la haine dans leurs yeux parce que j’avais été choisi pour être épargné mais je ne savais pas comment Busola pouvait voir que je volais ou si elle ne faisait que deviner, alors je l’ai regardée moi aussi mais je n’ai rien dit.

«Menteuse, a-t-il dit et il lui a dit combien elle avait volé, ce qu’elle avait acheté et quand elle l’avait fait. C’est toi qui voles.

— C’était pas voler, a-t-elle dit. Maman m’a dit que je pouvais avoir un shilling parce que je l’aidais avec les courses. »

Mon père s’est retourné vers ma mère, debout près de la porte. Elle s’est pris le visage dans les mains et elle a acquiescé. Il a écarté les bras comme s’il n’en pouvait plus et j’ai pensé que ça pourrait s’arrêter là mais il a donné un grand coup avec la cuillère en bois très fort sur sa propre main.

«Vole encore une fois et ce sera toi ou moi, a-t-il dit. Si je t’attrape, tu vas regretter d’être née ! »

Il a mis sa veste, a écarté tout le monde et il est sorti en claquant la porte de devant. Ma maman a attendu que la secousse s’arrête et elle a quitté la pièce sans rien dire. Les autres se sont retournés et m’ont regardé sur le canapé.

Je suis parti chercher maman. Elle était penchée sur la baignoire avec des vêtements sales et la planche à laver, des mèches de cheveux mouillés lui tombaient devant le visage. Il y avait de la vapeur et ça sentait mauvais alors je suis resté près de la porte et j’ai laissé les nuages d’air sortir dans la cour. Elle s’est retournée vers moi et s’est servie de son poignet pour essuyer la sueur et écarter les cheveux de son front.

«Qu’est-ce que tu veux? a-t-elle dit. Ferme la porte, tu fais rentrer l’air froid.»

J’ai pris une grande goulée d’air frais, j’ai laissé la porte claquer et je suis allé m’accrocher à sa robe. Elle m’a repoussé.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Je suis occupée.

— Les autres ne m’aiment pas, j’ai dit. Connor m’a traité de con.

— Oh mon dieu, grandis un peu ! » a-t-elle dit d’un ton sec et je me suis mis à pleurer. Ça a marché parce qu’elle s’est assise sur le bord de la baignoire et m’a pris contre elle. « Allez… ne pleure pas. Dis-moi ce qui ne va pas.»

C’était plus facile de pleurer que de lui parler de Brian ou de l’argent ou du fait que j’étais fautif parce que j’avais créé des ennuis à tout le monde alors j’ai encore éclaté en sanglot. Elle m’a éloigné d’elle en me tenant par les bras et a examiné mon visage. Je ne sais pas ce qu’elle a vu mais elle a serré les lèvres et secoué la tête.

« Ah non, ça ne va pas s’arranger comme ça, a-t-elle dit. Tu m’as encore mis dans un beau pétrin. »

J’ai pensé qu’elle ne me prenait pas au sérieux, j’ai senti que je commençais à être en colère. J’ai essayé de me dégager et de libérer mes bras mais elle ne me lais- sait pas faire.

«Il les a retournés contre toi, tu vois? a-t-elle dit. Et il va enlever cinq livres de l’argent pour la maison. Il y aura moins à manger. On ne peut pas se le permettre. Et toi non plus. »

Je ne pouvais plus pleurer et je ne pouvais pas pré- tendre que j’étais rien que de mon côté à moi. J’ai eu l’impression d’avoir perdu du poids, je flottais. Je me suis entendu dire «Ce n’était pas moi» mais j’ai pensé dans ma tête, alors c’était qui ?

Elle m’a attiré contre elle et m’a tenu dans ses bras. «Ce n’est pas de ta faute, a-t-elle dit, tu ne sais pas.» Ses vêtements étaient mouillés contre son corps, elle avait chaud. J’ai regardé les habits dans la baignoire derrière elle. On était tous là, à se grimper dessus dans l’eau trouble – pantalons, manches, chaussettes, qui se donnaient des coups de pieds et se bagarraient. Le col de la chemise de papa était posé en haut de la planche à laver, près du trou d’écoulement j’ai vu des taches brunes sur un de mes slips.

 

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