parution avril 2018
ISBN 978-2-88927-556-4
nb de pages 128
format du livre 140x210 mm

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Daniel de Roulet

Quand vos nuits se morcellent

résumé

En vingt-sept brefs chapitres, cette lettre au peintre suisse Ferdinand Hodler exprime la fascination qu’exercent les toiles du grand artiste sur l’auteur, en particulier celles qu’Hodler a peintes de l’agonie de Valentine, son grand amour. C’est aussi un texte d’hommage à la femme. Pour de Roulet, Valentine a joué un rôle crucial dans l’art de Hodler, c’est elle qui a su libérer sa peinture. Lorsqu’ils se rencontrent, Hodler est un peintre reconnu, sollicité, fêté, mais Valentine révèle en lui une énergie et une liberté exceptionnelles qui lui permettent  d’entrer en contact avec son génie singulier.

A l’occasion du centenaire de la mort du peintre, Daniel de Roulet imagine l’amour entre ces deux figures en jouant avec les archives. Le lecteur, à la suite de l’auteur, tombe amoureux du peintre, de sa maîtresse et de sa peinture.

 

biographie

Né en 1944 à Genève, Daniel de Roulet a gagné sa vie comme architecte et comme ingénieur dans l’informatique. Ces vingt dernières années, il s’est consacré à un cycle romanesque constitué de dix romans. Ils retracent, à travers l’histoire de deux familles, l’épopée du nucléaire qui va d’Hiroshima à Fukushima, du triomphe de la science à la mise en cause de sa démesure. Ce cycle romanesque a fait l’objet d’un essai de déconstruction/reconstruction à travers des outils numériques, à l’École Polytechnique de Lausanne.

Onlalu - coup de cœur Payot Librairie

" Pour ceux qu’intimident la monumentalité de l’œuvre, du personnage et/ou des études qui lui sont consacrées, ceux qui préfèrent l’homme à l’artiste, ou ne pensent pas pouvoir connaître l’un sans l’autre, Daniel de Roulet détient la clé d’une approche fine et originale de Ferdinand Hodler. (…) Un texte élégamment poétique dans son style, mais très contemporain dans ses interrogations sur l’amour, la fidélité, la création et la mort. "

Le Temps

"En avril dernier, l’écrivain romand Daniel de Roulet a proposé un beau texte d’hommage et de réflexion sur Ferdinand Hodler. Sa question centrale est la relation du peintre à Valentine Godé-Darel, son modèle, sa maîtresse. Ce couple est entré dans l’histoire de l’art en raison des nombreux dessins et tableaux que l’artiste a consacrés à sa belle mourante. (...) L’ouvrage de Daniel de Roulet a la forme d’une lettre à l’artiste, jusqu’à sa salutation finale, « avec mon admiration ». C’est une petite promenade biographique croisée avec des souvenirs de l’écrivain. Au fil des pages, il raconte un peu la vie de son interlocuteur respecté. Avant d’en arriver à la passion triste de l’agonie, il esquisse quelques traits d’une vie puissante. (…)" 

Lire l'article de Nicolas Dufour en entier ici

La Liberté

"(…) Oui, sans Valentine, Hodler n’aurait pas été Hodler. Telle est la thèse développée par Daniel de Roulet dans une lettre riche et émouvante qu’il adresse au peintre dont on célèbre cette année le centenaire de la mort. Cet amour tumultueux du peintre et de son modèle, l’imagination du narrateur vient l’entourer de son propre questionnement existentiel. Quand certains reprocheront à Hodler d’avoir transformé Valentine en objet esthétique dans 18 tableaux et 120 dessins représentant son agonie, l’auteur nous démontre l’inverse : c’est la force d’un amour qui transcende la mort »."

Lire l’article d’Anne Mooser en entier ici

Le Monde

"II l'avait peinte joyeuse et vive, dansante. Il continuera à la peindre à chaque jour de sa maladie et de son agonie, posant sur elle, jusqu'au bout, et encore, un regard de tendresse infinie. Le peintre suisse Ferdinand Hodler (1853-1918) a 50 ans lorsqu'il rencontre Valentine Godé-Darel, de vingt ans sa cadette. Elle deviendra son modèle, son amante, l'essentielle femme de sa vie.

Daniel de Roulet explore avec une acuité discrète leur relation passionnelle. Il nous fait comprendre la démarche unique (qui peut sembler à certains incongrue ou étrange) d'un Hodler acharné au chevet de Valentine à raconter, dessins et toiles, «la force d'un amour qui sait sa finitude ». La longue lettre qu'il écrit ici au peintre est intuitive, délicatement perspicace. Il faut dire que son compagnonnage avec lui ne date pas d'hier. Son premier roman, A nous deux Ferdinand (Canevas, 1991) mêlait déjà la vie de Hodler à la sienne. Visages et paysages. L'amour, la mort. Les reflets du Léman."  Xavier Houssin

Zone Critique

"Architecte et informaticien de formation, Daniel de Roulet maîtrise aussi bien le croisement des données que la superposition des plans et des structures. Les chapitres successifs élèvent une stèle intime à la mémoire du peintre, construite autour des déchirements de sa vie. (…)

Pour autant, l’auteur refuse d’endosser le rôle du critique d’art ou du biographe : chaque lettre se veut une libre déambulation entre la vie, l’œuvre et la passion de Hodler pour Valentine. (…)

Derrière les portraits indissociables de Ferdinand et de Valentine, il y a celui de Daniel, écrivain-peintre qui raconte comment une œuvre centenaire, en affrontant la maladie et la mort, peut continuer, avec autant d’acharnement et d’émotion, à inspirer l’acte de la création." Khalid Lyamlahy

Télérama

 "Daniel de Roulet a deux mots à dire à Ferdinand Hodler, et même des questions à lui poser. Alors il y va, en toute fraternité, en toute exigence. Rivé à l'idée que « pour créer, il faut que quelque chose fasse le siège de votre pensée », son livre est un champ de bataille intérieure, infiltré d'obsessions et d'intuitions, où les deux hommes se touchent et s’esquivent, s'inspirent et se distancient. C'est toute la beauté de cet exercice littéraire : même si la chronologie ne les a jamais réunis, le peintre et I ’écrivain ne font qu'un, leurs pinceaux plongent dans les mêmes couleurs tranchées, leurs toiles restituent la même lumière directe. Nourri par les tableaux qu'il a scrutés tant de fois, au point d’avoir « les yeux fatigués, parfois même par une abondance de larmes », Daniel de Roulet offre en retour une œuvre dont chaque mot semble empli de matière et d'émotion. Le ton est toujours à la confiance et à la familiarité, apanage de ceux qui ont beaucoup reçu et avancent en toute sûreté.

Au point que lorsque l'auteur nous emmène sur le terrain de sa propre intimité, le glissement se fait tout naturellement, comme une extension de la peinture de son maître. (…)

II y a une forte radioactivité dans l'écriture de Daniel de Roulet, gorgée de la douleur à instillation très lente d’un homme ravagé par le deuil. Mais en même temps, un élan de vie parcourt toujours ses lignes, influx nerveux promettant d'aller de l'avant. Tant de densité en si peu de pages : voilà une littérature énergétique aussi singulière qu’indispensable."

Lire l’article de Marine Landrot en entier ici

Journal Espaces - AVIVO

"Un magnifique hommage au peintre et à son modèle, Valentine Godé-Darel. (…)

Quand on écrit une lettre, même posthume, on se livre, on met à nu ses sentiments. D. de Roulet s’adresse ainsi, en toute sincérité, à cet artiste qui l’émeut profondément. Certes, il connaît bien l’itinéraire professionnel de Hodler, mais surtout il aimerait comprendre l’intensité de l’amour que ce dernier éprouve pour « sa Valentine », son modèle, sa maîtresse chérie, et la mère de la petite Paulette.

Alors l’écrivain brode un peu, il évoque les premières rencontres, invente un dialogue amoureux (…). Il s’attarde avec un respect infini sur les derniers mois de vie de Valentine, atteinte d’un cancer : chaque jour, le peintre lui rend visite et pose sur la toile le visage émacié de sa bien-aimée : « cette transformation, documentée par celui qui survit, raconte non pas la mort, mais la force d’un amour qui sait sa finitude. »" Annette Zimmermann

Le Progrès

"Daniel de Roulet transmet au lecteur son admiration pour l’artiste. En jouant avec les archives, l’auteur s’adresse à Ferdinand Hodler pour mieux restituer la relation entre Valentine et lui." Serge Dumont

Le Quotidien Jurassien

"Lettre d’un homme à un homme, adresse posthume d’une tendresse admirative loin de toute niaiserie. Quand vos nuits se morcellent est un récit qui invite à questionner notre regard sur l’art. Pas seulement sur le « produit fini », mais davantage sur le processus de création, qui suppose une histoire, un contexte. À un degré supérieur encore, il interroge aussi notre jugement devenu aujourd’hui trop hâtif ; une fenêtre philosophique sur des thèmes qui ont toujours agité les cerveaux tel que l’amour, la mort, la vie. Il démontre qu’en peignant la mort qui rôde, c’est la vie qu’Hodler célèbre. L’ouvrage de De Roulet est une belle porte d’entrée vers Hodler, accessible à tous lecteurs de par sa forme épistolaire et courte. Il propose plusieurs niveaux de lecture et nous emporte dans un tourbillon de vie, aujourd’hui, année du centième anniversaire de la mort de l’artiste."  Julie Kuunders

RTS - Espace 2

"C’est avant tout le livre d’un auteur qui veut expliquer la démarche de ce peintre [Hodler] obsédé par la mort au travail sur Valentine.

C’est un exercice d’admiration pour la ténacité, le talent, l’obstination de ce peintre.

C’est un livre qui dit que toute existence tient d’abord à l’amour qu’on a reçu et donné. "   Geneviève Bridel

Ecouter l’émission en entier ici

Le Matin Dimanche

"Ecrire une lettre à un mort, voilà une idée qu’on trouvera sans doute saugrenue à l’ère des réseaux sociaux : avec eux, on ne communique qu’entre contemporains connectés. L’avantage des œuvres d’art sur Facebook, c’est qu’elles permettent de converser avec les morts, comme le fait Daniel de Roulet dans sa lettre adressée au peintre Ferdinand Hodler « Quand vos nuits se morcellent ». (…)

Il y a dans cette « lettre » un portrait du peintre, un exercice d’admiration et quelques piques de lansquenet contre Christophe Blocher, mais c’est d’abord un livre inspiré par la gratitude." Michel Audétat

Le Courrier

"Sensible et pudique, la longue missive de Daniel de Roulet trouve les mots justes, une forme précise et fluide, une simplicité éloquente pour explorer ce qui le touche et le questionne dans l’œuvre de peintre et ses esquisses d’une agonie."

Un article d’Anne Pitteloud à lire ici

Le Matin

"[Ce livre est] bouleversant. C’est une démarche amoureuse et attentive dans un style hors pair."  Isabelle Falconnier  

RTS - Espace 2

"(...) Un livre très attachant puisque c’est une longue lettre adressée à Hodler, mais aussi un tombeau. Celui de l’amour passionné du peintre pour son modèle.

Un livre mélancolique non sans humour et points de dérision.

C’est aussi un livre sur un tournant dans l’œuvre picturale de Ferdinand Hodler. Un tournant qui va produire des centaines de tableaux et dessins de Valentine jusqu’à l’heure de sa mort. (...) "

Daniel de Roulet était l’invité de David Collin dans l’émission Versus-lire. A réécouter ici  

Livres Hebdo

"(…) Devant ce geste artistique inédit et polémique - s'installer pendant des mois au chevet d'une mourante -, l'admirateur [Daniel de Roulet] s'emploie à défendre le peintre contre les critiques de ses détracteurs, notamment « certaines personnes selon lesquelles [il aurait] fait de Valentine un objet, non un sujet ». Quand lui voit dans ces portraits « le plus beau des tombeaux », une manière de saisir la vie en regardant la mort en face, mort qui a très tôt marqué la vie du peintre et qu'il avait déjà représentée bien avant de peindre l'agonie de sa maîtresse. Mais si, pour Daniel de Roulet, le cycle de Valentine bouleverse tant c'est surtout parce qu'il « raconte non pas la mort mais la force d'un amour qui sait sa finitude »" V. R.

Lire l’article entier ici  

Le Temps

Daniel de Roulet adresse [à Ferdinand Hodler] une lettre qui est à la fois un parcours biographique, un exercice d’admiration et une réflexion sur la réception de son œuvre. (…)

Ce qu’il aime [chez lui], c’est le peintre furieux des autoportraits et, plus que tout, l’amoureux de Valentine, celui qui magnifie la beauté du corps, la joie et la passion: «Vous l’avez peinte comme l’horizon du Jura au-dessus du Léman. Montagne assoupie entourée deux fois de bleu, le ciel et le lac. Vous découvriez non seulement un corps jeune parfait, mais tout un paysage », écrit-il à Ferdinand.

Mais surtout, il vénère celui qui, dans une série de dessins sublimes, affronte la destruction de cette beauté par la maladie. A une historienne de l’art qui s’insurge contre l’instrumentalisation du déclin de Valentine au profit de l’art, Daniel de Roulet oppose la radicalité d’un acte d’amour et de courage. «Si tant de gens, et au moins autant de femmes que d’hommes, sont bouleversés à la vue de ces images, ce n’est pas d’y trouver la transformation du corps de la femme en objet esthétique. Mais parce que cette transformation, vécue par les deux amants, documentée par celui qui survit, raconte non pas la mort, mais la force d’un amour qui sait sa finitude.»

L’émotion et les nombreuses manifestations qui jalonnent le centenaire de sa mort montrent que la force de l’artiste a survécu aux modes et aux critiques. Daniel de Roulet privilégie la fragilité et l’énergie de l’homme et conclut en le situant dans l’histoire de l’art: «Le maître Konrad Witz et Ferdinand Hodler ont choisi une manière semblable de décomposer le même paysage. Vous avez bouclé le cycle figuratif de la peinture occidentale, vous pouvez mourir en paix. Avec mon admiration.»"   Isabelle Rüf

Lire l’article entier ici

Payot Lausanne

Coup de cœur de Payot sur onlalu.com

"Pour ceux qu’intimident la monumentalité de l’œuvre, du personnage et/ou des études qui lui sont consacrées, ceux qui préfèrent l’homme à l’artiste, ou ne pensent pas pouvoir connaître l’un sans l’autre, Daniel de Roulet détient la clé d’une approche fine et originale de Ferdinand Hodler. (...) Un texte d’une grande finesse, élégamment poétique dans son style, mais très contemporain dans ses interrogations sur l’amour, la fidélité, la création et la mort."

http://www.onlalu.com/2018/05/07/selection-livres-quoi-lire-30-34052

Helvétique équilibre. Dialogues avec le Point de vue suisse du prix Nobel de littérature 1919

En 1919, Carl Spitteler (1845-1924) devient le premier Suisse à recevoir le prix Nobel de littérature. Notre point de vue suisse, son discours prononcé au début de la Première Guerre mondiale en faveur de la paix et de la neutralité, avait marqué l’esprit de Romain Rolland ou Blaise Cendrars. Le voici dans une nouvelle traduction. Cent ans plus tard, huit écrivains, alémaniques, romands et tessinois, entrent en dialogue avec l’écrivain. Quel rapport la Suisse et ses habitants entretiennent-ils avec leurs voisins européens ? Avec la question des migrants ? Les frontières sont-elles toujours aussi définies qu’il y a un siècle ? Quelles valeurs rattache-t-on aujourd’hui à cette fameuse neutralité helvétique ? Neuf textes et autant de points de vue sur des questions brûlantes. 

Né à Liestal, Carl Spitteler est un observateur critique des dogmes dominants au début du XXe siècle. Huit écrivains, de langues et de générations diverses, proposent en écho leur « point de vue suisse » : Adolf Muschg, Pascale Kramer, Fabio Pusterla, Daniel de Roulet, Dorothee Elmiger, Catherine Lovey, Tommaso Soldini et Monique Schwitter

Édité par Camille Luscher

Traduit de l’allemand et de l’italien par Étienne Barilier, Anita Rochedy, Marina Skalova, Mathilde Vischer, Lionel Felchlin, Camille Luscher,

Courir, écrire (2000, Minizoé)

Courir, écrire

Quand vos nuits se morcellent: extrait

Cher M. Hodler,

C’est une longue lettre que je me décide à vous écrire, prenant prétexte du centième anniversaire de votre mort. Voilà bien un quart de siècle que vous m’occupez. Comme le dit une amie : « Pour créer il faut que quelque chose fasse le siège de votre pensée ». J’ai découvert un jour à Bâle cette toile qui représente une femme à l’agonie, votre maîtresse. Valentine tourne vers vous des yeux implorants. Son visage est déjà cadavérique, vous y avez mis un vert cruel. J’ai appris par la suite que vous l’aviez peinte et dessinée plusieurs centaines de fois. Vous l’avez veillée, surveillée, aimée. Vous scrutiez l’avancement de la maladie sur sa bouche, sur ses mains dans le désordre des draps. Vers la fin, vous vous rendiez chaque jour de Genève à Vevey avec votre paquetage de peintre. Je ne connais pas d’attitude plus honnête pour un artiste que cette opiniâtreté : se confronter à une vie qui s’éteint.

En m’adressant à vous, je veux expliquer à d’autres pourquoi Guillaume Apollinaire a salué en vous « l’un des plus grands peintres de cette époque ». Fasciné par votre amour pour Valentine, j’ai quelques questions. Jusqu’ici j’ai hésité à vous les poser en public. Trop intimes et de toute façon vous n’êtes plus là pour une réponse. J’aurai donc à la trouver moi-même, tout en me servant pour ça de ce que disent vos toiles. Je tiens aussi à vous défendre contre certaines personnes selon lesquelles vous auriez fait de Valentine un objet, non un sujet.

Comme vous, j’aime les levers de soleil sur la rade de Genève quand le Mont-Blanc sort de la brume nocturne. De votre balcon au deuxième étage, vous guettiez le premier rayon, assis dans le fauteuil où vous passiez vos dernières nuits morcelées.

C’est de là, j’imagine, que vous répondrez à mes questions, non par des discours, mais par quelques traits de pinceaux, documentant la beauté de l’aube, la splendeur des montagnes reflétées dans le lac.

Pour bien faire comprendre à mes amis pourquoi vous assiégez ma pensée, je vous écrirai des choses que vous savez déjà, à propos de votre manière de vous confronter au monde par la peinture. Quand on se raconte sa vie, on remet tout en ordre, alors que, pour de vrai, la vie est plus désordonnée que la biographie. Je dirai donc ce qu’a été votre existence, bien que vous ne puissiez plus ni rectifier ni expliquer. Je vous poserai des questions que d’autres jugeront rhétoriques.

Non, M. Hodler, je ne suis pas tordu. Après tant d’années à vos côtés, j’essaie de mettre au clair ce que je vous dois, pourquoi m’ont aidé à vivre, ces portraits d’une mourante, si souvent scrutés que j’en ai les yeux fatigués, parfois même par une abondance de larmes.

Vous êtes mort le dimanche de Pentecôte, 19 mai 1918, quand on ne voyait pas encore la fin de la Première Guerre mondiale. La météo, j’ai vérifié, était sereine. À cette époque de l’année, les baigneurs matinaux commencent à venir troubler la surface lisse du lac. Parfois je suis seul à nager à l’aube aux Bains des Pâquis. Tandis que je regagne la rive, je fixe votre balcon. Il me semble que vous y êtes toujours, enroulé dans des couvertures d’où ne sortent que vos bras fatigués et un pinceau.

Je n’envisage pas de vous encenser, ne suis qu’un amateur, ni critique d’art ni biographe. Beaucoup de détails dans votre existence et dans vos toiles sont sans intérêt pour moi. Je les laisse aux discours du patriote exalté qui en possède la plus grande collection. La plupart des choses que je sais de votre vie quotidienne et de vos œuvres me viennent d’un jeune écrivain qui a côtoyé vos dernières années. Il a beaucoup noté, j’ai cru pouvoir lui faire confiance. Homme courageux, il le prouvera en se battant contre le fascisme espagnol. Grâce à ce Hans Mühlestein, à qui vous avez caché une partie de vos secrets, j’essaierai de comprendre vos colères et pourquoi, peignant la mort, vous avez peint la vie. C’est pour savoir comment conduire la mienne que je me permettrai quelques remarques embarrassantes. Ne m’en tenez pas rigueur. Si tout se passe bien entre nous, je viendrai sur votre tombe au cimetière de Saint-Georges déposer trois roses rouges, signe secret de votre alliance avec Valentine.