Depuis le début des années soixante-dix, un esprit nostalgique s’est progressivement répandu dans le corps social, l’investissant de toutes parts, se réappropriant pêle-mêle les objets, images, coutumes et autres « vestiges » d’un passé récent qui va de la Belle Epoque aux années soixante. L’artiste lui-même ne se prétend plus voyant, à la manière d’un Rimbaud, mais se présente sous les traits rassurants d’un « revoyant ». Les réminiscences de toutes sortes qui affleurent à sa conscience se juxtaposent sans ordre ni hiérarchie, tels les fragments d’un monde perdu dont le sens général nous échapperait. Ne nous reste-t-il plus, alors, que le plaisir trouble de la deuxième fois auquel nous invite l’art actuel ?
C’est dans ce vide, dans cette béance, que s’inscrit la nostalgie des avant-gardes : regret du temps où l’artiste explorait des terres inconnues, regret de l’époque où la première fois – innovation, création, découverte – était la valeur suprême d’une culture vouée à se dépasser inlassablement dans sa marche forcée vers le futur.