« La femme est un zéro sans valeur s’il n’est pas précédé du chiffre de l’homme », se dit Emily Kempin-Spyri sur la tombe de sa mère. Née à Zurich en 1853, elle rêve de faire des études. Son père s’oppose fermement à ce qu’il estime être un caprice contre nature. Mais son mari, pasteur utopiste et fondateur de la Croix-Rouge civile suisse, soutiendra Emily et lui permettra d’entreprendre le droit. Son doctorat acquis mais interdite d’exercer dans sa ville natale, Emily s’expatriera avec son mari et ses trois enfants aux Etats-Unis puis en Allemagne. Elle conquiert les cercles intellectuels et bourgeois de New-York, enseigne à l’Université, revient en Europe où elle continue à donner des cours à Zurich puis à Berlin. Elle semble triompher des préjugés, des médisances de ceux qui proclament qu’une femme doit se dédier exclusivement à sa famille.
Pourtant la chute sera amère. Qu’est-ce qui la broyera ainsi de l’intérieur, qu’est-ce qui détournera d’elle les anciens amis, les admirateurs et complices, qu’est-ce qui scellera son échec ? Elle mourra à quarante-huit ans dans la clinique psychiatrique de Bâle, tenue pour folle et abandonnée par tous.