« … Tout ce qui fait le propre d'un journal ordianaire (…) se retrouve là, mais chaque jour se présente presque comme un morceau choisi, tant il semble ciselé et précisément pesé.
La question du temps, très prégnante, se fait insistante au long des pages. Elle revient parfois sous la forme d'un »pourquoi écrire« aux nuances subtiles, émouvantes et justes qui se décline dans une critique de la représentation comptée et chronologique que nous en faisons, ce qui pourrait être paradoxal pour cet homme qui donna au journal une force littéraire peu commune en y mêlant comme ici réflexions, notations et courtes fictions. (…) [Le] constat de l'intensité intemporelle du souvenir se conjugue au fait douloureux de vieillir, dénonçant l'inadéquation du langage au désir de tout garder. D'où, parfois, l'expression d'une profonde mélancolie. (…)
[L]e journal se révèle propre à donner une forme sensible particulièrement pertinente à l'histoire et à la vie, politique autant qu'individuelle. Ce journal d'une année en est bien la preuve manifeste.Il réaffirme pourtant la tentative d'une plus grande compréhension et d'une saisie réussie du monde.
Max Frisch accorde beaucoup d'importance à ses incursions en Allemagne de l'Est, pays aujourd'hui disparu, mais bien vivant sous sa plume. Ses visites ont l'avantage d'être débarassées des suspicions habituelles ou a priori occidentaux parfois un peu bornés. Il ne manque jamais de proposer des analogies possibles en décrivant «une répression d'un autre genre que chez nous», mais il observe et écrit sans indulgence. Il analyse avec profondeur le climat idéologique et intellectuel qui régnait en RDA et sait le mêler à une réflexion plus vaste, curieuse, toujours sincère. Il questionne les écrivains qui habitent de l'autre côté du mur, sur le désir d'y demeurer, malgré les problèmes que ça leur pose et s'étonne de leur ténacité. (…)
[S]i ce journal reste dans la mémoire comme une peinture attentive d'un moment de l'histoire de l'Allemagne et de sa vie littéraire, il est aussi un portrait presque philosophique du Temps, tout en petites touches, parfois à peine appuyées, et un portrait tout en contrastes de Max Frisch lui-même. » Françoise Delorme
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