Poche
Parution Oct 2014
ISBN 978-2-88182-932-1
64 pages
Format: 105 x 150 mm
Disponible

Claude Reichler

Vanil noir

Minizoé
Parution Oct 2014
ISBN 978-2-88182-932-1
64 pages
Format: 105 x 150 mm

Résumé

Claude Reichler, ancien professeur à l’université de Lausanne, auteur d’ouvrages dans divers domaines, est connu comme historien de la littérature des voyages et des paysages alpins. Dans Vanil Noir, il revient sur un moment fondateur de son amour pour les Alpes, à la fois histoire de vie et mythe familial dont témoignent quelques photographies. Il en donne  un récit dépouillé et poignant.

En guise de postface, « Le Reliquaire » s’interroge sur le rôle de la photographie dans la mémoire familiale et le destin personnel.

Auteur

Claude Reichler

Né à Fribourg en décembre 1946, Claude Reichler a été élève au collègue Saint-Michel. Il a effectué des études à la Faculté des lettres de l’université de Genève, avant d’y être assistant. Il a été longtemps professeur à l’Université de Lausanne, où il a enseigné la littérature française et l’histoire de la culture, et professeur invité dans plusieurs universités aux Etats-Unis, au Japon et en Europe.

Dans son parcours intellectuel, il est un acteur et un témoin du passage du poststructuralisme à l’histoire de la culture. Ses premiers livres sont marqués par une orientation à la fois historique et anthropologique. Il a consacré ensuite de nombreux travaux à la littérature de voyage, en particulier des publications de référence. l est également l’auteur de livres et d’articles réalisés avec des artistes plasticiens contemporains, tels Olivier Estoppey, Muma, Nicolas Zaric et le photographe Olivier Christinat.

Dès sa jeunesse et à travers ses publications universitaires ou autres, Claude Reichler est resté attentif à la clarté et à la justesse du langage, mais aussi à la singularité d’une écriture, à une voix discrète mais insistante, qu’on reconnaît dans ses textes, et qui fait de lui un écrivain autant qu’un chercheur.

 

Dans les médias

« (…) Le Fribourgeois, historien du paysage et professeur honoraire à l’Université de Lausanne, évoque cet épisode familial dans un petit texte dépouillé, sensible et très personnel, (…) » Thierry Raboud

« La plume extrêmement subtile de Claude Reichler capte avec une précision extrême les mouvements de l’âme. Elle en suit les circonvolutions complexes avec une rigueur intellectuelle qui ne craint pas d’aller loin dans le dévoilement de l’intime. Mais cela est toujours exprimé avec une grande pudeur, qui évite toute trivialité, toute perte de sens. » (Christophe Fovanna)

L'intégralité de l'article sur : http://lestempscritiques.blogvie.com/2014/10/30/hante-par-un-fantome-le-paysage-alpin-du-«vanil-noir»-interroge-nos-paysages-mentaux/

« Eine Totentafel am Gipfelkreuz des Vanil Noir (2389 m). Ich fotografierte sie am 21. September 2010 bei der Überschreitung des höchsten Berges der Freiburger Alpen. Nicht die einzige solche Tafel. Bereits beim Aufstieg zur Cabane de Bounavaux hängt eine ganz besondere, weil sie nicht allein ein „pieuse mémoire“, ein frommes Andenken an den Verstorbenen sein will, sondern die Unfallschuld den Verunfallten zuschiebt und den Betrachtern gleichsam eine Warnung mit auf den Weg gibt: „Ballade imprudente LIONNEL + OLIVIER Le 3 juin 2001“. Oberhalb der Hütte eine ähnliche Inschrift: „Ici Xavier t’invite à la prudence, ne l’oublie pas. 14.7.1990.“ Und so geht es weiter, eine Tafel auf dem Col de la Bounavalette, eine am kettengesicherten Südflankenweg. Unter derjenigen für Gaston Sapin ist eine Tafel angeschraubt für den bedauernswerten Antoine Robert, „FOUDRAYÉ LE DIMANCHE 28 JUILLET 1946 AU SOMMET DU VANIL NOIR.“

Gut drei Wochen bevor Antoine vom Blitz erschlagen wurde, hatte man Gaston endlich gefunden, nach monatelangen Suchaktionen. Am 18. August 1945 war er nicht nach Rossens zurückgekehrt. Die Hüttenwirtin der Cabane de Bounavaux hatte sein Vorbeigehen in ihrem Journal noch notiert. Dann kein Lebenszeichen mehr. Der Vater kam, zuerst alleine, am nächsten Tag mit einer Rettungskolonne, später mit Freunden, mit Dorfbewohnern – überall suchten sie auf und rund um den Vanil Noir. Gaston Sapin blieb verschollen. Am 4. August 1946 fand man ihn, am Fuss der Nordostwand, zuhinterst im Vallon de Morteys in einer Felsspalte. „La partie du côté du froid avait encore sa peau et ses chairs, le visage enfoui contre le sol était brunâtre et émacié comme celui d’une momie.“

Als ich die Totentafel von Gaston Sapin fotografiert, war es einfach dies. Mehr nicht. Kein Blitz, keine leichtsinnige Tour. Im letzten Oktober aber erhielt ich ein hübsches, postkartengrosses Büchlein von 60 Seiten zugeschickt mit folgender Widmung: „Pour Daniel Anker, ce texte sur une montagne de mémoire, en hommage cordial, C. Reichler.“ Ich begann zu lesen. Wie der junge Mann auf den Vanil Noir steigt und weg bleibt. Wie er gesucht, gefunden, ins Tal gebracht – und wie die Bergungsaktion fotografiert wird. Wie die Mutter vor Trauer ernsthaft erkrankt, bis man ihr im Spital in Freiburg ihren ersten Enkel ins Bett legte, der um Weihnachten im gleichen Spital zur Welt gekommen war. Ein paar Tage später konnte sie gesund nach Hause gehen. „Vous aurez compris que j’étais cet enfant nouveau-né.“

Man hatte es schon auf den ersten Seiten im dichten, packenden Text gespürt, dass der Vanil-Noir-Besteiger eine ganz wichtige Rolle in Leben des Autors Claude Reichler spielte und dies immer noch tut. Er war sein Onkel. Mehr noch: Claude ersetzte sozusagen Gaston. Davon handelt das jüngste Buch des ehemaligen Professors für französische Literatur und für Kulturgeschichte an der Uni Lausanne. Von dieser schwarzen Zinne am Freiburger Horizont – und von der Macht und der Bedeutung der schwarz-weissen Fotos der Bergung, die zu Hause in einer Schachtel aufbewahrt wurden, als Reliquie. Eine Totentafel, eine Fotoschachtel, ein Buch: une montagne de mémoire.

Ende des letzten Jahres lag nochmals ein rucksacktaugliches Buch im Briefkasten, mit folgender Begleitkarte: „Sehr geehrter Herr Anker. Emil Zopfi hat mich gebeten, Ihnen meine Schwarenbach Erzählung zu senden. Ich wünsche Ihnen viel Vergnügen beim Lesen.“ Das hatte ich. Ruth Spälti-Aellig, seit Jahrzehnten in Glarus wohnhaft, hat ihre Kindheitserinnerungen an Schwarenbach aufgeschrieben. Von 1937 bis 1947 (und dann in der zweiten Hälfte der 1950er Jahre nochmals) führten Ihre Eltern das traditionsreiche Berghotel am Gemmipass. Das wusste ich nicht. Für mich war Schwarenbach eins mit den Stollers; ich hatte mir gar nie überlegt, dass eine andere Familie dort tätig war. Nun weiss ich es: eben Werner und Martha Aellig. Wie sie zum Berghotel kamen, wie sie nach dem strengen Aufstieg von Kandersteg oben eintrafen, was für Freuden und Leiden so ein Hotelbetrieb gab, an schönen Hochsommerwochenenden genauso wie an trüben Wintertagen – und wie all dies Ruthli erlebte: Das und noch mehr lesen wir im 72-seitigen Erinnerungsbuch. Am besten täte man’s natürlich in Schwarenbach selbst, auf sonnigen, windgeschützten Bänken vor den starken Mauern. Das Restaurant ist offen, das Hotel am 17. Januar auch. Vom 24. Januar bis zum 3. Mai 2015 ist es dann durchgehend geöffnet. 

Schwarenbach ist zugänglicher, weniger gefährlich als der Vanil Noir, im Winter sowieso, aber auch im Sommer. Doch an der Gemmi können ebenfalls Unfälle passieren, und die Verunfallten mussten abtransportiert werden. Machte so ein Transport in Schwarenbach Halt, hätte Ruthli im Haus drin bleiben sollen. Aber: „Meine Neugier konnte ich nicht ganz bezähmen. Liess die Plane über dem Kanadier noch den Kopf frei, bedeutete es, dass der Verunglückte noch lebte. Bei einem Toten war die Plane vollständig zugeschnürt.“

« Ce petit livre de Claude Reichler a pour origine la demande de L’Alpe à ses auteurs de dévoiler leur “montagne intime” pour le numéro 43 qui signait les dix ans de la revue. Un texte très personnel, évoquant la mort d’un jeune oncle, juste avant la naissance de l’auteur, sur cette montagne, point culminant des Alpes fribourgeoises. Ce drame familial et les photographies du Vanil l’accompagnant ont profondément marqué le regard de cet historien de la littérature de voyage. Un “reliquaire” à l’origine de son intérêt pour le paysage alpin et de ses questionnements sur les images, en particulier dans leur imbrication avec nos paysages mentaux. Emouvant et intelligent. »

« (…) Tel un graveur, muni d’une pointe sèche, l’auteur inscrit ce superbe et court récit dans la roche, avec une puissance évocatrice qui tient en quelques mots. Son récit, dramatique, éblouissant, nous saisit par l’évidence de ses images. Ainsi ces photographies alpestres du siècle passé ranimant en Claude Reichler des souvenirs glacés. » 

« (…) Dans un récit dépouillé et poignant, Claude Reichler, historien de la littérature de voyage et spécialiste des paysages alpins, fait ressurgir à travers quelques images, une figure qui a marqué sa propre vie. (…) » 

Extrait

Le jeune homme était parti au milieu d’une nuit d’août, en fin de semaine, pour être au pied de la montagne au lever du jour. Il était passé par la cabane de Bounavaux entre 5h et 6h du matin. la gardienne de la cabane, femme d’âge moyen qui séjournait là tout l’été en compagnie d’un vieux curé, son oncle, et d’un armailli qui s’occupait des bêtes, le vit monter et nota le fait dans le journal qu’elle tenait. Sans doute lui parla-t-elle, puisqu’elle précise qu’il voulait faire le Vanil noir en solitaire. Le jeune homme suivit le sentier dans les pâturages et parvint bientôt au col de Bounavalette, à partir duquel on se dirige vers l’est avant de tourner l’épaule de la montagne.

Il n’y a plus guère de végétation. On s’élève en traversant une zone nommée les Roches pourries ; la pente est forte, le sol friable et souvent mouillé, il faut savoir où poser le pied. Le sentier passe sous la crête, mais comme un monta- gnard chevronné, il préféra prendre par l’arête même, d’où la vue est plus étendue. Ce matin-là, 18 août, le soleil était déjà assez haut dans le ciel, le vent était tombé, il commençait à faire chaud. Le grimpeur avait marché trois heures sans faire de pause. Il s’arrêta, essuya son visage avec l’avant-bras, laissa glisser à terre son sac en cuir de vache durci et s’assit sur une pierre. Il sortit du sac un morceau de pain et du fromage, et se mit à manger sans hâte.

La vue ouvrait vers l’est, sur le développement de la chaîne des Préalpes jusqu’aux Gastlosen, découpés comme une dentelle de pierre. Il reconnaissait les sommets, la dent de Savigny, la dent de Ruth, la Wandflue… du côté d’où il venait, il voyait tout en bas les villages et les prés de l’Intyamon, avec le ruban de la rivière bordée de plages de galets et de bouquets d’arbres, qui faisaient des taches tantôt grises, tantôt d’un vert foncé. Au-dessus de la vallée, comme tout proche, le Moléson familier, après lequel les Préalpes se cassent et laissent le regard partir au loin, jusqu’à la ligne régulière et bleutée du Jura, au-delà de la plaine couverte d’un voile de brume. Il était là chez lui, sans personne à qui devoir parler, sans avoir à faire figure, avec sa seule tendresse meurtrie. Il avait l’habitude de tout quitter pour ces moments. D’ailleurs, il ne tenait pas à grand-chose de ce à quoi les autres mettent tant de prix, en bas.

Le casse-croûte fini, il ferma son sac, se leva et se remit en marche vers le sommet, sur l’arête étroite. Il regardait attentivement près de lui, à gauche et à droite, vers les bords du précipice qui filait presque à pic jusqu’aux éboulis et aux premiers pâturages: on trouvait parfois des edelweiss dans ces coins-là.

Il en cueillit une dans une anfractuosité qui ménageait un peu d’humus entre les roches, en tendant le bras au maximum et en assurant bien le pied sur les pierres, dans la pente. Peu avant le sommet, on franchit un passage dangereux, le Pas de la Borière : l’arête se casse brusquement, et il faut enjamber une faille de trois cents mètres en faisant un grand pas. On pouvait s’aider d’une corde que les soldats avaient mise là, accrochée à deux pitons, mais il fallait prendre garde à ne pas glisser.

Depuis le sommet, la vue s’étend dans toutes les directions. À gauche, on aperçoit les cimes des hautes montagnes de l’Oberland bernois, tandis qu’en regardant vers le sud, au-delà de cette étroite et verte vallée que forme le Pays-d’Enhaut, on voit le Grand Muveran, assez proche, et plus loin les Dents du Midi comme une borne découpée sur le bleu du ciel. Très loin, il distinguait les 4000 des Alpes valaisannes, dont les pointes étincelaient ; il reconnaissait la Dent Blanche, isolée. Au-delà du pli allongé formé par le bassin du lac Léman, derrière les sommets de la Haute-Savoie, apparaissait le dôme éclatant du Mont Blanc qui semblait être assis comme un roi, commençant à s’élever quand les montagnes alentours se terminaient. Les glaciers faisaient des taches pâles suspendues entre ciel et terre, petites et étroites dans la distance.

Il aimait se dire le nom des sommets qu’il distinguait, il les connaissait presque tous, comme des compagnons qu’il aurait appelés un à un. Chacun, solitaire, acceptait l’appel et prenait vie dans son esprit ; et tous ensemble formaient la terre dure et immuable, dans l’horizon déployé sous son regard. Il pensait que si l’âme existe, c’est dans ces moments-là qu’on la sent.

Du même auteur