Une fois encore, il avait dû surmonter l’inquiétude d’un après-midi trop peu productif. Et ayant oublié que la Fête des étoiles, si chère à Masano, sa femme, avait lieu ce jour-là, il commençait à se demander s’il excellait à lui faire de la peine par inadvertance ou volontairement. Le matin, lorsque le chauffeur lui avait rappelé la fête, il était assis sur la banquette arrière, avec, étalée sur les genoux, sa partie du plan de travail barrée de colonnes de couleur et collée sur un épais carton. Le chauffeur avait remarqué les vaches en papier mâché et les kimonos accrochés par
Masano dans les bambous en pot, devant la porte. Ils y étaient certainement lorsque Tsuburaya était rentré à la maison la veille au soir.
Le chauffeur était déjà engagé dans la rue principale et Tsuburaya avait envisagé de lui demander de rebrousser chemin, avant de dire finalement : « Tant pis, continuez. » Il s’était immédiatement rendu compte qu’il venait d’aggraver sa faute. Il s’imagina expliquant à Masano : « J’avais oublié. Et puis je m’en suis souvenu mais je ne suis pas revenu. »
La première lettre d’amour qu’elle lui avait envoyée était signée « Shokijo », du nom de l’étoile de la Princesse tisserande, le personnage central de la fête. Une allusion à l’influence néfaste de leur amour sur leur discipline de travail. La légende raconte que la princesse s’éprit d’un bouvier ; le roi les autorisa à se marier pour récompenser leur zèle et leur persévérance mais leur amour prit des proportions si délirantes que la princesse négligea son métier à tisser tandis que le bouvier laissait vagabonder ses vaches, ce qui exaspéra le roi, lequel les condamna à rester chacun d’un côté de la Voie lactée et à ne se rapprocher l’un de l’autre qu’une fois l’an. Masano célébrait toujours la fête, au mois de juillet, et le plus souvent seule avec leur fils cadet Akira, ces dernières années.