« Japon, juillet 1954, le grand Gojira, le monstre atomique, l’aberration nucléaire, future icône cinématographique, est en passe de voir le jour sous le travail acharné d’Eiji Tsuburaya. Directeur des effets spéciaux de la Tōhō, la société de production qui mène le projet « G », il travaille d’arrache-pied pour accoucher de la bête et concevoir l’ensemble des trucages visuels nécessaires au tournage. Totalement sous pression, soumis à des délais intenables, sa vie ne se résume plus qu’à créer un monstre et à donner à voir des paysages dévastés.
Débordé, happé par sa tâche, il en vient à négliger son foyer. Sa femme, ses deux fils, le souvenir de sa fille morte à deux ans, sa vie intime disparaît, masquée par les silhouettes titanesques de la guerre et de la désolation qui s’amalgament en Gojira.
Dès lors, Tsuburaya s’apparente à un catalyseur, au cœur d’une histoire bien plus large que la chronique familiale. Au travers de son travail s’entrechoquent trois espaces, trois récits qui se renvoient les uns aux autres. L’histoire du film et le récit individuel s’entremêlent pour évoquer l’Histoire, la grande cette fois, celle d’un Japon meurtri par les horreurs de la guerre. Les décombres encore fumantes d’Hiroshima et Nagasaki, loin de se disperser, surgissent, s’imposent. Leur cheval de Troie sera le lézard géant.
Jim SHEPARD transforme Le Maître des miniatures en chambre d’écho, jouant en permanence avec les rapports d’échelle, forçant le regard à alterner entre la vision resserrée de l’histoire individuelle et celle, plus large, universelle, d’un pays meurtri par la bombe atomique.
Avec aisance et fluidité, sans aucune emphase, privilégiant l’économie de moyens et le récit fragmentaire, l’auteur nous accroche et nous désarme en n’étant jamais tout à fait là où on l’attend.
Échos, imbrications, ellipses et fragments, SHEPARD, à la manière d’un miniaturiste, sait exactement quels traits fixer, quel décor faire apparaître pour évoquer et faire exister les parties invisibles. Avec une extrême concision, tout est présent, car tout est écho, reproduction en petit d’un ensemble plus grand. Au fur et à mesure de la lecture, les ponts se font de plus en plus rapides entre les trois niveaux d’échelle. Tout se fond, tout s’imbrique, car tout est lié.
Ni texte intimiste extrêmement sensible et subtil, ni document cinématographique abouti et référencé, ni réflexion solidement ancrée sur le nucléaire, Le Maître des miniatures est très certainement tout cela en même temps, et bien plus encore. »
Andreas