Collection Elen Fern
Parution Mai 2023
ISBN 978-2-88907-262-0
192 pages
Format: 125x175mm
Disponible

Elen Fern

Le Jour des silures

Collection Elen Fern
Parution Mai 2023
ISBN 978-2-88907-262-0
192 pages
Format: 125x175mm

Résumé

Dans un futur proche, la montée des eaux a eu lieu. Jeune présidente d’une ville pratiquement engloutie, Colombe croit à la décrue. Alors que la population se serre dans les derniers étages des immeubles et mène une vie nouvelle, communautaire, aquatique, Boris et Salömon, un duo de scaphandriers, plongent dans les rues à la recherche de vestiges et d’archives. Une mission qui n’est pas sans danger – surtout quand disparaissent les enfants et que rôdent les silures.

Auteur·ice

Elen Fern

Né-es entre 1982 et 1986, Matthieu Ruf, Aude Seigne, Anne-Sophie Subilia et Daniel Vuataz font partie d’une génération qui décloisonne les arts et les genres. Parallèlement à leur pratique individuelle, l’écriture collective les rassemble depuis plus de dix ans, d’abord au sein du collectif AJAR (Vivre près des tilleuls, Flammarion, 2016), puis autour des romans Stand-by (Zoé, 2018-2019), Terre-des-Fins (Zoé, 2022) et le Jour des silures (Zoé, 2023). Depuis 2024, ils écrivent ensemble sous le nom d’Elen Fern.

Dans les médias

« Aucun lieu n’est nommé. Mais on reconnaît ce losange ocre où se tenait le marché aux puces, cette colline où se dressaient jeux d’enfants et parc animalier, l’ancien lit du fleuve, la paroi creusée par les excavations dont l’éminence est flanquée d’un vestige de téléphérique… Et puis cette tour vitrée dans laquelle descendre pour contempler le monde sous-marin : immeubles incrustés de moules, bus sur le flanc au fond des rues englouties, tortue près d’un banc, poissons traversant les fenêtres ouvertes. Des visions lentes, oniriques, enchanteresses, où les immeubles parfois s’effondrent en silence. » Anne Pitteloud

« Le jour des silures, qui donne son titre au livre, est le jour où une alerte est lancée. Pendant une telle alerte, les habitants se rassemblent, participent à un récit-corail, psalmodient des chants propitiatoires.
Rien ne se passe comme Colombe l'aurait voulu. Les marginaux, les silures, les deux mercenaires, les derniers plans découverts jouent leur rôle, inattendu, dans l'épilogue conditionnel de l'histoire.
Car la condition d'une bonne fin n'est pas de s'obstiner à faire renaître la ville contre la nature, mais de la reconstruire avec elle, c'est-à-dire là où des îles, dans ce territoire d'eau, offrent des possibilités. » Francis Richard

« Le Jour des silures dépeint un univers transformé par la catastrophe. Une fiction qui nous invite à nous immerger dans un futur où l’effondrement ne marque pas la fin du monde. Plutôt son adaptation. Une projection catastrophiste néanmoins lumineuse. (…) Une écriture exigeante, génératrice d’une créativité foisonnante. » Noémie Desarzens

« Dans une Genève noyée sous les eaux, les rescapés squattent le haut des bâtiments immergés. Deux collègues scaphandriers font des plongées, se méfiant des silures qui, dit-on, emportent les enfants… Un captivant roman collectif d’anticipation empruntant à l’univers singulier de Sa Majesté des mouches. »

« Dans cette fiction d’anticipation, tous les sens des personnages, et par conséquent du lectorat, sont convoqués. Le monde du Jour des silures, autant que celui à réinventer, n’est pas que visuel, il est aussi sonore, odorant, tactile, gustatif… bref, organique. (…)

Une histoire intense et dense, qui laisse peu de place au répit. Ici nous ne sommes plus dans un sentiment d’urgence, mais dans l’urgence de faire, d’agir avec de nouvelles réalités et de nouer rapidement de nouvelles solidarités, sans aucun regret pour ce qui a été et n’est plus. Les silures seraient-ils en train de susurrer qu’il est temps de transformer, se transformer et être transformés ? »

Entretien de Daniel Vuataz et Matthieu Ruf, avec Céline O’Clin à écouter ici

« Penser demain ou comment les artistes façonnent nos imaginaires et pensent le monde de demain à l’heure de l’urgence climatique. Quel rôle jouent-ils ? Lanceurs d’alerte ou vecteurs d’espoir, RAMDAM part à la rencontre de ceux qui travaillent pour un futur commun. »

Une émission à regarder ici

« « Les romans d’anticipation sont assez catastrophistes, on a voulu montrer aussi qu’il peut y avoir un autre point de vue, qui consiste à créer des choses plutôt que de se prémunir contre ce qui peut arriver », relève Aude Seigne. Ancrés dans le présent, les enfants y arrivent mieux que les adultes. Mais que l’on ne s’attende pas à des bambins proprets, souriants, disciplinés; cette «poiscaille», qui a son propre langage, cristallisé autour d’un «on» organique, va expérimenter une forme de liberté radicale. Leur destin pose avec force la question de cet affranchissement des règles, et du prix de la survie. Le roman opère à ce titre un renversement de point de vue intéressant, avec des silures regardant des humains dans un « aquarium » – un immeuble aux hautes baies vitrées donnant désormais directement sur le monde aquatique et ses créatures.
Travaillée, l’écriture se fait tantôt rapide tantôt plus lente, avec des inflexions poétiques. Convoquant les sens, avec des passages très visuels, mais aussi un accent mis sur l’acoustique, notamment avec les acouphènes de l’un des personnages, le récit empoigne des questions dans l’air du temps sans prétendre donner des leçons pour aborder le futur. Il préfère chatouiller notre imaginaire. » Caroline Rieder

« Comment faut-il le lire, ce roman dystopique qui vous plonge, jeu de mots compris, dans le quotidien des survivants d'une subite montée des eaux ? Sans se poser de questions, en se laissant embarquer par son écriture nerveuse et ses dialogues ciselés, par ses personnages mus par l’espoir ou la résignation, comme on empoignerait un bon livre de science-fiction ? Faut-il vraiment se poser la question ? Il faut le lire, voilà tout. » Clément Grandjean

« Une montée des eaux transformant ce qui était peut-être Genève en cité aquatique. Une nouvelle manière d’y habiter, des anciens se souvenant de terres sèches, des plongées pour retrouver des objets dégoulinants de nostalgie. Imbibé d’un passé antédiluvien, le monde doit trouver comment vivre. »

Entretien avec les auteurs et autrices du Jour des silures, mené par Tamara Bongard à lire ici

« Le silure, poisson destructeur, remplace aisément le requin dans ce roman d’anticipation écrit à huit mains ! Daniel Vuataz, Aude Seigne, Matthieu Ruf et Anne-Sophie Subilia ont en effet combiné leurs talents pour souffler réalisme et fantastique à cette fable contemporaine plus crédible que futuriste. L’inondation des côtes due au réchauffement climatique noie des villes entières, libérant dans ses eaux troubles de «gros poissons» aux intentions sinistres… Plongez à la suite de courageux hommes-grenouilles qui traquent dans le dark water les prédateurs d’enfants! »

« Le jour des silures est un très original et contemplatif roman sur l’espoir, sur la faculté de créer une mémoire collective et d’édifier un nouveau monde malgré la perte et le deuil. II s’apparenterait davantage à une chronique du quotidien, presque à une ode mélancolique aux horizons de demain, qu’à une fiction d’aventures entièrement focalisée sur une incidence. Autre singularité de ce bref roman ? II est né du talent de quatre auteurs et autrices rodés à l’écriture collective, dans le cadre d’ateliers destinés à repenser l’urbanisme qui se sont tenus dans un quartier populaire de Genève. Le quatuor a réussi à échapper au carcan de l’expérimentation pour trouver la forme d’une remarquable œuvre poétique, au fil de laquelle la fin du monde devient, contre toute attente, un formidable vivier d’idées neuves et d’espérance. » Cédric Fabre

« Écrit à quatre mains par Matthieu Ruf, Aude Seigne, Anne-Sophie Subilia et Daniel Vuataz, cette dystopie qui semble bien se dérouler du côté de Genève (mais l’identité des territoires engloutis n’a finalement plus beaucoup d’importance…) explore avec finesse et subtilité l’un des innombrables scenarii catastrophes que nous promettent nos modes de vies contemporains.
Et pourtant… Si Le jour des silures et son épilogue cathartique n’était pas justement, grâce à l’intelligence décomplexée et transgressive des nouvelles générations, un puissant antidote à la perspective anxiogène de l’effondrement, une promesse assumée d’avenir et de liberté acquise au prix de remises en question impératives et sans concessions. » François Chevalier

« Le Jour des silures, et les silures eux-mêmes, ouvrent des perspectives étonnantes, passionnantes. Comment repenser l’organisation des villes menacées par les catastrophes ? Que peut nous apprendre le choc des générations ? Le monde tel que nous le connaissons est-il éternel ? Sommes-nous véritablement les maîtres et possesseurs de la nature ? Nos certitudes prennent l’eau, pour le meilleur. » Marie Céhère

Coups de cœur

« Dans un monde englouti (le nôtre), deux scaphandriers repêchent des reliques du passé, en prenant garde à ces silures, poissons gigantesques, qui dévoreraient les enfants… Fable écologique fascinante, écrite à 8 mains, qui questionne notre rapport à la nature, à l’histoire humaine, aux êtres vivants. Poétique, brillant ! »

« Dans une Genève submergée par les eaux, seuls quelques toits d'immeubles dépassent des flots. Deux scaphandriers chargés de visiter les fonds immergés. Des enfants sauvages ainsi que des bancs de silures régnant sur les profondeurs composent ce roman d'anticipation fascinant. »

« L’occasion de faire éclater les imaginaires et de nous questionner sur le réchauffement climatique et ses conséquences, la peur de l’oubli du passé et du futur, la solidarité ou encore la force du collectif. » Judicaëlle Pace

Droits vendus

Allemand
Acquéreur Kommode Verlag
Année 2024

Extrait

Les hautes eaux rugissent autour de la chaloupe quand ils coupent le moteur. Un vent brutal les accueille, assorti d’une pluie drue. Une boucle d’oreille jette des éclats dans la nuit. C’est Salömon. Le scaphandrier a empoigné deux lampes torches et tourne sur lui-même. Ça n’est d’aucune utilité : la lumière se reporte sur son propre visage à peau épaisse, sur ce front travaillé de rides que masquent à demi les frisettes grises.
— On verra mieux sans éclairage.
Voûté dans la minuscule cabine du bateau, Boris a haussé la voix pour couvrir les rafales. Salömon range les torches dans le coffre, tangue, s’assied sur une banquette et enfile sa deuxième chaussure, huit kilos de plomb. Entre leurs jambes, c’est un désordre de câbles, d’amarres, de filins et d’instruments de navigation. Les vagues s’écrasent contre le pare-battage. Salömon s’impatiente, il ajuste la pèlerine par-dessus la peau de bouc, plaque le bonnet rouge sur ses tempes. Accroché à la barre, le grand Boris s’énerve.
— Je reconnais rien, c’est pas possible.
Voir l’eau couvrir un nouveau territoire a d’habitude un effet grisant sur lui. Pas cette fois. La ville semble obscure à jamais. Là-bas ! Ce sont des toits d’immeubles qui émergent, archipels de formes géométriques rongées par le ressac. Et au loin plusieurs vrais îlots. En évaluant la distance qui les sépare, Boris en déduit qu’ils doivent être quelque part au-dessus de l’ancien centre-ville.
Salömon saisit le casque dans le casier. Boris renâcle.
— Tu vas vraiment descendre ? C’est la tempête !
— J’ai vu pire. Aucune raison de ne pas y aller.
— Inversons les rôles. Laisse-moi prendre le risque, je t’ai traîné ici, après tout.
— Boulonne-moi ! C’est le fond qui dira où nous sommes. Comme toujours.
Alors Boris boulonne. Du visage de Salömon ne reste visible qu’un cercle, grillagé. À l’intérieur du casque, c’est l’étrange silence, celui de nulle part ailleurs. Du moins, cela devrait. Depuis une remontée trop rapide, il y a quelques mois, un sifflement aigu est apparu dans l’oreille de Salömon. Cet acouphène lui pourrit la vie.
Hors de l’eau le casque pèse. Tout pèse. Salömon palpe une dernière fois la torsade des trois câbles – arrivée d’oxygène, fil d’acier, ligne radio –, repositionne sur les coussins d’épaules les deux médailles de plomb qui l’entraîneront vers le fond, fixe le couteau à sa ceinture. Tout est en ordre. Confiant son souffle à Boris, il descend l’échelle.