« Une voix, « proche de la confession », hésitante, parle d’un parcours nocturne et du « besoin de se mouvoir » après une longue immobilité. Dieudonné, dit Dodo, erre dans un cimetière où il trouve asile dans un caveau désaffecté où l’attendent une ardoise et une craie, de quoi meubler le « temps neuf » qui s’ouvre à lui.
Ce bref monologue a été créé en 1977 sur France Culture. La radio a été un important vecteur pour les auteurs du Nouveau Roman, et la pulsation de l’écriture de Robert Pinget se prête particulièrement à la confidence orale : on croit entendre sa voix ou celle de David Warrilow, qui l’a si bien servi. Plus tard, Le Chrysanthème a été publié en revue puis, en 1985, par les Editions de Minuit. A le lire avec le recul, éclairé par la belle préface de Matthieu Mégevand, ce court texte prend sa place dans l’œuvre de Pinget. Il y est question de ce « temps neuf », que partagent un instant Dieudonné et Théodore, unissant leurs solitudes. En 1991, comme en écho, paraîtra Théo ou le temps neuf, un merveilleux dialogue entre un vieil homme et un enfant. Dans Le Chrysanthème, Théodore, dit Théo, est un jeune homme venu apporter la fleur sur une tombe voisine. Il prend place dans un caveau proche et s’offre à Dieudonné « un peu comme son ardoise ». A la fin, l’ardoise est fracassée et, dans un paragraphe qui fait figure d’art poétique, il s’agit pour Dodo de « recomposer contre l’angoisse d’où qu’elle vienne ce rêve inoublié… pour finalement le laisser bien loin, vieux plafond chargé d’oiseaux et de fleurs dans le goût d’autrefois et progresser vers l’inaccessible… sans repères, sans ratures, sans notes d’aucune sorte, insaisissable mais là… auquel croire sous peine de ne jamais mourir ». » Isabelle Rüf