Domaine français
Parution Mai 2021
ISBN 978-2-88927-898-5
80 pages
Format: 140 x 210 mm
Disponible

Domaine français
Disponible

Agota Kristof

L’Analphabète

Domaine français
Parution Mai 2021
ISBN 978-2-88927-898-5
80 pages
Format: 140 x 210 mm

Résumé

Phrases courtes, mot juste, lucidité et humour : le monde d’Agota Kristof infuse dans L’Analphabète, son seul récit autobiographique, paru pour la première fois en 2004 : onze chapitres pour onze moments de sa vie, de la petite fille en Hongrie qui dévore les livres à l’écriture de ses romans. Les premières années heureuses, la pauvreté après la guerre, l’amour des mots, la rupture du « fil d’argent de l’enfance », puis l’adolescence, et finalement l’exil, qui ne la conduit pas seulement hors d’un pays, mais surtout hors d’une langue.

Première parution en 2004

Autrice

Agota Kristof

Agota Kristof fuit la Hongrie en 1956, par la forêt, à pied, son bébé dort dans les bras de son père, elle porte deux sacs, des langes dans l’un, des dictionnaires dans l’autre. Elle a 21 ans. Le hasard veut qu’elle s’installe en suisse, à Neuchâtel, où elle travaille d’abord dans une fabrique de montres. Elle y apprend le français et se met à écrire dans cette langue. En 1986, elle devient célèbre avec son premier roman, Le Grand Cahier. Deux livres suivent, La Preuve et Le Troisième Mensonge, formant une trilogie au succès international. Elle publie aussi Hier et C’est égal, et de nombreux textes pour le théâtre. Agota Kristof est décédée en juillet 2011.

Dans les médias

« Les phrases simples évoquent des choses complexes, profondes, c’est très riche. »

Une chronique de Simon Lanctôt à voir en entier ici

« En 1956, [Agota Kristof] a 21 ans et fuit la Hongrie, à pied, un bébé dans les bras. L’auteure du célébrissime Grand Cahier échoue en Suisse. Elle raconte à coups de phrases courtes l’accueil chaleureux (!), le travail en usine, la poésie qui la taraude. Elle apprend le français, qui deviendra sa langue d’écriture, et s’essaie à faire de l’exil un impossible mode de vie : « Cette langue, je ne l’ai pas choisie. Elle m’a été imposée par le sort, par le hasard, par les circonstances. Écrire en français, j’y suis obligée. C’est un défi. Le défi d’une analphabète. » Martine Laval

« L’arrivée en Suisse romande, l’apprentissage du français, la perte de la langue maternelle, le fait d’être devenue « analphabète » sont des épreuves. [Agota Kristof] écrit. « Comment devient-on écrivain ? Il faut tout d’abord écrire, naturellement. Ensuite, il faut continuer à écrire. Même quand cela n’intéresse personne. Même quand on a l’impression que cela n’intéressera jamais personne. » Elle raconte le succès immédiat du Grand Cahier en 1986 et ses 18 traductions. « Écrire en français, j’y suis obligée. C’est un défi. Le défi d’une analphabète. » » Lisbeth Koutchoumoff

« Agota Kristof ou L’Analphabète : une vie racontée en moins de soixante-cinq pages, une histoire qui dit l’exil, le dépouillement, la solitude, l’amertume, et de tout cela, parvient même à tirer des cocasseries ; une simplicité, traversée d’une grande mélancolie, d’une ironie féroce, parfois tendre, pour dire l'injustice, le désespoir ou la pudeur. (…) Dans ce court recueil, sous-titré récit autobiographique, Agota Kristof nous dessine en filigrane le paysage de sa ville natale, du pays tout entier dans ce chaos de frontières incertaines, de dictateurs étouffant la culture, de liberté supprimée. (…) L’Analphabète dit la perte de la langue première, l'effroi de se constater « analphabète » devant les nouveaux mots d'une nouvelle vie, l'épuisement du travail d'usine pour survivre, la nostalgie d'une autre vie qui aurait pu se dérouler « heureuse, peut-être » et puis, la foi en l’écriture. »

Un article de Corinne Amar à retrouver en entier ici

« Ce texte bref et lapidaire illustre à merveille la figure de l’oxymore : il est d’une admirable simplicité, d’une féconde sécheresse et d’une nécessiteuse richesse. Chaque mot est compté et chaque adjectif décompté. On a l’impression que le français l’oblige. Ici, une déracinée raconte son émigration dans une langue estrangère. (…) Elle commence à écrire en français à partir de 1970, d’abord du théâtre et puis « le Grand Cahier », qui lui vaut, en 1986, une reconnaissance internationale, mais ne la réconcilie pas pour autant avec sa langue d’adoption, celle de Voltaire, qu’elle abandonnera avant de mourir. Il suffit pourtant de lire « l’Analphabète » pour admirer l’art brut avec lequel cette Hongroise déracinée la sert et l’ennoblit. Et jamais, alors que s’amplifie la tragique circumnavigation des migrants, il n’a été plus actuel. » Jérôme Garcin

« Elle raconte son histoire d’exil, cette bagarre avec la langue en 80 pages seulement. Mais avec une économie de moyens et une force incroyables. On reste subjugué devant cette volonté d’écrire malgré tout. Devant cette ironie, cette simplicité, ce désir d’aller tout droit à l’essentiel. Domptant le français avec les fouets nécessaires, Agota Kristof a donné au monde Le grand cahier, La preuve et Le troisième mensonge. Mais elle ajoute : « Ce dont je suis sûre, c’est que j’aurais écrit, n’importe où, dans n’importe quelle langue. » » Jean-Claude Vantroyen

 « « Je connais les mots. Quand je les lis, je ne les reconnais pas. Les lettres ne correspondent à rien. Le hongrois est une langue phonétique, le français, c’est tout le contraire. » La voilà analphabète mais décidée à écrire, quand son travail à l’usine lui en laisse le temps. Un récit lapidaire et pudique, dans le style économe si caractéristique d’Agota Kristof. » Bernard Quiriny

« Récit aussi cinglant que touchant, L’Analphabète trouble et touche au cœur par son dénuement implacable, marque de fabrique de l’écrivaine, elle qui travaille l’écriture comme on relève un défi ou comme on livre bataille. Avec pour seules armes quelques dictionnaires et un farouche désir de raconter l’innommable, c’est « écris ou crève » chez Agota Kristof l’impitoyable, pas de quartier surtout pas avec elle-même. Phrases sèches et épluchées, rythme soutenu et inaltérable, clairvoyance et authenticité. Les pleurnicheries, elle ne connaît pas ; les apitoiements qu’imposerait le genre autobiographique, non plus. L’écrivaine révèle sa volonté et sa modestie, son acharnement et son humilité. Elle dit sa foi inébranlable en la littérature, son obsession des mots, ceux de tous les jours, ceux qui ne paient pas de mine mais peuvent faire vaciller l’entendement.

L’Analphabète creuse les méandres sanglants du XXe siècle et résonne de façon fulgurante aujourd’hui. » Martine Laval

« Disparue il y a dix ans, Agota Kristof était l’une des voix puissantes de la littérature d’expression française. Langue pourtant considérée en ennemie, qu’elle affrontera jusqu’à son inoubliable  »trilogie des jumeaux« . Une bagarre avec le langage qu’Agota Kristof a mis en scène dans L’Analphabète, un récit aujourd’hui réédité, dont l’épure ni la brièveté ne cèdent à la profondeur. (…) Son art poétique est un art du combat, teinté ici d’une tenace mélancolie.  » Thierry Raboud

« En 11 chapitres, l’auteure du Grand cahier, disparue en 2011, raconte son enfance, sa jeunesse en internat, son exil en Suisse en 1956 et son entrée en littérature francophone par le biais d’une nouvelle langue, « ennemie » (…). Ce réapprentissage transparaît dans son style, d’une économie de moyens et d’effets proches de la sécheresse, nourrissant paradoxalement la force de ce texte dont la puissance n’est en rien altérée par ses dimensions modestes. Une nouvelle édition bien méritée pour ce livre paru originellement en 2004. » Blaise Guignard

« De cet irrésistible enchaînement de l’ordinaire naît un récit qui, pourtant, finit par faire entendre une voix singulière. Dans sa pauvreté outrée, la langue suggère un état d’âme. Il a les accents douloureux du manque à soi-même, résultat aigu d’un exil à jamais regretté. » Marianne Meunier

« Cette chronique sincère, où Agota Kristof approche vraiment la réalité, la vérité de ses souvenirs, révèle, depuis l'enfance, l'entier chemin de sa vocation d'écrivaine. » Xavier Houssin

« Les onze brefs chapitres de L’Analphabète nous offrent des phrases finement ciselées, des mots justes, de la lucidité, de l’humour et de l’amour. Il s’agit de l’unique texte autobiographique d’Agota Kristof. »

Un article de Paul-François Sylvestre à lire en entier ici

Coups de cœur

« Peu de mots mais un texte fort pour dire l'amour de la lecture, la naissance à l'écriture, le dévouement et l'appropriation d'une langue. Une jolie autobiographie par l'auteure du Grand Cahier. »

« L'Analphabète d'Agota Kristof est un récit autobiographique aussi court que fulgurant. En onze chapitres, cette immense autrice capte l’essence de sa vie, où les personnages principaux sont, outre sa famille, la lecture, l’écriture, la Hongrie et l’exil. Un bijou. »

« Un texte au cordeau comme toujours chez Agota Kristof qui évoque l'exil de la langue autant que l'exil de Hongrie. Un beau livre, court mais fort. »
Evelyne Levallois

« Un livre indispensable. Optimiste, poignant !! »

« Une heure à le lire, une vie à y penser ! Un écrit d'une simplicité absolue mais quelle force au final ! Agota Kristof témoigne ici de sa vie d'immigrée, d'autrice, de mère avec une telle lucidité et une telle honnêteté que ça vous retourne comme une crêpe, vous secoue dans vos certitudes comme si peu de textes savent le faire… »

« En onze chapitres, tout est dit sur l'exil: la solitude, la souffrance, les complexes…C'est d'une infinie justesse, un récit incroyable ! »

« Agota Kristof est née en Hongrie, pays qu'elle quitte à l'âge de 21 ans pour la Suisse où elle écrira dans sa langue d'adoption: le français. L'Analphabète est son récit autobiographique, celui où elle questionne la  »langue ennemie« , celle qu'elle peine à maîtriser, celle qui détruit son souvenir de sa langue maternelle. Dix ans après sa mort, son style précis et tranchant est à (re)découvrir absolument grâce à cette nouvelle édition. »

Droits vendus

Anglais
Acquéreur New Directions
Année 2022

Danois
Acquéreur Gutkind Forlag
Année 2021

Hébreu
Acquéreur Nive Lives presse
Année 2021

Portugais
Acquéreur Editora Nos
Année 2020

Serbe
Acquéreur Futura Publikacije
Année 2020

Catalan
Acquéreur Ara Libres
Année 2019

Mongol
Acquéreur Zokhist Dorno
Année 2019

Suédois
Acquéreur Wahlström & Widstrand
Année 2018

Chinois
Acquéreur Horizon Books
Année 2017

Coréen
Acquéreur Hankyoreh Publishing Cie
Année 2017

Espagnol
Acquéreur Ediciones Alpha Decay
Année 2014

Japonais
Acquéreur Hakusui Sha
Année 2014

Allemand
Acquéreur Piper Verlag
Année 2014

Arabe
Acquéreur El Karem
Année 2013

Slovène
Acquéreur Modrijan Publisher
Année 2013

Anglais
Acquéreur CB Editions
Année 2013

Lituanien
Acquéreur Zara Publisher
Année 2012

Géorgien
Acquéreur Nectar Publishing
Année 2008

Grec
Acquéreur Ekdoseis Agra
Année 2008

Hongrois
Acquéreur Palatinus
Année 2007

Chinois
Acquéreur W & K Publishing Co
Année 2006

Géorgien
Acquéreur Siesta, Bakur Sulakauri Publishing
Année 2006

Espagnol
Acquéreur Ediciones Obelisco
Année 2006

Néerlandais
Acquéreur Van Gennep
Année 2006

Allemand
Acquéreur Amman Verlag
Année 2005

Catalan
Acquéreur Laertes
Année 2005

Chinois
Acquéreur Wisdombooks
Année 2005

Polonais
Acquéreur Noir sur Blanc
Année 2004

Extrait

Je lis. C’est comme une maladie. Je lis tout ce qui me tombe sous la main, sous les yeux : journaux, livres d’école, affiches, bouts de papier trouvés dans la rue, recettes de cuisine, livres d’enfant. Tout ce qui est imprimé.

J’ai quatre ans. La guerre vient de commencer.

Nous habitons à cette époque un petit village qui n’a pas de gare, ni l’électricité, ni l’eau courante, ni le téléphone.

Mon père est le seul instituteur du village. Il enseigne à tous les degrés, du premier au sixième. Dans la même salle. L’école n’est sépa­rée de notre maison que par la cour de récréation, et ses fenêtres donnent sur le jardin potager de ma mère. Quand je grimpe à la dernière fenêtre de la grande salle, je vois toute la classe, avec mon père devant, debout, écrivant au tableau noir.

La salle de mon père sent la craie, l’encre, le papier, le calme, le silence, la neige, même en été.

La grande cuisine de ma mère sent la bête tuée, la viande bouillie, le lait, la confiture, le pain, le linge mouillé, le pipi du bébé, l’agitation, le bruit, la chaleur de l’été, même en hiver.

Quand le temps ne nous permet pas de jouer dehors, quand le bébé crie plus fort que d’habitude, quand mon frère et moi faisons trop de bruit et trop de dégâts dans la cuisine, notre mère nous envoie chez notre père pour une « punition ».

Nous sortons de la maison. Mon frère s’arrête devant le hangar où on range le bois de chauffage :

– Je préfère rester ici. Je vais couper du petit bois.

– Oui. Mère sera contente.

Je traverse la cour, j’entre dans la grande salle, je m’arrête près de la porte, je baisse les yeux. Mon père dit :

– Approche.

J’approche. Je lui dis dans l’oreille :

– Punie… Ma mère…

– Rien d’autre ?

Il me demande « rien d’autre ? », parce que parfois il y a un billet de ma mère que je dois donner sans rien dire, ou bien il y a un mot à pro­noncer : « médecin », « urgence », et parfois seule­ment un chiffre : 38 ou 40. Tout ça à cause du bébé qui a tout le temps des maladies d’enfance.

Je dis à mon père :

– Non. Rien d’autre.

Il me donne un livre avec des images :

– Va t’asseoir.

Je vais au fond de la classe, là où il y a toujours des places vides derrière les plus grands.

C’est ainsi que, très jeune, sans m’en aperce­voir et tout à fait par hasard, j’attrape la maladie inguérissable de la lecture.

Quand nous allons rendre visite aux parents de ma mère, qui habitent dans une ville proche, dans une maison avec de la lumière et de l’eau, mon grand-père me prend par la main, et nous faisons ensemble le tour du voisinage.

Grand-père sort un journal de la grande poche de sa redingote et dit aux voisins :

– Regardez ! Écoutez !

Et à moi :

– Lis.

Et je lis. Couramment, sans faute, aussi vite qu’on me le demande.

Mise à part cette fierté grand-parentale, ma maladie de la lecture m’apportera plutôt des reproches et du mépris :

« Elle ne fait rien. Elle lit tout le temps. »

« Elle ne sait rien faire d’autre. »

« C’est l’occupation la plus inactive qui soit. »

« C’est de la paresse. »

Et, surtout : « Elle lit au lieu de… »

Au lieu de quoi ?

« Il y a tant de choses plus utiles, n’est-ce pas ? »

Encore maintenant, le matin, quand la maison se vide et que tous mes voisins partent au travail, j’ai un peu mauvaise conscience de m’installer à la table de la cuisine pour lire les journaux pen­dant des heures, au lieu de… de faire le ménage, ou de laver la vaisselle d’hier soir, d’aller faire les courses, de laver et de repasser le linge, de faire de la confiture ou des gâteaux…

Et, surtout, surtout ! Au lieu d’écrire.

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