« Dambudzo Marechera nous enfonce jusqu’aux genoux dans la boue, le sang, le sperme, les excréments, les immondices, nous plonge dans un enfer de sensations et d’émotions tout en faisant preuve d’une inventivité verbale, d’une richesse d’images et de métaphores époustouflantes. Dont cette « maison de la faim » du titre, qui traverse tout le récit. Il est question de la faim réelle, celle qui fait pleurer les enfants, qui rend fou, mais aussi de la faim d’amour, de sexe, de savoir, de reconnaissance. Et encore de cette grande maison qu’est le pays, qui englobe les cahutes délabrées du ghetto et les beaux quartiers, et de celle qu’est finalement la vie humaine.
Méditation éclatée, fragmentée, rageuse et provocatrice, La Maison de la faim ne se laisse pas approcher sans mordre : «On est tous à avoir des tas de projets dans un océan de merde. Partout on avance dans des nuées de mouches, des mouches qui mangent nos morts. Il y a des armées de vers qui se glissent dans notre histoire. Des escadrons de moustiques qui se dirigent vers le berceau de notre futur.»
Nulle place, nulle part, pour ce jeune Noir famélique et trop intelligent que ses proches traitent d’intello, ses profs d’arrogant, alors que les policiers ne lui parlent qu’à coups de matraque. De retour dans son pays, Dambudzo Marechera meurt à 35 ans du sida, en laissant une œuvre éternellement incandescente. » Isabelle Carceles