En littérature, le progrès est là qui tient l’aiguillon, qui pique, presse, talonne, et vous voyez les moutons se ruer sur les moutons. En huit jours le drame monte sur le drame, en vingt-quatre heures le roman enfonce le roman. Tu as fait du laid, je vais faire de l’affreux; tu as fait de l’affreux, je vais faire du monstrueux; tu as fait du monstrueux, je vais… plus rien ; voici le fond du sac, il faut rebrousser ; comme c’est agréable pour le bourgeois qu’on a mené perdre !…
En industrie, le progrès tout aussi fiévreux, tout aussi hâtif, encore plus importun. Il ne laisse rien en place, balaie tout devant lui ; il creuse, mine, plâtre, bouleverse, canalise ; il fait des campagnes une officine, des chemins une machine à wagons, des hommes, des charbonniers ou des actionnaires, un tas de drôles véhiculants, voulant véhiculer, ne demandant qu’à véhiculer, qui vous véhiculeront ; n’en doutez pas. Et je ne veux pas, moi, qu’on me véhicule ; je ne veux pas !… Et voilà pourtant que j’entre dans le wagon, que je m’assieds sur la chaudière; car j’aime mieux être dans la machine, que broyé par elle. Aussi, le dimanche, nos boutiques fermées, nous allons en carriole, et c’est volupté. Le cocher arrête au commandement ; la bête boit aux fontaines, et nous au bouchon. Notre chaudière, c’est le pot au feu ; notre vapeur, c’est l’avoine. Cocotte prend deux picotins, nous un verre de trop ; et fouette, cocher. Si l’on verse dans le fossé, eh bien ! la carriole attend, la bête aussi, et tout vient à point. Il n’y a point là de piston qui s’impatiente, point de chaudière qui vous lance bouilli aux nuages, point de wagon qui vous vienne dessus comme un gros stupide qu’il est.