» V. de Senarclens raconte l’histoire mouvementée de la bibliothèque de sa belle-famille, dont il ne subsiste qu’un meuble à 16 tiroirs et son catalogue à fiches. Avec l’aisance d’une historienne dix-huitièmiste et d’une romancière à suspense, l’autrice navigue des Lumières jusqu’à la 2e guerre mondiale pour évoquer la trajectoire de ces 16000 ouvrages, dispersés entre Poméranie occidentale, Allemagne et Russie. Au cœur de ce projet monumental qui rassemble dictionnaires, gravures, portraits, cartes topographiques, le livre de fleurs de Maria Sibylla Merian de 1675, ouvrages interdits, libertins, contes et bibles : un personnage fondateur, Friedrich Wilhelm von der Osten, chambellan du roi de Prusse Frédéric II. Et au milieu, certains ouvrages de notre bien-aimé Voltaire. Ce livre a ceci de remarquable qu’il n’a rien d’académique et c’est avec un regard fin, intimiste et à la portée de tous que l’autrice nous plonge dans une enquête aux allures de grande fresque familiale. J’ai un coup de cœur pour le chapitre sur la création de cette extraordinaire bibliothèque et le fait que l’autrice y aborde les doutes qui président au travail de l’historienne : « Pourquoi créer une bibliothèque au milieu de la Poméranie au 18e siècle ? … Que voulait son fondateur ? S’assurer une forme d’autonomie, reclus dans sa lointaine campagne ? Impressionner ses pairs avec des manuscrits clandestins circulant dans toute l’Europe éclairée ? Se mettre en scène ?…» Quant au sauvetage des livres face à l’avancée de l’Armée rouge en 1945, il est éloquent, dramatique.
En associant un scénario proche de l’enquête au travail méticuleux de l’historienne, V. de Senarclens m’a captivée de bout en bout, comme son choix d’évoquer les femmes du passé et, entre autres, ce que nous aurions fait : Aurions-nous été des taiseux ou des résistants dans l’ombre face à la barbarie nazie? Comment vivre la culpabilité du côté des perdants?
Elle nous invite à une humble réflexion sans poser, à aucun moment, de jugement hâtif ou définitif sur ce qui a été.
Avis à tous, ce livre a matière à beaucoup plaire! » Maud Scelo