Qu’y a-t-il de commun entre un Paris Match relatant l’histoire sentimentale et vaine du roi Edouard VIII et de sa bergère, la lecture des oeuvres de Kant et un séjour à Trubschachen à la fin de l’année ? Ce récit de voyage, précisément, qui nous entraîne dans un village morne et cossu de l’Emmental.
Le voyageur organise son périple dans les règles de l’art : horaire minutieux, connaissances de quelques précisions géographiques et climatiques élémentaires, une valise sagement pensée, des lectures sûres. Mais c’est seul qu’il part séjourner à l’auberge du Cerf pendant les fêtes de fin d’année ; lui reste, devant son pichet et ses röstis, à rêver aux longs soupers de Kant, la conversation animée, les chandelles et les femmes séduisantes. Il choisit les jours les plus courts de l’année où partout règnent le froid et l’humidité pour découvrir une vallée encaissée et fermée. Il est un promeneur à pied en saison de neige ; son lit et son duvet sont ses seuls alliés.
Ce récit de voyage à contretemps, construit sur le mode hypnotique, impersonnel et ironique comme pour tenir les déplacements à distance et en souligner l’inutilité, réunit tous les éléments qui rendent les voyages absurdes et laissent les voyageurs abandonnés à leurs propres hantises, leur insignifiance foncière, leur imagination de la mort et du néant.